Earendel – (Susanne Derève) –

Doux logis,mol édredon d’hiver voué au roulis sonore des tempêtes, la pluie battait fort aux fenêtres. Haranguant le vent,je rêvais de varangues livrées aux nuits d’étoiles, aux insolentes moissons du Ciel que me contait Le Monde *. Earendel,ta flamme éteinte poursuivait son chemin tandis que La Grande Ourse, dans les mains du Sculpteur,abandonnait la Roue de son Chariot ailé au feu de galaxies lointaines, à des millions d’années-lumière de nos soleils, dans des ornières célestes où la boue des chemins s’ornait de sombres nébuleuses et de poussières d’astres… Big bang, sarabande cosmique dans le premier milliard d’années de l’Univers: supernovae,trous noirs,comètes,astéroïdes… Deçà mes volets clos cinglait la pluie maligne, elle noyait ciel et terre dans le temps sidéral, et moi,le nez dans les étoiles,je cherchais le sommeil,mol oreiller sur les oreilles, mes fenêtres donnaient sur la mer…
*- très librement inspiré de l’article du Monde du 29/08/2022 :
Télescope James-Webb : son album de l’été ( David Larousserie) –
Julian Tuwin – pensif dans une ville étrangère

Dans ce petit café du coin,
Contre le mur frais et intime,
Très étranger, très anonyme,
Je fredonne des airs anciens.
Privé de paroles, de sons,
Du seul regard, dans le jour gris,
Un homme solitaire prie
Pour d’éternelles questions.
J’ignore demain et hier,
Là tout finit, là tout commence,
Ici et partout, tremble et danse
Une miette de l’univers.
Sortons. il n’y a pas de voie
A mon silence et à mon chant.
Pour vous, pierres, et pour toi, vent,
Je chante, homme aux abois !
Plus proches des insectes que des étoiles – ( RC )

Je multiplie les voix,
colle mon oreille sur le sol.
J’entends le crépitement de l’univers
à même la terre.
Viennent des vibrations,
et l’enfance de l’herbe,
dont l’enthousiasme se nourrit
du temps et des vents.
De petits riens
que la pluie dépose.
Des feuilles s’ébrouent,
se développent et se ternissent.
C’est dans l’ordre des choses,
ainsi l’éclosion des roses,
leur parfum suave
comme l’éclat des astres.
Je ne vais rien décrire,
la couleur existe,
vibre de lumière,
elle se passe de moi.
Le monde est un chapiteau,
et le spectacle est à deux pas.
Nous sommes plus proches des insectes
que des étoiles.
Rainer Maria Rilke – Élégies de Duino (extrait)

Et qui, si je criais, m’entendrait donc depuis les ordres
des anges ? Et quand bien même l’un d’entre eux soudain
me prendrait sur son cœur : son surcroît de présence
me ferait mourir. Car le Beau n’est rien d’autre que
ce début de l’horrible qu’à peine nous pouvons encore
supporter,
Et nous le trouvons beau parce qu’impassible il se refuse
à nous détruire ; tout ange est terrifiant.
Et donc je me retiens et ravale l’appel d’obscurs sanglots.
Ah, de qui pouvons-nous donc avoir besoin ?
Ni d’anges, ni d’humains,
et les bêtes ingénieuses voient déjà bien
que nous ne sommes pas si confiants que cela
sous nos toits dans l’univers expliqué.
Peut-être qu’il nous reste
quelque arbre sur la pente,
où nous pourrions chaque jour le revoir ;
il nous reste la route d’hier
et la fidélité mal élevée d’une habitude
qui s’est bien plu chez nous et n’est pas repartie.
Ô la nuit, et la nuit quand le vent emblavé d’univers
nous dévore le front —
traduction de Jean-Pierre Lefebvre
Christophe Condello – âme

