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Nelly Sachs – Tant de graines aux racines de lumière


the Prophet Elijah Пророк Илия
Icône
Ascension enflammée d’Élie avec une vie (XVIIe siècle) (collection privée)

Tant de graines aux racines de lumière
qui arrachent aux tombes leur secret
et le confient au vent
pour parsemer d’énigmes en langues de feu les chevelures
des prophètes,
et apparaissent dans le bûcher blanc du mourir
avec tous les aveuglements de la vérité
quand le corps près de là repose
avec l’ultime souffle dans les airs
et ce bruit de chaînes dans le retour
et l’enfermement de fer dans la solitude
et tous ces yeux perdus dans le noir —

-extrait de Enigmes ardentes ( recueil re-publié chez Verdier sous le titre « Partage-toi, nuit )


Un dimanche à la fête des morts – ( RC )


photo RC – Chanac

Les pierres sont immobiles.
laminées par le temps,
leur couleur est passée,
comme celles des photos
qui y sont accrochées,
ternies,
dans de petits médaillons.

On imagine un peu
ceux qui ont vécu,
le regard perdu
à travers le rideau des années
qui nous séparent d’eux
davantage que les chaînes argentées.

Les tombes voisines sont luisantes de pluie,
c’est toujours en novembre
que semble mourir l’automne,
et que s’échouent les fleurs,
qui perdront inéluctablement
leurs couleurs.

Tu te souviens de la Toussaint,
des demeures massives
en granite poli,
et du gravier blanc
que tu trouvais si joli.

Tu en prélevais un peu
pour dessiner un coeur,
pour répondre aux formules
écrites en noir
sur le fond émaillé.

« A ma soeur chérie » ,
« à mon oncle bien aimé.. ». etc
Puis il fallait s’en retourner,
laisser tranquilles ceux
qui ont le sommeil éternel,
auprès des cyprès centenaires.

La mort est un jour sans fin,
qui ne se contente pas
de fleurs sacrifiées…
la vie ne compte
que ceux qui meurent,
en effeuillant les pages du calendrier ;

le chagrin et l’absence demeurent
pour ceux qui se souviennent.
Je ne parlerai pas des chrysanthèmes
fanant dans leur vase,
des allées désertes,
et des croix qui penchent.

C’était un dimanche,
la fête des morts
( on imagine mal qu’ils dansent
quand tout le monde est parti ).
Le vent a arraché les dernières feuilles
des platanes de l’avenue.

Eux aussi sont en deuil.
Ils secouent leurs branches
comme des membres décharnés :
ils sont les gardiens des ténèbres,
mais attendent le retour du printemps

près de l’enclos funèbre.


Qui chante là-bas ? – ( RC )


Résultat de recherche d'images pour "qui chante là-bas"

 

image  extraite  du film « qui chante là-bas » de Slobodan Sijan

 

 

Je me souviens de l’ex-Yougoslavie
des plaines,             de la nostalgie,
de la chanson d’un violon navigant dans le ciel,
et les airs de danse traditionnels.

–        Il y a des airs que l’on n’apprend pas,
ils traversent les saisons,
et à travers leurs chansons,
on se demande :          » qui chante là-bas ? « .

C’est une musique qui traverse les hivers,
passant outre massacres horreurs
elle triomphe de la mort
et des taches sombres de la guerre

Passant sans encombre par-dessus les frontières .
Entends-tu encore la mélodie ?
celle qui nous dit que la vie
continuera , par-delà les tombes et les cimetières .

Résultat de recherche d'images pour "qui chante là-bas"
RC – aout 2018


Rêves d’Amérique – ( RC )


Peinture à l'encaustique: Jasper Johns - drapeau blanc

Peinture à l’encaustique: Jasper Johns – drapeau blanc

C’est une image que colporte le rêve :
C’est  toujours mieux  ailleurs,
Alors…
Tu as rêvé de l’Amérique,
Comme tant d’autres ,

parcourant les mythes,
et celui, bien entretenu,
de la géante de cuivre,  
portant haut la flamme, et ceinte,
Comme pourraient l’être ceux qui s’en réclament,

D’une bannière  aux multiples  étoiles,
Etoiles blanches  sur un bleu profond,
parfaitement alignées,
comme les  tombes, dans les cimetières de la liberté,
des soldats ( américains, justement).

