Pourquoi je dors dans le couloir – (RC )
Je dors à même le sol,
dans le couloir de l’hôtel.
L’air a été meurtri de couches diffuses
de tabac froid.
J’imagine qu’il y a
derrière les portes de chambres,
des lumières falotes,
et une photo défraîchie
d’une baie, quelque part,
en méditerranée.
C’est étonnant comme les choses immobiles
traversent les années.
Si le bâtiment s’écroule,
et qu’on voie comme si une tronçonneuse
était passée au travers
il y aura de chambre en chambre,
ce papier peint identique
à rayures verticales,
ces photos de la baie,
et la trace en clair, sur le mur
des armoires hautaines,
ayant déposé leur ombre,
puis qui ont basculé
avec les étages
avec une pluie de gravats.
–
Je dors à même le sol,
dans le couloir de l’hôtel.
Je n’ai pas voulu entrer
dans la chambre
que j’ai réservée ,
où l’on ne dort
que d’un sommeil anonyme.
Mais j’entends tous les bruits.
Mes voisins qui ronflent,
l’armoire noire qui baille
attendant le bon moment
pour libérer les serpents.
Ils ne vivent que la nuit
et répandent leur venin
obséquieux dans les rêves
de citadins de passage
qui traversent les voyageurs .
La ville coasse encore
sous l’effet de la brume
et des lampes à iode :
une atmosphère de fête
qui plaît aux rongeurs.
Ils grouillent de partout
pénètrent dans les moindres interstices
et prennent le pouvoir:
leurs reflets dans leurs yeux,
sont comme de petites lucioles
Ils sortent même des lambris,
renversent les brosses à dents
et dévorent les tapis.
Vous devez maintenant savoir
pourquoi je dors dans le couloir.
–
RC – janv 2019
Un corps incarcéré – ( RC )
Et si le corps a son enveloppe,
détaché de la terre,
sans les racines d’un arbre,
pour y puiser l’eau et le feu,
circule à mon insu,
la sève du sang,
le tout en circuit fermé,
mais pas si loin du ciel,
respiré en parcelles,
où pleure la terre brûlée,
le caprice des nuages
et les eaux des anges.
Il y a des cascades,
des venins, des ombrages,
des artères qui se crispent,
des veines qui se lâchent,
et sous l’apparente liberté
d’agir et de penser,
un corps incarcéré.
–
RC – août 2017
Roland Dauxois – Max Ernst
Roland Dauxois, dont je cite encore une de ses parutions, voir son blog… « les imprévisibles »
fait ici directement référence à Max Ernst, le peintre surréaliste, dont j’ai appris à « apprivoiser » la production multiforme…
En cette forêt dernière
des crânes bleus dorment profondément sous les racines,
la terre frémit à peine sous les cavalcades de ces ombres
chevauchant tout là-haut l’immense pour féconder l’invisible,
pour la nourrir de subtils venins et poisons.
Nos noces sont d’acier sous les arches de cette nuit végétale
et nos corps dressent leurs savants et vains épouvantails
en ces vallées où l’esprit ne connait plus ni semailles ni moissons.
en ces vallées où l’esprit ne connait plus ni semailles ni moissons.