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Razzia – ( Susanne Derève) –


Manual of the Mustard Seed Garden. China, between 1679 and 1818. Photo by Maria Govtvan

Quelle invisible mandibule a tissé sous l’ombrage ces poinçons de lumière aux feuilles des tilleuls ? Dépouillé le lys blanc qui tremble, nu, au vent ? Qui des cerises, en maraudeur, ne m’a laissé que les noyaux ?   Ô  sphinx, criocère, étourneau !


Reiner Kunze – le tilleul



Le tilleul

Nous l’avons planté
de nos mains

Maintenant nous renversons
la tête
et déchiffrons sur lui
ce que tout au plus
il nous reste de temps

Comme s’il avait un pressentiment, il emplit
pour nous le ciel de fleurs.

——

Die Linde

Wir pflanzen sie
mit eigener hand

Nun legen
den kopf wir in den nacken
und lesen ab an ihr,
was uns, wenn’s hoch kommt,
bleibt an zeit

Als ahne sie’s, füllt sie
den himmel uns mit blüten

Reiner Kunze, Nuit des tilleuls, traduction de Mireille Gansel & Gwenn Darras, 


Ce que n’ont pas vu les oiseaux …SD+RC


Entre tilleul et cerisier,
J’ouvre une parenthèse:
mains, peau, émois, éveil, ….

Quelques éclats de soleil
nous caressent à notre insu.

Ce que les oiseaux ont vu,
je ne le dirai pas…

Dirai-je ce qu’ils n’ont pas vu :
la valse tendre de nos doigts
dans l’ombre du feuillage,
les étoffes froissées,

dansant,
ton corps léger , flottant dans l’air,
sous la lumière complice,
baignant le couvert de petites parcelles d’or
que tu n’as pas saisies.

C’est qu’ils n’ont pas surpris
la douce chanson du désir…

L’été s’est installé
dans un soupir…

SD-RC août 2020


Cathy Garcia – Sol y tierra


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le vent
entre chien et loup
la lune cachée
dans le haut tilleul
la douceur
léger frisson
imperceptible
sortilège

les démons de gouttières
miment le combat
quatre ombres
apparaissent
disparaissent
froissent les herbes

le val de mes seins
invite à la balade
et ma pensée va à l’homme.

mais dieu siffle mon âme
comme on siffle un chien

et mon âme danse
une joie
soûle d’espace
solitaire

sol y tierra

et le vent aussi
et le vent.


Guillevic – Recette


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Peinture:           Ch Soutine:  rue  à Cagnes

 

 

 

Prenez un toit de vieilles tuiles
un peu avant midi.

Placez tout à côté
un tilleul déjà grand
remué par le vent.

Mettez au-dessus d’eux
un ciel de bleu, lavé
par des nuages blancs.

Laissez-les faire.
Regardez-les.

 

Guillevic (extrait de « Avec » – éditions Gallimard, 196


Marina Tsvetaieva – Ma maison


PLASHOU2

Ma maison

Sous ses sourcils froncés,

Maison de ma jeunesse,

Comme si j’y étais retournée :

Bonjour, voilà, c’est moi !

Si reconnue, si familière

Sous son manteau de lierre,

Cachant son front, comme gênée

D’être si grande et fière,

[…]

Des yeux sans chaleur

Loin du bruit de la rue,

Des fenêtres le verre

Sans reflet. Toutes nues,

Contemplant un jardin

Depuis cent ans désert,

Sans connaître personne

Et sans voir les passants !

Cachée dans les tilleuls,

Survivance et puissance,

Antique et digne aïeule,

Photo perdue d’enfance,

Négatif de mon âme !

(Vanves, 1932   –  du recueil  » inédits  de Vanves  »  ).


Venise déserte en sa nuit tiède ( RC )


photo HDR: Daniel Laurentin Adam

 

D’anciennes façades  décrépies,       sont comme  tachées,
Une végétation touffue croise ses bras verts pour cacher
Une grille que nul ,      depuis longtemps, n’a fréquentée,
Scellée par la rouille,  –      et dont personne n’a la clef

La fontaine est muette,  l’eau ne chante plus sous le tilleul,
La vasque est presque remplie  de feuilles  en deuil,
Et de papiers, qui se soulèvent  avec le vent
La place,  désertée par l’été et les gens

On ne comprend pas où mènent ces escaliers
Qui s’élancent, puis, s’arrêtent par paliers
Vers une  tour          en partie détruite
Et que plus personne  n’habite

La nuit  est tombée, accompagnée par la lune
L’humidité  s’étale,  de la proche lagune
Le satellite, se double  d’un halo
Qui se mire dans les  flots

Du canal, aux reflets de vagues molles
Venant lécher de noires gondoles
Echouées, là,  de biais, elles ont perdu leur emphase
Embarcations envahies par la vase…

De pâles lueurs tremblotent derrière les vitraux  de l’église
Dans ce quartier un peu à l’écart,                     de Venise,
De briques  et de marbres, les palais ont les pieds  fourbus
Les murs qui s’écaillent, disent un prestige  déchu.

La madone  sculptée, au nez rongé, est toujours dans sa niche
Une fenêtre bouchée effeuille             d’anciennes  affiches
Indiquant des saisons passées les fêtes  du Grand canal
Paillettes,   danses          et masques  du carnaval…

Tout est silence à part une gerbe  d’étincelles….
>    D’une  radio lointaine,  parvient une  tarentelle,
Et la brise déplace doucement ses voiles,
Dans un ciel de velours piqueté  d’étoiles.

Où se traînent paresseusement quelques nuages
Dont le zodiaque ne prend pas ombrage
Même pas  le verseau et Ganymède
–   Toujours brillants  dans la nuit tiède.

RC – 7 juillet 2012

photo             Olimpo


Les mots d’oiseaux – paroles closes ( RC )


peinture: Cy Twombly – wilder shore of love 1985

Les mots  d’oiseaux en ce monde

Ne jouent  qu’avec ton regard

Si trouble  sous la pluie

Qui nous retire les mots.

 

Sous le grand tilleul,

S’étire l’ombre autour de tes doigts

Et sur ma bouche, tes doigts encore

Font qu’il n’est pas besoin de paroles

 

Mais de gestes révélés par le silence

Plus de cris, plus d’impatiences

Mais un monde partagé

Où les  « nons  »         des oiseaux

 

Seront peut-être les nôtres,

Sans le sang de cassis, et ta bouche autour

Aux fruits délivrant les paroles prisonnières

Et toujours en silence.

 

RC – 11 juillet 2012