Le baiser de la femme araignée – ( RC )

C’est une femme aux mille ressources,
qui vit au sein de la peinture,
sous les couches de couleur…
Nous prend-elle dans sa toile,
nous enrobant de caresses drues,
où virevoltent les pinceaux ?
De la plage, la sérénité
des jours d’été semble s’éloigner.
Nous serons à notre tour
ce corps fragmenté
se débattant sous les vernis
et les baisers
de la femme araignée…
( réponse à un écrit de Louba Astoria sur Wilhem DeKooning )
Jeux du songe – ( RC )

( variation – réponse sur un texte d’Andrée Chédid )
Les jeux du songe
sont transparents
au flux du présent.
Les remous du cœur
me plongent
dans la toile de la vie
où passe l’empreinte de l’ange
quand nos ombres
lentement se mélangent
comme deux âmes sœurs.
-RC-
Je navigue
Sur les jeux du songe
Sur le flux du présent
Sur l’élan de l’âme
Sur les remous du cœur
D’instant en instant
Au rythme du temps qui nous modèle
Nos ombres se démènent
Sur la toile de vie.
( Andrée Chedid )
Le ruban noir – ( RC )

J’ai vu cette main en gros plan,
posée sur un membre,
ou un corps souple .
Peut-être était-ce celui d’un autre
plutôt que celui de la personne
à qui appartient la main.
Rien ne l’indique .
Ou peut-être une petite différence
de pigmentation de la peau :
Les doigts sont face à nous .
La main repose, légère,
abandonnée.
Lassitude, tendresse ?
Elle s’enfonce apparemment
dans la peau, souple, accueillante.
Mais les ombres sont pourtant assez marquées :
elles tirent sur le mauve.
Ce qui surprend ,
c’est aussi l’ombre portée du bras
sur l’arrière plan,
placé précisément sur l’axe diagonal du tableau ;
comme si celui-ci était plaqué
sur la surface d’un mur,
donc n’ayant pas l’espace nécessaire
pour qu’il puisse se poser
sans faire une contorsion.
C’est une main féminine,
et le torse, horizontal,
si ç’en est un,
montre un petit grain de beauté
au niveau du pouce :
cela fait un ensemble empreint de douceur,
mais l’arrangement de l’ensemble
ne semble pas tout à fait naturel :
la position rappelle un peu
celle de la main de l’Olympia, de Manet.
Le titre attire notre attention
sur un ruban noir étroit,
noué au niveau du poignet.
C’est un détail,
qui réhausse le côté un peu blafard de la chair;
et on se demande s’il y a un sens particulier,
donné par sa présence:
s’il était placé plus haut,
ou ailleurs,
plus épais, d’une teinte différente.
Si le nœud n’était pas si apparent…,
et s’il n’y avait rien du tout,
seulement son empreinte ?
Comme un ruban du même type
est aussi présent dans l’Olympia,
mais autour du cou, et noir également
c’est une similitude,
comme l’oblique du bras,
qui n’est peut-être pas fortuite ,
et on s’attendrait sur d’autres toiles,
à des rapprochements similaires…
–
Le peintre oublie les étoiles – (Susanne Derève)

.
Ce n’est pas la nuit
Ce n’est que la profondeur du temps
à grands coups de pinceaux sur la toile
Le peintre oublie les étoiles
et puis il les ajoute une à une
patiemment
On craint un grand chambardement
mais ce n’est qu’un peu de blanc titane
d’ocre ou de rouge magenta
qui reste collé sur les doigts
Sabine Péglion – tu ne répares pas ( fin )
peinture Alberto Burri
Le pinceau ne peut couvrir la toile déchirée
Ici l’écorce laisse apparaître l’aubier
Tu ne répares pas
Tu étales sur des fils suspendus la détresse
du vent et les nuages roulent s’enroulent
en emportant l’instant
Noirs les pigments à l’amer du temps
inscrivent une entaille Fragments de lave
arrachés au volcan d’une douleur lointaine
broyée gravée pulvérisée L’incandescence
du geste n’en comble pas la faille
Tu ne répares pas
un cœur au bord de la rupture Battements
sourds des regrets aux parois de ses veines
Cicatrice du jour au givre de la pierre
Tu ne répares pas
Tu déploies d’un seul geste l’écharpe bleue du ciel
à sa gorge nouée
Tu insères dans la pierre
la lumière saisie Sur la trame des mots usés
tu recueilles les couleurs
Un chant s’élève
à la cime de l’arbre Une fenêtre s’ouvre
Le givre t’aspire en un éblouissement
Tu t’avances lentement à l’enfance du monde
Guy Goffette – Goya
Gravure F de GOYA
–
La nuit peut bien fermer la mer
dans les miroirs : les fêtes sont finies
le sang seul continue de mûrir
dans l’ombre qui arrondit la terre
comme ce grain de raisin noir
oublié dans la chambre de l’œil
qu’un aigle déchirant la toile enfonce
dans la gorge du temps.
