Plus proches des insectes que des étoiles – ( RC )

Je multiplie les voix,
colle mon oreille sur le sol.
J’entends le crépitement de l’univers
à même la terre.
Viennent des vibrations,
et l’enfance de l’herbe,
dont l’enthousiasme se nourrit
du temps et des vents.
De petits riens
que la pluie dépose.
Des feuilles s’ébrouent,
se développent et se ternissent.
C’est dans l’ordre des choses,
ainsi l’éclosion des roses,
leur parfum suave
comme l’éclat des astres.
Je ne vais rien décrire,
la couleur existe,
vibre de lumière,
elle se passe de moi.
Le monde est un chapiteau,
et le spectacle est à deux pas.
Nous sommes plus proches des insectes
que des étoiles.
Pablo Neruda – vos pieds
Mais j’aime vos pieds
juste parce qu’ils ont marché
sur la terre et sur
le vent et sur les eaux,
jusqu’à ce qu’ils me trouvent.
But I love your feet
only because they walked
upon the earth and upon
the wind and upon the waters,
until they found me.
Pablo Neruda
Vesna Parun – dans la montagne des vents immobiles
photo importée de StoneLantern
Il est passé à travers moi comme une vague
frôlant ceux qui dorment
dans la montagne des vents immobiles.
Il est tombé comme la neige sur ma poitrine
et s’est transformé en silence.
tourner la page de la plage – ( RC )
Est-il temps de tourner la page
comme ces souvenirs
que le vent a enfouis sous la plage ?
–
RC – aout 2018
Tourner les vents en sa faveur – ( RC )
Tu voyages
au pays des croyances,
et, tu constates,
qu’à chaque imprévu de l’existence,
on a trouvé une parade,
une carte maîtresse, une antidote…
Dans leur distribution ,
réparties au petit bonheur,
il y a le catalogue complet
des corps célestes et des oracles funestes,
qu’on peut trouver,
dispersés aux quatre vents,
comme des graines de pissenlit .
Même inégalement répartis,
il est tout à fait possible
d’y trouver son compte,
de se vouer à son saint patron,
comme pour les muses,
et les dieux antiques :
Quel augure permettra
de franchir les obstacles;
de tourner les vents en sa faveur
combattre les maladies,
favoriser la fertilité
et même prévenir de la morsure
des chiens enragés
– à chaque chose malheur est bon – dit-on..
Il y a aussi ceux qui représentent
la musique, l’architecture,
la corporation des chapeliers,
des orfèvres, etc .
Les églises sont un florilège
où se multiplient les représentations
en statues de bois ou de plâtre,
tel Saint Tugen
( qui guérirait des maux de dents ),
ou ceux – les plus courants –
qu’on reconnaît à leurs attributs.
Ils répondent « présent ! « ,
au garde-à-vous,
à la façon d’une bible sculptée.
Certains – comme saint Evénec,
bien connu des bretons,
ne représentent qu’eux-mêmes –
( à moins qu’on ait oublié
quels étaient leurs bienfaits ) …
Protecteurs ou indifférents,
montrés sur les tympans romans
ou les peintures gothiques,
leur regard est vide,
mais sans doute plein
de bonnes intentions….
( quoiqu’on connaisse aussi
ces poupées, où on peut planter
des aiguilles ) ;
ou ces fétiches bardés de clous
pour conjurer le sort,
ou au contraire
le provoquer…
Ce sont aussi des objets
crées pour repousser les mauvais esprits,
ou représentés par des masques
sereins ou grimaçants ,
dans lesquels s’incarnent
la puissance des ancêtres.
Mais on peut penser
à ces chouettes crucifiées,
beaucoup plus proches de chez nous,
clouées sur les portes,
pour avoir eu le malheur
de naître emplumées,
et porteuses – parait- il – de mauvais présages.
–
RC mai 2017
Marie-Madeleine Machet – la fête du monde
peinture : P Bruegel le jeune
Tous les printemps aujourd’hui sont éclos
Mille ans d’espoir entr’ouvrent leurs paupières
Mille ans pour le bonheur de sèves éclatées
à la fontaine où s’épuise l’hiver,
Le jour ondoie et lustre
les vivants nouveau-nés.
La fête est commencée.
Le monde-roi danse avec la lumière
s’enivre de soleil.
Les fleurs animent leurs couleurs
les vents soufflent sur la terre
les nourritures du ciel.
