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Fernando Pessoa – Accalmie –


Uehara Konen – Vague –

.

.

Les vagues content quel rivage

Qui ne peut être trouvé

Si nombreux que soient les bateaux en mer ?

Qu’est-ce donc que trouvent les vagues

Et qu’on ne voit jamais surgir ?

Ce bruit de mer se faisant plage

Où est-ce qu’il peut subsister ?

.

L’île si proche et si lointaine,

Qui dans l’oreille persiste,

Pour le regard point n’existe.

Quelle nef, flotte ou armada,

Peut finir par ouvrir la voie

Vers la plage où la mer insiste,

Si à perte de vue la mer est seule ?

.

Est-il des déchirures dans l’espace

Qui donnent sur l’autre côté,

Et grâce à quoi, l’une trouvée,

Ici où ne sont que sargasses,

Surgirait une île voilée,

.

Le pays fortuné

Préservant le Roy déporté

Dans sa vie enchantée ?

.

.

Fernando Pessoa est mort le 30 Novembre 1935

Message

traduction de Patrick Quillier

Ed. Chandeigne


Au fil de l’eau – (Susanne Derève )


photo RC -Bords de Rance –
Au fil de l’eau,  
un bruit de baiser sur la roche, 
le rire léger de la marée étale,
telle transparence qui arrache 
aux pierres plates 
sous la surface de doux reflets de perle

la chanson lancinante de la vague va va va 
et revient   
avant que les courants ne refluent et t’emportent
comme fétu de paille
ou ne te laissent échouée sur l’estran 
de boue grise
tremblante sous le vent 



Vesna Parun – Ephèbe endormi


Résultat de recherche d'images pour "botticelli Arès et Aphrodite""

peinture: Botticelli:  Arès & Aphrodite  ( détail droit )

 

Sur la plage où l’ombre de la baie s’allonge

Il est couché tel une vigne en son clos,

Solitaire et tourné du côté des vagues.

Son visage est empreint d’une grâce grave,

Le vent de midi à ses traits se caresse,

Il est plus beau que branche de grenadier

Gorgée de pépiements d’oiseaux, et sa taille

Plus souple que l’ondulation d’un lézard.

.

 

Grises est la mer, le sable crisse.

Des ombres blondes s’étendent sur la vigne.

Dans le lointain des colonnes de ciel saillent.

L’orage maintenant vient battre la plage.

.

Et moi je tête l’odeur d’été qui croît

Et je bois le vin des plantes dénudées

Et j’emplis mon regard de ces mains qui luisent,

De ces flancs brillants et polis d’une écume

Ou se déplace l’huile des oliviers,

Moi, mes yeux apaisés reposant sur lui

Enveloppé par la vague, qui sommeille

Dans ce tonnerre lent et vieux comme agave,

Moi livrée au vol multiple des désirs,

Je me demande combien d’ailes ouvertes

Palpitent dans les creux bleutés et les monts

De ce corps si calme qu’il s’en va troubler

L’herbe solitaire et la mer en son verbe.


Vesna Parun – la vague


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J’écoute la rumeur basse de la mer

Qui surgit de la vague et se répercute,

Masquée par un agave antique, j’épie

Sa gorge qui se change en une mouette

Pour s’envoler avec un gémissement

Vers l’or des nuages. Et de l’airain du ventre

Somptueux s’érige sombrement le roc

En fleur qui porte un cortège de princesses

Fascinantes, de fées surgies des légendes.

 

I listen to the down rumor to the sea
That emerges from the wave and reverberates,
Masked by an ancient agave, I watch
Her throat that turns into a seagull
To fly away with a moan
To the gold of the clouds. And belly brass
Sumptuous rises darkly the rock
In bloom carrying a procession of princesses
Fascinating, fairy tales arisen from legends.
.

.


Vesna Parun – dans la montagne des vents immobiles


 

The dreaming stones by stonelantern.jpg

photo importée de StoneLantern

 

Il est passé à travers moi comme une vague
frôlant ceux qui dorment
dans la montagne des vents immobiles.
Il est tombé comme la neige sur ma poitrine
et s’est transformé en silence.


Ce que dissimule le désert – ( RC )


photo: pochette de CD « Silencio »   Gidon Kremer

 

Il y a une  étendue plate,
–  Elle  se perd dans l’infini  – .
>        Elle  appelle un désert,
un océan,
ou un simple terrain inhospitalier.

