Entrelacs des sternes sur une eau de velours écrivant dans l’air les chemins des poissons traquant leurs victimes en cercles d’anxiété, leurs cris nous réveillent en sursaut, leur hargne contre un destin qui refuse subsistance. Groupes de gens au coucher du soleil sur une plage aux dimensions du rivage universel, et pâles de l’attente des miracles – les oiseaux en contraste, noirs de suie même au crépuscule, patrouilles en vol avertissant l’assemblée que ce ne peut arriver. Mais ce grand vaisseau de notre empire d’épouvante chante dans le vent qui le porte contre ces gens, toutes voiles déployées, prêt à partir et aucun homme ayant un peu de cœur à bord ne pourrait frapper en perçant cette obscurité, officier ni capitaine – vaste, vaste entreprise, vaste et vide, et terreur sur tous les océans, sauvetage de capital en danger de perte.
La mer se ferme sur les yeux, les yeux devenus ciel : du ciel descendent les poissons translucides, adoucie par les lèvres de la mer, à l’eau si généreuse, sa chaleur versant une huile d’hydromel, les poissons commencent à l’instant nous entrons – étant à peine visibles nous ne les voyons pas jusqu’au moment où nous passons dans leurs bancs les derniers de la création, l’eau-création, et puis nous sommes au-dessus d’eux, glissant à hauteur d’œil dans un sens suivant notre rêve avant de revenir.
Si tu vois une bande de voleurs traverser la nuit, avec des masques de Zorro, et leurs sourires sournois, tu les verras ramper sous les clôtures, à travers les buissons, certains se traînant, rampant jusqu’à leurs victimes, mordant dans les baies mûres et la couleur rouge. On verra le jus dégoulinant du menton, si la lumière met leur crime à jour, des fruits encore plein la bouche, avant de les voir s’enfuir , satisfaits, une fois le carnage accompli.
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libre transcription d’un écrit de Nicholas Enloe
On ne voit plus qu’un pré tout vert où pourrait paître le bétail. Pourtant, c’est un champ de bataille habillé de blanc, comme en hiver.
On distingue des croix anonymes, comme autant de noms effacés : > c’est la plaine des trépassés : on n’en compte plus les victimes :
Elles sont tombées au champ d’honneur, sous les obus, les mitrailleuses, – …. et la plaine argileuse ne saurait désigner les vainqueurs
les vaincus, tant les corps se sont mêlés durant les assauts. On en a retrouvé des morceaux , accrochés aux barbelés .
Pour les reconnaître, on renonce : C’est un grand cimetière qui nous parle de naguère : Les croix sont en quinconce ,
régulièrement espacées : le « champ du repos » comme si l’ordre pouvait remplacer de l’horreur, son tableau .
Suivant les directives : les stèles règlementaires émergent de la terre, en impeccable perspective
Ainsi, à perte de vue ce sont comme des ossements, peuplés des silences blancs des vies perdues :
Ils ont obéi aux ordres. ( Laisser la terre saccagée, le témoignage de combats enragés, aurait plutôt fait désordre ).
Sous le feu des batteries, affrontant le péril, il aurait été plus difficile, de jouer, comme ici, de géométrie…
On ne peut espérer de miracle: Aucune de ces plantations ne va fleurir : Voyez-vous comme il est beau de mourir ! Une fois la guerre passée, c’est un beau spectacle…