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Ivo Fleischmann – Vers


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Les secrets. Nous en sommes entourés.
Un seul visage, ou deux ?
J’écoute ton souffle et quand tu ouvres les yeux
et que tu me demandes pourquoi je veille
jamais je ne dirai le nom de la rue le nom de la ville
le chiffre de l’année
Jamais je ne dirai que des nuages là-haut filent vers l’horizon
Je te soulève de la rivière où tu dors
et je t’y replonge pour descendre avec toi au fil de l’eau
la nuit, comme un torrent
qui ne remontera jamais vers sa source.


(Quelques feuilles et la rivière )

— extrait du recueil « poésie », la nouvelle poésie tchèque


Robert Juarroz – un morceau de rêve entre les mains


Je me suis réveillé,
un morceau de rêve entre les mains,
et n’ai su que faire de lui.
J’ai cherché alors un morceau de veille
pour habiller le morceau de rêve,
mais il n’était plus là.
J’ai maintenant
un morceau de veille entre les mains
et ne sais que faire de lui.
À moins de trouver d’autres mains
qui puissent entrer avec lui dans le rêve.

in Roberto Juarroz/ Poésie verticale


Ce qu’elle regarde – ( RC )


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Statue masculine Bembe, Rep Du Congo

 


Ce que la statue regarde  ,
– on ne le sait pas –

( Peut-être est-elle vigilance,
par sa seule présence ).

La vue importe peu.
–    D’ailleurs on a masqué ses yeux
par des surfaces en amande -.

Ce sont peut-être des miroirs
où rebondissent les rayons de lumière.
Les bénéfiques         et ceux qui nuisent.

Ici rien ne pénètre de l’extérieur.
Qu’ils soient ouverts ou clos,
pour ces yeux,         c’est sans d’importance .

           Une force intérieure traverse ces miroirs,
( comme s’ils étaient sans tain ).

La statue reste immobile,
en apparence seulement.
Ce qui l’habite a un champ de vision
des plus étendus…

                                                 Elle veille.


RC – avr 2016


Comme si, de la veille, rien n’avait existé – ( RC )


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photo: extrait  du  Cabinet  du Dr Cagliari

 


Il se pourrait, par quelque hasard,
Que le mur penche   :
Il doit bien y avoir quelque part,
Un outil qui le tranche…
Celui-ci,      face au mur de la nuit,
A fini par livrer bataille.
Mais,   comme s’il était au fond d’un puits,
Il n’a pu trouver de faille.

C’était une épaisse peau
Pas particulièrement ferme
Mais même avec le plus affûté des couteaux,
Aucune trace sur l’épiderme
De ce monstre horrible
vomissant de l’obscur,
Jusqu’à en être invisible :
>          Pas une égratignure …

Doit-on attendre la nuit blanche,
Pour obtenir une trêve,
– ( une parenthèse sur l’étanche
à la suite d’un rêve ) –
Pour enfin trouver le défaut
de la cuirasse,
Et pénétrer ,    s’il le faut,
un peu de sa masse ?

Pourtant          aucune coupure,
Ne se voit au lendemain,
Pas une éraflure,
plus aucun chemin
ne montre une piste tracée :
La nuit a reconquis sa surface
–           Tout s’est effacé   :
Elle a reconquis l’espace.

C’est un tissu lourd,
Qui pèse sur la raison,
on n’en voit        aucun contour,
ni aucun horizon ;
Ceux qui le veulent le tentent,
et peuvent toujours insister :
Dans le rideau        vouloir faire des fentes :
C’est comme si de la veille rien n’avait existé .


RC – nov 2015

 

(  en guise  de réponse  à Stéphane Berney  pour  son   « nous n’aurons même pas  existé » )


Ismaël Kadare – L’Antenne


L’ANTENNE (fragment)

120517 (350)r

Quand vient la nuit
Vous dormez, dormez.
Tandis que moi je veille
Sur le toit incliné.
Les courants d’air m’assaillent de tous les côtés,
La pluie souvent me trempe,
Parfois les vents me fouettent.

Je suis comme un bâton dressé vers les cieux,
Un morceau de fer,
Rien qu’un morceau de fer.
Mais chacun de mes millimètres
Connaît plus de langues
Que tous les linguistes,
Vivants ou morts.

Chacun de mes millimètres qui capte les émissions
Comprend à la musique
Plus que tous les musiciens.
Chacune de mes particules
Sait plus de nouvelles
Que n’en savent ensemble
Les reporters et les politiciens.

