Un dessin qui n’a peut-être même pas existé – ( RC )
Stoppages avec mètres étalons ( Marcel Duchamp, page de magazine Life )
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Mon dessin a suivi son chemin:
il n’avait pas le tracé sinueux
des racines, en travers du chemin,
pas l’épaisseur du trait repoussant
les obstacles, comme mes bottes
dans l’épaisse couche de neige.
Je me suis demandé comment il avait commencé.
Je l’ai senti avant de le voir,
avant qu’il apparaisse sous la mine.
C’était peut-être une opération mentale.
Elle aurait donné de résultats semblables,
si j’avais poursuivi la ligne,
les yeux clos.
On pouvait voir une ressemblance
avec quelque chose de connu, bien que
on n’en soit pas sûr.
Le chat a marché dessus, il n’y a vu aucun sens,
rien qui ne le trompe au point qu’il s’arrête.
C’est juste une interprétation du visible,
une musique en devenir, et l’esprit
en suit les indices,
comme si on cherchait la solution
à une énigme.
L’espace a continué de se feuilleter , en pages
glacées, un coup de vent a retourné la feuille.
On ne voit plus rien.
Peut-être même qu’il n’a jamais existé.
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RC – oct 2016
Marc Desombre – passage des brises
Tu as réduit le monde au visible
pour mieux l’étreindre
et la soif s’est éteinte
la fée a quitté
la fontaine
Pourtant
il n’y a pas un jour sans silence
pas une rime
sans chanson
Mais le spectacle finira
les acteurs ne danseront plus
en costume
La fille des faubourgs
s’habillera des haillons de nuit
Et l’univers sera sa cour
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extrait de son recueil « passage des brises »
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François Cheng – À l’écoute de l’ocre de Sienne

peinture: Antoni Tapiès
Ivre de clarté terrestre,
L’ange du visible est passé.
L’étranger, lui, venu des sources
Et des nuages, a nostalgie
Du vallon irrévélé ;
Assis au creux de la pénombre,
À l’écoute de l’ocre de Sienne.
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Jean Daive – Le monde est maintenant visible .
Le monde est maintenant visible
entre mers et montagnes.
Je marche entre les transparences
parmi les années
les fantômes
et le matricule de chacun.
Les pierres
les herbes sont enchantées.
Tout se couvre
jusqu’au néant
de pétroglyphes.
Je compte les mâts
penchés près du rivage.
À perte de vue, la prairie des cormorans
car chaque maison est un navire
qui se balance.
Plutôt le crime ou plutôt
la mort des amants ou
plutôt l’inceste du frère
et de la sœur ou ―
je prends le temps
de manger une orange.
Dans ces moitiés d’assiettes et
autres fragments trouvés
avec pierres taillées, dessinées ou peintes
masse de cailloux, graviers avec sable
mesurent un site
une ville que j’explore
avec l’énergie d’un oiseau.
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Jean Daive, L’Énonciateur des extrêmes, Nous, 2012, pp. 39-40.
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