Kenneth White – lotus conus
extrait de la « cryptologie des oiseaux »

Lotus conus
L’oiseau-évangile
commun en diable
il est là
sur tous les rivages
écrivant sur l’eau, le vent, le sable
Aude Courtiel – des jours des semaines entre un sourire et l’esquive

J’ai guetté les plis sur ta peau.
Des jours des semaines entre un sourire et l’esquive.
Des centimètres de nuages à boire.
Et la peur d’échouer.
Parce que rien ne remplace l’absent.
Que tout pourrait s’arrêter au silence.
Que tu pourrais contourner le vent.
Fermer les fenêtres.
Tapisser l’être.
Pourquoi ne pas enfiler la tombe.
La mort n’est pas le silence.
Tu pourrais aussi passer par les trous dans la porte.
Remettre à plat les plis.
Nommer l’espace.
Du dehors du dedans.
Tamiser le temps.
Avant, maintenant.
J’ai plongé un papier entre tes doutes.
Qui sait si tu l’enveloppes comme un rêve.
Femme à la mer
Combien de temps elle flotte ?
Combien de peaux ?
Des couches
Des plus ou moins vraies
Des plus ou moins fausses
Des promesses
Des effluves
De fauve
Des chiens des chiennes et du velours
À un poil près pointait le bruit du vent
Silence
Encore du temps
À la surface de la lune
Pour soutenir le foutre
Pour dilater la blessure
Prendre le large
À l’horizon qui sait, le chant des sirènes
Combien de temps flotte avant les sirènes ?
Femme marine à deux queues
Envie d’être en soi
En vie d’un toi
Bruit de peaux entre les flammes
Pas de larmes consumées
De cris à l’aveugle
Mais le murmure d’un ruisseau qui fume
Jusque dans la bouche Jusque dans l’iris
Chance
Incandescence
Le désir dilatait le rêve
Est-il encore chaud ?
Bruit de peaux entre les flammes
Pas de larmes consumées
De cris à l’aveugle
Hais le murmure d’un ruisseau qui fume
Jusque dans la bouche
Jusque dans l’Iris
Chance
Incandescence
Le désir dilatait le rêve
Est-il encore chaud ?
Bruit de peaux entre les flammes
Pas de larmes consumées
De cris à l’aveugle
Mais le murmure d’un ruisseau qui fume
Jusque dans la bouche Jusque dans l’iris
Chance
Incandescence
Le désir dilatait le rêve
Est-il encore chaud ?
Alexandre Vialatte – Lapin
extrait de son recueil » bestiaire »

Il est en pain d’épices.
Sur une affiche voyante. Il chante la gloire du pain d’épices.
Jamais on n’a vu tel lapin ; plus entraînant, plus décidé, plus franchement parti pour la gloire.
Il passe en trombe, il défile en fanfare, il vous gifle du vent de sa marche exaltée.
On quitte son chemin, on le suit, il électrise, les promeneurs lui emboîtent le pas.
On ne sait où il va, le sait-il ?
En tout cas il y va si vite que ça doit être extrêmement pressé.
Sous le bras gauche, il porte un pain d’épice, et de l’autre il joue de la trompette.
Le nez au vent, « la tête aux deux dressée » comme Josué autour de Jéricho.
Jamais personne n’a cru au pain d’épices avec une conviction si purement exclusive de tout ce qui n’est pas pain d’épices, avec une hâte si fébrile, avec une foi si claironnante, avec une fierté si hardie.
Ne nous trouvons pas sur son chemin, nous tomberions dans le vent de sa trompette.
Dépêchons-nous, quelqu’un a dû lui dire où se cachait le vrai secret du pain d’épices. Il court, il vole, c’est un chasseur à pied, c’est un zouave de Déroulède.

Agusti Pons – Quand il m’embrasse, des baisers de sa bouche

et son souffle confond le mien
et son bras dur rejoint nos corps
et son désir se propage lentement.
Ah, qui pourrait alors arrêter les heures!
Arrêter le monde et sa rotation lente:
capturer l’Éternel comme si un secret inutile
nous transformait en lumière de l’univers.
Quand il vient à moi
mon parfum le réclame
et mes cheveux parfumés, impatients,
et mon sourire trahit mon amour
comme si amoureux , l’amant était piégé!
Je suis en colère contre le vent quand je suis son refuge
et le protège de tout malheur:
je me donne à lui – et je le deviens –
et avec lui je soutiens notre seul mirage:
le royaume des dieux et le sable du désert.
