Louba Astoria – le la de mes étés

L’océan mouvant des épis s’est asséché
Juillet fauché
La paille des blés
A l’odeur sèche et drue
Des hérissons jaunis qu’elle a dressés dans les champs
Les soirs se laissent envoûter
Au ciel, d’étoiles pailletées
Ici-bas, d’une humidité serpentine, grimpante
Entre les vapeurs persistantes et dorées
Séduite par cet entrelacs d’odeurs
Les grésillements des grillons et les grelots des jeunes grenouilles
L’obscurité languissante
S’affaisse et enveloppe les derniers parfums de ces journées grouillantes
Repues de soleil et de poussière
Dans un voile de repos bien mérité
Alors un vent léger déroule sa tresse
Entre les feuilles déjà grillées des cerisiers
Disperse lentement les odeurs de ma jeunesse
Et caresse la nuit pour ne pas l’effrayer
Depuis je m’endors à la belle étoile
Pour goûter encore l’ivresse de ces soirs de moisson
Perdus
Le temps où les éclats du quatorze-juillet
Culminaient en ces enchantements béats
Et donnaient le la de mes étés
Philippe Delaveau – La lune au pont Alexandre III
Même un soir, à Paris, dans la flaque laissée par la tempête, et en levant les yeux vers les étoiles maladroites à cause des vapeurs de la ville, j’ai réappris la forme de la lune.
Dans l’ampleur noire, lavée, elle semble lumineuse et floue, l’empreinte d’un sabot.
Alors je me suis souvenu d’une rivière, de l’ombre des buissons, et l’autre lune, là-bas des vignes et des vergers, pure et nette par l’anse et la médaille, brûlait intensément dans le pays fidèle à son absence, qui est aussi neige aux fleurs nues des arbres grêles, promis aux fruits, comme au cœur qui suscite à l’esprit, par blessures et merveilles, la floraison de mots propices.
Paris pendant quelques instants, cette nuit-là, se souvenait de l’odeur blanche et douce du printemps.
Florence Noël – branche d’acacia brassée par le vent ( 1 )
Premier mouvement : Presto
et si nous revenions, tu sais, le cuivre des saisons, le parfum blanc l’égarement, si nous revenions à cette source où le jour coule sans discontinuer
et si tu me prenais la main, le premier seuil à dépasser comme un jardin qu’on nomme,
et qu’ainsi on habille et qui s’étonne d’un pied – nous foulons la houle herbeuse
et si nous disions ce mot, éparpillé dans nos silences, rassemblé de ma lèvre, ange, de la mienne pure parce que la tienne, ce souffle encore y œuvrerait
et si nous nous laissions aux berges, main ballante dans l’air levé, si nous nous lisions aux rives, battant l’eau échappée des vapeurs
suffoqués sous les vœux givrés des aubes
encore venir tout de désir
lourds dans la lèvre unique
d’un matin retenir le pelage et sa texture stridulée par le souffle
prodigue et tant penche mon visage qu’il lape
je sais l’enjambée dessus ce pont – profilent ces arbres mères ceinturés de secret – là choit l’enfance et ses sommeils – tu sais ma volte dans leur branches
je sais le précipité de ta silhouette, sa course projetée sur les tessons de pierres, leur vibration de petites ombres, ton corps en avant et tu reçois la première brassée – hoquet brut, poitrine hachurée
je sais le feutre des murmures – ininterrompre laisser fuir – et mon oreille pour les récoltes, tapisserie de lourds dais, nous nous voyions par paravent – vole une feuille colle à ta joue
hurlé au tendre des côtes
la plainte plus tôt forera l’air
en son milieu
par mes poumons orgues à pétrir
cent fois sur le métier pétrir
et de nos blessures
fourrager l’évidence
Soir et l’échelle du soleil (RC )
objet-sculpture – Echelle « perspectivée » Martin Puryear Pa- Neh
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Ici, les temps s’ouvrent
Le chemin vrille et passe
Le côté verglacé,
Pour emprunter l’échelle du soleil
Les cascades de glace
Ont abandonné la place
Et la vallée, sitôt le col franchi
S’ouvre comme une main
Où la vie est encore possible,
Quittant l’étroit des ombres,
Pour de blanches robes
Où se découpent à peine
Sur la pente,
Quatre silhouettes blanches aussi,
De chevaux immobiles…..
> Seule leur ombre les désigne.
L’espace suit le cours du soir
Qui rebondit sur les crêtes;
La vie se poursuit plus bas,… et de l’aval
Les vapeurs remontent, – et se prélassent.
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RC – 7 décembre 2012
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