Je les saisis toutes
Je les récolte toutes
Moi,
Le bâton dressé haut dans le ciel.
Les speakers s’adressent à moi des quatre horizons.
Les uns parlent,
D’autres crient,
D’autres encore hurlent.
Au milieu d’orchestres et de bises hivernales

De la chronique du monde
J’entends la trompette.
Et moi je sais le langage des ondes
Le parler gris des horizons sans fin.
La lettre latine, la cyrillique, les hiéroglyphes
Descendent comme des araignées
Sur mon corps.

A travers mon corps elles passent
Toutes, toutes :
Les victoires des peuples,
Les manoeuvres des diplomates
Et, comme des griffes de tigres, les clauses des traités
Pour notre Albanie,
Calomnie, calomnie, calomnie.

 

Ismail KADARE in « La nouvelle poésie albanaise »         (P.-J. Oswald)

I Kadare  est  surtout connu pour  son oeuvre romancière…  mais  on peut  découvrir certaines  créations poétiques   sur le site  de Guess Who…


L’acteur a disparu, dans un tourbillon – ( RC )


peinture: M Prendergast

peinture: M Prendergast

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est une vue qui suggère la chute .
Cela pèse, un désir qui grandit
Mèle le sentiment de vertige,
Et l’attirance des couleurs .

Bien entendu, quand on les pose sur la toile,
On ne s’en rend pas compte tout de suite  .
C’est un état de veille,
Où l’ extérieur n’émeut plus.

La respiration manque.
C’est sur le fil du labeur ,
Que se construit l’ équilibre.
Toujours précaire.

En fait              le peintre a franchi le bord.
Le bord du vide,        … depuis longtemps
Un sommeil éveillé,
Empêche qu’il chute   .

Et d’ailleurs ,        sa vue n’emprunte pas
Les chemins de ses yeux ,
Comme si quelqu’un voyait à travers lui,
Et lui guidait la main.

L’inconscience parle,
Regarde        à sa  place,
Déplace        ses  gestes,
Maintient suspendu,    son souffle  .

Quand le vertige se dissipe,
Le corps se recompose,
Traverse son écran d’âme ,
Il retombe sur ses pieds.

Ne se souvient plus du vide,
S’il s’est envolé, ou a chuté…
Il regarde la toile .
Elle est achevée …

Il ne peut dire qu’il l’a rêvée,
La matière de la peinture en témoigne.
Elle colle encore aux  doigts .
Cà sent la térébenthine.

Le regard  s’ouvre,
Et avec, parfois le doute….
Comment pourrait-il avouer,
– » Ce qu’on voit n’est pas de moi ?

Je n’ai que  disposé des couleurs,
« dans un certain ordre assemblées » « ….. ,
D’avoir déclenché une action  .
–  Il se remémore la chimie,

Les produits mis en contact,
Neutres, se cotoyant dans le récipient…
Il fallait un catalyseur
Pour que la réaction commence… –

«  Je ne l’ai pas contrôlée…
Comme l’apprenti sorcier…
Veuillez m’excuser…
– Chacun peut commenter

… Si cette œuvre, est la mienne
Elle m’échappe encore…
J’ai connu ce privilège
D’en être le premier spectateur…

L’acteur a disparu dans un tourbillon,
J’ai rendez-vous avec lui…
Dans un jour, dans un an   … ?

Pour la prochaine toile… »

RC  –  sept  2014


Louis Remacle – Bonheur


peinture: la maison rose.. peinture de 1907 - .Camoin -Manguin, Cézanne ? ( à vous de décider) - - par la même occasion,- vous pourrez, comme moi répondre au quizz artistique du site http://www.quizz.biz/quizz-243336.html

Bonheur
La vivante étoile des autres jours
Avait glissé de ma fenêtre.
L’ombre, comme une lourde brume,
Avait endormi mes paupières.
Et voici des voix, des jeunes voix,
Des voix claires comme des sonnailles,
Qui se sont élevées et qui m’ont chanté
Tout le bonheur attendu de la veille.
Et j’ai pénétré, tout doucement,
Dans la vieille maison aux larges portes.
Mais soudain je ne les ai plus entendues,
Et les murs étaient blancs de clarté.
—-
Une petite exploration de la maison de la poésie  de Wallonie  -Bruxelles,   permet de découvrir

beaucoup  d’auteurs  méconnus,

La maison  rose,  étant, d’autre part  le titre  d’un roman superbement  écrit  , de Pierre  Bergounioux  (une  des grandes plumes  d’aujourd’hui)…