Une vénus derrière le balcon – ( RC )
Madame, vous restez entière,
je n’ai rien volé dans votre appartement
et vôtre âme vous appartient..
Vous étiez ce long corps nu de faux gisant,
et votre lingerie était en tas sur la table.
Vérifiez… je n’ai rien pris:
pas une main, pas un sein ( je n’en aurais pas l’usage).
Pourtant vous m’épiiez depuis longtemps
derrière votre balcon,
et vous savez que mon regard vous peint.
Au contraire, j’ai rajouté sur la toile
une tenture, un voilage.
Puis ce vase avec ces fleurs mauves
qui semblent un rien vénéneuses
mais ne faneront pas.
La nuit aura beau vous caresser,
vous resterez pour l’éternité
telle que vous étiez
parcourue d’un rayon de lune
se lovant sur vos hanches.
RC
Tubes, couleurs, palettes, tableaux – ( RC )
On n’imagine pas
comment les familles de pâtes
prisonnières
libèrent leurs couleurs
sur les palettes :
– arcs-en-ciel bousculés ,
petits tortillons calmes,
dans l’attente de la toile
où grésillent déjà des ocres
et les rouges.
On n’imagine pas non plus,
comment ces mêmes couleurs,
extraites des tubes,
– à la manière des bernard-l’hermite
sortant la tête de leur abri – ,
vont tout à coup envahir
les zones encore vierges ,
lutter contre d’autres,
ou s’y fondre
en chatoiements discrets.
C’est que chaque peintre
a son regard,
que la lumière provoque,
et bouscule .
De palettes identiques ,
la douceur des pinceaux,
la fureur des brosses
laissent des empreintes
chaque fois différentes
organisées en accords vibrants .
Tubes alignés dans l’attente,
les flacons de vernis sont en transe,
encore immobiles,
mais constatent que le peintre
les allient à l’ivresse des songes
ourlés d’essence de térébenthine ,
en couches opaques ou translucides.
Le tableau en est l’écran
où se concrétise sa vision
( et du même coup, la nôtre ).
–
RC – juin 2019
Il y avait , sur le dessin – ( RC )
Brooklyn Street-art
–
Il y avait sur le dessin
des ombres, mais aussi des couleurs
qui sont venues habiller le mur.
A travers les grilles,
je le voyais
avec ses fleurs blanches et pourpres,
mais aussi le ciel plombé
d’un proche orage,
Il faisait ce contraste au bonheur
et aussi le mettait en valeur .
Il y avait ,
—– ( car un jour de colère,
quand le cœur se déchire,
j’ai voulu effacer les clématites
avec un chiffon et de l’essence ).
Quand le regard s’y pose,
on voit que tout a dégouliné :
Ce n’était pourtant pas suite à l’averse :
tout n’est pas complètement gommé:
je ne repars pas d’une toile vierge :
on devine bien des choses,
malgré le repentir
on y voit des restes de bonheur
que je n’ai pas pu
( ou pas voulu )
complètement effacer …
RC – août 2018
Guy Goffette – Famine
Certains dimanches d’été, le ciel descend sur terre et tire au cordeau des routes pour les familles sans auto, les chevaux sans maître, les filles gommées des calepins.Sans bouger, chacun voyage à son rythme dans un pays rendu d’avance, jusqu’à ce que, le soir tombant, il faille se lever, rentrer le banc qui fraîchit, passer la barrière, le seuil, le jeu des ombres, son propre corps et retrouver enfin son visage dans la glace comme cette toile depuis des siècles dans la chambre du peintre.