Hâte-toi, c’est ton tour
pour le bonheur qui passe.
La fête est commencée pour toujours
mais toi, c’est ton instant,le seul.
Marie-Madeleine MACHET « Les Fêtes du monde »(éd. Seghers)
Colette Fournier – Je te regarde
peinture: P Bonnard Coin de salle à manger au Cannet, 1932 ( détail) Musée d’Orsay
–
Birago Diop – Sagesse
peinture: Bela Kadar
Sans souvenirs, sans désirs et sans haine
Je retournerai au pays,
Dans les grandes nuits, dans leur chaude haleine
Enterrer tous mes tourments vieillis.
Sans souvenirs, sans désirs et sans haine.
Je rassemblerai les lambeaux qui restent
De ce que j’appelais jadis mon cœur
Mon cœur qu’a meurtri chacun de vos gestes ;
Et si tout n’est pas mort de sa douleur
J’en rassemblerai les lambeaux qui restent.
Dans le murmure infini de l’aurore
Au gré de ses quatre Vents, alentour
Je jetterai tout ce qui me dévore,
Puis, sans rêves, je dormirai – toujours –
Dans le murmure infini de l’aurore .
Ismaël Kadare – L’Antenne
L’ANTENNE (fragment)
Quand vient la nuit
Vous dormez, dormez.
Tandis que moi je veille
Sur le toit incliné.
Les courants d’air m’assaillent de tous les côtés,
La pluie souvent me trempe,
Parfois les vents me fouettent.
Je suis comme un bâton dressé vers les cieux,
Un morceau de fer,
Rien qu’un morceau de fer.
Mais chacun de mes millimètres
Connaît plus de langues
Que tous les linguistes,
Vivants ou morts.
Chacun de mes millimètres qui capte les émissions
Comprend à la musique
Plus que tous les musiciens.
Chacune de mes particules
Sait plus de nouvelles
Que n’en savent ensemble
Les reporters et les politiciens.
Je les saisis toutes
Je les récolte toutes
Moi,
Le bâton dressé haut dans le ciel.
Les speakers s’adressent à moi des quatre horizons.
Les uns parlent,
D’autres crient,
D’autres encore hurlent.
Au milieu d’orchestres et de bises hivernales
De la chronique du monde
J’entends la trompette.
Et moi je sais le langage des ondes
Le parler gris des horizons sans fin.
La lettre latine, la cyrillique, les hiéroglyphes
Descendent comme des araignées
Sur mon corps.
A travers mon corps elles passent
Toutes, toutes :
Les victoires des peuples,
Les manoeuvres des diplomates
Et, comme des griffes de tigres, les clauses des traités
Pour notre Albanie,
Calomnie, calomnie, calomnie.
Ismail KADARE in « La nouvelle poésie albanaise » (P.-J. Oswald)
–
I Kadare est surtout connu pour son oeuvre romancière… mais on peut découvrir certaines créations poétiques sur le site de Guess Who…
Absorber l’idée même de la nuit – ( RC )
Les bois se taisent
quand les noces des vents s’apaisent,
et c’est la nuit
qui emporte tous les bruits …
( mais pas une nuit rêvée,
celle que l’on peut trouver,
quand une partie de la terre,
effacée de la sphère
plonge dans le sommeil,
en absence de soleil ).
Les criquets et les cloches des villages
cessent leurs commérages
à partir du moment où l’obscurité
étend son royaume indompté
dont la noirceur
occupe l’intérieur,
et celui des gouffres
à l’odeur de soufre,
et les grottes cathédrales,
dont le noir total
est un monde à part entière,
se tenant éloigné de la terre.
C’est comme si l’extérieur,
ses joies et ses peurs,
n’avaient jamais existé,
jamais vécu, jamais été,
> juste une existence
remplie par le silence ,
elle , pourtant si proche,
cachée derrière une paroi de roches,
jusqu’à en devenir une idée d’infini,
absorbant l’idée même de la nuit .
.
–
RC – janv 2016
Michael E Stone – Hiver en Arménie
photo Bradford Washburn
La terre s’est habillée d’ hiver.
Les peupliers sont nus.
Les sommets des montagnes arrondis
Blancs de neige,
un regard au-dessus
de noirs champs labourés
sur des collines roulantes.
