Qui serais-tu ? – ( Susanne Derève) –

Qui serais-tu, si dans tes cheveux le vent tressait soudain des fils invisibles, si le vent taquin sous ta jupe effleurait le creux de tes cuisses de son souffle léger, à l'endroit où la chair tressaille du désir d'être aimée. Qui serais-tu si le soleil imprimait sur ta peau sa morsure brûlante en un baiser sensuel, si soudain délivrée de tes voiles tu abandonnais à la mer, à ses bras tièdes, à ses mains de corail ton corps ondoyant de sirène, ta jeune poitrine, tes hanches pleines, tes jambes de tendre écume, si les vagues resserrant leur étreinte te jetaient nue,haletante, comme une fleur marine sur le sable palpitant de midi, auréolée de mille paillettes de lumière, d'eau et de sel. Alors, qui serais-tu ?
extrait de Suite malaise : voyage Malaisie- Singapour ( Septembre Octobre 2022) (voir : Partage de Susanne)
Perhentians – ( Susanne Derève)

Iles Perhentians – Malaisie
A l’heure où résonne l’appel à la prière
tu te fais fantôme,
épousant frileusement la mer de tes sombres foulards,
elle, que j’embrasse à pleine poitrine,
et qui me rend au centuple sa monnaie de lumière,
ses ors, ses turquoises, ses poissons chamarrés
et ses doigts de corail, son sable de fine farine,
la chape étincelante du ciel à midi.
.
Quand sonne le muezzin du couchant,
les dernières barques gagnent le port pour y jeter l’amarre.
Les pourpres noient la mer de Chine,
de fins nuages blancs étêtent les montagnes
et la nuit tend ses voiles , la nuit
est ta compagne.
.
.
.
extrait de Suite malaise : voyage Malaisie- Singapour ( Septembre Octobre 2022) ( voir partage de Susanne)
Nous n’avons pas affaire à une statue, dont la bouche reste muette – ( RC )

Quel fruit se sépare,
d’un trait
où la largeur de l’infini
a peu de chance
de rentrer ?
La bouche est entr’ouverte,
sur les falaises brillantes
de l’émail des dents.
La soif des mots
se repose un instant,
de la parole…
Il se peut qu’on s’égare
dans les phrases,
quand aucun voile
ne dissimule le visage.
Nous avons dépassé
les vertiges de la censure…
Est-ce l’ombre de la vérité
qui s’exprime
dans la colère ou le sourire ?
Nous n’avons pas affaire
à une statue
dont la bouche reste muette…
La jeune afghane au regard effarouché – RC

Qu’est devenue la jeune afghane
au regard effarouché ?
A-t-elle bu le lait nouveau,
la saveur de l’avenir
qu’on lui avait promis…
l’a-t-elle seulement approché ?
Nous l’avons retrouvée
sous un voile au mauve fané .
Elle n’a plus que ses yeux verts,
après quelques décennies,
certes, un peu vieillie,
devant une corbeille de faux fruits .
–
cf photo de Steve McCurry
James Joyce – musique de chambre – XVII
photo Francesca Woodman
XVII
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi
Sur mes lèvres et mes paupières,
Rosée de nuit repose là.
Le vent fleurant tisse en concert
Tous les soupirs comme des voix
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi !
Près du cèdre là je t’attends,
O toi ma sœur et mon amie,
Ô colombe de ton sein blanc,
Ma poitrine sera le lit.
Pâle rosée vient se poser
Comme un voile par-dessus moi.
Ma colombe, belle et aimée,.
Eveille-toi éveille-toi.
My dove, my beautiful one,
Arise, arise !
The night-dew lies
Upon my lips and eyes.
The odorous winds are weaving
A music of sighs :
Arise, arise,
My dove, my beautiful one !
I wait by the cedar tree,
My sister, my love,
White breast of the dove,
My breast shall be your bed.
The pale dew lies
Like a veil on my head.
My fair one, my fair dove,
Arise, arise !
Fleur recluse – ( RC )
photo perso – Chanac
C’est comme un coeur
qui garde sa couleur
encore quelque temps :
il parle doucement
de ses quelques printemps
vécus bien avant .
