Un volcan au Havre – ( RC )
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L’esplanade aurait pu continuer,
Indéfiniment.
Il suffisait d’aligner les plaques de béton.
Tant que l’espace le permet ,
Entre les barres d’immeubles ,
Sans accroc.
Propice aux courses folles,
Où viennent voleter
des sacs en plastique .
Il y a encore les traces de peinture renversée,
Puis les arcs sombres
laissés par les pneus des voitures.
C’est un espace sec, infertile,
De plaques préfabriquées,
Où la ville a chassé ses arbres.
On s’étonne de voir une frêle silhouette le traverser.
Incongrue.
Comme un scarabée sur une plaque de cuisson.
Et encore davantage
lorsque le gris uniforme,
Est stoppé net,
Par les pentes blanches, abruptes,
D’un Fuji-Yama,
Surgi, là où on l’attendait pas.
Une envolée de l’esprit,
Prenant ses racines au sein même du banal,
Décisive.
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RC – dec 2014
Arthur Haulot – Dérives du sang
DERIVES DU SANG
Je suis, dit l’homme, comme un volcan en marche
J’ai dans mon ventre le feu grondant de la terre
Mes jambes ont la force du basalte et du granit
Dans mes veines rougeoient les futurs incendies
Avec le cri des hibiscus perchés aux plis de mes oreilles
Des forêts se déploient de mes épaules à mes reins
Mes bras ont la lente puissance du fleuve qui coule en deçà des monts
et mes yeux sont perçants comme l’éclair d’orage
Ma poitrine s’élève et s’abaisse avec le vent
Avec les nuages du matin, avec le battement d’ailes des aigles au départ
J’ai des milliers de truites dans le sang de mes veines
et des appels d’oiseaux parcourent sans arrêt les branches de mes mains
Mais c’est au creux le plus profond de mon épaule mâle
là où se nouent les racines de l’être et de la mort
que brûle l’intransigeant désir de ton corps de femme
C’est de là que jaillit
avec la force délectable irraisonnée des catastrophes
cette lave d’amour dont j’inonde ton cœur
ce feu liquide à ravager ta chair
pour qu’éclate la fulgurante floraison de ta salive
où roulent des millions d’étoiles.
Tim Lilburn – La chirurgie contre l’angélisme
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La chirurgie contre l’angélisme
Définir une couche de graisse du pâturage de feu
dans la poitrine de la chaleur du moteur, le sein
caressant mouvement contre le parfum de répandant de la maladie
gonflée de volts d’inhalations.
Laissez la.
Ce fléchissement de la chaleur pour un repas à moitié dévoré pas soi-même,
laissez-le manger tiges,copeaux de fer, pierres vertes, morts millefeuille, premiers mots en tête
d’un surplomb rocheux dans la partie supérieure droite, le squelette d’un sceau,
laissez-le apprendre à se soulever
-sifflement
la lame psalmique complète à travers sa bouche .
Cinq livres de pesanteur de feu contre la ruée du musc
Dans la poitrine du moteur brûlant, un plancher commotionné;
Les têtes de lumière fouettées par la toux le souffle du coup du trampoline,
et le chœur au-dessus de leur enveloppe, ils tanguent
dans un cercle lisible et flou mais, oui, en mouvement, oui, l’engrenage
Ces crics du dôme crânien.
Vous allez dans la bouche du poisson qui est la citoyenneté sibérienne .
dans la bouche du poisson qui est le corps d’un cousin au volcan à ses noces.
Nous sortons du tunnel sur le bord du côlon , aux ramures douces
à la fumée du cerf de nuages.
Nous avons construit une cabane sur cette noix engourdie,
Nous avons caché dans cette grande herbe. Un bâton qui va nous guérir.
Tes yeux dans l’intestin du poisson remuent comme une baguette autour de l’obscurité.
Le couteau ,les ergots vers le bas à travers la peau.
Et c’est la politique.
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De cet auteur canadien,
une dizaine d’autres poèmes, dont certains traduits en français sont visibles ici:
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Jacques Dupin – Grand vent
Peinture: Emil Nolde – mer d’automne VII – 1910
Grand vent
Nous n’appartenons qu’au sentier de montagne
Qui serpente au soleil entre la sauge et le lichen
Et s’élance à la nuit, chemin de crête,
À la rencontre des constellations.
Nous avons rapproché des sommets
La limite des terres arables.
Les graines éclatent dans nos poings.
Les flammes rentrent dans nos os.
Que le fumier monte à dos d’hommes jusqu’à nous !
Que la vigne et le seigle répliquent
À la vieillesse du volcan !
Les fruits de l’orgueil, les fruits du basalte
Mûriront sous les coups
Qui nous rendent visibles.
La chair endurera ce que l’œil a souffert,
Ce que les loups n’ont pas rêvé
Avant de descendre à la mer.
Jacques Dupin, Gravir, Gallimard, 1963 – du recueil » le corps clairvoyant »
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Pablo Neruda – Le pied
Le pied
Le pied d’un enfant ne sait pas qu’il est pied
il pense être pomme ou papillon
Ce sont les choses familières
vitres, pavés, rues, escaliers,
chemins de terre battue
qui lui apprennent qu’il ne peut pas voler
ou qu’il pas un fruit rond sur une branche.
Très vite la bataille est perdue
il est vaincu
fait prisonnier
et condamné à vivre dans une chaussure.
Petit à petit, il découvre le monde
sans lumière
sans connaître l’autre pied,
lui aussi incarcéré,
explorant la vie comme un aveugle.
Ses ongles sont des grappes de quartz
qui durcissent et deviennent
matière opaque, cornue
et les petits pétales d’enfants
s’aplatissent et prennent la forme
de reptile sans yeux
têtes triangulaires du ver-de-terre.
Se couvrent de cals
de minuscules volcans de la mort
d’inacceptables cors.
Mais cet aveugle continue de marcher
sans trève, sans halte
heure après heure
un pied après l’autre
devenu la propriété d’un homme
ou d’une femme
en haut
en bas
dans les champs, les mines
les grands magasins, les ministères
devant
derrière
dehors
dedans
à peine le temps d’être nu
dans un moment d’amour
ou de rêve
le pied et sa chaussure
marche, marchent
jusqu’à ce que l’homme entier s’arrête.
Maintenant il est en terre
mais il ne le sait pas
parce que tout est obscur
dans cet endroit
il n’a jamais su qu’il n’était plus pied
et si on l’enterrait pour qu’il devienne pomme
ou pour qu’il puisse voler.
(traduit de Estravagario)
sculpture: - H Matisse Pied ( étude)
que le soleil éclaire mes nuits – Rahma ZERAÏ
Toujours de Rahma ZERAÏ ( ouvrage -recueil, anthologique « Dans tous les sens » )
J’aimerais que le soleil éclaire mes nuits pour voir les couleurs de l’obscurité, et que la lune cesse d’être lunatique, que les fous raisonnent les sages, que le discours des animaux fasse taire les humains, que les racines voient le jour, que le silence résonne.
Je suis le silence qui parle
l’orage qui ne mouille pas
j’attends ceux qui ne reviennent jamais
mes racines sont hors de terre
je suis le pont entre deux rives
je suis la colère qui ne gronde pas
je suis l’hiver en plein été
je suis le volcan du fond de l’océan