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Florence Noël – d’écorce


on avait dit au revoir aux arbres
à chaque feuille
et de tomber avec elles
nos mains s’enflammaient
puis murmuraient des choses lentes
apprises dans l’humus
le manteau de leur torse
était trop vaste
pour contenir le souffle des oiseaux
et tous ces souvenirs
délestés de bruissements
ces troncs buvaient nos bouches
adoubement de sèves
de part et d’autre
d’un baiser de tanin
on avait confié à leur chair
le soin de graver
l’étendue d’une vie
et dans l’ombre inconnue des cimes
nos dents entaillaient
le fragile désir de croître.

extrait de « Au hasard de la lumière »


En passant

Le temple du jardin des rois – ( RC )


montage RC

Des torches de lumière
papillonnent , légères,
poussées par les tilleuls.

Les bancs nous attendent ,
dans un havre préservé du soleil,
à l’orée de la forêt de pierre.

Vois-tu ces colonnes ?
elles ne portent qu’elles-mêmes,
ou une part d’histoire qui ne reste jamais sur place.

Des roses vivaces
cachent leurs épines, derrière leurs feuillages,
et se tournent vers le bassin, immobiles.

Courent derrière les grilles
proches du jardin du palais Royal,
pleins d’insouciance, des enfants .

Ils franchissent d’un bond
les troncs morts des colonnes,
coupées à ras.

L’ombre grignote petit à petit
l’ordonnance des bâtiments sévères :
elle s’agrandit sur la place;

On imagine qu’un temple grec attendait
émergeant à peine du sol,
bientôt envahis de sable, ce sont ses vestiges

où planent les oiseaux de proie

au-dessus de ce que fut jadis
le jardin des rois.


Rien ne sera comme avant – ( RC )


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sculpture:  tête  géante  des jardins Boboli (Toscane ) provenance  site: http://www.lumieresdelombre.com

A même la fleur,
Qu’un frisson effleure,
Les effluves se respirent,
A la façon du soupir
du jasmin rose .
Sa métamorphose
se poursuit jusqu’à l’oubli,
Au parc des jardins Boboli.

Une tête géante surveille
Les allées du sommeil,
Et s’extrait dans la douleur,
Du rêve brisé du sculpteur,
comme si le temple détruit,
retournait à sa nuit.

Les racines farouches,
issues de vielles souches
entourent, monotones,
les anciennes colonnes
évoquant la figure de plantes :
le décor de feuilles d’acanthe,
ainsi précipité au sol, roulé
… des siècles s’étant écoulés .

La jungle des fougères
envahit la pierre.
Le jardin d’abondance
sombre d’indifférence.
Nous sommes vers Florence,
un cheval ailé s’élance,

mais reste attaché au sol,
comme un symbole,
dont l’empreinte désuète,
devenue muette
d’un rêve dissous,
s’enfonce peu à peu dans la boue.

Le lieu retourné à sa solitude,
affiche sa décrépitude.
On voit même dans les bassins,
pousser des arbres assassins.
Des restes de troncs
ayant sombré dans le fond.

Les statues renversées,
étalent leurs membres blessés.
Personne ne venant à leur rescousse,
que le parcours des mousses.
On lit dans la pierre,
(en quelque sorte leur chair),
le frisson d’en finir,
avec leur passé pour avenir.

Rien ne sera comme avant,
comme nous le raconte le vent.


RC – dec 2015


une rivière qui palpite et respire – ( RC )


photo: R Constantin - 2011

photo:          R Constantin – 2011

Il y a des creux dans l’eau.

Des collines s’y précipitent et tourbillonnent .

Avec des feuilles et des brindilles arrachées,

Un peu plus en amont.

 

Toujours au même endroit, bordés d’écume .

On suppose que leur contour,     mal défini ,

Correspond, plus bas, à des rochers cachés,

Entre lesquels      rôdent      des truites .

