Tirer de l’eau du puits – ( RC )

Se pencher par dessus la margelle,
tirer sur la ficelle,
au milieu même du petit oeil rond
– découpe du ciel tout au fond -.
Lui, renvoie mon reflet,
jamais je ne ferai
taire cet éclat de lumière,
même en lui jetant une pierre.
Un reflet minuscule
tout au fond du noir
d’où je crois voir
crever quelques bulles
Il faut hisser le seau
du puits le plus profond.
Remonterai-je quelques poissons
voulant voir à quoi ressemble en-haut ?
Que ce seau est donc lourd !
est-ce seulement de l’eau
ou un chargement de lingots,
qui me vient en retour ?
une eau si précieuse
valant son pesant d’or,
comme un trésor
tapi dans l’ombre ténébreuse.
… Se pencher par dessus la margelle,
mais voilà qu’une main invisible
me fait perdre l’équilibre :
je bats des bras et chancelle ,
chute brusquement dans l’obscur,
à toute allure .
… au fond du puits
me saisissent soudain, les griffes de la nuit.
Colette Seghers – Ne me cherche jamais

Ne me cherche jamais
Tu me cherchais?
Ne me cherche jamais, je suis là,
embrassée du cœur aux chevilles
dans tes mains d’homme et ta mémoire.
Et nouée comme une pièce d’or
dans le trésor confidentiel de ta vie,
brigandée dans l’envers du temps…
Ne me cherche jamais,
je suis là,
la nuit peut bien sécher ses grands
trains d’herbes fauves et lancer
sur ses rails le convoi des saisons,
elle peut bien passer de l’une à l’autre
sur ses passerelles d’orages
ou le ventre sans ciel des froids,
elle peut bien apporter ce qu’elle voudra,
ce qu’elle pourra,
sa rançon de fatigue ou sa ruée de rêves,
je suis où tu voulais que j’aille.
Ne me cherche jamais,
Nous allons là où ceux qui s’aiment
vont ensemble, épaule contre épaule,
dans le vent des solstices…
Parfois les choses durent – ( RC )
Parfois les choses durent
autant qu’elles le peuvent :
– C’est comme la preuve
de ce qu’elles endurent .
Il y avait quelques traits,
ceux de ton écriture,
posés dans le carnet,
avec désinvolture :
Comme ils m’étaient dédiés
ils sont restés,
au coeur même du papier :
on les dirait incrustés
unissant les paroles d’hier,
comme celles du temps qui passe
et se dépose sur la matière
avec une légère trace .
- C’était un échantillon
de la brillance de l’été :
– Souviens-toi du papillon
qui s’était frotté
sur la page :
avant qu’il ne s’en aille
pour un autre voyage :
– Il a laissé quelques écailles
qui brillent encore :
des pensées oubliées
– Comme un trésor
au fond de l’être aimé .
–
RC – avr 2017
( à partir des « cahiers du déluge » « constat #17 ) de Marlen Sauvage
Benjamin Fondane – faubourg d’orties
Montage perso – RC 2014
Ce n’était pas de l’étonnement, mais peut-être
une sordide angoisse
qui m’avait fait pousser dans ce faubourg d’orties
juste au moment où l’on y ramassait le ciel.
Je n’y avais jamais été que je sache
je ne pouvais savoir s’il existait vraiment
en avais-je rêvé ?
mais je savais maison par maison tous les noms
des habitants et leurs commerces,
le nom des gosses et ceux de leurs anges gardiens
– je m’y intéressais surtout
à une femme enceinte qui devait loger là
ou à quelque émigrant revenu d’Amérique –
– je n’étais pas fixé…
il s’attachait à eux je ne sais quelle idée
qu’il me fallait tirer au clair
de trésor enfoui, d’enfances fabuleuses,
de meurtres impunis
et d’une fin du monde absolument MODERNE.
Allons, Shéhérazade – ( RC )