Poèmes du Gevaudan -III (Susanne Dereve)

Le rideau d’ombre et de lumière des feuillages
Vent
le vent sur la peau nue
Herbe
l’herbe sur la peau nue
sèche brûlée
ployant sous le poids d’un insecte égaré
Mains
glissant sur la peau nue
Jeu des mains égarées
de mon visage contre le tien
enfoui niché dans l’obscure tendresse
de l’étreinte
N’efface pas les bruits
celui de nos respirations mêlées
entremêlées
celui des pas dans l’herbe sèche
brûlée
celui dans les feuillages du vent léger
N’efface rien
Ils ont croqué le jour – (Susanne Derève)
-
-
Raoul Dufy – coquillages
Ils ont croqué le jour
de leurs quenottes blanches
et ri jusqu’au-dedans des nuits
Mais le matin leur va si bien
– les tartines beurrées et les fruits du matin –
et les frasques du jour roulant leur robe
de turquoise
l’air , la mer, le ciel , la conque grise
des nuages
Ont-ils jamais prêté l’oreille ?
De la paume des coquillages
nait le vent
l’espace infini du vent
bercé du blanc roulis des vagues
traçant ses roses de sable
jusqu’aux portes de l’océan
Eaux vives, routes de sel
Pressés, ils ont mordu le cœur orange
de midi
de leurs dents blanches
ils ont fini de dévorer la nuit
Prêteront-ils jamais l’oreille au murmure
des jours enfuis ?
Jacques Borel – les images
peinture: Arnold BÖcklin avec la mort violoniste
Je ne peux pas grand’chose lorsque s’abat sur moi
La grande faulx noire et dorée de la mélancolie,
Seulement ployer un peu plus bas l’échine, ou supplier
De se taire dans la combe la plus obscure du cœur où ils se sont réfugiés
Ce groupe d’aïeux qui se retournent et chuchotent
Comme des soldats frissonnants sous une couverture
Et dont je n’ose pas surprendre les secrets conciliabules;
Retenir un instant cette main, et c’est celle de mon père,
Qui voudrait approcher de la table de jeu
Et poser encore un peu d’or sur le tapis;
Convaincre doucement ma mère de rentrer,
Qu’il n’y a plus de messe à l’église des fous
Et qu’aucun noyé ne l’appelle du fond de cette eau où elle se penche.
Peut-être pourrais-je refuser de reconnaître
Ce sourire d’amer plaisir que j’ai déjà vu sur d’autres bouches,
Ou ce geste de l’épaule qui tremble et ploie
Quand la vague d’un autre corps va la recouvrir de son ombre
Et la rouler sur un lit d’algues où elle retrouvera soudain
La même face confondue de la mémoire et de la solitude.
Dire non, mais puis-je aussi
Dire non à cet enfant dans son lit
Qui murmure à la mort des mots de fiançailles
Et il me semble qu’il ne s’est pas endormi depuis,
Qu’il est là depuis toujours, à tenter d’apprivoiser
Le sommeil aux mains de sable
Les larmes de Peau-d’Ane encore sur son visage
Et la lune sur la vitre qui survit à ses songes.
— Ô images, plus indestructibles que les choses !
Grandes banderoles à jamais accrochées aux façades !
Vous me cacherez jusqu’au bout les profondeurs des fenêtres,
Les gestes, les colères et le tendre recul
Des êtres qui respirent à leur tour dans les chambres;
Le vent qui vous arrachera me balaiera avec vous,
Je vous sentirai encore collées à mes paupières,
Et, dans la déchirure,
La même lampe continuera d’éclairer pour moi
La même marge obscure et infranchissable du monde
Découpée une fois par les ciseaux du temps,
La maison refermée sur les terreurs du jour,
Ce salon vide, cette porte, et sur le mur
Cette figure lentement qui se confond avec sa robe
Et qui en a fini désormais de ressembler à personne.
Reflux dans le silence – ( RC )
Le vent n’est plus
entré dans la danse
des oiseaux.
Il est tombé
( tombé de haut )
et s’est laissé piétiner .
Immobile , ce reflux
dans le silence
ou le refus.
Il n’entoure plus
tes paroles
qui se sont tues.
Mouvement perpétuel – ( RC )
image: Thibault Balahy
La mort est toujours là
et m’accompagne,
sans que j’y prête attention.
Je la fais voyager avec moi,
regarder par mes yeux.
Elle ne vient pas vers moi,
c’est moi qui vais vers elle.
Je me dilue dans mon propre reflet
et finis par m’y perdre.
N’allez pas m’y chercher.
Dans le ciel gris
un oiseau en a remplacé un autre.
Rien ne les différencie.