 

Le chemin de l’eau se poursuit ainsi,

En plages profondes, où les saules se regardent,

Offertes à la caresse du vent,

Confondant les reflets et le frissonnement du jour .

C’est une chanson d’un jour de printemps,

Au murmure liquide, qui a oublié,

La furie des eaux boueuses,

Où des troncs furent emportés :

 

L’enchevêtrement inextricable de végétaux,

Parfois suspendus à grandes hauteurs,

Comme        des vêtements de misère,

Habillant encore des branches.

 

La rivière palpite, s’enfle ou se dégonfle,

Au gré du menu des saisons,

Ainsi le corps vivant,       qui respire

Pouvant rugir ou se taire.

L’été de sécheresse, la réduisant

A quelques bras         maigres,

Serpentant entre les pierres,

Comme si on en voyait le squelette.

 

L’étendue du minéral ,     mis à nu

Et le volume des blocs empilés,

Laisse présager la puissance du courant,

Un instant suspendu,             à titre provisoire .

 

Car au loin fleurissent des cumulus,

Qui pourraient bien, s’ils se déversent,

Donner au cours , un tout autre aspect,

Et marquer la fin du sursis.

RC – mai 2015

photo : Stephen Penland


Chemin des pierres – ( RC )


 

photo perso:  Cromlech  de Guadalupe - Evora - Portugal

photo perso: Cromlech de Guadalupe – Evora – Portugal

 

 

Le chemin des pierres,   se ponctue, à chacune,

de son ombre.

La colonne se dresse,

autant que la force humaine l’a permise,        contredisant la nature,

plantée contre le ciel.

 

Et si c’est un défi,

Celui du poids, de l’inertie grise,

 

Le chemin de pierres garde le silence,

Sur son secret,

Au milieu des clairières,

Et parfois des troncs,

– Quand la forêt s’est rebellée.

 

Plusieurs se sont sans doute succédées,

Et plusieurs générations,

Les muscles douloureux,

 

A la sueur de l’effort,

Aux cordes tendues,

Comme celles  d’une  contrebasse,

 

Et qui quelquefois cassent.

 

Plusieurs générations  d’hommes,

Des cohortes haletantes,

Poussant

Vers ce but réaffirmé,

Dont on ne sait          plus rien,

 

Si ce n’est ce défi, justement,

Traversant de toute sa masse,

L’épaisseur  du temps,

 

Son épaisseur presque palpable,

Au grain palpable,

Comme celui des pierres,   justement.

 

Elles se font ligne,

Elles se font      cercle,

Elles  nous font           face.

 

 

Elles  chantent presque,

Tant elles sont familières.

Elles sont à l’image des hommes.

 

Rudes,        bravant les saisons.

Inscrites dans le lieu.    attachées au sol,

Dans des pas de géants.

 

A  la ronde du soleil,

Le chant de la lumière ….

>                                                 Dressées.

 

 

photo perso:  Cromlech  de Guadalupe - Evora - Portugal

photo perso: Cromlech de Guadalupe – Evora – Portugal


Robert Piccamiglio – la petite forêt à crédit


Résultat de recherche d'images pour "pissarro route louveciennes"peinture:    Camille Pissarro ;        la route de Louveciennes         1871

 

j’avais acheté

une forêt entière

à crédit

une petite forêt

avec seulement un seul chemin

pour la traverser

je croyais

que les arbres

ça parlait mieux

que les hommes

parce que moi

je n’avais personne

à qui parler

je me suis appuyé

contre eux

en posant ma tête

contre leurs troncs

rien

pas un seul de ces arbres

ne répondait

entre eux

ils devaient bien se parler

se dire des trucs

d’hommes ou d’arbres

avec moi

rien ne sortait

Alors j’ai acheté

une tronçonneuse

j’ai coupé tous les arbres

barré le chemin

regardé le ciel

une dernière fois

et j’ai posé la lame

contre ma gorge

 

extrait   de  « le jour, la nuit, ou le  contraire »

ed Jacques Bremond