– C’est une fleur à l’abri de l’air,
qui, par quelque mystère
jamais ne fane,
mais ses teintes diaphanes
à defaut de mourir,
finissent toujours par pâlir .
Détachée de la terre ,
elle est prisonnière
d’une gangue en plastique,
un procédé bien pratique
pour que la fleur
donne l’illusion de fraîcheur .
– C’est comme un coeur
qui cache sa douleur ,
et sa mémoire,
dans un bocal de laboratoire,
( une sorte de symbole
conservé dans le formol ) .
Une fleur de souvenir ,
l’évocation d’un soupir :
celui de la dépouille
devant laquelle on s’agenouille :
les larmes que l’on a versées,
au milieu des pots renversés .
C’est comme s’il était interdit
à la fleur, d’être flétrie :
elle, immobilisée ,
figée, muséifiée,
( églantine sans épines,
au milieu de la résine ) .
A son tour de vieillir :
elle va lentement dépérir :
le plastique fendille, craque
ou devient opaque :
les vieux pétales
cachés derrière un voile
entament leur retrait :
d’un pâle reflet
où les couleurs se diffusent :
la rose recluse
se ferait virtuelle :
– elle en contredit l’éternel –
–
RC – nov 2017
James Joyce – Ma colombe
montage-peinture: Max Ernst
My dove, my beautiful one,
Arise, arise !
The night-dew lies
Upon my lips and eyes.
The odorous winds are weaving
A music of sighs :
Arise, arise,
My dove, my beautiful one !
I wait by the cedar tree,
My sister, my love,
White breast of the dove,
My breast shall be your bed.
The pale dew lies
Like a veil on my head.
My fair one, my fair dove,
Arise, arise !
XVII
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi
Sur mes lèvres et mes paupières,
Rosée de nuit repose là.
Le vent fleurant tisse en concert
Tous les soupirs comme des voix
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi !
Près du cèdre là je t’attends,
O toi ma sœur et mon amie,
O colombe de ton sein blanc,
Ma poitrine sera le lit.
Pâle rosée vient se poser
Comme un voile par-dessus moi.
Ma colombe, belle et aimée,
Eveille-toi éveille-toi.
- extrait du recueil « musique de chambre «
Guy Goffette – Famine
Certains dimanches d’été, le ciel descend sur terre et tire au cordeau des routes pour les familles sans auto, les chevaux sans maître, les filles gommées des calepins.Sans bouger, chacun voyage à son rythme dans un pays rendu d’avance, jusqu’à ce que, le soir tombant, il faille se lever, rentrer le banc qui fraîchit, passer la barrière, le seuil, le jeu des ombres, son propre corps et retrouver enfin son visage dans la glace comme cette toile depuis des siècles dans la chambre du peintre.
Le comptable a fermé le dernier guichet tiré la grille et peut-être un instant pensé à devenir voleur, à céder au poids de la clé brûlante dans la poche tandis que le soleil aux plis de sa nuque verse la rouille des jours perdus à supputer la chance d’une fenêtre dans ces visages minés à contre-jour par la pioche infatigable du temps
Les villages de schiste sombre et froid laissent courir aussi des filles aux lèvres peintes et souvent le poing des vieux laboureurs s’écrase sur la table de l’unique bistrot élargissant d’un coup l’espace de l’attente où la lumière se rassemble, frileuse et comme prise au piège d’une lampe
mais il est midi à peine et dans la rue un chat guette une proie que personne ne voit
Derrière la haie le poste à transistors susurre le cauchemar de l’Histoire tandis que l’homme au bras huileux fend à la hache un bois récalcitrant dont le sang atteint le ciel au menton comme s’il voulait porter à notre place la croix alourdie du présent
La maison à veilleuse rouge dans l’impasse tu attendais de grandir, le cœur et les doigts tachés d’encre pour y chercher des roses
A présent qu’une route à quatre bandes la traverse tu es entré toi aussi sans savoir dans la file qui fait reculer l’horizon où cet enfant t’appelle qui n’a pas pu grandir portant jour après jour en ses mains sombres le bouquet rouge au fond du ciel que tu n’as pas cueilli
Comme le visage à vif du boxeur aveugle après la troisième chute tu n’entends plus les coups mais ton cœur entre ciel et terre qui répète sans se tromper le nombre exact
Le soir qui tombe sur tes épaules enfonce les clous un peu plus bas
Minée par quelle mer la ville puisque les taupes n’y harcèlent pas le printemps sans racines
Peut-être est-il venu le temps de croire que Jonas est vraiment sorti de la baleine et que c’est lui ce vide au carrefour que tous rejettent en accélérant
Les yeux jaunes des voitures le soir tu les voyais déjà, enfant détourer le pied des immeubles et tu faisais pareil à table avec la mer et les ciseaux dorés ajustant patiemment sous la lampe l’image à sa légende obscure.
