Simon Brest – les fossiles

A chaque équinoxe, vers les parloirs des capitales,
les voitures au point mort dansent et copulent.
Une puissance souterraine monte au matin des soupiraux.
Le brouillard d’un autre brouillard se charge.
La fête des ferrailles ravive l’espérance permanente des objets.
Pour quelques jours les foules, un peu plus courbées,
subiront l’impalpable chape qui englue.
On finira par désigner pour la cérémonie rituelle
quelques impénitentes.
Elles seront tramées à la grue par-delà des remblais.
Si d’insolence le rire d’un enfant
traverse le flot d’un cortège, il suffira d’ouvrir
les vannes des autoroutes
et l’imaginaire diurne reprendra ses droits.
Sous le soleil subjugué rugissent les carrosseries rutilantes.
La robotique des archanges, parquée sous la pénombre des hangars,
défèque pour le grand ordre de l’industrie.
Deux fois l’an seulement la bride est lâchée
quand les saisons basculent.
Mais pour chaque capitale de parade,
en exemplaire unique au fond de l’avenue de Thèbes,
l’avenir est préservé.
Veillés par des arbres en statue,
les dieux, dans le soir, digèrent et rêvent.
extrait des « chroniques du trente février »
Denise Jallais – Les Couleurs de la Mer
photo d’actualité modifiée RC
Assise sur la dune
Je regarde les feux du carrefour
Rouges pour arrêter ton cœur
Jaunes pour t’ensoleiller
Verts pour te permettre
Et les voitures roulent sous la pluie
Comme dans une brume jaillissante
Vers l’odeur mêlée de la plage et des chênes verts
Je regarde les feux du carrefour
Sages comme des phares de mer
Et ton ombre changeante
Qui grandit lentement
Du fond de la route .
Denise JALLAIS « Les Couleurs de la Mer » (Seghers, 1956)
D’autres villes – ( RC )

peinture: James Whistler – Valparaiso nocturne en bleu et or.
Pendant la nuit, qui s’enfonce entre violet et silence,
Clignotent encore quelques néons,
Leur reflet alternativement vert et jaune
Sur l’asphalte mouillée. Têtus.
Les baraques du chantier du port, désertées.
Et au loin le flux chuintant des voitures,
Les boucles de l’échangeur éclairées d’orange.
Cependant les nuages sournois masquent alternativement une lune.
Un oeil fixe, cloué là haut.
Il nous dit la présence solaire, – ailleurs.
Ailleurs à l’opposé de la terre.
Sous d’autres climats.
Avec d’autres langues.
Mais, la même course du jour,
Se déplaçant comme une vague.
D’autres villes, s’enfonçant bientôt,
Entre le violet et le silence …
Et le clapotis des flots.
Alors qu’ici s’annoncera l’aube ,
Sur un jour recommencé.
Les immeubles seront encore au même endroit.
A l’assaut des colllines.
Les grues pourront reprendre leur ballet.
L’oeil fixe de la lune , s’est effacé,
Discrètement, dans la brume .
–
RC – mars 2014
After the gold rush ( RC )