Le comptable a fermé le dernier guichet tiré la grille et peut-être un instant pensé à devenir voleur, à céder au poids de la clé brûlante dans la poche tandis que le soleil aux plis de sa nuque verse la rouille des jours perdus à supputer la chance d’une fenêtre dans ces visages minés à contre-jour par la pioche infatigable du temps
Les villages de schiste sombre et froid laissent courir aussi des filles aux lèvres peintes et souvent le poing des vieux laboureurs s’écrase sur la table de l’unique bistrot élargissant d’un coup l’espace de l’attente où la lumière se rassemble, frileuse et comme prise au piège d’une lampe
mais il est midi à peine et dans la rue un chat guette une proie que personne ne voit
Derrière la haie le poste à transistors susurre le cauchemar de l’Histoire tandis que l’homme au bras huileux fend à la hache un bois récalcitrant dont le sang atteint le ciel au menton comme s’il voulait porter à notre place la croix alourdie du présent
La maison à veilleuse rouge dans l’impasse tu attendais de grandir, le cœur et les doigts tachés d’encre pour y chercher des roses
A présent qu’une route à quatre bandes la traverse tu es entré toi aussi sans savoir dans la file qui fait reculer l’horizon où cet enfant t’appelle qui n’a pas pu grandir portant jour après jour en ses mains sombres le bouquet rouge au fond du ciel que tu n’as pas cueilli
Comme le visage à vif du boxeur aveugle après la troisième chute tu n’entends plus les coups mais ton cœur entre ciel et terre qui répète sans se tromper le nombre exact
Le soir qui tombe sur tes épaules enfonce les clous un peu plus bas
Minée par quelle mer la ville puisque les taupes n’y harcèlent pas le printemps sans racines
Peut-être est-il venu le temps de croire que Jonas est vraiment sorti de la baleine et que c’est lui ce vide au carrefour que tous rejettent en accélérant
Les yeux jaunes des voitures le soir tu les voyais déjà, enfant détourer le pied des immeubles et tu faisais pareil à table avec la mer et les ciseaux dorés ajustant patiemment sous la lampe l’image à sa légende obscure.
A présent tu sais lire et tiens ferme la barre de ta fenêtre sur le monde où les immeubles s’écroulent l’un après l’autre dans l’incendie découvrant peu à peu la ligne sous laquelle il te faudra descendre descendre encore, paupières closes, pour joindre les bords extrêmes de ta vie.
peinture edw Hopper
Lui qui avance les mains nues les paupières scellées sur la scène déserte et sous les projecteurs le temps ne l’arrête pas ni le vide, il marche depuis des siècles vers un mur connu de lui seul comme l’arbre qu’un ciel obstiné tire vers l’horizon et s’il s’écarte parfois c’est pour laisser à sa place une fenêtre ouverte où quelqu’un appelle invisible et chacun croit l’entendre dans sa langue
La nuit peut bien fermer la mer dans les miroirs : les fêtes sont finies le sang seul continue de mûrir dans l’ombre qui arrondit la terre comme ce grain de raisin noir oublié dans la chambre de l’œil qu’un aigle déchirant la toile enfonce dans la gorge du temps
La nuit a volé son unique lampe à la cuisine piégé dans la vitre celui qui se tait debout dans la tourbe des mots
Il brûle à feu très doux l’obscure enveloppe du silence (comme ces collines sous la cendre réchauffent l’aube de leur mufle) et pour la première fois peut-être son visage d’ombre est toute la lumière et parle pour lui seul.
Un peu du plâtras des murs rien qu’un peu et rendre à la jeune putain son sourire de vierge
(Aimer ô l’infinitif amer dans la nuit des statues et dans le jour qu’écorchent les bouchers)
Visage impossible à saisir avec ce ciel collé au bout des doigts quand la femme unique sur toutes les fenêtres aveugles de la terre roule des hanches et passe .
Ce peu de mots ajustés aux choses de toujours ce questionnement sans fin des gosses dans la journée ces silences plus longs maintenant, à l’approche du soir comme le soleil traversant la chambre vide sur des patins,
tout cela qui se perd entre les lames du parquet, les pas, les rides a fini par tisser la toile inaccessible qui drape chacun des gestes du vieux couple lui donne cet air absent des statues prenant le frais dans la cour du musée
et nul ne voit leurs ombres se confondre enjamber le haut mur du temps mais seulement l’échelle aux pieds de la nuit l’échelle sans barreaux ni montants d’une vie petite arrivée à son terme.
Marine Laurent – Femme de papier
peinture: Egon Schiele
–
Suis une femme de papier
De celui dont on fait les arbres
Et j’ai puisé à leur aubier
Et mangé leurs feuilles vivantes
Arraché l’écorce du fût
Pour tenir debout à ma table
L’hiver sur du papier glacé
Je laisse mes traces effaçables
La sève qui coule des doigts
Trace des mots sans importance
Je flotte au vent car mes racines
Courent à peine sous le sable
Suis une femme de papier
Qui se froisse à moindre risée
Qui brûle à petite flambe
Dans un foyer désaffecté
Mais si l’oiseau à ma fenêtre
Vient poser une plume blanche
Je sens mes folioles renaître
Et la plante à mon encrier
Je partirai sur une branche
Emportée par nuit sans étoile
Et vous dirai dans mon absence
Ce que j’ai laissé sur la toile.
