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Lautréamont – syllogismes démoralisateurs


Erró.  Rétrospective au Musée d'art contemporain de Lyon (MAC Lyon), du 3 octobre 2014 au 22 février 2015

peinture: Erró

 

Les perturbations, les anxiétés, les dépravations, la mort, les exceptions dans l’ordre physique ou moral,
l’esprit de négation, les abrutissements, les hallucinations servies par la volonté, les tourments, la destruction, les renversements, les larmes, les insatiabilités, les asservissements, les imaginations creusantes, les romans, ce qui est inattendu, ce qu’il ne faut pas faire, les singularités chimiques de vautour mystérieux qui guette la charogne de quelque illusion morte, les expériences précoces et avortées, les obscurités à carapace de punaise, la monomanie terrible de l’orgueil, l’inoculation des stupeurs profondes, les oraisons funèbres, les envies, les trahisons, les tyrannies, les impiétés, les irritations, les acrimonies, les incartades agressives, la démence, le spleen, les épouvantements raisonnés, les inquiétudes étranges, que le lecteur préférerait ne pas éprouver,

les grimaces, les névroses, les filières sanglantes par lesquelles on fait passer la logique aux abois, les exagérations, l’absence de sincérité, les scies, les platitudes, le sombre, le lugubre, les enfantements pires que les meurtres, les passions, le clan des romanciers de cours d’assises, les tragédies, les odes, les mélodrames, les extrêmes présentés à
perpétuité, la raison impunément sifflée, les odeurs de poule mouillée, les affadissements, les grenouilles, les poulpes, les requins, le simoun des déserts, ce qui est somnambule, louche, nocturne, somnifère, noctambule, visqueux,

phoque parlant, équivoque, poitrinaire, spasmodique, aphrodisiaque, anémique, borgne, hermaphrodite, bâtard, albinos, pédéraste, phénomène d’aquarium et femme à barbe, les heures soûles du découragement taciturne, les fantaisies, les âcretés, les monstres, les syllogismes démoralisateurs, les ordures, ce qui ne réfléchit pas comme l’enfant, la désolation, ce mancenillier intellectuel, les chancres parfumés, les cuisses aux camélias, la culpabilité d’un écrivain qui roule sur la pente du néant et se méprise lui-même avec des cris joyeux, les remords, les hypocrisies, les perspectives vagues qui vous broient dans leurs engrenages imperceptibles, les crachats sérieux sur les axiomes sacrés, la vermine et ses chatouillements insinuants, les préfaces insensées, comme celles de Cromwell, de M de Maupin et de Dumas fils, les caducités, les impuissances, les blasphèmes, les asphyxies, les étouffements, les rages,

– devant ces charniers immondes, que je rougis de nommer, il est temps de réagir enfin contre ce qui nous choque et nous courbe si souverainement.


Nacer Khelouz – Voici du temps


De la revue RAL,M                           : Side effects

Il y a longtemps.

Il y a longtemps de cela.

Il y eut des étés,

Des hivers,

De mortelles chutes,

Des fuites écourtées

Des gens,

Des pauvres types,

Des curieux

Puis des vautours.

Il y a des sourires moqueurs.

Le tien, peut-être est-il de pierre ?

Cette irrésistible envie de plaire,

De se plaire par les autres,

Histoire de plaire.

Je te rencontrai

Quelque jour de mai

Tu t’assieds et…

Tu versas des larmes

Comme d’autres des rires.

J’ignorai une fois

Ton air boudeur

Et ton regard en supplique.

Au milieu pour nous départager : 

NOTRE-DAME

Te regarde.

Ses ouailles aux prières

En bandoulière.

Ces touristes maudits

En baskets

Ils t’enlevèrent tes peaux

Plongèrent vers celle que tu caches.

Tu fus pourtant légère ;

Telle une danse de fête foraine 

Toi qui eus juste un soupçon

De pudeur

Toi qui laissas tes genoux

Effleurer mes sens.

Je te regardai

À la dérobée

À mon tour

D’y voir

M’aveugler aux généreux rayons

D’un soleil impatient.

Les remparts,

Ni les foules avachies

N’eurent raison

De son obstination à t’atteindre.

 Toi.

Tu souriais toujours,

Sans raison,

Avec désir.

Faire l’amour à cette clarté

Qui te déshabille ;

Accrocher un baiser

À ta langue humectée déjà,

De moi, de mes renoncements 

Au son de l’Orgue du monde.

Il passe du pays par ici

Et toi et ton murmure

Pour faire taire leur argent,

Leurs langues ;

Étrangler leur Babel

Tout te revient.

Tu viens de si loin 

Je voulus t’aimer

Quelque matin

Sous la rosée grelottant

Du métro la rame liminaire.

Ses nuiteux

Du temps ont inversé le cours.

Je croisai leur fatigue bâtarde,

Fatigue libre

L’arrogance de Lafcadio

Sans passeport

Qui refuse de porter des noms

D’état civil

Moi cheminant vers ton

Empreinte digitale

Plaintif ; doux état.