A présent tu sais lire et tiens ferme la barre de ta fenêtre sur le monde où les immeubles s’écroulent l’un après l’autre dans l’incendie découvrant peu à peu la ligne sous laquelle il te faudra descendre descendre encore, paupières closes, pour joindre les bords extrêmes de ta vie.
peinture edw Hopper
Lui qui avance les mains nues les paupières scellées sur la scène déserte et sous les projecteurs le temps ne l’arrête pas ni le vide, il marche depuis des siècles vers un mur connu de lui seul comme l’arbre qu’un ciel obstiné tire vers l’horizon et s’il s’écarte parfois c’est pour laisser à sa place une fenêtre ouverte où quelqu’un appelle invisible et chacun croit l’entendre dans sa langue
La nuit peut bien fermer la mer dans les miroirs : les fêtes sont finies le sang seul continue de mûrir dans l’ombre qui arrondit la terre comme ce grain de raisin noir oublié dans la chambre de l’œil qu’un aigle déchirant la toile enfonce dans la gorge du temps
La nuit a volé son unique lampe à la cuisine piégé dans la vitre celui qui se tait debout dans la tourbe des mots
Il brûle à feu très doux l’obscure enveloppe du silence (comme ces collines sous la cendre réchauffent l’aube de leur mufle) et pour la première fois peut-être son visage d’ombre est toute la lumière et parle pour lui seul.
Un peu du plâtras des murs rien qu’un peu et rendre à la jeune putain son sourire de vierge
(Aimer ô l’infinitif amer dans la nuit des statues et dans le jour qu’écorchent les bouchers)
Visage impossible à saisir avec ce ciel collé au bout des doigts quand la femme unique sur toutes les fenêtres aveugles de la terre roule des hanches et passe .
Ce peu de mots ajustés aux choses de toujours ce questionnement sans fin des gosses dans la journée ces silences plus longs maintenant, à l’approche du soir comme le soleil traversant la chambre vide sur des patins,
tout cela qui se perd entre les lames du parquet, les pas, les rides a fini par tisser la toile inaccessible qui drape chacun des gestes du vieux couple lui donne cet air absent des statues prenant le frais dans la cour du musée
et nul ne voit leurs ombres se confondre enjamber le haut mur du temps mais seulement l’échelle aux pieds de la nuit l’échelle sans barreaux ni montants d’une vie petite arrivée à son terme.
Magali Bougriot – Nostalgie d’un baiser

peinture: Richard Lindner – kiss
–
il est des choses qui ne s’effacent pas…
Elle.
Tout en elle me faisait vibrer. Mais comme dans chaque symphonie, chaque partie a sa place, son temps sa mesure, son intensité.
Un subtil mélange de sons dans un alliage percutant, profond et puissant.
Elle.
Tout commençait par la trame de fond, la cadence, son regard.
Dans ses yeux gris, vert, bleu, je ne saurais jamais vraiment les définir tant leur couleur était variable,
j’y plongeais les miens, dans une immensité sans fond, un voyage dans l’hyperespace, une sorte de doux flottement jusqu’à trouver la connexion,
l’accroche, ce moment où la grosse caisse lourde et lancinante entre en raisonnance.
Le rythme singulier d’un battement de coeur,
boom….boboom….boom…boboom… Régulier, constant, rassurant,
nous sommes ici, nous sommes deux et nous vibrons sur la même longueur d’onde.
L’alchimie peut opérer.
Aucun contact nécessaire, juste ses yeux, les miens,
et la myriade de messages synaptiques qui parcourent nos corps au rythme cadencé du sang
qui afflue dans nos artères.