Imaginons les Ménines – ( RC )
Peinture: D Velasquez – las Meninas – partie gauche
C’est une salle assez obscure,
qui sert d’atelier ;
en tout cas, on n’identifie pas
la source de lumière,
ni ce que le peintre esquisse,
puisqu’il est de face.
De la toile, juste le chassis,
de dos, posée sur un lourd chevalet.
Autour de lui, gravitent ses modèles,
assemblés comme pour la parade .
L’infante Marie- Thérèse ,
en robe bouffante .
Elle est entourée de ses serviteurs
aussi en habits d’époque
dans un ballet immobile.
Le chien allongé ne semble pas concerné.
Ils nous font face,
étonnés de notre regard,
entrant comme par effraction,
alors qu’au même moment,
une échappée se dessine,
un personnage ouvre une porte,
et franchit quelques marches,
au fond de la salle…,
Parallèlement à cette ouverture,
si on observe bien,
un léger reflet,
renvoie , avec le miroir,
l’image du couple royal,
comme si la vision que l’on a
de cette scène était celle,
captée par leurs yeux.
L’artiste poursuit son travail .
Il est masqué en partie
par la peinture,
et rajoute un détail.
C’est peut-être nous,
qu’il inclut dans la scène,
traversant les siècles
pour y entrer de plein pied !
De celle-ci, on ne saura jamais rien,
car il faudrait un autre miroir,
pour jouer la mise en abîme…
….. et Vélasquez ne l’a pas encore peint…
–
RC – mai 2017
Quelque part où les lignes courent, s’enfuient – ( RC )
–
–
–Quelque part où les lignes courent, sur le corps de la terre.
Certaines s’enfoncent ,s’enfuient
rebondissent sur les accidents du terrain,,
la chevelure obscure des bois denses.
Sans couleur pour l’instant, peut-être suspendue dans un gel provisoire,.
A chaque instant, celle-ci peut occuper les lieux,
Inonder la surface, comme le ferait le rideau du soleil naissant,
ou, à l’inverse, celui de la nuit .
Mais bien avant, les collines se propulsent vers l’avant,
ou plutôt les ombres, se liguant contre le jour,
émergeant de la brume, comme engluées
dans une couche épaisse de peinture.
Je perds alors la notion de distance, divisée
par les silhouettes des poteaux électriques, leurs fils dansant,
l’étagement des haies, les champs s’empilant, verticaux..
Tout est rythmé de signes qui n’ont pas d’autre signification qu’eux-même.
Même la route sur laquelle je m’appuie
se met à tanguer en virages derrière un rocher
Peut-être disparaît-elle à jamais
Comme ce trait interrompu sur la toile.
L’équivalent d’une stridence,
d’un appel qui ne trouve pas d’écho
émis par un chant d’oiseau,
bientôt bu par le silence .
–
RC – oct 2015
–
Carolyn Carlson danse Rothko – ( RC )
photo :dialogue avec mark Rothko – Carolyn Carlson
–
Carolyn Carlson évolue dans l’espace.
Celui-ci est clos.
Il partage une série de grandes toiles peintes.
Ce n’est pas un décor,
où le noir lutte avec le rouge
et le rouge chavire d’orangés
« blottis dans les recoins enflammés de lumière ».
La couleur est habillée et se déplace .
Traversés de vermillon,
les habits noirs de Carolyn
Portés de gestes lents
Sont autant pinceaux que tableaux.
Des aplats écarlates s’y meuvent ;
le corps est graphie, la danse est solo
Le dialogue s’engage et répond,
Aux peintures de Rothko .
Il semble que la lumière sourd de la toile,
se met en mouvement
Confronté à elle, le corps , parfois se fond,
le déplacement est sa seule mesure.
Les ombres portées la précèdent sur la scène.
–
RC – juin 2015
* l’expression
« blottis dans les recoins enflammés de lumière« , est de C Carlson elle-même.
–
L’acteur a disparu, dans un tourbillon – ( RC )
C’est une vue qui suggère la chute .
Cela pèse, un désir qui grandit
Mèle le sentiment de vertige,
Et l’attirance des couleurs .
Bien entendu, quand on les pose sur la toile,
On ne s’en rend pas compte tout de suite .
