Deux femmes en chapeau et leur enfant – (RC )

peinture: Claude Monet, les coquelicots d’Argenteuil – 1873, Musée d’Orsay Paris
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– Deux femmes en chapeau et leur enfant,
Dans une peinture de Monet
D’une musique légère et virevoltante,
Chasse aux papillons, parmi les hautes herbes,
Une fenêtre ouverte sur le beau temps,
Mais rétrécie par le cadre lourd,
Des dorures inutiles,
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Il fait chaud dans ce musée,
Les gens se pressent, dans l’exposition,
Les pas résonnent, sur le parquet verni,
Et sous la verrière, on voit des nuages gris,
Qui parlent de la ville,
Des immeubles qui se pressent,
Et des rues revêches, et des passants en imperméables.
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La fenêtre de l’insouciance,
Ouvre sur la campagne.
Elle est riante, et tourne le dos,
Aux nouvelles des journaux,
A l’ère industrielle, qui s’étend,
Aux fumées des usines,
Envahissant bientôt l’horizon.
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La campagne est riante,
C’est bien sûr le printemps,
Elle sonne , comme nostalgie,
D’un paradis perdu,
Oubliant les songes noirs,
Les anges qui blasphèment,
Et les grondements des avions.
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Deux femmes en chapeau et leur enfant,
Dans une pente douce….
Il y a une musique légère, en robes longues
Des pianistes aux jambes fines et doigts d’araignées,
… C’est juste avant la ville,
( Enfin, quand je sors du musée,
Pour reprendre le métro ).
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RC – 7 septembre 2013
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Le concert des fausses notes ( RC )
- retable d ‘Issenheim : tentation de St Antoine
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Les cors essoufflés font avec, les violons langoureux
Un dialogue grisé, qui éteint le décor.
La symphonie fantastique a mille retours
Gnomes et djinns me soufflent au visage
Une haleine soufrée, des cloches fêlées
Les héros politicards, vite endormis
Aux matières sournoises, se drapent dans le pourpre
Et s’entourent de mains molles,
D’anciennes affiches pendantes, en clones plats
Le miroir n’a plus à raconter l’avenir,
L’humanité pleure, le concert des fausses notes
Les saxophones barbotent en faux airs enjoués,
Le fossoyeur, jette une tasse brisée
Avec les fleurs passées du retable d’Issenheim,
Les tarots alignés, montrent bâtons,
Les mères pleurent leurs fils partis
– Combattre d’autres enfants,
…..L’au delà des frontières, appelle chimères.
Chaque coup marqué par les timbales
– cerne le présent , celui d’ ici –
Les hennissements des trompettes…
Après la “marche au supplice’
> Rendez-vous sous l’horloge…
… maintenant avec des chiffres, elle égare ses aiguilles
Qui défilent, et le progrès qu’on emballe;
Cacophonie ouatée, cuivres ternis
Les pères ont disparu – On leur a menti
– La fumée jaunasse des usines
Au dernier mouvement, noie bientôt l’orchestre…
Et ses ressacs d’un matin. – insolvables –
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RC – 22 septembre 2012
( composé au souvenir d’un panneau du retable d’Issenheim, de Grünewald, dont la
reproduction illustrait la “symphonie fantastiques ” de Berlioz )
- Caricature d’Hector Berlioz par Etienne Carjat, 1858
Benjamin Fondane – Villes

peinture: Wayne Thiebaud Sunset Street 1985 ( MoMa)
Villes
Le silence coula sur mes mains
c’était un orage de sable
la ville était pleine de sable
où donc étaient-ils les humains
j’avais beau courir dans le vide
suivi lentement de mes pas, le vide était plus plein
qu’une poitrine gonflée qui fait sauter les pressions,
le vide était si plein, j’avais si peur qu’il n’éclatât
que soudain j’ai pensé qu’il me fallait crier
ressusciter la vie
souhaiter le sifflet des bateaux, des sirènes d’usine
la rumeur des meetings, des fleuves de glace qui cassent
sous la poussée du printemps, les vitrines brisées des grèves générales, le bruit
strident des rémouleurs aiguisant les ciseaux, les couteaux, la criée des poissons dans les halles, les plaintes des marchands d’habits,
des rempailleurs de chaises, des pianos mécaniques et des musiques perforées.
Je vous appelais du fond terreux de mon angoisse
sonorités des étameurs, des camelots, ô chansons nasillardes
des marchandes de quatre-saisons qui font au printemps maladif
l’opération césarienne -Et peu à peu je vis céder mon insomnie
mes oreilles bourdonnaient, une sorte d’âcre paix, une paix nauséeuse,
pénétra dans mon sang avec une vieille odeur de draps
et mon sommeil ouvert comme une bouche d’égout
buvait les cantiques pieux des machines à coudre,
le ronflement régulier des tuyaux de vidanges, le souffle léger de la vie qui monte et qui grince, ô poulie !
Le bruit de plus en plus fatigué de la vie.
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On n’invente plus la pluie (d) – ( RC)

photo – favelas au Brésil
Autour de la colline brune,
La rivière s’enlace …
De tôles et de planches,
S’agrippe le bidonville,
Emergeant sous la lune,
Autant qu’il s’entasse,
Oscille et se penche,
D’hésitations malhabiles…
Aux horizons noircis de fumées
Des usines assez proches
Ecrivent le labeur,
Et les cités dortoirs
La ville d’écailles ,de nuit allumée,
Vue d’en haut – assez moche –
Est pleine de dormeurs.
La pluie, ruisselle sur les trottoirs…
RC 21 août 2012