Et rester immobile  tout ce temps,
debout,
on compte les heures en suspens –
ou plutôt on ne les  compte plus ;

c’est une  attente,
le regard  dans le vague.
Le ciel est trop haut,
Il écrase de son poids
tout ce qui s’échappe de l’horizontale.

Mais tu espères sans t’en rendre compte,
au-delà de la solitude,
La rupture des écluses,
que les lèvres  du temps  s’entr’ouvent.

Et la crainte, en même  temps,
Que les yeux  ne sachent pas  voir,
Ce que  dissimule  la surface unie
–   Un guetteur du désert des tartares  –
«  Anne, ma sœur Anne,  ne vois-tu rien venir ? »

Et si le vide  était une illusion,
et que continue dessous,
l’échappée des heures,
…Une  simple  dilution.

La vie est souterraine .
Elle  fait un grand détour,
vers toi
pour contourner le froid.

T’en rends-tu compte ?

RC – juill 2015


Marceline Desbordes – Les roses de Saadi


tching    rosegarden.jpg

J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ;

Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes

Que les nœuds trop serrés n’ont pu les contenir.

Les nœuds ont éclaté.         Les roses, envolées

Dans le vent,  à la mer        s’en sont toutes allées,

Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir ;

La vague en a paru rouge et comme enflammée.

Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée…

Respires-en sur moi l’odorant souvenir.

 

 

Marceline DESBORDES-VALMORE « Poésies inédites »


Paul Bergèse – Au gré des galets


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Au repos de la plage
les galets apaisés
tendent leurs joues
à la caresse de la vague.

Couleurs soleil ,
les galets du Verdon,
portent encor des odeurs
des goûts et des musiques.
Souvenirs d’enfance.

Neige, vent, pluie, soleil ,
torrent , rivière et plage.
Combien de souvenirs
dans la vie du galet ?
Mais son visage lisse
est toujours impassible.

Une aventure vibre
au profond du galet.
Musique de fontaine
où s’abreuve un poème.

 

et avec un lien sur ce texte  écrit  en,  2014


Face aux dentelles de Montmirail ( RC )


photo perso.  Dentelles de Montmirail - octobre 2015

photo perso. Dentelles de Montmirail – octobre 2015

 

Quelque part,
adossé  au corps  de pierre,
La pente offrait
juste un répit,

un souffle,
avant de reprendre,
plus drue,
Plein sud,là où la terre n’a pas accès.

Seuls les arbres
accrochés, on ne sait comment,
dans une  anfractuosité,
Têtus.

C’est une muraille qui se dresse
Une construction gigantesque de clair,
poussée sur un bleu
sans faille,  où elle  s’appuie .

Je la devine
plus que je ne la vois,
– lui tournant le dos –
mais elle  répercute

Comme un miroir
La chaleur  et les embruns solaires.
Embruns  étirés de senteurs  âpres
de romarins  et de buis.

Je suis  assis
devant une parenthèse
— aride  
d’éboulis grisâtres .

On se demande
ce qui retient
ces roches  déchiquetées, mâchées…
de dévaler plus bas  :

Juste  comme  si la montagne
s’ était débarrassée,
en s’élevant,
d’éléments  superflus.

A la manière d’un serpent
abandonnant sa mue:
une enveloppe
devenue inutile.

C’est un jour
où le mistral se repose  :
En automne,
on n’entend plus les cigales

Mais le murmure de la vallée lointaine ;
peut-être un ruisseau,
Le léger bruissement  des feuillages ,
les traits espacés du vol de rares oiseaux.

Au fond, le soleil caresse
des rangées de vignes
soigneusement peignées,
virant sur les jaunes, les orangés.

Peu de champ libre,
avant qu’une nouvelle vague minérale,
s’élève, accélère son mouvement,
jusqu’à ce que chênes et pins abandonnent.

Au pied d’une  grande  couronne de pierres,
sentinelles  verticales,
à la façon de supports de dolmens,
dont il manquerait la table…

Forteresse censée surveiller
une mer disparue,
oublieuse,
bue,   par le basculement  des choses

inscrit dans la roche,
et ainsi de suite jusqu’aux îles
de la Méditerranée attendant un signal
pour se dresser à leur  tour  .