« America, America » d’Elia Kazan,
révèle le parcours de l’immigrant,
prêt à affronter  tous les obstacles,
pour réaliser son rêve, qui coïncide aussi
à la perte  de son identité,  

parti pour un voyage  sans  retour.
Vivant de l’intérieur la sensation de déracinement
malgré son  désir d’appartenance .
Les hommes  qu’on croise,
n’ont plus le visage des conquérants.

Seul le commerce porte à le croire :
Ils ont les paupières lourdes ;
Ils ont englouti leur passé,
Et n’ignorent plus que ,
sur la bannière,

Les bandes rouges peuvent être aussi,
Un chemin de sang,
Comme l’a été celui de millions d’hommes,
Importés  comme esclaves,
Il n’y a pas si longtemps.                   

peinture & sérigraphie: Andy Warhol

peinture & sérigraphie: Andy Warhol

Tu as rêvé  d’Amérique,
Mais les  étoiles  ont pâli,  
Et le ciel est sale.
La liberté  tant vantée,
( surtout celle  de faire de l’argent, )

Se mesure à leur poids  de dollars
Où rivalisent  ceux  qui ont réussi.
C’est une partie de  l’Amérique qui fanfaronne,
qui joue de sa sur-puissance,
et va guerroyer au Viet-Nam, ou ailleurs.

Mais il y a l’autre côté, qui étend ses bras de pieuvre
Le côté plus obscur, celui
des  « raisins de la colère »,
Celui des hommes meurtris,
Dont on ne parle pas .

Eux connaissent  l’Amérique  de l’intérieur,
Et leur  destin empêché les enfonce
dans la catégorie des « loosers »  :
Leurs  songes ne sont pas les mêmes… ;
Les étoiles se sont changées en pluie  de larmes…

Ainsi ,  tu ne rêves  plus  d’Amérique ?

 

RC – juill 2015

 


Paul-Jean Toulet – en Arles


photo perso - Arles  octobre 2012

photo perso         – Arles octobre 2012

 

 

 

En Arles

 

 

Dans Arles, où sont les Aliscamps,
Quand l’ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses.
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton coeur trop lourd ;
Et que se taisent les colombes :
Parle tout bas, si c’est d’amour,
Au bord des tombes.
 
 
 
Paul Jean Toulet (1867-1920)
 
 
 
 

Ahmed Bouanani – Si tu veux revoir les chiens noirs de ton enfance


photographe non identifié

photographe non identifié

ahmed bouanani

Si tu veux… Je me dis chaque jour
Si tu veux revoir les chiens noirs de ton enfance
fais-toi une raison
jette tes cheveux dans la rivière de mensonges
Plonge plonge plus profondément encore
Que t’importe les masques mais
fais-toi une raison et meurs s’il le faut
et meurs s’il le faut
avec les chiens noirs qui s’ébattent dans les dépotoirs des
faubourgs parmi les têtes chauves les gosses des bidonvilles
mangeurs de sauterelles et de lunes chaudes.

en ce temps-là il pleuvait des saisons de couleurs
il pleuvait de la lune des dragons légendaires
le ciel bienfaiteur s’ouvrait sur des cavaliers blancs
même que sur les terrasses de Casablanca
chantaient des vieilles femmes coquettes
une nuit un enfant attira
la lune dans un guet-apens
dix années plus tard
il retrouva la lune
vieille et toute pâle

plus vieille encore que les vieilles femmes sans miroirs
les grands-mères moustachues palabrant comme la mauvaise pluie
alors alors il comprit
que les saisons de couleurs étaient une invention
des ancêtres Ce fut la mort des arbres la mort des géants de la
montagne El ghalia bent el Mansour ne vivait pas au-delà des
sept mers sur le dos des aigles il la rencontra au bidonville
de Ben Msik si ce n’est pas aux carrières centrales près des
baraques foraines elle portait des chaussures en plastique