C’est un état de veille,
Où l’ extérieur n’émeut plus.
La respiration manque.
C’est sur le fil du labeur ,
Que se construit l’ équilibre.
Toujours précaire.
En fait le peintre a franchi le bord.
Le bord du vide, … depuis longtemps
Un sommeil éveillé,
Empêche qu’il chute .
Et d’ailleurs , sa vue n’emprunte pas
Les chemins de ses yeux ,
Comme si quelqu’un voyait à travers lui,
Et lui guidait la main.
L’inconscience parle,
Regarde à sa place,
Déplace ses gestes,
Maintient suspendu, son souffle .
Quand le vertige se dissipe,
Le corps se recompose,
Traverse son écran d’âme ,
Il retombe sur ses pieds.
Ne se souvient plus du vide,
S’il s’est envolé, ou a chuté…
Il regarde la toile .
Elle est achevée …
Il ne peut dire qu’il l’a rêvée,
La matière de la peinture en témoigne.
Elle colle encore aux doigts .
Cà sent la térébenthine.
Le regard s’ouvre,
Et avec, parfois le doute….
Comment pourrait-il avouer,
– » Ce qu’on voit n’est pas de moi ?
Je n’ai que disposé des couleurs,
« dans un certain ordre assemblées » « ….. ,
D’avoir déclenché une action .
– Il se remémore la chimie,
Les produits mis en contact,
Neutres, se cotoyant dans le récipient…
Il fallait un catalyseur
Pour que la réaction commence… –
« Je ne l’ai pas contrôlée…
Comme l’apprenti sorcier…
Veuillez m’excuser…
– Chacun peut commenter
… Si cette œuvre, est la mienne
Elle m’échappe encore…
J’ai connu ce privilège
D’en être le premier spectateur…
L’acteur a disparu dans un tourbillon,
J’ai rendez-vous avec lui…
Dans un jour, dans un an … ?
Pour la prochaine toile… »
–
RC – sept 2014
Là , où s’accrochent les lointains sur la toile … ( RC )
–
Il est une joaillerie fragile,
Suspendue aux fils,
Toujours bien peignés,
De la toile d’araignée
Ce sont des gouttes pour décor,
Des perles de colliers lisses,
Qui, lentement s’épavorent,
Quand la journée glisse,
En arabesques changeantes,
Les insectes au vol léger,
Viennent alors s’y piéger,
Car la toile est transparente…
Et si c’est une autre toile,
Qui piège le paysage,
Ses étés et ciels d’orage,
Et des myriades d’étoiles.
Par petites nuances
Le tourbillon des doigts lestes
Où de grands gestes,
Soudainement dansent,
Quelques pas de lumière,
Accrochés sur les pourpoints,
Et habits de satin,
L’embarquement pour Cythère…
Nous entrons dans un monde imaginaire,
Emportés dans une aventure,
Où s’affrontent les couches de peinture,
Le cheminement du regard s’y perd,
Jusque dans les aires lointaines
Les miroirs des eaux croisent les jours.
Où , portés, par des ailettes, de jeunes amours
Traversent une perspective incertaine….
Tous ces personnages, ensemble
Se promènent comme dans un parc,
Tandis que l’on embarque .
Et l’eau se ride, et tremble…
> Laissons partir ce vaisseau,
Jusqu’au bout du monde,
Où les couleurs se fondent,
Et aussi …. les coups de pinceau .
Chaque regard est neuf ; aucun n’est usé,
La peinture, a traversé le temps,
Même à travers quelques instants,
Accrochés au musée.
–
RC – juillet 2014
Je repars chaque matin, d’une étendue blanche ( RC )
Il faut que je ferme l’enclos des couleurs,
Que je reparte vers un ailleurs,
N’ayant pas connu le dessin du cœur,
…… Chaque page a son heure,
Et je repars chaque matin,
D’une étendue blanche,
Que chaque jour déclenche,
– toujours plus incertain.
Ou bien j’ai sans doute oublié,
Derrière une glace sans tain,
Comment prendre le monde dans ses mains,
Les miennes, que j’ai liées.
Ou alors, je les ai vides.
Le miroir ne reflète rien
Des jours lointains
Et saisons humides.
Je sais que sous ses taches,
Et les plis de ses draps,
L’hiver reviendra.
Pour l’instant il se cache.
J’invente pourtant ce que je ne vois pas,
J’avance en vertiges,
Comme sur un fil, en voltiges,
Il y a un grand vide, sous mes pas.