RC oct 2015

 

voir aussi https://ecritscrisdotcom.wordpress.com/2016/03/20/quelques-pas-vers-les-dentelles-1-rc/

 


Marceline Desbordes- Valmore – Les Roses de Saadi


peinture - Joanna Chrobak

peinture – Joanna Chrobak

.
J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n’ont pu les contenir.
Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées,
Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée…
Respires-en sur moi l’odorant souvenir.

 


Forteresses rêches, debout pour l’éternité – ( RC )


 

photo: Musée -château    d’Annecy

 

Les forteresses  rêches,,
Debout  pour  l’éternité,
–  avait-on affirmé.
Ceux  qui les ont  édifiés,
et qui les  gouvernent .
A  l’abri des murailles :

Ces monstres qui tuent ,
Un peu   comme le Minotaure,
Dans le labyrinthe .
Là,   ce sont des princes et des évêques,
En habits     cérémoniels ,
Ils décident des conquêtes,
Et assoient  leur pouvoir.

Un temps  .
Avant que l’ambition d’ autres
Ne s’exacerbe avec le sang,    les complots,
Les breuvages  empoisonnés,
Les   messes noires du destin,
Le tirage funeste   des tarots …
L’invasion des barbares…

>      Et le temps  encore,
Comme une vague,
S’étale :
Un mal insidieux
Transforme ces forteresses
en châteaux  de sable .

Certaines  sont  encore  debout ,
Mais          n’ont plus de sens .
Ce sont des coques vides.
On en  a oublié la raison ,
Souvent le nom des puissants .
Leur nom, autrefois gravé  dans la pierre,
S’est dissolu comme le sel .

Les fossés sont comblés,
L’herbe grasse s’est nourrie du sang versé,
Des arbres ont repris le dessus,
Des tours se sont effondrées,
Servant de carrières de pierres,
Le reste , d’étables ou de casernes .

Maintenant ce sont des musées :
Les  grandes salles vides,
Servent pour les  expositions .
Le pouvoir a changé de mains ,
Avec les avenues,
et les cars de touristes :
Il faut bien s’inventer des alibis.

Les complots se font autrement ;
– L’époque apparaît plus pacifique – ,
En fait le miroir
De la puissance de l’argent …
En trompe-l’oeil
Sous le couvert de la culture .

RC – dec 2014

 


Alessandra Frison – La pluie vide chaque soupçon de vie


 

*

La pluie vide chaque soupçon de vie
des draps tirés jusqu’à la limite
elle ne te fait pas voir
la charge des heures le matin
tôt tous sont réveillés
déjà à leur corde
et tu devrais t’efforcer jusqu’à ce point
jusqu’à assécher le sommeil
alangui et réfractaire terme de
qui existe l’indispensable
à temps tout juste pour s’évacuer de chez soi
c’est ce que je me dis,
après une journée qui mesure
les centimes de chaque dignité,
après la vague déchargée
mécanique déçue des feux rouges à la gare
parmi le moyen âge des rues, je suis
la plus incertaine fenêtre du monde.

***

Alessandra Frison

auteur Yves Lecoq

photo: Lux Coacta

est une (très) jeune poétesse milanaise – née à Zevio -,

Elle a publié dans l’Almanacco dello Specchio (Mondadori) 2008; elle présente régulièrement son travail grâce aux pages http://alessandrafrison-blog.myblog.it/ , où l’on pourra trouver d’autres poèmes.

Inediti:

La pioggia svuota ogni sospetto di vita
dalle lenzuola tirate fino al limite
non ti fa vedere
il carico delle ore la mattina
presto tutti sono svegli
già alla loro corda
e ti dovresti impegnare fino a quel punto
fino ad asciugare il sonno
molle e refrattario termine di
chi esiste l’indispensabile
in tempo appena per sfollarsi di casa
così mi dico
dopo una giornata che squadra
i centesimi di ogni dignità,
dopo l’onda scarica
meccanica disillusa dei semafori alla stazione
tra il medioevo delle strade, sono
la più incerta finestra del mondo.

 


D’autres villes – ( RC )


 

peinture:              James Whistler –                  Valparaiso nocturne          en bleu et or.

 
Pendant la nuit,      qui s’enfonce entre violet et silence,
Clignotent encore        quelques néons,
Leur reflet alternativement vert et jaune
Sur l’asphalte mouillée.                             Têtus.
Les baraques du chantier du port, désertées.

Et au loin le flux chuintant des voitures,
Les boucles de l’échangeur éclairées d’orange.
Cependant les nuages sournois masquent alternativement une lune.
Un oeil fixe,                                    cloué là haut.
Il nous dit la présence solaire,      – ailleurs.