et elle se prostituait avec le réparateur de bicyclettes…
mon mal est un monde barbare
qui se veut sans arithmétiques ni calculs
je drape les égouts et les dépotoirs
j’appelle amis
tous les chiens noirs
Mon usine est sans robots
mes machines sont en grève
les vagues de mon océan parlent
un langage qui n’est pas le vôtre
je suis mort et vous m’accusez de vivre
je fume des cigarettes de second ordre
et vous m’accusez de brûler des fermes féodales
écoutez
écoutez-moi
Par quelle loi est-il permis au coq
de voler plus haut que l’aigle ?
en rêve le poisson voudrait sauter jusqu’au 7e ciel
en rêve j’ai bâti des terrasses et des villes entières
Casablanca vivait sous la bombe américaine
Ma tante tremblait dans les escaliers et il lui semblait voir le
soleil s’ouvrir par le ventre Mon frère M’Hammed avec la
flamme d’une bougie faisait danser Charlie Chaplin et Dick Tracy
Ma mère…
Dois-je vraiment revenir à la maison aux persiennes ?
les escaliers envahis par une armée de rats
la femme nue aux mains de sorcellerie
Allal violant Milouda dans une mare de sang
et les Sénégalais « Camarades y mangi haw-haw »
coupant le sexe à un boucher de Derb el Kabir…
Dois-je vraiment revenir aux chiens noirs de mon enfance ?
La sentinelle se lave les pieds dans tes larmes
ton rêve le plus ébauché bascule dans le monde barbare du jour
et de la lune
Tu ne tiens pas debout
tes équations dans les poches
le monde sur les cornes du taureau
le poisson dans le nuage
le nuage dans la goutte d’eau
et la goutte d’eau contenant l’infini
Les murs du ciel saignent
par tous les pores des chiens
entonnent un chant barbare qui fait rire les montagnes
C’est un chant kabyle ou une légende targuie
peut-être est-ce tout simplement un conte
et ce conte s’achève en tombant dans le ruisseau
il met
des sandales en papier
sort dans la rue
regarde ses pieds
et trouve qu’il marche
pieds nus
Les murs du ciel saignent par tous les pores
Le vent les nuages la terre et la forêt
Les hommes devenus chanson populaire
Derrière le soleil
des officiers
creusent
des tombes
Un homme
est
mort
sur le trottoir
une balle de 7,65 dans la nuque
et puis
et puis voici
une vieille qui se lamente
en voici une autre qui raconte aux enfants des histoires de miel
et de lait où il est question de sept têtes et de la moitié
d’un royaume
le vent fou se lève soudain sur ses genoux
éteint le feu sous la marmite
dégringole les escaliers
et
s’en va
s’amuser sur les pavés de la rue Monastir en racontant
les mêmes histoires lubriques aux fenêtres des alentours
et la poitrine pleine et les yeux plus hauts que le ciel
toutes les maisons les terrasses et le soleil
franchissent le plafond jusqu’à mon lit
Mes cheveux
ou mes mains
retrouvent l’usage
de la parole
De ce que j’ai le plus aimé je veux
préserver la mémoire intacte
les lieux les noms les gestes – nos voix
un chant
est
né – était-ce un chant ?
De ce que j’ai le plus aimé je veux
préserver la mémoire intacte mais
soudain voilà
les lieux se confondent avec d’autres lieux les
noms glissent un à un dans la mort
une colline bleue a parlé – où donc était-ce ?
un chant est né ma mémoire se réveille
mes pas ne connaissent plus les chemins mes yeux
ne connaissent plus la maison ni les terrasses la maison où
vivaient des fleurs autrefois un vieux chapelet de la Kaâba
et des peaux de moutons
Dans ce monde en papier journal
il n’y a pas
de vent fou
ni de maisons qui dansent
il y a
derrière
le soleil
des officiers
creusant
des tombes
et dans le silence
le fracas des pelles
remplace
le chant
……
Victor Hugo buvait dans un crâne
à la santé des barricades
Maïakovsky lui
désarçonnait les nuages dans les villes radiophoniques
(il fallait chercher la flûte de vertèbres aux cimetières du futur)
Aujourd’hui
il me faut désamorcer les chants d’amour
les papillons fumant la pipe d’ébène
les fleurs ont la peau du loup
les innocents oiseaux se saoulent à la bière – il en est même
quelques-uns qui cachent un revolver ou un couteau
Mon coeur a loué une garçonnière
au bout de mes jambes
Allons réveillez-vous les hommes
Des enfants du soleil en sortira-t-il encore des balayeurs et
des mendiants ?
où donc est passé celui-là qui faisait trembler les morts dans
les campagnes ? et celui-là qui brisait un pain de sucre en
pliant un bras ? et celui-là qui disparaissait par la bouche
des égouts après avoir à lui tout seul renversé un bataillon
de jeeps et de camions ?…
Toutes les mémoires sont ouvertes
mais
le vent a emporté les paroles
mais
les ruisseaux ont emporté les paroles
il nous reste des paroles étranges
un alphabet étrange
qui s’étonnerait à la vue d’une chamelle.
L’aède s’est tu
Pour s’abriter de la pluie Mririda
s’est jetée dans le ruisseau
A l’école
on mange
de l’avoine
la phrase secrète ne délivre plus
Cet enfant ne guérira-t-il donc jamais ?
Prépare-lui ma soeur la recette que je t’ai indiquée et n’oublie
pas d’écraser l’oiseau dans le mortier…
mais enfin de quoi souffre-t-il ?
Vois-tu
mon père à moi n’a pas fait la guerre Il a hérité de ses ancêtres
un coffret plein de livres et de manuscrits il passait des
soirées à les lire Une fois il s’endormit et à son réveil il
devint fou