Si je retourne la mémoire
Il se peut que je n’aie plus de passé,
Et que, de traces effacées,
Je ne voie que du noir.
Peut-être qu’en peinture,
J’invente, hors d’atteinte,
De nouvelles teintes,
Au fur et à mesure.
En tout cas c’est vers l’inconnu,
Que j’ouvre mes pages,
Me risquant au voyage,
Comme un enfant, nu.
Une page vierge à écrire,
Des traits, que je lance
Un pinceau, toujours en danse,
Dont j’ignore le devenir,
Comme si, à la couleur des rêves,
On pouvait donner un titre,
Décider de clore le chapître
Et dire que la toile s’achève…
RC – 30 septembre 2013
–
Parcours rieur du parieur ( RC )
–
Parcours rieur du parieur,
Celui s’échappe de la toile peinte,
Et contourne les étoiles éteintes,
Il y a quelquefois des ailleurs
A rêver plutôt qu’à construire
Ce qui n’est pas ici
Sous les nuages d’une vie
Et , toujours partir.
Echapper à sa condition,
Basculer les roches,
S’en mettre plein les poches,
Transgression et rémission.
A travers le monde en friche,
Traversent les tourments
Le soleil et le vent,
Ceux qui le peuvent trichent,
Et pensent palaces
Grandes villas , en bord de mer,
Les autres sont dans l’amer
Noir, impair et passent..
S’il y a des ailleurs
A portée de main,
Ce n’est pas le demain
De l’humble travailleur.
Le bonheur affiche
L’oeil rigolard
Des marchands de hasards
Du devenir riche.
Le culte de la réussite
Que l’on voit partout
Affiché comme atouts,
Toi aussi t’y invite…
Tu n’as qu’à gratter
Un ticket de loto
Et partir au volant d’une belle auto
Devant tout le monde, épaté ! …
Ces gagnants, quels phénomènes !
Trouvent l’unique solution
De vivre leur passion…
— en ignorant les problèmes…
–
RC – 3 avril 2013
Jean Sénac – Nicolas de Staël

peinture; Nicolas de Staêl: paysage marine 1955
NICOLAS DE STAËL
Vous êtes mort, je ne sais rien de la mort des hommes,
rien de la goutte d’eau qui renverse la figure et la dilue en Dieu.
Dieu lui-même qu’est-il, le néant ou la roche ?
la structure de l’ombre, le suprême reproche,
et peut-être à peine notre interrogation ?
Dieu n’est-ce pas la voix de ma mère qui tremble
quand le dernier arbre rassemble
ses fruits,
quand la misère souterraine
délie le dernier bout de laine
et tout de go nous sommes nus ?
Tout de go il fait nuit
et sur nos cœurs les gens dans la détresse
abandonnent leurs graffiti.
Vous êtes mort, Nicolas de Staël,
et je ne connais rien de la mort des hommes !
Sur la toile le rouge et le noir répercutent
l’armature des ténèbres
un lit où l’appétit funèbre
du jour
tourne, tourne à nous rompre les vertèbres !
Le soleil sur la peau des gisants se retire…
Nicolas de Staël, vous aimiez tant que cela la vie ?
tant que cela pour la briser
sans même un cri ?
Ceux qui se tuent se tuent dans le silence
comme un petit enfant qui fronce les paupières
et s’en va.
Les uns sont des oiseaux de roche,
les autres, oh nul ne les approche
dans le grand espace alarmés !
Nicolas de Staël, le jaune vous avait-il lâché ?
Un rien suffit, un rien quand la couleur s’insurge,
on dit «adieu, adieu Panurge »
et l’on remonte au premier signe écrit.
Mais dans le cœur, dans le cœur, qui connaît les dimensions de la Merci ?
JEAN SENAC
–
Suivant les points de suspension (RC)
–
…… Suivent les points de suspension , tout s’exaspère et tourbillonne
Dans le bocal de l’univers, les atomes se contournent,
les galaxies se font tourbillon, et belles dans leurs robes d’étoiles…
De voies lactées en vraies laitances, la toile des possibles est encore à peindre,
la buée devenue eau sera-t-elle bue par celui ou celle qui veut la boire ?
.De cette eau, de ce lait tu t’en nourriras, tu enfanteras ce que tu n’avais même pas imaginé, tu écriras ce que nul autre n’a écrit,
.
Ce qui reste, est un vaste, ce qui reste sera pour toi !, —– ce sera toi !
Tu traverseras un espace sans limites, ce mondes des possibles, tu seras toi même univers…
tu l’es déjà… si tu te vois positive… (points de supension)..