Boom… Boboom….boom…boboom…
Puis s’insinue le doux son d’un violoncelle, le glissement d’une main le long d’un bras,
annonce d’une mélodie, les cordes frottées délicatement, le son pur, chaud, une promesse chuchotée… » Je ne veux que toi…. »
Ma peau frissonne sous la pulpe de ses doigts et déjà je sais que la musique s’empare de moi,
la transe s’installe, toujours plus profondément, fixant chaque instant sur ceux de ma mémoire.
Ses mains. Ses doigts. Divins, indéfinissables de perfection.
Des mains pareilles sont faites pour caresser, pour étreindre, et à ce moment
c’est moi qui me glissais entre elles, consciente de ce privilège.
Mais comment ne pas toucher sa peau?
Ce voile rosé et parfumé dont je percevais déjà les effluves si loin
que je pouvais être d’elle. Un appel à la rencontre, le sucré, vanillé,
une confiserie à portée de mains, de nez…
Les sens en éveil pour mieux m’en délecter… Se retenir…. Et faire durer…. Se retenir…
Je parcourais alors les contours de son visage du bout de mes doigts hésitants,
comme on toucherait une oeuvre d’art, dans un respect protecteur,
sous ses doigts l’exception, en être consciente et ne pas vouloir briser le rêve par des gestes trop brusques, sous peine de se réveiller et de tout perdre…
Encore un peu… Encore un peu….
Je revois ses traits tendus, si particuliers, qui rappelaient les gravures grecques aux lignes saillantes et anguleuses, à chaque centimètre un son, nous composions le début d’un requiem.
Quand nos corps vinrent à se rapprocher par l’attraction incontrôlée,
quand de mes bras je vins la serrer contre moi,
quand sur mon ventre, ma poitrine je sentis la pression de son propre ventre,
de sa propre poitrine, écrasant le peu de self contrôle qui nous restait,
c’est tout le rang des cordes qui se mit en scène, dans une envolée légère.
La montée crescendo de la cadence, les doubles croches décrochant nos limites,
toujours rythmées par les contre-basses s’alliant à la grosse caisse dans nos yeux qui ne risquaient pas de perdre pied.
À quelques centimètres seulement, des secondes qui s’étirent, un temps qui se détend, tout semble figé et si mouvant pourtant.
Je peux sentir la chaleur de son souffle contre mes lèvres, un dernier questionnement dans nos regards, vraiment?
Maintenant?
Tu es sûre?
Un silence sur la partition, ce petit carré noir maitre de tout, et tout se suspend, l’éternité.
Bien sur que je suis sûre! Bien sûr qu’on l’est!
Et dans l’apothéose générale, les cuivres et flûtes entrent en jeu, jouant leur plus belle prestation, alors que les cymbales s’emballent, dans un fracas salvateur.
Nos lèvres se retrouvent en ce premier baiser comme après des millénaires d’absence.
Celles qui ne s’étaient pourtant jamais rencontrées se connaissent
comme si rien ne les avait un jour désunies, et rien ne pourra les désunir à présent…
—
S.M.Roche – Nocturne
Des ailes bruissent au fond d’un seau,
des formes surgissent de la terre,
d’autres sont accroupies.
La rumeur de leurs mains nappe la ville.
Un dernier fruit tombe du ciel
sur la tôle du poulailler
et les coqs sont réveillés.
Personne ne pense aux étoiles,
il a fait trop chaud tout le jour.
Le dormeur amène la voile,
le songe s’engrave sur le lit,
le poème s’est perdu.
Il reste le bois fendu
d’une nuit sans sommeil.
– A lire, avec beaucoup d’autres sur le site « chemin tournant »
Alda Merini – folie
–
Folie, ma grande jeune ennemie,
il fut un temps où je te portais comme un voile
sur les yeux, me découvrant à peine.
je me suis vue dans le lointain ta cible,
et tu m’as prise pour ta muse ;
lorsqu’est venue cette chute de dents
qui m’endolorit encore parmi les dépouilles,
tu as acheté cette pomme de l’avenir
et m’as donné le fruit de ton parfum.