Fille je suis fille
d’un homme d’une autre saison
feu je suis feu
de l’éclair et de l’univers
belle je suis belle
dans le don et le pardon
femme je suis femme
de pensées et d’évasion
flamme je suis flamme
de plaisirs et de passions
âme je suis âme
du présent et de l’horizon
âme je suis âme
âme je suis âme
mère je suis mère
de nos bases, nos fondations
fière je suis fière
de l’homme que tu peux devenir
cœur je suis cœur
du passé et de l’avenir
promesse je suis promise
sans ombre et sans trahison
forte je suis forte
de caresses et de tendresse
âme je suis âme
du présent et de l’horizon
âme je suis âme
âme je suis âme
sœur je suis sœur
de la terre et de la mer
racine je suis racine
de l’harmonie, de la vie
lumière je suis lumière
de nos clartés, nos voluptés
pleurs je suis pleurs
sur nos plaies, perles de rosée
amour je suis amour
le flux et reflux des marées
âme je suis âme
du présent et de l’horizon
âme je suis âme
âme je suis âme
femme je suis femme
debout, sans compromission
âme je suis âme
du présent et de l’horizon
âme je suis âme
du présent et de l’horizon
voir l’abondant site poétique de Christophe Condello où il met en lumière beaucoup de poètes connus ou moins connus ( en particulier celui de son pays, le Québec )
Comme dans tes vers – ( RC )
Comme une grande forêt,
les arbres se cachent les uns les autres.
Je n’en vois que quelques uns,
d’autres se développent
et ont des formes étranges,
des couleurs insolites, ,
et je me perds
dans ses obscurs sentiers.
Comme dans tes vers,
une forêt de mots
où je me fraie
dans les petits espaces
que tu laisses découverts,
et je savoure un univers
en m’y glissant doucement,
et peut-être en m’y perdant.
–
RC- avr 2019
Alberto Giacometti – une question continuelle à l’univers

« Notre activité n’est qu’une question continuelle à l’univers, qui est aussi nous-même.
Pour chacun de nous, le monde est bien un sphinx devant lequel nous nous tenons continuellement, un sphinx qui se tient continuellement devant nous et que nous interrogeons.
Nous ne pouvons le faire que dans une attention soutenue, même physique de tout notre être, au guet, et dans une disponibilité aussi grande que possible sur tous les plans… Et nous enregistrons ce que nous entendons ou même ce que nous croyons entendre. »
— Alberto Giacometti, Écrits, Éditions Hermann, 2007
Max Ehrmann – enfant de l’univers
You are a child of the universe,
no less than the trees
and the stars
Tu es un enfant de l’univers,
pas moins que les arbres et les étoiles
max Ehrmann
Devenus transparents – ( RC )
–
C’est un oubli de soi-même.
Tu traverses les jours et les nuits.
Les yeux clos.
Tu parcours les mondes.
Ceux-ci restent noirs.
Leur énergie te propulse,
A travers le miroir, ton propre miroir…
Tu te vois sans limites,
Ressens le souffle du vent,
Que tu ne peux saisir.
Tu ne peux écrire dessus, …non plus
Fondu dans l’ombre,
Rien ne te distingue,
D’un arrière plan .
– existerait-il d’ailleurs ?,
si tu rouvrais les yeux ? –
…. Point de suspension
Dans l’univers,
Et pourtant absorbant,
Dans le livre aux pages ouvertes,
Ce qui fait la chair du monde.
Elle te consume petit à petit,
Te nourrit, mais te déchire à la fois.
Tu mourras, …. nous mourrons,
Traversés par la vie,
Comme par autant d’étoiles,
Réellement fondus au coeur de l’ombre,
Ames poreuses à l’odeur des choses.
Devenus transparents .
–
RC – août 2014
–
Inspiration : Joseph Brodsky et Alda Merini
Laetitia Lisa – Offrande
–
Le sable me chuchotait
De marcher dans sa chaleur
J’ai ôté mes chaussures
Pour recevoir ses caresses
J’ai laissé glisser au sol
Mon manteau d’ombres
Et ma robe de feuillets
J’ai offert ma peau aux embruns
Et revêtu le vent
J’ai libéré mes cheveux
Evadés sur ma nuque
En cascades légères
En vagues irisées
Priant le soleil
De venir s’y coucher
A l’appel de l’heure bleue
J’ai déposé sur le sable
Ma peau d’arc-en-ciel
Mon sang de rosée
Puis chevauchant la nuit
J’ai étreint l’univers
–
L L – septembre 2010
Jean Daive – Nommer ?
–
Nommer ?
Le nom ne se répétait plus.
Dans l’espace cinq rayons superposés
réduisaient les astres, les mers, les ciels à diverses égalités.
Un germe formulait les lois d’un univers magique,
lumineux par les cris poussés dans des souffles de morts
hors d’un monde habité.
Jean Daive
in » 1, 2 de la série non aperçue
–
Christophe Bourdin – le fil – extr 01

