point final à la fête – ( RC )

Les brigands tentaient de renverser la table,
les couteaux plantés
dans le lit de justice,
après avoir brisé quelques vitrines.
La statue vacillant sur son piédestal,
mais à boire trop de bières,
leurs mains se sont figées
dans un festin de pierres,
juste au moment du dessert,
quand les heures s’émiettent ;
les couteaux s’émoussent aussi.
Sur la table, l’ombre du commandeur
se saisit d’une partie de la nuit,
en mettant un point final à la fête.
Vitrines de Noël – ( RC )
> Quelques jours avant,
un peu de neige souffreteuse,
en petits tas tristes et gris,
sur les trottoirs de la ville .
On peut ouvrir les portes,
du calendrier de l’avent,
négliger le froid mordant,
pour se promener pourtant
Mais rester au-dehors,
devant les vitrines,
au décor clinquant,
lumières et paillettes,
Pyramides de cadeaux,
soigneusement enveloppés,
se mirant,
sous les spots électriques,
Angora et soie,
des beaux quartiers,
habits coûteux ,
et mannequins radieux.
C’est une fête avant Noël,
celle du commerce,
où se pavanent
de riches clients .
On peut admirer,
les étals de foie gras ,
pâtisseries ouvragées,
et montagnes chocolatées…
Tu as le droit
de lécher les vitrines,
mais sans avoir rien, à se mettre
sous la dent , … que le vent.
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RC – dec 2017
Benjamin Fondane – Villes

peinture: Wayne Thiebaud Sunset Street 1985 ( MoMa)
Villes
Le silence coula sur mes mains
c’était un orage de sable
la ville était pleine de sable
où donc étaient-ils les humains
j’avais beau courir dans le vide
suivi lentement de mes pas, le vide était plus plein
qu’une poitrine gonflée qui fait sauter les pressions,
le vide était si plein, j’avais si peur qu’il n’éclatât
que soudain j’ai pensé qu’il me fallait crier
ressusciter la vie
souhaiter le sifflet des bateaux, des sirènes d’usine
la rumeur des meetings, des fleuves de glace qui cassent
sous la poussée du printemps, les vitrines brisées des grèves générales, le bruit
strident des rémouleurs aiguisant les ciseaux, les couteaux, la criée des poissons dans les halles, les plaintes des marchands d’habits,
des rempailleurs de chaises, des pianos mécaniques et des musiques perforées.
Je vous appelais du fond terreux de mon angoisse
sonorités des étameurs, des camelots, ô chansons nasillardes
des marchandes de quatre-saisons qui font au printemps maladif
l’opération césarienne -Et peu à peu je vis céder mon insomnie
mes oreilles bourdonnaient, une sorte d’âcre paix, une paix nauséeuse,
pénétra dans mon sang avec une vieille odeur de draps
et mon sommeil ouvert comme une bouche d’égout
buvait les cantiques pieux des machines à coudre,
le ronflement régulier des tuyaux de vidanges, le souffle léger de la vie qui monte et qui grince, ô poulie !
Le bruit de plus en plus fatigué de la vie.
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