À train d’Enfer

Je t’effleurai la lèvre

Dressée tel un affront !

Des frissons

Des courbes de ton corps

J’en fis un aveu.

Moi je voulus t’aimer

Dans la douleur

Des accouchements 

Tes peaux anciennes

Brûlées au feu de juillet.

Je jurerais que ce fut

Bien mai quelle importance ?

Puisqu’on a su un jour.

On finit par tout décevoir.

Mais quel était le sujet ?

Tout autour le mirage solaire

À s’étrangler :

Assassiner l’oisiveté

De mes jours ; même de mon alcool

Ça reprend

Inlassablement

 « D’où viens-tu ?

Qui es-tu ? 

Que fais-tu ? »

Des mots.

Des postures.

Des civilités.

 Des tirs à vue.

Il y a ceux

Qui ne sont jamais partis

Pour se racheter.

Du touriste

Drame il y eut Toujours il y a 

Par catalogues Entiers

Celui-là te démasque

Celui-ci te pourfend ;

Palimpseste…

Des saignées le long de mon fleuve

En contrebas,

Presque bleuies par l’attente

Des soins à venir.

Diable guéris-moi de toi !

Se guérir de tes plaies faites

De mai

Et de si

Je possédais ton âme

À moi seul aux soins dépourvu

Qui ne viennent jamais

Je l’accrochai à mon paletot

Assez tôt.

Je fis se prolonger ma bosse

Hideuse Merveilleux Hugo

Au Danjon s’absout le Crime

D’aimer,

…_

Jusqu’à ta pitié

Voici qu’une brise nous traverse ;

De part on part

De nos lignes territoriales.

Je demeure silencieux.

Tu écoutes mon silence,

Contre lui te dresses-tu

Par esprit

De contradiction.

Voici donc du temps !

J’ouvris mes paupières

Et j’eus mes vingt ans d’un coup

Ma langue affamée

Ses syllabes raréfiées

Qui se glissaient sous

Ton sein

Maternel

Mon amie, mon infamie

Ton fleuve d’encre et de lait

Blanc comme ma-neige

Tourbillonnant

Un jour que je m’en fus

Te regarder par l’interstice

De ma vie close,

Je m’exhalai de tes senteurs

Celles des magasins

Grands boulevards

Elles ont eu peine à effacer

Sur ta peau

Le goût de ton odeur d’origine

Du Monde

Qu’on n’achète pas encore

Cette ville qui faillit

Tromper ton insouciance !

Ta chevelure qui s’ouvrit

Sur mes monologues intérieurs ;

Enlacement fait

De toute langue

Puis la mienne

Qui les enveloppa

De sa forêt de songes

Je fumai tes sillons

Un à un.

À la nausée

Du drogué

Alors je me souvins

De toi

Avant de t’avoir

Jamais connue.

Nos corps

L’un contre l’autre

Portant la Mémoire

De ce temps-là ;

Émois de tes berbérismes

Volés à la grand-mère finissante

Amants Éperdus. 

Te cueillir telle une tawizi de village

Mêler tes sons aux gorges

Noueuses de Saïd et d’Amar

Nos accès de soleil

Celui-là qui assèche nos mots

Pourtant,

Je dus t’attendre

Jusqu’au cri du coq

Puis, je fis semblant

De t’attendre.

Comme toujours

On attend…

Vient toujours

L’aurore.

Pittsburgh, Février 2007, jour et nuit……………..Nacer Khelouz


Mohammed Fatha – Je m’en vais la tête haute


Je m’en vais la tête haute
Absorber la misère
Moi l’ami des exilés
Mes dessins animés
Pour maintes évasions
Millénaires
Les regards assassinés
La veille des morts

A toi l’honneur
Monsieur l’Ermite

Dépuceler la sagesse
Les pistes dépeuplées
Nos vierges se complaisent
Dans les couleurs nocturnes
Nos sentiers n’ont jamais été
Impasses
Jamais indiscrets
De minables camarades
Les caravanes anonymes
Les poisons qui se crispent
En dehors des malaises
A long terme l’Exil
Tant de cimetières
Déjà au feu des croisades

AILLEURS

Offre-moi des strapontins
Je suis l’Exil
Et j’ai honte
Car j’ai vécu
Le désarroi des douars
L’enterrement des mille et une nuits
La chasse aux kasbahs
A plat-ventre

Dans mon pays
Il y a des régions oubliées
Dans les bas-fonds des mémoires
Ecartelés sans musique
Sans lecture
Des coupoles de thé
Vert. Non des fraîcheurs
Comme a dit l’Autre

Toute la ville a souffert
De lagunes par toi
Et les miettes à fond noir
Les tombeaux tuberculeux
A même le sol. Hélas
Le ciel pour une fois
S’est effondré dans ma coupe
Je suis sec
Car c’est moi ce prisonnier
Des fantômes à venir
Et non cet homme nu
Là-bas
Qui se cramponne à la foudre
Qui ne sait que pleuvoir
Sur la mer
Une pluie mordue de châtaignes
Et de figues sèches
Moi l’ami des Exilés
Millénaires
Parmi tous ces regards
Assassinés
La veille des morts
J’ai maintes fois dépassé
Les abreuvoirs à tortures
Et je viens vous offrir
Maintenant
Mon cadavre
Non ma pitié
Jamais inerte
Une charogne dérobée
A l’heure sacrilège
Voici les vautours.

