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Michel Hubert – paysage de chutes


8-

Paysages de chutes

paysages extrêmes à suivre du doigt d’un torrent/jet la pliure rétinienne

Alarme
-hors ce bruit de fondation qu’on coule dans sa gorge béante-alarme
du plus profond de l’être rompant soudain l’intime indifférence
(sans excuse
à quoi tiendrait encore sur le triangle
de houle
l’assiette blanche du bassin ?
déjà ne fait-elle pas la roue
de ses dix doigts

comme pour relever jusqu’au dernier créneau
la brume froufroutante de ses mousselines ?)
ah ! quelles marées d’équinoxe
aux aines de la mer
ne cédèrent pas à ce violent divorce
du bonheur
en limite du désirable des algues
dans un dernier mouvement de l’aube ?

Mais elle
l’affileuse d’ombre
soumise aux neiges dans son corps
-abstraction progressive et diffuse
d’une inguérissable pâleur
que je croyais voir fluer

de la nuit du sexe dans mes mains-
plutôt que de condescendre à sa métamorphose
en telle image multiforme
de l’Arche fabuleuse
préférera briser sa lame fine
d’arme blanche
sur la couleur trop faste de mon sang
la délivrance ne porte plus seulement
sur l’infini
qui infuse la montagne des douleurs
au-delà de tout lieu signifiant
demain

et si jamais l’inconnu dans son corps se cherche au jour des liens du sang
-comme ces forêts que traverse
en d’impulsifs mouvements
de leurs branches
la mystérieuse matière d’ombre-tout faire pour que ses mains déjà refermées sur leur vrac de cendres
s’embrasent encore une fois -ô prodige des légendes-dans la bouche-même d’intouchables cracheurs de feu

Plus au sud du rêve
ah pas qu’un soleil plus au sud du rêve :
certes
rien n’est si simple
aussi simple
que la géométrie bleue
d’un ciel andalou
c’est d’Arcos a Ronda pourtant dans la Serrania que l’homme sculpté dans les troncs d’oliviers se tord en ombre des mille scolioses du sud

( extrait de « captif d’un homme  » )


Aytekin Karaçoban – Torrent


Egon Schiele – Mountain torrent

.

Je suis un torrent qui court pied nu. Mes
instruments affolés recèlent les tempêtes.
Prends-moi dans ton lit, sinon seule ma part
destructrice pèsera.
Le temps… mon hôte inattendu, au visage
multiple, est ce portrait ne tenant plus dans le
cadre.
Prends-moi dans ton lit, sinon il cognera sa
tête contre les pierres.
Prends-moi dans ton lit, pour ne pas
retourner à la source.

.

Images instantanées

édition bilingue

Le bruit des autres


Angèle Paoli – une part d’ombre


Starry Night, 1893 by Edvard Munch

peinture: Edvard Munch   » Starry night »

.Viendra un jour où la beauté du ciel
se dérobera à ton visage
la part d’ombre qui gît en toi
envahira l’espace clos de ton regard

quels sourires papillons de nuit dernières lucioles
volèteront sous tes paupières closes yeux éteints
retenir le temps entre tes doigts ne se peut
il va
pareil à l’eau du torrent qui roule vers sa fin

bolge de remous
où se mêlent les eaux


Patrick Laupin – La rumeur libre


photo-montage perso

 

 

 

 

