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Jean-Claude Deluchat – ma barque


illustration 33domy ( centerblog)

Je n’aurai pas grand-chose et ce sera beaucoup
J’aurai dedans ma barque des gibiers et des fleurs
Des agapanthes bleues des baisers dans le cou
Une veine battante pour l’artère des chœurs
Des chants à perdre haleine dans la laine bergère
Qu’un souffle de printemps vient renaître par l’eau

Pour une aire de soleil et un sourire de frère
Qui sait me recueillir au chagrin du sanglot
Venez ici le jour est une aube fertile
Les nuages du ciel sont des cygnes si blancs
Qu’on dirait que les mois s’appellent tous avril
Et qu’un baiser de braise s’est assis sur un banc

Un banc de fruits vermeils et de levers charmés
Par un bruit de marées et de sables venus
Pour le marin perdu et le port arrimé
Jusqu’aux jetées gagnées et le phare des nues
Je n’aurai pas grand-chose et ce sera beaucoup

Un air de noces claires par la source des vents
Une graine posée dans le terreau par où
Ma nuit s’est maquillée et desserre les dents
Sa candeur vermillon a des lèvres de fruits
Et ses seins contre moi sont un tissu de cœur
Qui serrent à mourir comme on sert à minuit
Aux cuivres des saxos des goulées de clameurs

Quelques mots que je sais hors les dictionnaires
Sans besoin de version pour perdre le latin
La toile rouge et noire et l’absinthe ouvrière
Et les tournées gratuites que servent des quatrains
Des dimanches de soie et d’oiselles moqueuses

Des demoiselles folles aux guêpières ouvertes
Quand le temps est à rire sur des berges heureuses
Pour se coucher sans gêne à même l’herbe verte
Je n’aurai pas grand-chose et ce sera beaucoup
Pour les enfants malades et leurs plumes égarées
Je veux qu’ils dorment au chaud en leur toile cachou
Que leurs souliers de cuir leur soient dûment ferrés
Qu’ils jouent à perdre haleine aux hochets rigolos
Et que le soir venu je relève leurs draps
Pour la dernière goulée d’un verre de vin chaud
Dans un tendre soupir aux caresses de chat
Que les faveurs des flots nous portent des voyages

Au plus loin de l’ivresse et des danses de feux
Pour ces gamins heureux jusqu’au bout de leur âge
Dans des pays nouveaux sans la larme des yeux
Bien loin sont les faïences aux halos scialytiques
Bien loin restent les fièvres et les terreurs passées

Je veux ma barque douce pour unique viatique
Chargée d’éclats de rires et d’énormes baisers …

—-

Jean-Claude Deluchat


Des bleuets et des coquelicots – ( RC )


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Je ne sais pas quel temps il faisait,

sans doute lourd et humide,

quelque part dans les Ardennes,

quand l’orage sortait de la bouche des canons ,

broyant les arbres , et les hommes .

La terre est traversée de taupinières,

de tranchées remplies de boue,

de barbelés enchevêtrés,

d’éclats d’obus et de poisons

( et les rats sont gras ) .

 

Le sol garde en son sein

des morceaux de corps

dont on ne sait plus,

à quelle nation ils appartiennent ,

et cela n’a finalement pas d’importance .

L’oubli, comme un manteau noir,

viendra recouvrir les champs de bataille

d’une guerre inutile

où l’Alsace et la Lorraine en étaient les prétextes,

et la végétation , depuis, a repris ses droits.

 

On a vu fleurir autour des trous d’obus

quantité de bleuets , et de coquelicots

ce bleu horizon marquerait le renouveau,

et le vermillon des fleurs fragiles ,

rend ainsi, – sans discours revanchards –

le plus bel hommage à ceux

qui ont versé leur sang

et traversé la fureur des temps .

Aucune célébration, aucune stèle

n’en restituera les souffrances endurées .


RC – nov 2018


Réminiscences des fleurs d’ailleurs – ( RC )


photo perso : peinture  J Gilles Badaire

         photo perso :       peinture J Gilles Badaire

 

 


C’est une coque vide,
Aux murs carrelés de blanc, jusqu’au plafond.

Les meuglements des animaux,
La vapeur  qui s’échappait  de leur  corps,
Tout à coup arrachés  à l’étable,
Aux pentes  douces, et leur pâture humide…

Leur chaleur, et l’odeur  animale
S’est perdue dans le silence ;
Leur masse suspendue à de solides crochets,
Se comptait en poids de viande.

Le lieu est devenu incongru, et froid.
Même les  aérateurs,
Les conduits immobilisés,
Rouillent  lentement sur place .

Le sol de ciment  bien sec, proprement  nettoyé,
Permet qu’on le traverse, sans qu’on y glisse,
Sur des excréments,
Ou une  flaque  de sang  :

L’abattoir municipal
est devenu un lieu  d’arts.

Des oeuvres sombres
Aux  fleurs  brunes  et violines,
Parfois  aux  accents métalliques,
Comme de vénéneux  prolongements,

Aux plantes  privées de lumières  ;
Elles s’étalent  sur les  toiles noires,
Engluées de pourpre mat,
Et de vermillon terne.

Comme les animaux  de jadis,
Extraites de leur terre,
Le souffle coupé,

Suspendues à un reste  de couleur .
Ce qui a existé, des réminiscences…
Quelque part ailleurs…

On sait que les  fleurs mortes,
Diffusent encore un peu de parfum .

 

RC –   avril 2015

texte  écrit à selon les sensations laissées par l’exposition de Jean-Gilles Badaire, …  voir  la parution précédente  avec  son propre  texte…

 

Badaire  Jean-Gilles   expo Marvejols   -  47