 


Vampire et vautours (RC)



J’ai choisi ma victime
J’ai déployé mes ailes
Pour commettre mon crime
Selon le rituel (inscrit au manuel)

Aiguisant mes dents
J’ai choisi une belle femelle
Dont le sang giclant
Sentait l’eau d’javel

Il fallait s’attendre  au pire
Avec celà,  gluant sur ma poitrine
Hémoglobine, qui lentement s’agglutine
Car je suis l’étoile noire,le divin vampire

Aux côtés duquel, Gilles de Rais
Qu’aimait faire souffrir lentement
Avec pinces  et couperets
Ne serait qu’un enfant

J’ai aimé ses cris infâmes
Pendant que je suçais
Sa tiède vie de femme
Qu’aussi j’embrassais.

Ma pauvre victime sans  défense
S’en allant doucement, la v’la qui s’épuise
Au regret des blessures, souffrances
Me donnent ainsi sa vie, tandis qu’elle agonise.

Je nettoierai  plus tard mes lames
Et le rouge sombre, accroché à  mon couteau
Au silence revenu, après le drame
J’me suis  régalé — à lui faire la peau…

Oiseaux nocturnes, hiboux et effraies,
Vautours et rapaces, restant à distance
J’ai pu leur laisser, un peu de sang frais
Pour nourrir leur nuit – Ce sera bombance…

Aux nuits longues, sans lune
J’ai fini mon repas, le ventre replet
Là bas , au loin, sur la lagune
En compagnie d’un astre sans reflet..

RC   – 18 juin 2012


Bernard Dimey – Les enfants de Louxor


sarcophages égyptiens, Musée du Louvre

 

 

Bernard Dimey,  a une belle oeuvre poétique…,

il est l’auteur  de nombreux  textes  dont  des paroles  de chansons,  chantées par les  « célébrités »; par exemple, Juliette Gréco, B Lavilliers,  et aussi Jehan, injustement méconnu… dont je suis grand  amateur,

et qui lui a consacré un album entier   » Jehan chante Dimey »

 

voir  ce site  sur les  auteurs  compositeurs interprètes  de la chanson française en particulier  ( la page Dimey)

 

 

LES ENFANTS DE LOUXOR,

http://www.deezer.com/listen-275073Quand je sens, certains soirs, ma vie qui s’effiloche
Et qu’un vol de vautours s’agite autour de moi,
Pour garder mon sang froid, je tâte dans ma poche
Un caillou ramassé dans la Vallée des Rois.
Si je mourrais demain, j’aurais dans la mémoire
L’impeccable dessin d’un sarcophage d’or
Et pour m’accompagner au long des rives noires
Le sourire éclatant des enfants de Louxor.

À l’intérieur de soi, je sais qu’il faut descendre
À pas lents, dans le noir et sans lâcher le fil,
Calme et silencieux, sans chercher à comprendre,
Au rythme des bateaux qui glissent sur le Nil,
C’est vrai, la vie n’est rien, le songe est trop rapide,
On s’aime, on se déchire, on se montre les dents,
J’aurais aimé pourtant bâtir ma Pyramide
Et que tous mes amis puissent dormir dedans.

(…)

Les enfants de Louxor ont quatre millénaires,
Ils dansent sur les murs et toujours de profil,
Mais savent sans effort se dégager des pierres
À l’heure où le soleil se couche sur le Nil.
Je pense m’en aller sans que nul ne remarque
Ni le bien ni le mal que l’on dira de moi
Mais je déposerai tout au fond de ma barque
Le caillou ramassé dans la Vallée des Rois.

Catégorie Dimey Bernard,

 

 

sculpture tête d'Akhenaton


Henri Thomas – Ma tombe


photo: Massalo

 

 

 

Ma tombe.

Ma tombe voyage, un jour elle est là,
sous les peupliers, à peine indiquée,
un jour ici, quel vaste mausolée,
le marbre au granit mêle son éclat !
C’est aussi la mer, c’est aussi le feu,
tantôt j’y suis seul, tantôt j’y suis deux,
entortillé dans une chevelure,
on est bien ensemble, on est des lémures.
on m’a mis aussi sur la ronde tour
festin pour le soleil et le vautour,
On m’a mis aussi dans la jarre peinte
après quantités de pratiques saintes,
On m’a mis aussi… mais c’est un mystère.
J’ai mille tombeaux sur la vieille terre.

Henri Thomas. « Le Monde absent » 1947.