Mokhtar El Amraoui – Miroirs
photo: Robert ParkeHarrison
A ces songes de la mer dont les vagues colportent la rumeur
Ô miroirs !
Engloutissez, donc, ma mémoire,
Dans vos veines de tain et de lumière.
Là-bas,
Dans le jardin des échos,
Arrosé des plaintes des vagues,
Je dévalerai la plaine de l’oubli
Où j’ai laissé fleurir un coquelicot,
Pour ma muse
Qu’un peintre agonisant a étranglée.
D’elle, me parvient
Le parfum ensanglanté
De toiles inachevées.
C’est dans le lait de ses rêves
Qu’ont fleuri le cube et la sphère.
Ô interstices du monde !
Laissez-moi donc percer
Ses inaudibles secrets !
©Mokhtar El Amraoui
La vie chrysalide (RC)
La vie chrysalide-
Ma chrysalide je me la suis construite
Modelée de cœur et de pensées, —– j’y habite
Un cocon tapissé de musiques, de toiles en attente
De travaux en cours, la truelle pour modeler les fentes
Mais au cours des années, dans ce petit endroit
J’y ai mis tant de choses, que je suis à l’étroit
Mes chapitres s’entassent, les écrits s’empilent
Mon histoire, je l’ai peinte, et les années défilent
Quand il faut qu’je respire, je sors une antenne
Je prends tous les mots doux, et ceux de la peine
Je sais donc qu’existe, un plus large espace
Qui souvent me suggère, d’autres pays, d’autres traces
A trop me gaver, le sol a tangué, je suis mal assis
Chaise prisonnière des colonnes de livres, les murs ont rétréci
Il s’abat sur moi, en un vol gracile, des milliers de pages
A cette avalanche j’ai compris soudain , que j’étais en cage.
J’aurai pu aussi, tricoter malin, un feu d’cheminée
Pour faire du vide, et organiser, mon autodafé
Ma mémoire pourrait , en un court instant , partir en fumée
Resterait, l’usage du cœur, le reste éliminé
Mon ptit doigt m’a dit, ça n’peut plus durer
Tu vas prendre la route, et ton balluchon, et déménager
J’ai fermé à clef, et je suis parti, avec esprit avide
Conquérir le monde, pour laisser ici, ma vie chrysalide.
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