Ailleurs à l’opposé de la terre.
Sous d’autres climats.
Avec d’autres langues.
Mais,        la même course du jour,
Se déplaçant    comme une vague.

D’autres villes,  s’enfonçant bientôt,
Entre le violet et le silence …
Et le clapotis des flots.
Alors qu’ici s’annoncera l’aube ,
Sur un jour recommencé.

Les immeubles seront encore au même endroit.
A l’assaut des colllines.
Les grues pourront reprendre  leur ballet.
L’oeil fixe de la lune ,            s’est effacé,
Discrètement,                dans la brume .

 

RC  –  mars  2014


Je ne sais plus parler le langage des songes – ( RC )


gravure maritime  ancienne -  extraite de manuscrit

–                           gravure maritime ancienne – extraite de manuscrit

Je ne sais plus parler

Le langage des songes,

Et les partager avec toi,

C’est une vague,

Elle déferle, lointaine,

Et mélange ses images,

Vue aux lointains,

La vague des rêves,

Une parmi d’autres,

Se fond en léger frisottis,

A la surface des océans.

C’est vrai, il faudrait plonger,

Dans les profondeurs,

Pour suivre les courants,

Et les bancs des poissons.

Ces poissons de rêves,

Que tu chevauches peut-être,

Vers des horizons sous-marins :

Il ne serait pas question

D’en parler, ou seulement,

De façon muette,

Ce serait alors,

Sous les remous,

Sous les bateaux,

Notre façon de traverser,

Les étendues d’eau,

Les étendues de mots,

Et l’on décrirait sans le dire,

Toutes les couleurs,

Des coraux,

Qui peuplent notre esprit.

RC- 5 décembre  2013 bowlsuite-c


Au bord de l’aquarelle – (RC )


aquarelle: William Turner – Venise

Les couleurs transparentes se posent,
Et laissent les reflets en papier blanc,
Il faut les contourner,
Pour que la caresse de l’éclat
De la lumière,
Prenne tout son sens,
Et que le ciel éblouissant,
Se tienne à distance,
Des  eaux tranquilles,
Et des palais de Venise.

Le coeur se serrerait
A oublier ce paysage,
Saisi dans un instant,
D’un crépuscule,
D’un soleil sanglant.
Et le vent,
Echappé d’une bouche noire
Resterait palpable,
Presque,
Au dessus des navires,
Approchant du port…

Chaque détail, accrochant la lumière,
Reste ici, inscrit
Il traverse notre regard,
Comme celui du peintre,
Et nous parvient dans une aube nouvelle,
Un coin de la mémoire,
Une vague suspendue,
L’ombre des pins,
Superposée à elle-même,
Lovée dans le perpétuel
Mouvement du temps …

…Au bord de l’aquarelle.

RC- janvier  2014

aquarelle John Singer Sargent – Venise: Ponte San Giuseppe di Castello 1903


Alain Fabre-Catalan – Où demeurent les sources


peinture: Zoran Music, paysage dalmate, gouache sur papier,1953

 

J’ai lancé ma pierre dans l’inconnu
contre les vitres de la nuit, dans le jardin des mots
plus affûtés que l’herbe sous la rosée des larmes
offertes au néant. J’ai connu la parade des corps amoureux
et caressé la vague claire qui dépose à brassée
ses paroles légères comme braise d’un feu
qui n’en finit pas de s’éteindre à l’approche des matins.

J’ai vu le dos luisant des rêves échoués comme blocs
erratiques dans le courant qui marque le passage
de la nuit au jour, sitôt dispersées les eaux profondes
du sommeil dans un flot d’images muettes.

 

Du site  « recours au poème »

 

 

– See more at: http://www.recoursaupoeme.fr/alain-fabre-catalan/o%C3%B9-demeurent-les-sources#sthash.KlWO8SQe.dpuf


Esther Tellermann – Voix à rayures


photo: extraite  du livre  Gaia

photo: extraite du livre   « Gaia »

 

 

 

 

 

VOIX À RAYURES

Pour Henri

Dans le nom du troisième
et sa boucle
j’emplissais le monde
d’épilobes
de socles
de gneiss et de
doubles reflets
et sur l’ancienne mer
là où l’homme
avait pris la couleur
j’attendais le faucon

la ville de douze étoiles.

