Une petite route sur les collines de Toscane – ( RC )

C’est une petite route
qui cherche son chemin
sur les collines
de la Toscane.
Elle domine la vallée
déjà plongée
derrière un rideau de brume.
On la devine par des nuances de gris
dans la photographie.
Comme dans celles de Giacomelli
les silhouettes des cyprès
disposés sur la crète
semblent accompagner
celles des promeneurs
qui traversent le champ de vision
pour aller vers un horizon
encore lointain…
l’atteindront-ils enfin
quand j’aurais fini
de décrire ce que je vois ici ?
Mario Luzi – De la tour
De la tour
Cette terre grise lissée par le vent dans ses croupes,
dans son galop vers la mer,
dans sa ruée de troupeaux sous les dômes
et les contreforts de l’intérieur, vue
dans le vertige depuis les glacis, file
la lumière, file de mystérieuses années-lumière,
file un seul destin de multiples façons,
dit : « regarde-moi, je suis ton étoile »
et en cet instant s’enfonce plus profond
dans le cœur l’épine de la vie.
Cette terre toscane nue et pure
où court la pensée de celui qui reste
ou qui, issu d’elle, s’en éloigne.
.
.
.
Mario Luzi : “Prémices du désert”
—
et puisque Giorgio Morandi, avec sa peinture, accompagne, ce texte de M Luzi, voir cette belle analyse :
Morandi vu par Philippe Jaccottet
Philippe Jaccottet s’est le plus souvent gardé de parler des peintres qui le touchent le plus, et l’on comprend que, devant l’art éminemment dépouillé et «silencieux» de Giorgio Morandi, le poète ait trouvé vain d’ajouter à «ces poèmes peints un poème écrit». Et pourtant il semble bien légitime, aussi, que le contemplatif de Grignan, touché par les toiles du peintre autant que par les «rencontres» faites dans la nature (un verger, une prairie, un flanc de montagne) s’interroge sur le pourquoi de cette émotion commune et de cet étonnement répété, renvoyant à l’énigme du visible et de notre présence au monde.
Tout un chacun peut d’ailleurs se le demander: pourquoi cet art si statique et répétitif apparemment, voire apparemment insignifiant, avec ses paysages comme assourdis et ses natures mortes (que Jaccottet propose, à l’allemande, d’appeler plutôt «vies silencieuses») de plus en plus sobres et dépouillées, pourquoi cet art des lisières du silence et du «désert» monacal nous parle-t-il avec tant d’insistante douceur, et, plus on y puise, avec tant de rayonnante intensité ?
Révélant l’attachement profond de Morandi aux oeuvres de Pascal et de Leopardi, tous deux poètes des abîmes métaphysiques qu’il rapproche sur le même «fond noir» constituant l’arrière-plan de Morandi et Giacometti, et figurant en outre le «ciel» de notre siècle cerné d’horreur et de vide, Philippe Jaccottet montre bien que, loin de se détourner de «la vie», comme on a pu le lui reprocher à lui-même, le peintre travaille, avec une intensité extrême, à ce qui pourrait représenter une démarche de survie: «Comme si quelque chose valait encore d’être tenté, même à la fin d’une si longue histoire, que tout ne fût pas absolument perdu et que l’on pût encore faire autre chose que crier, bégayer de peur ou, pire, se taire».
A plusieurs reprises, citant Jean-Christophe Bailly qui compare le rituel pictural de Morandi à la cérémonie du thé japonaise, Jean Leymarie évoquant les fleurs du peintre «coupées, peut-être, par des anges», ou Valéry célébrant la «patience dans l’azur», Jaccottet fait siennes et rejette à la fois ces variations rhétoriques en concluant qu’«il y a de quoi désespérer le commentaire, mais «pour la plus grande gloire de l’oeuvre». Et de risquer cependant lui-même de passer pour «un fameux niais» en se livrant tout de même au commentaire, bien plus éclairant d’ailleurs, à nos yeux, que ceux de maints «spécialistes».
Sans paradoxe, Philippe Jaccottet confirme aussi bien notre sentiment que l’eau dormante de Morandi contient un feu puissant, une puissance d’unification et un élan du bas vers le haut que le poète rapproche, d’une manière saisissante, de l’apparition de l’ange incandescent surgi, du fond du paysage, au deuxième chant du Purgatoire de Dante. Rien pourtant de symboliste ni même d’explicitement religieux dans l’art de Morandi, que Jaccottet apparente néanmoins à une «conversation sacrée» et à un art de transfiguration qui ferait de chaque humble objet un petit monumnent, une stèle à la lisière du temps, ou ce bol blanc (blanc de neige, de cendre ou de lait matinal) dans lequel le pèlerin, à l’étape du «puits du Vivant qui voit», recueillera l’eau de survie.
Philippe Jaccottet. Le bol du pèlerin (Morandi). Editions La Dogana, 83p. A relever la qualité de la présente édition, enrichie de dessins et d’illustrations polychromes.
–
Paris-scies… ou d’errances jusqu’en Camargue (RC)
Paris Scies
Je dirai qu’à Florence
On sremplit la panse
Et qu’à Pise la tour
a ses petits fours
Y a pas en Toscane
Du saucisson d’âne
Mais en Italie
Toujours de grands lits
Marquise à Senlis
Et ses fleurs de lys
Les accueille en dépôt
Gravées dans sa peau
De Reims à Clovis
C’est un tour de vis
Poterie cassons
Vase de Soissons
Si tu vas en Arles
Tu sais dont je parle
Du fond d’Trinquetaille
Nous ferons ripaille
Et qu’on se déplace
Mais toujours j’enlace
Le corsage rayonne
De ma belle lionne
De lionne en Lyon
Un ptit coup d’avion
A califourchon
Dans un ptit bouchon
On s’en paie une tranche
Au bord de la Manche
C’était à St Lo
(pas de vin mais beaucoup d’eau)
Tant de pluie qu’en Bretagne
Pas besoin d’un pagne
Pour se faire masser
Dans un bain glacé
D’retour en Provence
C’est un jour de chance
J’ai vu ma Bougon
Parfumée d’savon
C’était pas rideau
La bête à deux dos
On s’est promenés
Bus et câlinés
Si l’Mistral nous nargue
C’était la Camargue
Lente et paresseuse
Mais aux heures, heureuse,
—
( et une petite réponse à Jo)