photo: And Gursky
Car tu aurais aimé que chaque journée qui s’ajoutait aux précédentes fût inscrite dans le mouvement uniforme d’une continuité, qu’aucun accident ne vînt briser la ligne droite de ton histoire,
le cours de ton destin ; tu aurais voulu que chacune des décisions que tu prenais fût issue logiquement de décisions passées, que les heures qui s’enchaînaient fussent jointes, comme liées par un pacte, et non plus simplement contiguës, juxtaposées les unes aux autres ; et pourquoi pas, que le futur rappelât le présent toujours.
(Tu avais aimé, enfant, tout ce qui paraissait ramener au connu, ce qui reproduisait l’ancien, ce qui se ressemblait, les fréquences, les reprises, les événements qui répétaient la vie, les cycles, le retour des saisons, ce confort des recommencements, les rangées parallèles des marchandises dans les magasins, la séquence des conserves, les superpositions jumelles et les similitudes,
les collections aussi, qui propageaient, qui démultipliaient les choses, et les nomenclatures, les recensements, les sommes, les totalisations, ce qui voulait épuiser la réalité, ce qui semblait pouvoir renfermer le monde, les encyclopédies qui détenaient l’univers, les dictionnaires qui rassemblaient les mots d’une langue, les répertoires alphabétiques qui recueillaient le téléphone et l’ adresse des amis,
tous les fichiers, les énumérations, la liste des élèves qui résumait une classe dans une école, les annuaires qui regroupaient le nom des abonnes d une ville, d un département, d’une région, les almanachs, les calendriers, les agendas et les éphémérides, offerts le jour de l’an, qui possédaient l’année entière, et puis, surtout, les catalogues, où, page après page,
on dénombrait tous les vêtements, de la chemise à la chaussure, tous les objets, les outils, ustensiles en tous genres, appareils ménagers, le mobilier, les jouets, les gadgets, répertoriés, classés par thème, indexés à la fin ; tu prenais dans tes mains le livre lourd, tu te calais dans un fauteuil, tu tournais les feuillets un à un, tu suivais les images qu on y avait incluses, des chiffres, des numéros se succédaient, tu détaillais ce qui constituait pour toi un ensemble invariable. Une totalité. )
——–
» le fil », est un livre édité aux éditions la parenthèse
–
J.William Turner, Three Seascapes ( avec F Garcia Lorca & Virginia Woolf)
Peinture: William Turner
J. M. W. Turner, Three Seascapes, c. 1827 ( très belle peinture ( et très peu connue)
» je veux vivre sans me voir »
— Federico García Lorca, from “Song of the Barren Orange Tree,”
« Je ressens toutes les ombres de l’univers, multipliées au plus profond de ma peau »‘ trad RC
— Virginia Woolf, from a diary entry dated 5 November 1931
(via fuckyeahvirginiawoolf)
–
Catherine Pozzi – un seul signe de l’univers
Un seul signe de l’univers
Ne passe le seuil de la vie
Mais il n’existe pas de vie
Qui n’ait reçu mille univers.
–
Catherine Pozzi, Très haut amour
–
Orhan Pamuk – peinture, vision, souvenirs