**

Rêve maintient
le rêve   si
ne sommes trop lourds
inventons
une noce
une couche animale
à l’intérieur de la vague
si
chevauchons    nos syllabes
d’une passe
à l’autre
et nos rires    comme
paquets d’émeraudes

trouent le souvenir.

 

Esther Tellermann, (terres de femmes)

 

 

photo Inner Flow

photo Inner Flow

 

 


Keith Barnes – Mr Soleil


peinture: enfant de maternelle, année  1975, Lyon

peinture: enfant de maternelle,    année 1975,     Lyon

 

 

_-

 

M. Soleil ce matin tu ressembles à un dessin d’enfant –
Ébahi par tes propres points d’exclamation
Aussi étonné de te sentir radier
Que moi qui marche dans ces rues bien tracées
Éclatées en étoiles à l’Opéra à la Bastille
L’Arc de Triomphe République Italie
Ce matin c’est comme si pour t’imiter
Tout se mettait à rayonner
Tu en doutes ? – La preuve ! Je lance un caillou
Dans la Seine
Juste là où tu surprends les vitraux de Notre-Dame
D’elle-même la rosace s’ouvre dans ta lumière
Et projette sur la pierre une autre floraison
Même les grilles des arbres miment
Ta manière de t’épanouir
Autour d’elles les pavés se mettent à onduler
Ils s’ouvrent en éventail se soulèvent vague après vague –
Et moi M. Soleil je baigne dans le bonheur

 

 

Vitrail médiéval  Cathédrale de Chartres

Vitrail médiéval         Cathédrale de Chartres     zodiaque –       poissons


Brigitte Tosi – Un jour la mer ne viendra plus


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un jour la mer ne viendra plus

Frapper à la porte de mes yeux

 

Je battrai des paupières,

Oscillant sur la vague

De mon humeur vitrée,

Croyant retenir, encore,

Un peu de vie et de lumière

 

Le vent coudra ma bouche,

Cette fissure du visage,

Ce rouge murmure,

Cette pâle plainte

De mots hasardeux

Un coup de lune foudroyant

Viendra lisser mon front paré

De tôle grise ondulée

 

Un jour la nuit viendra

M’échouer dans la mer 

La marée haute engloutira

Les chairs mortes de mon corps

 

Un promeneur distrait

Lancera sur la vague

Les galets de mes yeux

Endormis sur la plage

 

Un jour le mot

ne viendra plus

 

 

Brigitte Tosi

 

 


Mahmoud Darwich – Blocus pour les panégyriques de la mer


 

 

 

 

 

Mer et mur                 ( Acre – Israël)

 

BLOCUS POUR PANÉGYRIQUES DE LA MER

S’envolent les colombes

S’envolent les colombes
Se posent les colombes

Prépare-moi la terre, que je me repose
Car je t’aime jusqu’à l’épuisement
Ton matin est un fruit offert aux chansons
Et ce soir est d’or
Nous nous appartenons lorsque l’ombre rejoint son ombre dans le marbre
Je ressemble à moi-même lorsque je me suspends
Au cou qui ne s’abandonne qu’aux étreintes des nuages
Tu es l’air se dénudant devant moi comme les larmes du raisin
L’origine de l’espèce des vagues quand elles s’agrippent au rivage
Et s’expatrient
Je t’aime, toi le commencement de mon âme, toi la fin

S’envolent les colombes
Se posent les colombes

Mon aimé et moi sommes deux voix en une seule lèvre
Moi, j’appartiens à mon aimé et mon aimé est à son étoile errante
Nous entrons dans le rêve mais il s’attarde pour se dérober à notre vue
Et quand mon aimé s’endort je me réveille pour protéger la rêve de ce qu’il voit
J’éloigne de lui les nuits qui ont passé avant notre rencontre
De mes propres mains je choisis nos jours
Comme il m’a choisi la rose de la table
Dors, ô mon aimé
Que la voix des murs monte à mes genoux
Dors, mon aimé
Que je descende en toi et sauve ton rêve d’une épine envieuse
Dors, mon aimé
Sur toi les tresses de ma chevelure. Sur toi la paix
(…)
J’ai vu le pont
L’Andalousie de l’amour et du sixième sens
Sur une larme désespérée
Elle lui a remis son cœur
Et a dit : l’amour me coûte ce que je n’aime pas
Il me coûte mon amour
Puis la lune s’est endormie
Sur une bague qui se brisait
Et les colombes se sont envolées
L’obscurité s’est posée
Sur le pont et les amants

S’envolent les colombes
S’envolent les colombes

Mahmoud Darwich


Marina Tsvetaieva – Interdit cet amour


Interdit cet amour, ô femme aimée, ;

Douce l’onde des cheveux et des fleurs.

