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Sabine Péglion – tu ne répares pas ( fin )


Alberto Burri - YouTube

peinture  Alberto Burri

 

Le pinceau ne peut couvrir la toile déchirée
Ici l’écorce laisse apparaître l’aubier

Tu ne répares pas
Tu étales sur des fils suspendus la détresse
du vent et les nuages roulent s’enroulent
en emportant l’instant

Noirs les pigments à l’amer du temps
inscrivent une entaille Fragments de lave
arrachés au volcan d’une douleur lointaine
broyée gravée pulvérisée L’incandescence
du geste n’en comble pas la faille

Tu ne répares pas
un cœur au bord de la rupture Battements
sourds des regrets aux parois de ses veines
Cicatrice du jour au givre de la pierre
Tu ne répares pas

Tu déploies d’un seul geste l’écharpe bleue du ciel
à sa gorge nouée

Tu insères dans la pierre
la lumière saisie Sur la trame des mots usés
tu recueilles les couleurs

Un chant s’élève
à la cime de l’arbre Une fenêtre s’ouvre
Le givre t’aspire en un éblouissement

Tu t’avances lentement à l’enfance du monde


Bassam Hajjar – Ils recouvrent de blanc ton absence


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Lorsque tu la quittes
ses murs se rapprochent
la maison qui, délaissée,
trouve son âme dans un coin
et devine, depuis un instant seulement,
la toile d’araignée qui pend
dans le familier
devenu vacant.

S’éloigne-t-elle maintenant ?

Ou bien la fais-tu basculer dans le vide

de tes yeux mouillés

dans tes mains

dans le grand air

des lieux éloignés

comme si la fenêtre derrière toi

regardait vers le dedans

et s’éloignait à son tour

tandis que t’absorbent la rue et le tournant
avec une boule dans la gorge
de la taille de l’océan.

Elle ne te voit plus maintenant
la maison qui se blottit dans les entrées désertes de son âme
comme si dans le silence de ceux qui restent, là-bas,
elle baissait la tête et prêtait l’oreille
à l’écho des pas d’hier

à l’écho du rire ou du chuchotement dans les salles de séjour

et les chambres

dans la cuisine

sur les étagères et la table
dans les coeurs étincelants des bouteilles d’eau et de cognac.

Comme si elle devinait
que la petite femme
habitait toujours son coeur
et marchait pieds nus pour ne pas troubler la quiétude
dans son esprit brisé,
comme un murmure
qui s’élèverait en elle, .

et de ses flancs
coulerait l’aigreur de l’attente.

Comme si, quand nous partons, c’était la maison qui nous
quittait,

les tableaux et les étagères descendent des murs
les récipients s’en vont
les meubles aussi
la couleur quitte la maison
tandis que les rideaux restent tirés sur son secret
ainsi que les amantes.

Comme elle est nomade, la lumière
et comme l’ombre est sédentaire

Et les maisons dans la mémoire sont des chambres obscures
des couloirs
la respiration tranquille des draps endormis
réfugiés dans la béatitude de leur bleu
seuls et lisses
seuls et creux comme les veuves
les veuves que sont les maisons
lorsque nous nous éloignons d’elles,
que nous faisons signe de loin
et qu’elles font signe de loin.

Puis la trame de l’horizon se relâche

et l’air se tend,

ni l’oeil ne voit

ni les fenêtres ne clignent

et entre eux la distance commence à se remplir, le temps
commence à creuser.

Ma fille distribue-t-elle en ce moment les rôles du soir ?

Discute-t-elle avec sa voisine la poupée ?

Fait-elle manger Snoopy avec sa petite cuiller ?

Trouble-t-elle l’esprit tranquille de la maison ?
Ou bien dort-elle ?

Et quand la mer passe dans sa nuit
elle se retourne, comme sur l’écume d’une vague,
et son visage s’éclaire, halo de sommeil.

La somnolence c’est aussi les maisons
leur apanage et leurs fantômes cachés
lorsque l’air, alourdi par la fumée et les lampes du soir,
endort la petite femme sur le canapé
tandis que se noie la table du bureau
dans le flot des néons
que bâillent les papiers et les livres
que s’arrête le poème.

Lorsque tu la quittes
ses murs s’écartent

La maison, vaste,
imite le désert des livres
le hurlement des loups au loin
tandis qu’un écho s’écoule de ses flancs.

Qui est l’absent ?

Les choses sont à leur place, sauf toi
les choses sans toi
te cherchent là où tu n’es pas.

Ils te voient là où tu n’es pas.

L’absent est avec eux
dans la photo, sur la chaise, derrière la table,
derrière la fenêtre,

ou bien tu avances, sous leurs yeux, dans la rue
les pieds exilés et le torse maigre.

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Ariane n’a pas laissé de fil ici ( RC )


fil d’Ariane  – voir l’article très instructif  sur le mythe  d’Ariane…    (mythe et symboles)

Je tire sur les fils, tendus qui traversent les esprits.

Je parcours ainsi la trame des jours,.

Ils s’approprient toutes créatures,

Et les conduisent, dirigés par ces fils,

A leur propre intérieur,

Qu’ils dévident lentement,

A chacun sa pelote.

Cet intérieur se tapisse, ainsi,

D’épaisseurs croisées, un cocon…

Mais ne préparant à aucune métamorphose.

Et si d’accident, la trame s’accroche

Au passage à celle d’un autre.

( C’est une rencontre, un mariage, une union)…

–            cela crée bien sûr des attaches.

Mais, contre les « toujours », les liens se distendent,

Et le tissu, va,s’effilochant ,

Pâlit à la longueur des années.

Pour se reconstruire, d’autres filaments viennent panser les plaies.

L’araignée répare sa toile déchirée.

Elle persiste à occuper les mêmes endroits.

Ceux que peuvent emprunter ses proies.

Peut-être y a-t-il aussi dans nos têtes,

Ce genre de coin, que l’on calfeutre,

Pour éviter les courants d’air,

Et amortir les chocs….

Mais si on gagne en confort,

A tout occulter,

C’est aussi mieux s’isoler, du reste du monde .

On n’y voit plus assez,

Pour se diriger,

Et aller de l’avant

On ne sent plus les vents,

Et le passage du temps…

D’ailleurs qu’importe,

S’il avale la pelote…

Ariane n’a pas laissé de fil ici,

Pour retrouver la sortie….

RC-  17 octobre 2013


Comme le tissu se relâche ( RC )


 

photo Emmanuelle Gabory

 

Pressentiment de rupture,
Comme le tissu se relâche,
Les liens s’effilochent,
Le sol n’est plus stable,

Notre trame a sa déchirure,
Des non-dits qui cachent,
Petite histoire moche,
J’avais construit sur le sable….

Changement de cap, ….tu pars à l’aventure,
Du beau regard, l’horizon lisse, a maintenant des taches
…. Ta photo oubliée dans ma poche
Prise, éprise, – comme je le fus – d’appareil> jetable

Notre livre, au dernier chapitre, d’écriture,
Paroles et rancoeur, je remâche,
Je m’doutais bien que quelque chose cloche…
Au passé   devenu soudain     insupportable.

RC  – 20 septembre 2013


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