La rumeur libre

Salué par les armes de la pluie
et de la peur
on ne peut pas défaire la folie
meurtrière du monde
si j’aime encore quelque chose
c’est tout juste
les pierres et la lumière
des visages inconsolés d’univers
des sols errants en mal de preuve
étymologique
le cri du milan pilleur d’épreuve
l’illuminante pitié pétrifiée
des oiseaux de l’orage
leur détresse leur désarroi
dans l’aube
le malheur donné pour personne
la foule incarnée du mensonge
tout ce qui n’existe pas
celle qui se jeta de si haut
et détruisit en une seule fois
le lien unique qui la liait
au soleil
tes yeux ravin d’averse
le péril d’or cru dans la lumière
une sainte pitié dans les églises
de pierre
le manège machinal des arbres
sous les remparts
le mal d’aurore ébloui dans l’aube
unique délivrance
des noms de ville très loin
très seul dans leur sainte
sévérité lasse
Valparaiso Vancouver
un coeur couvert et muet
qui ne s’explique pas
des cimes à mi-chemin
la terre et la lumière
dont je ne dis rien
des roseaux sans geste
le grand ciel lavé des eaux
dans la pâleur usée d’octobre
des linges esseulés dans la magie
blanche du matin
le grésil des syllabes
reposoir ému de mes pas
le brûleur qui passe d’un trait
c’est rapide impitoyable au coeur
déchire collines au temps rompu
et l’once friable des ciels de marne
ce mal infini fermé terrestre
vingt mille mineurs en grève descendant
à pied le bassin houiller des Cévennes
des livres de métaphysique sacrés
dans le désordre de mon esprit
Jacob Boehme Vico Giordano Bruno
le cimetière où tu reposes
l’immense peine et la fatigue de ceux
qui désirent encore vivre
le roc inamovible de l’été
le prieuré rose sur le chemin
du val d’Aoste
cette route départementale bordée
d’arbres où je reste
la craie murée qui pense
et le bruit d’eau claire précipitée
dans la rivière froide
ton visage à la lumière du torrent
quelque règles d’or équanimité parfaite
Rimbaud obstiné et tendre définitivement
enragé « écrire maintenant jamais
je suis en grève »
on massacre à Satory
Louise Michel est déportée à Cayenne
Saint-Just immobile et silencieux deux heures
durant le discours du neuf Thermidor
« je voudrais vous parler mais quelqu’un
cette nuit a flétri mon coeur »
il sera guillotiné le lendemain
les grands poètes espagnols qui ont donné
leur écriture et n’ont pas eu peur
Miguel Hernandez Antonio Machado Gabriel Celaya
« La poésie est une arme chargée de futur »
Blas de Otero unique douleur de parler clair
« Je demande la paix et la parole
j’ai dit justice Océan Pacifique etc. »
Germain Nouveau devenu mendiant sur les routes
du Sud sa doctrine de l’amour
le vieux Cézanne lui fera l’aumône longtemps
sur le parvis de l’église d’Aix-en-Provence
et le visage de mon frère que j’aime encore
par les larmes
la brûlure de chaux vive aux portes de l’usine
la douleur physique de ce qui a péri
avec le rythme.

In La rumeur libre, Éditions de l’Aube
.
.

 

 


Francis Dannemark – Autrement dit, l’amour


peinture nature morte hollandais du XVIIè siècle-  fruits et champignons   -Wydeveld

 

 

Autrement dit, l’amour
pour F.

Il y a,
il y a des jours de raisins doux, de pommes d’or,
de quoi faire taire notre vieille soif.
Et l’eau qui court, torrents, rivières,
court sous la peau, enrobe nos cœurs, calme nos doigts.
Rien ne manque, rien n’est mieux,
et quand la nuit vient, elle affiche pour nous deux
un jeu complet d’étoiles.

Il y a des jours de fruits amers,
quand les pépins écrasés
nous blessent un peu la langue,
nous font former des mots moins beaux.

Il y a des jours de courte paille
où trois fois l’on tire la plus courte.
Les enfants sont un peu trop loin
pour qu’on entende leurs rires
et le chien qui murmure des rêves moroses
semble ne plus nous reconnaître.

Il y a des jours où tu m’aimes,
des jours où tu m’aimes bien.

Ainsi nous avançons, nous souvenant
et oubliant, marée haute, marée plate,
que le bonheur est un mélange

et que jamais il ne ressemble
ni tout à fait à ce que nous croyons
ni à lui-même,