—
Follia, mia grande giovane nemica,
un tempo ti portavo come un velo
sopra i miei occhi e mi scoprivo appena.
Mi vide in lontananza il tuo bersaglio
e hai pensato che fossi la tua musa;
quando mi venne quel calar di denti
che ancora mi addolora tra le spoglie,
comprasti quella mela del futuro
per darmi il frutto della tua fragranza.
–
Vuoto d’amore, Einaudi, 1991
–
Variation peu crédible, sur des évènements d’antan ( RC )
Marie est au bout d’une ficelle, à dépenser idées congèles
C’est un jeu de maux, jeu de vilains qui joint le geste
Aux paroles des étoiles, à compter les pieds, de nez,
Mettant voile et vapeurs, rien n’est sûr, ni le pied marin
Ce qui souffle en rêves coincés, s’étale dans la ruelle
Les murs ont des oreilles, les forêts appellent
Des doigts de velours, et rondement
Feuilletant le libre air ( par le plus grand des hasards)
Marre debout, roue dantesque, rien n’avance
Dans un passé, où l’orne hier, restant présent.
Idées congelées et mouvements suspects,
Voici un autre chapitre, qui se dépense
En gestes immobiles, alors qu’autour, tout remue
Madame, derrière son voile
Est assise et médite, sa fenêtre entr’ouverte
Juste un rayon de lumière filtre, d’entre nuages
Il apporte une bonne nouvelle,, — un ange passe
Et d’une flèche, illumine son visage
A cette venue, s’il est bien des mystères,
Il faut peu de choses, parfois
Pour faire parler de soi, sur la terre,
L’annonce aura mission de livrer un garçon!
–
Miguel Veyrat – Il cache le feu ( à la mémoire de Paul Celan )
Il cache le feu »
Il cache le feu
dans les bassins de la mort récente
Et regarde la voix indiquant
un saut léger
à d’autres seins:
Mémoire d’une l’eau agitée par le vent
souvenir de brûlure,semelles de mémoire , vapeur d’ombre
qui ne laisse pas de sillage,
ou tremblements
dépôt à la mémoire. Voile sanglante
ceux dont la mémoire
ne se rappelle pas
et n’ont jamais choisi d’être catholiques ou juifs:
Mémoire de coquelicots dans la neige.
Feux. Pentes confuses. Zones de tirs.
Miguel Veyrat
Dans ‘ contre-jour» (Onze poèmes à la mémoire de Paul Celan) – tentative de traduction RC, de
“Se esconde el fuego”
Se esconde el fuego
en las cuencas de los muertos más recientes
y aguarda la voz que indique
el salto leve
hacia otros pechos:
Memoria de agua agitada por el viento
que arde, memoria de soles, vapor de sombra
que no deja estela,
ni trémula
gota a la memoria. Sudario sangriento,
memoria de aquellos
que no recuerdan
haber nunca elegido ser católico o judío:
Memoria de amapolas en la nieve.
Fuego fatuo. Confusas laderas. Zona de tiro.
En “Contraluz” (Once poemas en memoria de Paul Celan)
Ed. Los Cuadernos del Céfiro (Breviarios poéticos) 1996©
—
–
hors des plis de la canicule (RC)
Aujourd’hui, acculés au présent de ces mots,
la lumière est la mémoire du dehors.
Il y aurait, parait-il, une porte secrète
que j’ai créée pour établir un chemin permettant de goûter,
même sur terre, à l’élixir d’immortalité ,
hors des plis de la canicule,
Porte entr’ouverte sur les verités tues , d’amour,
Convocation de la grande prêtresse, à l’évocation des sens.
Lumière d’un voile soulevé, en laissant venir la beauté
et la force,et les éclats de rire.
Voyager longtemps, …et te rejoindre.
11 mai 2012
Une symphonie bleue ( RC)
–
Pour rester dans la couleur – le bleu ( les bleus)… d’avec l’article précédent
–
Une symphonie bleue, emportée,
Une bataille de pinceaux
Où les encres s’emmêlent, en un assaut
Traversé de gestes et d’une portée
C’est juste ce qu’il faut d’artistique
Pour , en danses, faire remuer les pieds
En jetant les couleurs sur le papier
Et interpréter la musique
D’une curieuse façon
Les notes bleues encore accrochées
Ont eu leurs tiges arrachées
Dans cette partition
Mais ne vont pas tarder à chanter
– une sorte de danse de Saint Guy
– un air de boogie-woogie ?