Deux gouttes d’eau dans l’air,
qui a fléchi.
Celui qui est tombé
pour ne plus se relever,
a rejoint les bois couchés,
et la boue à côté des marais,
– empreinte éphémère -.
C’est un mouvement perpétuel
à la mort , à la vie.
L’un passe d’un état à un autre.
Un arbre se déracine
sous la poussée du vent.
Une pousse impatiente prend sa place
hâtive de connaître elle aussi la pluie,
les saisons et la solitude des soirs:
tout se côtoie sans que l’on puisse
séparer la vie de son reflet inversé .
inspiration: les carnets de Gabrielle Segal
Philippe Delaveau – la pluie ( II )
Maintenant dans les flaques se dilue
le dur monde ancien comme aux poils des pinceaux
la peinture collée qui se détache sous l’essence.
Debout, enfin lavé de mes refus, je m’apprête à la tâche.
Debout sur la terre lavée, Seigneur, je veux chanter
Ta gloire dans la force du vent, composer
nos hymnes parmi les pluies et la mesure, maître enfin
de mon chant dans l’assemblée des arbres et des hommes,
la fraîcheur nouvelle et l’odeur neuve du jardin,
sous l’arc dans le ciel neuf comme un luth de couleurs.
Jeanne Benameur – j’attends
( extrait de son recueil: « l’exil n’a pas d’ombre » )
—
Ils ont déchiré mon unique livre.
Je marche.
Ont-ils brûlé ma maison?
Qui se souviendra de moi?
Je tape dans mes mains.
Fort. Plus fort.
Je tape dans mes mains et je crie.
Je tape mon talon, fort, sur la terre.
Personne ne pourra m’enlever mon pas.
Et je tape. Et je tape.
La terre ne répond pas.
Ni le soleil ni les étoiles ne m’ont répondu.
Trois jours et trois nuits je suis restée.
J’ai attendu.
Il fallait bien me dire pourquoi.
Pourquoi.
Il n’y a pas eu de réponse dans le ciel.
Il n’y a pas de réponse dans la terre.
Alors je tape le pied, fort, de toute la force qui a fait couler mes larmes.
J’attends.
Dans le soleil.
Dans le vent.
J’attends.
Que vienne ce qui de rien retourne à rien et que je comprenne.
J’ai quitté l’ombre des maisons.
Je vais. Loin.
Loin. Pas de mot dans ma bouche.
Artur Lundkvist – Vent

William Turner- Tempête de neige en mer
Et le vent
comme une longue peau qui passe,
sans fin, pressant, accablant,
secousses inquiètes, clignements des gifles,
coups de fouet des ailes invisibles, roides comme des voiles,
le vent
qui dresse ses blanches crinières au-dessus des montagnes,
le vent et ses plumes de neige,
ses blanches taies d’oreiller, ses secrets tambours,
ses pipeaux en roseau, brisés,
le vent
qui dérobe son miel à la bruyère
(non pas abeille ou guêpe striée de feu),
le vent sans saveur, sans une goutte de vinaigre,
le vent qui crève du pied
la verte peau de la source sulfureuse,
et qui écrit avec une plume de corbeau
le même mot, le même mot.
Feu contre feu
Edition établie et traduite du Suédois
par Jean-Clarence Lambert
Orphée
La Différence
Pavane du matin – (Susanne Derève)

photo RC (Sète)
Pavane du matin infante claire
un volet bat
C’est le vent glissant sur les toits
de tuiles
le vent courant sur les pierres
Femme de tes doigts agiles
qui lances des roues de lumière
le jour est là
La croûte dorée du jour
comme un pain chaud sortant du four
Et tourne la roue du bonheur
Femme qui tricotes les heures
dis-moi si l’amour m’attendra
Dans les ténèbres un volet bat
La lune pâle des faubourgs
grignote l’ombre sur les toits
Infante noire, nuit de velours
dis-moi s’il me reconnaîtra
James Joyce – musique de chambre – XVII
photo Francesca Woodman
XVII
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi
Sur mes lèvres et mes paupières,
Rosée de nuit repose là.
Le vent fleurant tisse en concert
Tous les soupirs comme des voix
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi !
Près du cèdre là je t’attends,
O toi ma sœur et mon amie,
Ô colombe de ton sein blanc,
Ma poitrine sera le lit.
Pâle rosée vient se poser
Comme un voile par-dessus moi.
Ma colombe, belle et aimée,.
Eveille-toi éveille-toi.
My dove, my beautiful one,
Arise, arise !
The night-dew lies
Upon my lips and eyes.