D’ épars reflets d’obsidienne
Attrapent le soleil bas par l’ouest,
brillant comme des lumières de Noël,
dessus et en-dehors, dessus et en- dehors,
comme des vents de la route.
L’esprit de la brume
descend
de très loin .
photo du site « enrouesverslest »
Saveurs de la terre – ( RC )
—
Quelle danse en bouche
Celle du vent,
Sur les orges ,les blés
Les amandiers dont l’amer,
Se perd dans la souche.
L’arôme puissant,
La caresse dansée,
Passant au travers.
C’est peut-être, éphémère
La part des anges
Celle qui s’évapore,
Approchant l’oubli
Balade traversière,
Une frange,
Une bordure d’or,
dissimulée dans un pli…
–
RC – octobre 2015
Images d’un paysage prolongé – ( RC )
Une maison apparaît comme un décor,
Une toile dressée sur un châssis .
Quelque chose d’inhabituel dans la nature,
Poursuivant la verdure, et les voix du vent,
Aussi loin que le décalage des ombres …
Les murs en changent leurs angles .
Il y a même celles des branches,
Posées sur la façade, qui ne semblent
Pas à leur place ici, comme celle des habitants,
Curieusement étrangers à l’existence, à l’inverse
Des mésanges qui se heurtent aux images
Des fenêtres d’un paysage prolongé .
–
RC – oct 2014
Paul Fleury – Flux sur un échiquier
Marcel Duchamp – jeu d’échecs de poche avec gant en caoutchouc – 1944
–
« Franchissement de l’aube »
Toute écriture de fondation
anticipe le champ
de ses métamorphoses
loin – jusqu’à s’éblouir
dans l’éclair soudain de sa joie.
La vérité fulgure en l’espace d’un jeu
clos – qui n’est pas encore.
Le poème lancé en avant
ne quitte son lieu sûr
son erre
que pour la case d’un damier blanc.
Son erre devient errance.
Il y repose en paix, il n’est déjà plus !
Le jeu n’est pas dans la topique
mais dans le bond,
tout entier contenu dans ses déplacements.
Pour dominer l’âme du jeu,
il faut user plusieurs damiers,
postuler plusieurs dames
agir et mourir debout.
Les cases de l’échiquier ne suffisent pas.
Il faut un chiffre infini,
– une aube franchie pas à pas.
L’incertitude peut y loger sans armes,
la terre y cède au fleuve ouvert à tous les vents
et parfois se confie au feu du mascaret.
———————-
Cet extrait est disponible sur le site des éditions des Vanneaux
–
Egon Schiele – Sensation
–
De vastes vents violents ont tourné le dos à la glace
et j’ai été forcé de plisser les yeux.
Sur un mur rugueux j’ai vu
le monde entier
avec tous ses vallées, ses montagnes et ses lacs,
avec tous les animaux qui courent autour
Les ombres des arbres et les taches de soleil
m’ont rappelé les nuages.
Je marchais sur la terre
Et je ne ressentais rien dans mes membres
je me sentais si léger.
(trad RC )
–
Hohe Grosswinde machten kalt mein Rückgrat
und da schielte ich.
Auf einer krätzigen Mauer sah ich
die ganze Welt
mit allen Tälern und Bergen und Seen,
mit all den Tieren, die da umliefen –
Die Schatten der Bäume und die Sonnenflecken erinnerten
mich an die Wolken.
Auf der Erde schritt ich
und spürte meine Glieder nicht,
so leicht war mir.
–
Egon Schiele est, bien sûr, l’artiste expressioniste autrichien bien connu, dont ce site propose les oeuvres complètes…
–
L’improbable côtoie le réel – ( RC )
–
Si la nature à l’automne,
Pousse un dernier chant de couleurs,
Une mosaïque d’ors et de bruns,
Qu’elle brasse à longueur de vents,
En couronnant la terre de ses saveurs ,
–
Elle conduit peut-être –
La plume du poète,
Quand il assemble,
Ligne après ligne,
La musique de ses mots,
–
Arcqueboutés, comme arc-en-ciels,
A travers une nuit qu’il invente,
Des rêves qu’il traverse,
Tissant aux fils de l’écrit,
Des images, qui se disent,
–
Et s’entrelacent comme brindilles,
Et qu’on entend avec les yeux,
L’improbable cotoyant le réel,
La joie,
Le saignement du cœur,
–
Traçant son chemin,
Toujours plus loin,
Oscillant entre les saisons
Des paroles non dites,
Mais comprises par chacun .