photo jrs de son site
Au survol du printemps
Finalement, l’aile ouverte,
S’appuyant sur l’atmosphère,
Endolorie,
Ira se fondre
Et saigner dans d’été,
Une halte et un autre virage
peut être conduit au repos
Une ville abandonnée
Aux insignes blanchis ,
Le bois torturé
Au soleil ardent,
Les voitures,aux modèles lourds,
Fantômes rouillés,
immobilisés,
Dans les herbes hautes,
Elles vont à la reconquête
des prairies vides.
Peut-être pour l’oiseau migrateur,
L’occasion de se poser,
Quand le vent agite
Et secoue de vieilles tôles,
De vieilles enseignes,
– grincements –
Et ce qu’il reste de rues,
Poussiéreuses,
Menant plus loin à l’Ouest.
Suivre ainsi ,très loin,
Les routes rectilignes,
sous la course des nuages.
L’or du Far-West,
A filé entre les doigts,
De migrants de tout ordre,
Repartis d’ici, comme ils sont venus,
Incongrus
Poursuivant une richesse improbable,
Toujours ailleurs.
________________________
Flyover spring
Finally, the wing open
Relying on the atmosphere,
sore,
Will go blend
And bleed into summer
A stop and another turn
may be conducted for a relaxing break
An abandoned city
To the bleached insignias
The tortured wood
Under burning sun,
Cars, heavy models
Rusty ghosts
immobilized
In the tall grasses,
They go to the reconquest
Of empty grasslands.
Perhaps for migratory birds,
The opportunity to arise,
When the wind moves
And shakes oldmetal sheets ,
Old signs,
– Grinding –
And what remains of streets,
Dusty,
Leading further to the west.
Follow thus them far,
The straight roads
Under the course of the clouds.
The gold of the Far West
Passing between the fingers,
Of all kinds of migrants,
Left from here, as they came,
Incongruous
Continuing with an unlikely wealth
Elsewhere ,Always .
–
RC – 3 septembre 2013
–
Kiril Kadiski – le couchant dégouline sur la vitre humide
–
Il ne pleut plus et l’après-midi est tiède.
Les mouches s’animent après l’apathie de leur sieste.
Dehors, le couchant rouge dégouline
sur la vitre humide et elles le sucent. Déjà vide,
la boule de verre qui roule à l’horizon jette ses reflets dorés.
Encore un jour de passé. Mais qui s’en est aperçu ?
Les arbres balancent leurs branches dans l’ombre bleue.
Derrière, les toits éclairés ressemblent
à des flammes attisées par le vent. Ton cœur brûle.
Où aller ? C’est le soir…
Errant sans but
tu épies les jeunes femmes et tu vois que chaque soupirail
les attend dans le noir et leur met des chaussettes jaunes.
Les voitures tournent
un nouveau film sur le mur du coin ; n’est-ce pas un nouveau
Fellini ? Ou bien est-ce toujours le même réalisme
absurde autour de toi… Dans l’allée obscure
un vrai pauvre est assis et comment peux-tu savoir
si son pantalon est déchiré aux genoux
ou si ce sont les pièces de ses mains alourdies…
Le ciel brille sombrement. Tu vois une époque ancienne :
porte cloutée, trouée par des flèches enflammées,
enfoncée et jetée sur le ciel.
Par là les siècles sont entrés
dans nos jours… Quelque chose de miraculeux au loin :
la lune pourpre frissonne et court à travers des nuages déchirés,
mais de ses branches sèches un peuplier l’attrape –
coquelicot déchiqueté qui flamboie
au milieu du blé par une chaleur sombre et immobile…
Silence partout. Enfin tu vas rentrer.
Pendant longtemps tu resteras éveillé, les paupières lourdes.
Dehors, le couchant dégouline sur la vitre humide. Déjà vide,
la boule de verre qui roule à l’horizon jette ses reflets dorés.
Encore un jour de passé. Mais qui s’en est aperçu ?
Kiril Kadiski
–
En présence de l’inconnu ( RC )
Un quart de tour de terre
Suffit à bouleverser les critères,
Mettre en présence l’inconnu
Aux enfants marchant les pieds nus,
Dans la poussière…
C’est quand même un mystère
De voir arriver par les airs
Et au-delà des mers
Tous ces gens venus d’ailleurs
Et d’un monde pensé meilleur,
Sortant de leur carrosse
Qui se reflète dans les yeux des gosses.
Ils n’en croient pas leurs yeux
Quand viennent se poser devant eux
Brillant de chromes et courbures,
De grosses voitures
Que leurs mains , osent parcourir
Les toucher du doigt, en garder souvenir
Lors d’une courte pause, regards en miroir,
Les reflets du toucher, se jouent en noir…
C’est avoir à portée de mains, le mythe
de l’occident, – que les rêves habitent…
Il y a toujours des pensées avides,
Même pour les bouteilles en plastique, vides.
–
RC – 24 décembre 2012
–
Lucien Suel – Sombre Ducasse 7 ( suivi de ma « réponse » ) – ( RC )
Sombre Ducasse (version justifiée) 7
si le point de départ vient à changer
aura-t-on le même point au final ceux
qui utilisent des bandes coulissantes
sur trois magnétophones n’anéantiront
plus le complexe comateux bande bande
bande blue stardust jack off moi j’ai
tout fait j’étouffais alors quel sera
le numéro silence silence silence ces
dispositions hétéroclites ces séances
particulières datent sans doute de 23
ans avant la dernière guerre nous les
détruirons les erreurs surtout celles
qui consistent à croire que les moins
grands sont les plus jeunes ou que le
plus grand est le plus vieux détruire
toute la hiérarchie serait saugrenu à
moins de placer les petits les moyens
les grands contre un mur de manière à
déclencher le feu des fusils à canons
sciés le sens de l’écriture a orienté
tout pour tous de manière ignoble les
maladresses ont été nombreuses il y a
eu trop de ça tout au long des années
des siècles à venir ceci n’allait pas
tout seul il faudra placer des garde-
fous plus rigides sur les limites des
manières de vivre aujourd’hui séparer
mettre à l’écart les cas gênants nous
avons trop peu de renseignements tous
nos souvenirs brillants de la seconde
guerre mondiale s’estompent déjà dans
les vents froids et foireux les vieux
partis au diable vos vers sont séchés
soumis à la question trop souvent ils
ne sont plus que d’anciens modèles de
voitures reproduits sur carte postale
—-
Le texte de Lucien Suel, extrait de « silos », est visible directement sur cette page…, l’auteur, en m’autorisant à republier son texte, me renvoit aussi à sa version 2, ici
Je ne suis pas là, je ne pourrai pas t’accompagner
dans la course, et découper le temps avec des
ciseaux,ainsi la musique se déroule, et les chevilles se coulent,
sans hiérarchie, sur la piste, il y a le parquet qui brille, les passages le frottement de la lumière,
et la musique de Coltrane, my favourite things, qui me rappelle, mais j’ai vérifié, c’était autre chose,
le film de Pierre Etaix,Yoyo… j’ai encore dans les yeux la fumée des usines qui rentre dans les cheminées, plutôt que d’en sortir, tu vois, j’ai sans doute égaré bien des souvenirs, en route, en semant trop de cailloux blancs – pour écouter le silence
je me suis un peu perdu, sur des chemins qui s’égarent.
Oui, j’aurais eu besoin de garde-fous, enfin, si on veut, si on parle de fous,
car justement, ce sont des voix d’hiver ( diverses), qui permettent de trouver la sienne,
les chemins de traverse, comment se repérer faire que sa voie soit la sienne et sa voix personnelle…
J’ai traversé des tableaux sépia , croisé Francis Bacon à Paris,
pianoté un peu, et caressé la lumière qui se posait sur mes toiles.
Les vers séchés ( comme les lombrics égarés après une forte pluie), composent mes poèmes,
que je triture volontiers, en sautillant à cloche pied, varier les appuis, les cases de la marelle
pour aboutir à la case « ciel », j’écoute les voix diverses, je m’enrichis de ta voix…
et finalement j’ai laissé tourner les bandes magnétiques, laissé les ciseaux à d’autres,
mon univers est de la couleur et de l’argenté.
Passent d’anciens modèles de voiture reproduits sur les magazines….
RC 14 décembre 2012
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