The odorous winds are weaving
A music of sighs :
Arise, arise,
My dove, my beautiful one !
I wait by the cedar tree,
My sister, my love,
White breast of the dove,
My breast shall be your bed.
The pale dew lies
Like a veil on my head.
My fair one, my fair dove,
Arise, arise !
Garous Abdolmalekian – drapeau dans le vent
( imagedu film Sissi impératrice )
Nos poings sous la table
Ta robe bouge dans le vent
Voilà
Le seul drapeau que j’aime
–
Guillevic – Carnac
( extrait de la « suite » Carnac )
provenance photo sites historiques d’Ecosse
–
Mer du pêcheur,
Mer des navigateurs,
Mer des marins de guerre,
Mer de ceux qui veulent y mourir.
Je ne suis pas un dictionnaire,
Je parle de nous deux
Et quand je dis la mer,
C’est toujours à
Carnac.
Nulle part comme à
Carnac,
Le ciel n’est à la terre,
Ne fait monde avec elle
Pour former comme un lieu
Plutôt lointain de tout
Qui s’avance au-dessous du temps.
Le vent vient de plus bas,
Des dessous du pays.
Le vent est la pensée
Du pays qui se pense
A longueur de sa verticale.
Il vient le vérifier, l’éprouver, l’exhorter,
A tenir comme il fait
Contre un néant diffus
Tapi dans l’océan
Qui demande à venir.
C’est le vent d’été … – ( RC )
peinture : Alexander Brook
C’est le vent d’été
qui a couché les blés ,
un silence s’est fait parmi les bruits :
c’est bientôt la pluie
qui va nourrir la terre,
celle qui désaltère,
et que l’on attend
depuis si longtemps :
Pendant que le ciel oscille :
l’orage plante ses faucilles
concentre ses flèches
rebondit sur la terre sèche.
Il éparpille les jours torrides,
remplit les poitrines vides,
gonfle les ruisseaux,
cherche dans les rocs des échos,
qu’il trouve jusque dans ta voix :
cette soif insatiable que rien ne combat :
la vie est revenue d’une longue absence
Elle remercie la providence,
envisage un nouvel avenir :
je vois tes seins s’épanouir,
l’herbe reverdir,
et le désert refleurir…
J’ai beaucoup appris de tes paysages,
de l’attente et des passages,
des courbes de tendresse
où le temps paresse
de tes frissons secrets
et des lits défaits
où se courbe la rivière,
où se love la lumière :
Après l’orage et le calme revenu,
au silence dévêtu,
la chair embrasée,
enfin apaisée…
–
RC – avr 2019
Suivant le chemin des pierres – ( RC )
peinture: Isabel Bishop
Je pense encore à hier,
suivant le chemin des pierres,
sous le soleil disert,
mon ombre me précède dans la poussière…
Marcher, et s’éloigner des routes,
est comme mettre en soi la distance,
éloigner de l’esprit le doute ,
apprivoiser le silence .
Mon pays s’éloigne lentement,
puis disparaît tout à fait ;
sans voix, je dialogue avec le vent ,
– Comment je vivrai demain je ne le sais – .
J’ai quitté les horizons hostiles,
ma famille et mes frères,
en prenant le long chemin de l’exil :
c’est une traversée du désert
et je ne sais ce qui m’attend
dans d’autres contrées :
c’est peut-être la guerre et le sang,
que je vais retrouver
un peuple misérable ,
qui, comme moi, erre,
sous un soleil impitoyable
à la recherche d’une autre terre ,
à la recherche de son destin ,
suivant leur ombre dans la poussière,
marcher et marcher encore, sans fin ,
suivant le chemin des pierres…
–
RC – mai 2019
Traces de l’or du temps – ( RC )
J’ai cherché trop souvent
les traces de l’or du temps.
Un temps en éternelle fuite,
qui se pose sur les fleurs,
– juste une légère trace :
de la lumière, de la couleur.
Ce sont ces pépites
qui s’effacent
quand l’hiver les rattrape:
l’or du temps est insaisissable :
comme s’envole le sable
avec le vent
– qui , lui aussi , m’échappe…
–
RC – avr 2019
–
voir la phrase d’André Breton » « Je cherche l’or du temps »
dont MChr Grimard a fait cette variation
Alda Merini – en contact avec la chair du monde
sculpture – Musée Gulbenkian – Lisbonne
J’aime les gens qui savent écouter le vent sur leur peau,
sentir les odeurs des choses, en capturer l’âme.
Ceux qui ont la chair en contact avec la chair du monde.
