Laetitia Lisa – aux lignes de fuite

photo Benjamin Hilts
d’abord
la lumière s’était parée de tout son or
pour le déposer sur le feuillage
l’herbe elle-même
semblait animée d’une autre vibration
passant de la lumière crue de novembre
à celle de la chaleur elle-même
puis le soleil a disparu
entièrement
derrière les montagnes
que le ciel avait teintées d’un bleu gris tendre
laissant juste au-dessus d’elles
une portion de rouge orangé flamboyant
en remontant plus haut dans le ciel
une barre de nuages
découpée dans le même bleu
faisait écho aux montagnes
suspendue entre rien et tout
on avançait dans le paysage
dont on ne percevait plus les reliefs
tout baigné qu’il était
dans des tonalités de gris de Payne
dans l’alignement des lignes de fuite
de grands arbres
dont je connais l’image
mais pas le nom
se détachaient du ciel
resté étrangement lumineux
leur tronc semblant interminable
comme grandi par la nuit
leurs branches nues
s’élançaient vers les premières étoiles
et leurs rameaux tissaient vers elles
tout un réseau de dentelles et de velours
d’un noir profond
ils semblaient être la porte vers un autre monde
au matin duquel
ils relèveraient leurs filets
la vibration d’un gong, un arrière plan de toile – ( RC )
–
C’est comme la vibration d’un gong : cela frissonne,
puis cela frémit, dans un froissement qui monte en puissance,
En s’amplifiant jusqu’à la parole délivrée de l’étain.
Un point critique nait de la rencontre de la mailloche et du disque de métal.
Un germe du sensible : Un geste le précède.
Mais le son qui s’en extrait, cache son envers, sa mutité,
sa « face silencieuse », en quelque sorte , dans l’objet.
Celui -ci pourrait être joliment décoratif,
mais sa matière, sa forme, recèle en puissance le son.
Même lorsqu’il est silencieux.
Et pour une peinture, c’est parallèlement, la rencontre des formes,
des couleurs et des contrastes, qui révèle
de la toile « silencieuse », les dialogues de la lumière avec l’ombre,
de la matière même du geste de peindre,
et ce qui fait la personnalité de son auteur.
Cet arrière plan de toile, entend les soleils,
écoute les matins blêmes, et retransmet, comme le gong, dès qu’on la regarde,
ce frissonnement des éléments « dans un certain ordre agencés ».
Cachée, elle peut, comme un instrument de musique, demeurer muette,
ses potentialités ne s’éveillent que sous la caresse du regard.
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RC – avr 2015