détail de peinture de G Moreau : » Jupiter & Semelé » 1895
–
Allons Shehérazade, et rêvant
de partager tes senteurs d’orient,
il y a la course des vents d’or,
sur les collines de ton corps,
Comme dunes du désert,
où même le soleil se perd,
dans des creux d’ombre,
et ta chevelure sombre
Et comme l’étendue se plisse,
ensorcelée d’épices,
S’il y a , Shéhérazade, mille et une nuits,
Des feux d’artifice éclatent sans bruit,
> Ils illuminent ta peau lisse,
jusqu’à ton regard de réglisse.
Tes essences voyagent sur toi, lentes,
respiration entêtante.
Elle exhale toutes les moissons,
et presse mes horizons,
J’y ressens le tiède et le frais,
même en ce que tu gardais secret…
dévalant courbes et pentes,
aimée, aux fragrances de menthe..
La mer de ton ventre, bascule au nombril,
c’est en creux, un tourbillon, une île ;
une île au trésor ? – pas besoin de parchemin,
pour le lire et t’envelopper de mes mains…
Silences, attentes et fièvres,
voyagent sur le carmin de tes lèvres…
écoutant le cœur qui résonne,
autant que ta peau frissonne.
Je n’ai pas besoin d’être ailleurs,
car, souveraine, toute en fleurs,
tu rends jalouse , même la lune,
– exultant de parfums, que j’hume.
tu captes de tes seins la lumière,
et le vent n’a plus qu’à se taire….
–
RC – 14 décembre 2013
—
et comme je viens de trouver ce poème de Baudelaire…,
je le joins…
—
Le serpent qui danse
–
Que j’aime voir chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau !
Sur ta chevelure profonde
aux âcres parfums,
mer odorante et vagabonde
aux flots bleus et bruns,
comme un navire qui s’éveille
au vent du matin,
mon âme rêveuse appareille
pour un ciel lointain
Tes yeux où rien ne se révèle
de doux ni d’amer,
sont deux bijoux froids où se mêlent
l’or avec le fer
À te voir marcher en cadence
belle d’abandon
on dirait un serpent qui danse
au bout d’un bâton
sous le fardeau de ta paresse
ta tête d’enfant
se balance avec la mollesse
d’un jeune éléphant
Ton corps se penche et s’allonge
comme un fin vaisseau
qui roule bord sur bord et plonge
ces vergues dans l’eau
Comme un flot grossi par la fonte
des glaciers grondants
quand l’eau de ta bouche remonte
au bord de tes dents.
Je crois boire un vin de Bohème,
amer et vainqueur
un ciel liquide qui parsème
d’étoiles mon cœur !
Charles Baudelaire…
Catherine Pozzi – Ave
Ave
Très haut amour, s’il se peut que je meure
Sans avoir su d’où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle heure
Je vous aimais,
Très haut amour qui passez la mémoire,
Feu sans foyer dont j’ai fait tout mon jour,
En quel destin vous traciez mon histoire,
En quel sommeil se voyait votre gloire,
Ô mon séjour.
Quand je serai pour moi—même perdue
Et divisée à l’abîme infini,
Infiniment, quand je serai rompue,
Quand le présent dont je suis revêtue
Aura trahi,
Par l’univers en mille corps brisée,
De mille instants non rassemblés encor,
De cendre aux cieux jusqu’au néant vannée,
Vous referez pour une étrange année
Un seul trésor
Vous referez mon nom et mon image
De mille corps emportés par le jour,
Vive unité sans nom et sans visage,
Cœur de l’esprit, ô centre du mirage
Très haut amour.
….
Catherine Pozzi (1882-1934)
–
Marie Bauthias – L’ombre des leurres ( extrait 01 )
–
proche ou lointaine c’est
l’ombre qu’on recherche
le seuil où pourrait être dit la main son lit
le trésor qui veille à trouver à venir
la parole nomade qui nous rendrait amis
on cherche sans savoir une nuit efficace
un ciel qui roule de plus haut
sans doute l’autre endroit
le premier mot ouvert
on cherche
l’éclat et son sort
Sésame en trésors et lampe d’Aladin ( RC)
En errant dans les rues, sur les chemins
Au plus profond des bois, et dans ta main
J’ai croisé, le simple, de la vie le signe
Qui nivelle les différences et aligne
L’art du pauvre, la nature rebelle,
Habille d’automne, foire annuelle
Du précieux de ses ors, le riche
Comme le commun, et affiche
Au tapis du vent, le passage du temps
Le tout attendant, la parure du printemps
J’ai aimé te couvrir sans hiver de deuil
De mes mains d’or, j’étais feuilles
Celles restant vivantes, que je porte
Ne figurent pas en peinture, en nature morte
Et seront pour toi, mon beau jardin
Sésame en trésors et lampe d’Aladin

feuilles d'automne recouvrant une Cadillac