Quinze jours durant il eut l’impression de vivre dans un puits
très profond il creusait il creusait furieusement mais il
ne parvenait pas à atteindre la nappe d’eau

il eut grande soif
le seizième jour ma mère lui fit faire un talisman coûteux
qui le rendit à la raison seulement seulement depuis ce
jour-là il devint analphabète il ne savait plus écrire son
nom
Quand il retrouva le coffret il prit sa hache et le réduisit en
morceaux Ma mère s’en servit pour faire cuire la tête du
mouton de l’Aïd el Kébir Aujourd’hui encore lorsque je
demande à mon père où sont passés les livres et les manuscrits
il me regarde longuement et me répond
Je crois je crois bien que je les ai laissés au fond du puits.

 


Thomas Duranteau – Le vent pilleur de tombes


photographe  non identifié--  Boston Technical High School

photographe non identifié–       Boston          Technical High School

Le vent pilleur de tombes
a retourné les murs
sac vidé au sol
laissant des mots de brique
à demi envolés
et de la lumière
excisée par le semblant
d’une promesse

*
Quand rien ne parle
quand rien ne bouge
quand le silence même
thésaurise mes pas

Thomas Duranteau


Luis Cernuda – Cimetière dans la ville


 

 

 

photo:                  H Cartier-Bresson,      1934 – Mexique

 

Derrière la grille ouverte entre les murs,

la terre noire sans arbres, sans une herbe,

les bancs de bois où vers le soir

s’assoient quelques vieillards silencieux.

Autour sont les maisons, pas loin quelques boutiques,

des rues où jouent les enfants, et les trains

passent tout près des tombes. C’est un quartier pauvre.

 

Comme des raccommodages aux façades grises,

le linge humide de pluie pend aux fenêtres.

Les inscriptions sont déjà effacées

sur les dalles aux morts d’il y a deux siècles,

sans amis pour les oublier, aux morts

clandestins. Mais quand le soleil paraît,

car le soleil brille quelques jours vers le mois de juin,

dans leur trou les vieux os le sentent, peut-être.

 

Pas une feuille, pas un oiseau. La pierre seulement. La terre.

L’enfer est-il ainsi. La douleur y est sans oubli,

dans le bruit, la misère, le froid interminable et sans espoir.

Ici n’existe pas le sommeil silencieux

de la mort, car la vie encore

poursuit son commerce sous la nuit immobile.

Quand l’ombre descend du ciel nuageux

et que la fumée des usines s’apaise

en poussière grise, du bistrot sortent des voix,

puis un train qui passe

agite de longs échos tel un bronze en colère.

 

Ce n’est pas encore le jugement, morts anonymes.

Dormez en paix, dormez si vous le pouvez.

Peut-être Dieu lui-même vous a-t-il oubliés.

 

 

 

Tras la reja abierta entre los muros,

La tierra negra sin árboles ni hierba,

Con bancos de madera donde allá a la tarde

Se sientan silenciosos unos viejos.