–
RC décembre 2013
Marcel Olscamp – Confidence
_
Le siècle des passions vient mourir au chevet
d’un langage cassé qui perd jusqu’à mon nom
entre les draps trop blancs d’une chambre scellée
dans une ville éteinte aux rues déshabillées
comme une femme nue sous le regard d’un chat
qui serait mort d’ennui le jour de ma naissance
en lissant son pelage au fond d’un autobus
qui tournerait le coin de la rue pour de bon
Le père se déchire en tenant dans sa main
le chapelet noirci de ses jours de vivant
nous regardons les murs pour ne pas voir le mal
nous glisser sous les yeux de sa voix trébuchante
Mais dites aux coins des rues que je ne viendrai plus
voir mourir les années dans cette chambre blanche
la force m’est venue de porter mon regard
sur le désert de miel entre le monde et moi
la tempête est cassée, le monde est hors de lui
et tous les vieux secrets se déchirent au vent.
une notice biographique sur l’auteur…
–
–
Décor, lumière, extinction ( RC )

photo perso; panoramique collines éclairage vallée du Lot… voir le panoramique dans une dimension d’image plus grande ? cliquer sur elle
–
En tous sens, coulissent des rideaux ,
– Des pans de décor, qui bougent
Se masquent, grimacent une ambiance,
Tantôt légère, tantôt portée d’inquiétudes
> C’est une scène de théâtre,
Une question d’étoffes, de murs végétaux,
Où l’éclairagiste s’affaire,
Dans les hauteurs, à combiner les lumières,
A rassembler les nuages
User de la douche, des matités et brillances
Orage côté cour, grand projecteur côté jardin.
Qui s’éclaire et puis s’éteint,
Aux vents fantasques, il faut saisir l’instant
La mesure des secondes, ne revenant plus,
S’il faut en faire un dessin.
RC – 24 mai 2013
–
– A noter que ce type d’éclairage ponctuel et fugace est une des caractéristiques de la région et est effectivement perçu ( avec les pans de montagnes ou en lumière ou en ombre, selon la position des nuages), comme une scène – un théâtre de lumières….. Voir sur la même atmosphère mon article sur » Lozère en causses »
–
–
Voyager dans vos paroles ( RC )

dessin: Celine Colombel
Mon souvenir ira voyager dans vos paroles
En possible accueil, c’est une trace ténue
Qu’en vous soigneusement , vous garderez émue
En une dernière escale, comme une aile frôle
Au plus sûr de votre cœur, ce sera une place.
Pour l’ ami aux paroles prodigues
Ayant peut-être égaré , le nom. Il navigue
Au milieu de l’esprit – rien ne l’embarrasse
C’est un homme vivant , qui part et s’élance
Comme un ciel d’orage sur les mâts
– L’homme le plus tenté par l’amour s’ébat
Et vents, poussent navires avec élégance…
–
RC – 01-2012
–
Beatrice Douvre – enfances
Enfances
Ô douleur
Ô joie
C’était parmi les vents
Et nos maisons
D’enfance avaient duré
Pierre
Après pierre en démesure
Se souvenant .
–
Beatrice Douvre.
Perspectives basculées ( RC )
–
En posant un pied devant l’autre,
Si c’est suivre le fil,
Comme celui de la conversation,
Déplacer une syllabe
Soulever la semelle,
Autre jambe en équilibre…
De la portée de musique,
S’échappent les soupirs
Et s’envolent dièses et bémols
La partition se dilue
Croches et blanches, se perdent
Aspirées par le fond.
Je suis arrivé au bord,
La ligne changeante du stable,
Où le reflet des nuages
Est sous mes pieds
La limite indécise
Où l’espace bascule
Et ouvre des perspectives
Basculées qu’accompagne
La fuite des vents.
Posant un pied dans l’inconnu,
Sur la surface toute proche,
–
RC – 5 décembre 2012

photo Marie, de photosNature 2012, avec son aimable autorisation
–
« Tout un monde lointain » est le nom d‘une pièce musicale de Henri Dutilleux
–
climat mental ,et climat atmosphérique (RC)
climat mental , et climat atmosphérique
se lisent en parallèle ( ou en méridiens )
Ainsi peuvent s’agiter les airs
Vents et colère
Comme esprit et mental,
en saison automnale
RC – 1er juin 2012
–