Parce que, là, il y a de la vérité, il y a de la sensibilité,
parce que, là, il y a encore de l’amour « . –
–
André Spire – CLAC ! CLAC!
photo perso – Vaucluse
Les cornes de la vigne
Se balancent, se balancent.
Les cornes de la vigne
Se balancent, se cherchent.
Touche, touche, la corne !
Approche, frôle, touche !
Un jour, deux jours de danse,
Saluts et révérences.
Touche, touche, la corne !
Frôle un peu, touche, touche !
Le vent souffle plus tiède,
Et clac ! entrelacées !
Mais pfut ! le vigneron
Avec son gros soufflet,
Avec sa fleur de soufre,
Qui vient pour vous poudrer.
Mais frout ! le vigneron
Avec son tablier,
Sa ceinture de corde
Et ses liens de jonc.
Et clac ! le vigneron
Avec ses grands ciseaux
Qui font clac ! clac ! plus fort
Que le bac du corbeau.
Et clac ! le vigneron
Qui aime le raisin,
Qui aime mieux le vin
Que les cornes, les feuilles,
Les danses, les révérences…
Clac ! Clac !
Ezra Pound – La rose éclose pendant mon sommeil
peinture: pêcheurs en barque Codex Skylitzès Matritensis
–
Et la rose éclose pendant mon sommeil,
Et les cordes vibrant de musique,
Capripède, les brindilles folles sous le pied ;
Nous ici sur la colline, avec les oliviers
Où un homme pourrait dresser sa rame,
Et le bateau là-bas dans l’embouchure ;
Ainsi avons-nous reposé en automne
Là sous les tentures, ou mur peint en bas comme des tentures,
Et en haut une roseraie,
Bruits montant de la rue transversale ;
Ainsi nous sommes-nous tenus là,
Observant la voie depuis la fenêtre,
Fa Han et moi à la fenêtre,
Et ses cheveux noués de cordons d’or.
Nuage sur le mont ; brume sur coteau ouvert, comme une côte.
Feuille sur feuille, branche d’aube dans le ciel
Et obscure la mer, sous le vent,
Les voiles du bateau affalées au mouillage,
Nuage comme une voile renversée,
Et les hommes lâchant du sable près du mur des flots
Ces oliviers sur la colline
Où un homme pourrait dresser sa rame.
XXXIII –
Francis VILLAIN – son grand couteau de nuit
sculpture – bronze nuragique ( Sardaigne ) musée de Sassari
Il s’est approché lentement
Avec son grand poignard en peau de nuit
Il a pris, il a pris tout son temps
Avec son grand poignard en peau d’ennui
Il a reniflé dans le vent
Avec son grand sourire de trop de nuit
Il a souri de toutes ses dents
Pour laisser t’approcher lentement
Il a pris tout, tout son temps
De son flanc a délogé une lame de fer
Avec son grand couteau en peau de fer
Il s’est mis à tuer le temps
Il avait froid dans ses grands vents
Il avait de la poule à chair
Il était nu, nu comme un ver
Avec sa lame en peau de fer
Avec son grand couteau de nuit
Il ne savait vraiment pas quoi faire
Il faisait froid, il est parti.
Et si le vent ne contenait aucune promesse (Susanne Derève)
Granville Redmond Morning on the Pacific
Et si le vent ne contenait aucune promesse
S’il fallait rejoindre la mer
– les rivières ne recèlent qu’un reflet trop pâle
éphémère du temps,
de ce va et vient sur l’estran –
S’il fallait la rejoindre au-delà des estuaires
quand elle se déleste aux confins du rivage
de son trop-plein d’algues et de pierres
de bois flottés de coquillages
Lorsqu’on atteint le large, là est le vent
et sous le vent on largue à la mer
les derniers repères il n’y a plus trace
de ce que l’esprit formait de rêves et
de chimères
Ou plutôt le rêve est là, il vit, il nous précède
Il bondit plus bleu que le bleu des
pigments d’outre-mer
Et si le ciel blanchit c’est simplement
que la lumière l’inonde
et c’est là que s’abrase la plus petite parcelle
de l’esprit rétif, comme à coup de canifs,
à petits coups de langue, un halètement
plaintif
Là, la fête commence, les grandes épousailles
de la mer et du vent, on ne sait plus le dire,
ou peut-être les noces de l’espace et du temps
pour embrasser le vide
et d’y plonger on en est plus avide
d’immensité alors on sait ce n’est pas un vain mot
que la promesse est là de se couler dans le plus petit
interstice entre deux gouttes d’eau, deux esquilles
de vent sous la peau
comme la vague toujours plus haut
Paul Edouard ROSSET-GRANGER « Une vague, étude »