–
RC 24 mai 2012 ( reprise de juillet 2011)
–
Alain Borne – Je pense
Je pense ( à Paul Vincensini )
Je pense que tout est fini
Je pense que tous les fils sont cassés qui retenaient la toile
Je pense que cela est amer et dur
Je pense qu’il reste dorénavant surtout à mourir
Je pense que l’obscur est difficile à supporter après
la lumière
Je pense que l’obscur n’a pas de fin
Je pense qu’il est long de vivre quand vivre n’est plus
que mourir
Je pense que le désespoir est une éponge amère
qui s’empare de tout le sang quand le cour est détruit
–
Je pense que vous allez me renvoyer à la vie qui est
immense
et à ce reste des femmes qui ont des millions de visages
Je pense qu’il n’y a qu’un visage pour mes yeux
Je pense qu’il n’y a pas de remède
Je pense qu’il n’y a qu’à poser la plume
et laisser les démons et les larves continuer le récit
et maculer la page
Je pense que se tenir la tête longtemps sous l’eau
finit par étourdir
et qu’il y a de la douceur à remplacer son cerveau
par de la boue
Je pense que tout mon espoir que tout mon bonheur
est de devenir enfin aveugle sourd et insensible
Je pense que tout est fini.
Alain Borne
Une symphonie bleue ( RC)
–
Pour rester dans la couleur – le bleu ( les bleus)… d’avec l’article précédent
–
Une symphonie bleue, emportée,
Une bataille de pinceaux
Où les encres s’emmêlent, en un assaut
Traversé de gestes et d’une portée
C’est juste ce qu’il faut d’artistique
Pour , en danses, faire remuer les pieds
En jetant les couleurs sur le papier
Et interpréter la musique
D’une curieuse façon
Les notes bleues encore accrochées
Ont eu leurs tiges arrachées
Dans cette partition
Mais ne vont pas tarder à chanter
– une sorte de danse de Saint Guy
– un air de boogie-woogie ?
Qui pourrait nous enchanter
Je vois déjà les classiques
Regarder les notes qui s’envolent
– Cà, c’est pas d’bol !
Et jettent des regards avisés et critiques
D’un swing délirant qui s’approche
D’un violoncelle électrique
Qu’enveloppent les ondes magnétiques
De la course des double-croches
Qui s’échappent d’une trompette
A la Miles Davis
Et d’un trombone qui coulisse
En fête, le groupe des saxes, en tête.
A suivre l’impro, déployer les voiles,
Reprenons …. les pinceaux en main…
Arrête ton délire, et de faire ton malin !
Tout ceci n’est pas dans la toile!
C’est un jeu de l’esprit
Voulu par l’artiste
Une sorte de jeu de pistes
De la toile, s’échapperait un cri …
——
sur l’incitation de cette création:
http://www.vagabon-art.com/article-blue-symphonie-50373992-comments.html#anchorComment
Pablo Neruda, – ce présent
Pierre Clavilier, dans une page consacrée à Pablo Neruda, nous livre sa traduction du texte du poète
Ce
présent
lisse
comme une planche,
frais,
cette heure,
ce jour
propre
comme une coupe neuve
– du passé
pas une
toile d’araignée –
nous touchons
des doigts
le présent,
nous en taillons
la mesure,
nous dirigeons
son flux,
il est vivant
vif,
il n’a rien
d’hier irrémédiable,
d’un passé perdu,
c’est notre
créature,
il grandit
moment, le voici portant
du sable, il mange
dans notre main,
attrape-le,
qu’il ne nous file pas entre les doigts,
qu’il ne se perde pas en rêves
ni en mots
saisis-le,
tiens-le
et commande-lui
jusqu’à ce qu’il t’obéisse,
fais de lui un chemin,
une cloche,
une machine,
un baiser, un livre,
une caresse,
coupe sa délicieuse
senteur de bois
et d’elle
fais-toi
une chaise,
tresse
un dossier,
essaie-la,
ou alors
une échelle!
Oui,
une échelle,
monte
au présent,
échelon
après échelon,
assure
tes pieds sur le bois
du présent,
vers le haut,
vers le haut,
pas très haut,
assez
pour que tu puisses
réparer
les gouttières
du toit,
pas très haut,
ne va pas au ciel,
atteins
les pommes,
pas les nuages,
eux
laisse-les
vagabonder dans le ciel, s’en aller
vers le passé.