Qui pourrait nous enchanter
Je vois déjà les classiques
Regarder les notes qui s’envolent
– Cà, c’est pas d’bol !
Et jettent des regards avisés et critiques
D’un swing délirant qui s’approche
D’un violoncelle électrique
Qu’enveloppent les ondes magnétiques
De la course des double-croches
Qui s’échappent d’une trompette
A la Miles Davis
Et d’un trombone qui coulisse
En fête, le groupe des saxes, en tête.
A suivre l’impro, déployer les voiles,
Reprenons …. les pinceaux en main…
Arrête ton délire, et de faire ton malin !
Tout ceci n’est pas dans la toile!
C’est un jeu de l’esprit
Voulu par l’artiste
Une sorte de jeu de pistes
De la toile, s’échapperait un cri …
——
sur l’incitation de cette création:
http://www.vagabon-art.com/article-blue-symphonie-50373992-comments.html#anchorComment
Jean-P Goux – Le montreur d’ombres – Assise
Assise s’offrait à lui derrière ce voile incongru d’abord par sa rusticité, dissimulant les perspectives lointaines que dégage une colline, engendrant cette impression confirmée à chaque pas, à chaque ruelle, d’isolement et de refuge à l’image du petit cloître franciscain qu’il visiterait d’emblée ;
une brume déambulatoire comme un écrin particulièrement raffiné et propre à faire valoir ce caractère singulièrement scandaleux d’une ville déposée là immémorialement,
restée à l’écart de toute compromission avec le monde, avec cette netteté radicale et tranchée d’une ville sans banlieue …
unité qu’il se serait gardé de détailler par crainte de voir la ville se raviser et disparaître l’enchantement qu’il éprouvait moins à l’idée d’une Permanence historique qu’à celle d’une totalité harmonique rendue tangible.
Il ferait froid à Assise afin qu’il ne puisse ultérieurement s’imaginer la vie à la campagne sans une chambre monacale dont la blancheur eût été le rappel incessant d’une brume symbolique.
—

photo: cloître d’Assise
–
Jean-Paul Goux, est l’auteur de » le montreur d’ombres » ( éditions ipomée 1977 ) dont je cite un court extrait de son premier récit; le jardin… JP Goux, avec de longues phrases qui se tiennent, a un côté descriptif très pictural, ici, pour Assise, mais aussi pour la peinture, par exemple le célèbre retable d’Issenheim, près de Colmar.
Il est aussi l’auteur, plus récemment de
La jeune fille en bleu, récit, Champ Vallon, 1996.
Les champs de fouilles:
1. Les jardins de Morgante, roman, Payot, 1989; rééd. Actes Sud, coll. «Babel», 1999.
2. La commémoration, roman, Actes Sud, 1995.
3. La maison forte, roman, Actes Sud, 1999.
James Joyce – ma colombe
Ma colombe (titre proposé)
Ma colombe, ma belle,
Prend ton envol !
La rosée de la nuit repose
Sur mes lèvres et mes yeux.
Brodent les vents parfumés
Une musique de soupirs :
Prend ton envol,
Ma colombe, ma belle !
J’attends auprès du cèdre,
Ma sœur, mon amour.
Cœur blanc de la colombe,
Ma poitrine sera ton lit.
La rosée pale repose
Comme un voile sur ma tête.
Ma belle, ma jolie colombe,
Prend ton envol !
(traduction de Gilles de Seze : http://gdeseze.free.fr/)
Texte original :
My dove, my beautiful one,
Arise, arise!
The night-dew lies
Upon my lips and eyes.
The odorous winds are weaving
A music of sighs :
Arise, arise,
My dove, my beautiful one!
I wait by the cedar tree,
My sister, my love.
White breast of the dove,
My breast shall be your bed.
The pale dew lies
Like a veil on my head.
My fair one, my fair dove,
Arise, arise !
James Joyce (« Chamber Music« , 1907)