on avait dit au revoir aux arbres à chaque feuille et de tomber avec elles nos mains s’enflammaient puis murmuraient des choses lentes apprises dans l’humus le manteau de leur torse était trop vaste pour contenir le souffle des oiseaux et tous ces souvenirs délestés de bruissements ces troncs buvaient nos bouches adoubement de sèves de part et d’autre d’un baiser de tanin on avait confié à leur chair le soin de graver l’étendue d’une vie et dans l’ombre inconnue des cimes nos dents entaillaient le fragile désir de croître.
photo perso: effigie de Lénine brisée, environs de Vilnius Europaparkos
Si tu parviens soudain à une herbe de pierre plus belle dans le marbre qu’en réalité,
ou si tu vois un faune qui s’ébat avec une nymphe, et ils sont plus heureux en bronze qu’en rêve, tu peux laisser glisser de tes mains lasses le bâton : tu es dans l’Empire, ami. Air, flamme, eau, faunes, naïades et lions, copies de la nature ou fruits de l’invention, tout ce qu’a conçu Dieu, que le cerveau s’épuise à poursuivre, est mué là en pierre ou en métal. C’est le terme des choses, c’est, au bout du chemin, le miroir où l’on peut entrer.
Mets-toi dans une niche vide, laisse filer tes yeux, et regarde les siècles passer et disparaître au coin, et la mousse envahir la jointure de l’aine, et la poussière qui se dépose sur l’épaule, hâle des âges. Quelqu’un brise le bras et la tête en craquant depuis l’épaule roulera. Et restera le torse, somme sans nom de muscles. Mille ans plus tard une souris habitant dans la niche, griffe abîmée de n’avoir su faire sien le granit, sortira un beau soir, trottinant, piaillant, au travers du chemin, pour ne pas retourner dans son trou à minuit. Ni le matin suivant.
Plutôt qu’insérer sa tête,
Dans une photographie,
et l’ovale découpé,
pour y placer son visage
il faut punaiser sur le mur
une feuille de papier kraft,
se dessiner en taille réelle,
toi debout, toi assis,
et parfois tourner la tête,
pour que les gens
puissent se regarder,
se mettre en couleurs,
s’échanger quelques paroles,
en bulles phylactères,
animer un bras, un torse,
puis les jambes ….
L’habit qu’on a choisi,
ne fait pas son moine ;
D’ailleurs il n’y
en a pas ( de moines)
chacun alors,
sort à sa manière
de son rôle, et du dessin,
devient lui-même,
sorti du regard de l’autre,
se côtoient,
les personnages
trouvant leur auteur,
décalés d’ombres chinoises,
et quelque chose de commun,
le sentiment d’appartenir,
sans doute
à une même espèce .