Tu
es
ton présent,
ta pomme:
prends-la
de ton arbre,
élève-la
sur ta
main,
elle brille
comme une étoile,
touche-la,
mords dedans et marche
en sifflotant sur le chemin.
© Traduction Pierre Clavilier
titre original: Ode au présent / oda al presente, 1955
Este
presente
liso
como una tabla,
fresco,
esta hora,
este día
limpio
como una copa nueva
—del pasado
no hay una
telaraña—,
tocamos
con los dedos
el presente,
cortamos
su medida,
dirigimos
su brote,
está viviente,
vivo,
nada tiene
de ayer irremediable,
de pasado perdido,
es nuestra
criatura,
está creciendo
en este
momento, está llevando
arena, está comiendo
en nuestras manos,
cógelo,
que no resbale,
que no se pierda en sueños
ni palabras,
agárralo,
sujétalo
y ordénalo
hasta que te obedezca,
hazlo camino,
campana,
máquina,
beso, libro,
caricia,
corta su deliciosa
fragancia de madera
y de ella
hazte una silla,
trenza
su respaldo,
pruébala,
o bien
escalera!
Si,
escalera,
sube
en el presente,
peldaño
tras peldaño,
firmes
los pies en la madera
del presente,
hacia arriba,
hacia arriba,
no muy alto,
tan sólo
hasta que puedas
reparar
las goteras
del techo,
no muy alto,
no te vayas al cielo,
alcanza
las manzanas,
no las nubes,
ésas
déjalas
ir por el cielo, irse
hacia el pasado.
Tú
eres
tu presente,
tu manzana:
tómala
de tu árbol,
levántala
en tu
mano,
brilla
como una estrella,
tócala,
híncale el diente y ándate
silbando en el camino.
Jean-Pierre Duprey – IL Y A DE LA MORT DANS L’AIR
IL Y A DE LA MORT DANS L’AIR
Mon pays navigue sur un fond de mer
Je me promène dans ses jeux de vagues Sur les larmes éclatées
Les églantines sont des pirogues de verre
Mon pays est un vaisseau parti pour les étoiles
Le sang dedans maraude comme une folle
Paysage nivelé à zéro
II y a de la mort dans l’air
Mon pays est un vieux banjo de sanglots
On y joue des larmes très méchantes
Un grand poids pèse sur notre terre
II y a de la mort dans l’air
Au bout du ciel une plage de cristal
Sur un fond de mer s’affirme un pays de sang
Tout autour la boue rougie
Les plus belles morts sont de verre
A minuit sonnant, un vaisseau de marbre entra dans le port,
l’appel de ses sirènes répercuté par toutes les cloches d’alentour devint comme une révélation pour l’esprit du vagabond. On vit sortir des squelettes bancals portant l’insigne des pirates
d’Epinal. Des têtes armées de visières, des pieds torturés, des mains, des yeux sans propriétaire, les suivaient, innombrables petits chiens. Les araignées conquérantes occupèrent immédiatement la rade et pendant qu’ils pillaient les magasins, on leur construisit des baraquements de toile. Les peintres appelés en hâte teignirent en rouge les voiles décolorées du navire de marbre ; ce qui prouve que la mort va jusqu’aux pierres.
14 mars 1946
Je suis l’orage (RC)
Le Ruisseau en murmure
et cette larme silencieuse.
Portée d’eau – la paresseuse-
aux endroits les plus creux, stries, flaques et vallées
Faisant son chemin, poussée de par sa masse,
roulée sur le visage et vers de lointains océans.
Tu scruteras ce flux, sensible,
ainsi le rai de la lumière
aux rebonds des volumes; la larme à la rondeur
du visage
l’encre, aux pentes provoquées du papier.
Ce ruisseau qui murmure, la chute qui cascade, les grands méandres en fleuves,
sont à l’inverse de ma brosse,
qui court sur le fil de la toile, en caresse les reliefs,
dépose sur ses collines
son écorce de couleurs, ses habits de fête.
qui court en pâte brute, en pâte fine, demi-matière chargée d’eau, – aimante, électrostatique
de parcours artistisques. déposée, frottée, retranchée…..
Je suis l’orage
qui précipite, macule, rature et bouscule la géographie étale
de mille pages aux mille visages.
– Notre ronde – le monde,
mille pages de mille visages, sculptés, bousculés,ravinés, basculés,
sédiments d’eau
sédiment-terres
Se taire.
Des colères qui hurlent, aux larmes silencieuses
sur les statues des arbres et géants de pierre_______
Une page de la vie, toujours détruite, et naissante;
et recommencée.
RC 2001