Destin accompli, mystère — tes voies

Je ne les sonderai pas

Ô bien-aimée ! chemin de croix.

J’étais nu et tu m’as revêtu

De tes cheveux, une averse !

Et du flot de tes larmes

Je ne compterai pas les pièces ‘ Dépensées pour l’huile et le parfum, . . J’étais nu et tu m’as revêtu De la vague de ton corps, tel un mur.

De mes doigts je frôlerai ta nudité

Douce comme l’onde, fraîche comme l’air,

J’étais droit et tu m’as incliné,

Dans mon linceul enveloppé. Dans tes cheveux creuse-moi un lit Et revêts-moi de lin Qu’ai-je à faire de la myrrhe, Du linceul, des parfums ?

J’étais droit et tu m’as fait ployer,

Revêtu d’une averse de pleurs.


Max Jacob: – vie et marée


 

 

 

Vie et marée

Quelquefois, je ne sais quelle clarté . nous faisait
entrevoir le sommet d’une vague et parfois aussi le bruit
de nos instruments ne couvrait pas le vacarme de l’océan  qui se rapprochait.

La nuit de la ville était entourée de  mer.

Ta voix avait l’inflexion d’une voix d’enfer et le piano  n’était plus qu’une ombre sonore.

 

 

Alors toi, calme, dans  ta vareuse rouge, tu me touchas  l’épaule du bout de ton
archet, comme l’émotion du Déluge m’arrêtait.

« Reprenons! » dis-tu.
O vie 1 ô douleur! ô souffrances d’éternels
recommencements !
que de fois lorsque l’Océan des  nécessités m’assiégeait !
que de fois ai-je dit, dominant  des chagrins trop réels ! hélas!

« Reprenons! » et ma  volonté était comme la villa si terrible cette nuit-là.
Les nuits n’ont pour moi que des marées d’équinoxe.

——–

Max JACOB« Le Cornet à dés »
(Gallimard)
Bibliothèque des Arts Décoratifs       Échelle de sensations


Michèle Deschannel — au hasard d’une faille


dessin perso - Bonnecombe

Michèle Deschannel au hasard d’une faille

( extrait dela compilation poétique « dans tous les sens »

Retenir un lieu,
Et laisser fuir une image.
Retenir un mot,
Et laisser fuir une page.

Pour que jamais
Ne s’impose le point
Et toujours respire
La mémoire.

Pressée au cœur d’une
Vague déferlante,
Comment rester goutte d’eau
Vivante ?

Espace en reflet
Sans qui l’inaudible
Serait tu.


Jean-Pierre Duprey – IL Y A DE LA MORT DANS L’AIR


IL Y A DE LA MORT DANS L’AIR

Mon pays navigue sur un fond de mer
Je me promène dans ses jeux de vagues Sur les larmes éclatées
Les églantines sont des pirogues de verre

Mon pays est un vaisseau parti pour les étoiles
Le sang dedans maraude comme une folle
Paysage nivelé à zéro
II y a de la mort dans l’air

Mon pays est un vieux banjo de sanglots
On y joue des larmes très méchantes
Un grand poids pèse sur notre terre
II y a de la mort dans l’air

Au bout du ciel une plage de cristal
Sur un fond de mer s’affirme un pays de sang
Tout autour la boue rougie

Les plus belles morts sont de verre

A minuit sonnant, un vaisseau de marbre entra dans le port,
l’appel de ses sirènes répercuté par toutes les cloches d’alentour devint comme une révélation pour l’esprit du vagabond. On vit sortir des squelettes bancals portant l’insigne des pirates
d’Epinal. Des têtes armées de visières, des pieds torturés, des mains, des yeux sans propriétaire, les suivaient, innombrables petits chiens. Les araignées conquérantes occupèrent immédiatement la rade et pendant qu’ils pillaient les magasins, on leur construisit des baraquements de toile. Les peintres appelés en hâte teignirent en rouge les voiles décolorées du navire de marbre ; ce qui prouve que la mort va jusqu’aux pierres.

14 mars 1946

"Rupture" peinture perso 2002