En torno están las casas, cerca hay tiendas,

Calles por las que juegan niños, y los trenes

Pasan al lado de las tumbas. Es un barrio pobre.

 

Tal remiendosde las fachadas grises,

Cuelgan en las ventanas trapos húmedos de lluvia.

Borradas están ya las inscripciones

De las losas con muertos de dos siglos,

Sin amigos que les olviden, muertos

Clandestinos. Mas cuando el sol despierta,

Porque el sol brilla algunos dias hacia junio,

En lo hondo algo deben sentir los huesos viejos.

 

Ni una hoja ni un pájaro. La piedra nada más. La tierra.

Es el infierno así ? Hay dolor sin olvido,

Con ruido y miseria, frío largo y sin esperanza.

Aquí no existe el sueño silencioso

De la muerte, que todavia la vida

Se agita entre estas tumbas, como una prostituta

Prosigue su negocio bajo la noche inmóvil.

 

Cuando la sombra cae desde el cielo nublado

Y del humo de las fábricas se aquieta,

En polvo gris, vienen de la taberna voces,

Y luego un tren que pasa

Agita largos ecos como un bronce iracundo.

 

No es el juicio aún, muertos anónimos.

Sosegaos, dormid ; dormid si es que podéis.

Acaso Dios también se olvida de vosotros.

 

Luis Cernuda, La Réalité et le Désir (La Realidad y el Deseo)

 


Roland Dauxois – Phénix l’oeuvre au rouge



 

 

 

 

 

lave de volcan, voir site astrosurf.com

C’est le feu qui porte nos blessures,

c’est le feu sous la terre,
le feu mystique qui tremble
s’évapore et mue.
C’est le feu dans l’athanor  de l’initié,
c’est un feu de lutte et de fraternité,
c’est un feu partagé
dont la leçon est inscrite dans le ciel,
c’est le feu d’un seul livre ouvert
sur la page blanche d’une prière murmurée.
C’est le feu d’un jardin
retourné de fond en comble
par de faux chercheurs d’or
et vrais pilleurs de tombes.
C’est le feu d’un esprit jamais vaincu,
le feu sous l’écorce de l’arbre solide,
le feu vivant d’un savoir persécuté,
le feu de la foudre,
le feu de l’oiseau messager,
le feu de la forge et du volcan,
le feu des dieux révoltés,
le feu sous la cendre,
le feu d’un autre feu jamais éteint.

« Phénix l’oeuvre au rouge  »  RD

 

 


Marie Hurtrel – Parole recluse


sculpture: tombe du cimetière de Vérone

Pourtant, tu avais un écho, et le silence baignait seulement une note plus bleue que le soleil des anciens décembres.

Sous la neige sans consistance où l’hiver s’était perdu… à jamais perdu. Il poussait des fleurs.

Quand de raison qui déraisonne, les notes se sont mises à tomber d’un ciel déchu, c’est comme si ce soleil s’était éteint.

S’est-il éteint…

S’éteint-il…

L’obscurité marque son armure[1] et la portée[2] tremble.

Quand les mots manquaient de lettres, dans l’avant et l’été attendu, les rêves buvaient la tasse d’encre, et se noyaient les pupilles du doute dans leur inconsistance.

Pourquoi ces jours brisés boivent-ils maintenant le plomb et la parole recluse scelle-t-elle nos tombes…

Pourquoi l’intransigeance du voyage ferme-t-elle la bouche sur un pardon exclu, une larme tue, et l’été qui s’en va avant la saison…

Faut-il au sang d’égorger les hirondelles pour parer de peines la porte déjà trop lourde des cimetières ?

© Marie Hurtrel

 

 

[1] Armure : en musique, altérations réunies à la clef

[2] Portée : les cinq lignes permettant de représenter les hauteurs des notes

 

 


Luis Cernuda – notre grande marâtre


photo: Kora Chabrière: ----- fête des lumières de Lyon 2010

 

 

 

 

 

 

 

 

« Vois notre grande marâtre, aujourd’hui défaite,
Misérable mais belle encore, entre les tombes grises
De ceux qui, comme toi, issus des mêmes steppes,
Assistèrent vivants à la mort de l’espoir »
(« À Larra, avec des violettes », 80)