Je repars chaque matin, d’une étendue blanche ( RC )
Il faut que je ferme l’enclos des couleurs,
Que je reparte vers un ailleurs,
N’ayant pas connu le dessin du cœur,
…… Chaque page a son heure,
Et je repars chaque matin,
D’une étendue blanche,
Que chaque jour déclenche,
– toujours plus incertain.
Ou bien j’ai sans doute oublié,
Derrière une glace sans tain,
Comment prendre le monde dans ses mains,
Les miennes, que j’ai liées.
Ou alors, je les ai vides.
Le miroir ne reflète rien
Des jours lointains
Et saisons humides.
Je sais que sous ses taches,
Et les plis de ses draps,
L’hiver reviendra.
Pour l’instant il se cache.
J’invente pourtant ce que je ne vois pas,
J’avance en vertiges,
Comme sur un fil, en voltiges,
Il y a un grand vide, sous mes pas.
Si je retourne la mémoire
Il se peut que je n’aie plus de passé,
Et que, de traces effacées,
Je ne voie que du noir.
Peut-être qu’en peinture,
J’invente, hors d’atteinte,
De nouvelles teintes,
Au fur et à mesure.
En tout cas c’est vers l’inconnu,
Que j’ouvre mes pages,
Me risquant au voyage,
Comme un enfant, nu.
Une page vierge à écrire,
Des traits, que je lance
Un pinceau, toujours en danse,
Dont j’ignore le devenir,
Comme si, à la couleur des rêves,
On pouvait donner un titre,
Décider de clore le chapître
Et dire que la toile s’achève…
RC – 30 septembre 2013
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Sur le fil, d’une rencontre invisible ( RC )
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Je suis sur le fil, d’un tracé invisible.
Il est sous mes pieds, mais abrité d’ombre
Et de terres, croisées sous la coupe de l’hiver.
La mer y a habité, pesé de son poids de vagues
Contourné des falaises et des îles
Déposé son lit de calcaire, sous des ciels de plomb,
Avant que le sol ne penche, et que l’eau ne reflue,
Comme ont reflué les siècles, perdus dans la mémoire du monde…
Je suis sur le fil, d’une rencontre invisible,
Où les pierres se confrontent, les torrents se ruent,
Et les chemins s’enroulent, sur les crêtes de vertiges,
Si nous allons de ce pas, sur la croupe ouverte,
Où la droite, n’a jamais de prise, aux chutes des pentes,
De l’Aubrac aux Cévennes, que parcourent, attentifs,
Beaucoup plus souvent, vautours que goélands,
Au dessus des lèvres ouvertes, des méandres du Tarn…
Ce ne sont pas les amours splendides
Des légendes bretonnes, marquées de la rage des pluies,
– Et des voiles qui claquent,
Au plancher liquide, d’une mer grise,aux promesses de pêche
Mais le territoire, tourmenté de vallées profondes,
> Disputant ses ombres à la rudesse du causse,
Où de fermes de pierre, en vaisseaux désertés
Sont gardés de ruines rocheuses, les lèvres hautaines.
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en « réponse », à un texte de Xavier Grall
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ESCALE EN LEON
A Aline
Dans ma mémoire blanche, seules chantent les pierres
de faux poètes ont dit mon pays joliment
je le dirai avec l`effarement de l`hiver
Ah les navrances en décembre des rivières et des moles !
Que ragent les pluies dans les carrières stridentes
que battent les vents dans les rades
que hurlent les toits et les pôles !
Nous irons plus haut que les fades
aurons des fureurs de goélands
dans la mouvance des
chantonneurs de la matière bretonne
rengainez vos guitares
les gabarres sur la mer créent des zones de sang
Dans les masures désertées nous prendrons des femmes cruelles
nous dirons les lèvres amères et les amours splendides
Finistère
Ici commence le monde et la musique du monde
les morts du Chili rêvent dans les villages
et crient
Il y a des Orients rêveurs dans les chaumes pourris
Il y a les loch des océans Pacifiques
Il y a des peuples et des nations dans la prairie
Marie-Ange Sébasti – Redresser les Méandres — suivi de ma « réponse »

photo: Anne Heine
Souvent, je tentais de redresser les méandres, d’élargir les défilés, de faire de ce passage une belle ligne droite entre des vignes bleues.
Mais ne fallait-il pas d’abord s’entendre avec la falaise, abandonner un instant la vallée pour s’engouffrer dans l’étroite cheminée, escalader tous les vertiges jusqu’aux confins des gris établir bientôt un nouveau cadastre, mesurer de très haut des parcelles discrètes, de longues propriétés littorales, les audacieux aplats des champs les écarts qui n’échappent jamais au feu ?
Sans mentir, je pouvais encore évaluer le périmètre du patchwork des rêves, déceler leurs accolades et leurs brouilles,
me détourner longtemps aussi de ce territoire morcelé en remplaçant tous les murs mitoyens par des lignes de fuites.
Pourtant, malgré la faille, le bleu toujours,s’instaurait, me rattrapait.
Marie-Ange Sébasti
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Elevé dans les airs, la prose du territoire distribue des lignes,des passages,
là où les failles sur place, imposent des détours.
Escalader tous les vertiges, peut-être ,mais au grand effort de laisser derrière soi la pesanteur, celle des roches et de son propre corps.
J’ai aimé la cartographie, comme un dessin aimable, qui s’étale, fantaisie de patchwork des bois gris, et parcelles arables. La limite imposée par la falaise, permet de distribuer quelques accès rares, lorsqu’un affaissement rend le chemin possible.
Oui, bien sûr, réconcilier les deux bords des espaces, en tirant droit, le fil de la rivière, et gommer les méandres.
( Si la terre était à modeler.)
Mais elle est matière, mais elle colle aux bottes, mais elle transpire les mousses, et se charge de buis et de chênes centenaires….
Mais elle est corps,lourde,brune, grise, fauve, justement comme un animal endormi, étalé là, entre les rocs…
Elle domine,…ravagée d’érosion, ou portée en tectoniques, striée de ruisseaux, cherchant la pente la plus rapide…
Inerte, même bousculée de puissants tracteurs , mais vivante, à l’assaut du printemps.
Les hauts plateaux sont reliés, aux vallées par leurs différences, justement,– leurs accolades et leurs brouilles, –, pourtant elles se réconcilient avec leurs passages,
…de toute façon, il faut vivre avec ce qui est… les murailles à contourner , en lieu et place de lignes de fuite sans consistance, les parcelles exigües, suivant si possible le parcours du soleil…
qui ne doivent rien aux lignes tracées sur le papier,mais à l’effort des hommes , pour se marier au mieux aux pentes, et extraire de quoi y survivre.
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En lien avec « feuilleter le recueil des causses »

la Sure — falaises Nord du Vercors (Vercors Nord, Engins, Isère – photographe non précisé site http://www.sentier-nature.com/
et (rappel) cet excellent écrit de Pierre Bergounioux, qui affirme que « le monde existe »…
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