peinture: Georges de La Tour: Marie Madeleine à la veilleuse, vers 1640
« La peinture n’est que la recherche des souvenirs de Dieu
Dans le but de voir l’univers tel qu’il le voit »
Orhan Pamuk
–
Claudio Pozzani – Cherche en toi la voix que tu n’entends pas
Cherche en toi la voix que tu n’entends pas
(invocation pour voix, cage thoracique et solitude)
Cherche en toi la voix que tu n’entends pas mange l’univers si tu ne la comprends pas Maisons basses au toit en pente pleurant la pluie venant des sous-toits désormais pourris Parfum de terre, de feuilles, d’étangs et paysages sinistres de marbre candide Cherche en toi la voix que tu n’entends pas mange l’univers si tu ne la comprends pas Vers qui gisent sous le fond boueux rats qui nagent dans des ruisseaux d’acier Embruns de brouillard, voitures véloces qui broutent de rapides tagliatelle d’asphalte Cherche en toi la voix que tu n’entends pas mange l’univers si tu ne la comprends pas Des ombres de glaise se trainent les pieds en secouant leur tête conique basse D’obliques fantômes imprimés sur le mur rappellent fuites et chevaux de frise La noirceur commence à refléter ton esprit tandis que tout devient effervescent et vert…
Claudio Pozzani
Cerca in te la voce che non senti
(invocazione per voce, cassa toracica e solitudine)
Cerca in te la voce che non senti mangia l'universo se non la comprendi Basse case dai tetti spioventi lacrimanti pioggia da gronde ormai marce Profumo di terra, di foglie, di stagni e sinistri paesaggi di candido marmo Cerca in te la voce che non senti mangia l'universo se non la comprendi Vermi che giacciono sotto il fondo fangoso topi che nuotano in ruscelli d'acciaio Fumo di nebbia, auto veloci che brucano leste tagliatelle d'asfalto Cerca in te la voce che non senti mangia l'universo se non la comprendi Ombra di creta camminano stanche scuotendo bassa la conica testa Obliqui fantasmi stampati sul muro ricordano fughe e cavalli di frisia Il buio comincia a specchiarti la mente mentre tutto diventa effervescente e verde...
© Claudio Pozzani
Extrait de: Saudade e Spleen
Alchimies Poétiques, Éditions Lanore, Paris 2001
–
Suivant les points de suspension (RC)
–
…… Suivent les points de suspension , tout s’exaspère et tourbillonne
Dans le bocal de l’univers, les atomes se contournent,
les galaxies se font tourbillon, et belles dans leurs robes d’étoiles…
De voies lactées en vraies laitances, la toile des possibles est encore à peindre,
la buée devenue eau sera-t-elle bue par celui ou celle qui veut la boire ?
.De cette eau, de ce lait tu t’en nourriras, tu enfanteras ce que tu n’avais même pas imaginé, tu écriras ce que nul autre n’a écrit,
.
Ce qui reste, est un vaste, ce qui reste sera pour toi !, —– ce sera toi !
Tu traverseras un espace sans limites, ce mondes des possibles, tu seras toi même univers…
tu l’es déjà… si tu te vois positive… (points de supension)..
–
RC 24 mai 2012 ( reprise de juillet 2011)
–
Vincente Huidobro – Altazor

J R Orozco : peinture murale à San Ildefenso
–
Vincente Huidobro
(poète chilien, 1893-1945)
Altazor
Altazor pourquoi as-tu perdu ta sérénité première
Quel mauvais ange s’est arrêté à la porte de ton sourire
L’épée à la main
Qui a semé l’angoisse parure divine
Sur les plaines de tes yeux
Pourquoi un jour subitement en toi la terreur d’être
Et cette voix qui t’a crié vis
Le diamant de tes rêves s’est brisé dans une mer de stupeur
Tu es perdu Altazor
Seul au milieu de l’univers
Seul
Comme note qui fleurit sur les hauteurs du vide
II n’y a ni bien
ni mal
ni vérité
ni ordre
ni beauté
Où es-tu Altazor
Tombe
Tombe éternellement au fond de l’infini
Tombe au fond du temps
Tombe au fond du Je
Tombe au profond du fond
Tombe sans vertige
Au travers de tous les espaces et de tous les âges
Au travers de toutes les âmes de tous les désirs
De tous les naufrages
Tombe brûle au passage les astres les mers (…)
C’est fini
La mer anthropophage bat la porte des rochers impitoyables
Les chiens aboient sur les heures qui meurent
Et menacent les heures à l’heure de leur mort
Le ciel écoute le pas des étoiles qui s’éloignent
Tu es seul
–
V. HUIDOBRO (1919)
» Altazor » ( » Manifestes « )
(Trad. G. de Cortanze, Champ Libre 1976)