T’offrir des fleurs de charbon – ( RC )

Attends que les volets soient clos,
nous entrerons dans une enceinte
au silence plein,
comme une grotte profonde
dont je ne connais pas le chemin.
Mes yeux ignoreront tout de la lumière;
il n’y aura plus de mots
juste la présence de ton corps
et de ton haleine .
Je choisirai un paysage
aux nuages anthracite,
une plaine débarrassée de ses montagnes vertes ;
je me pencherai alors pour t’offrir
des fleurs de charbon ,
de celles qui conservent un peu d’espoir
et brillent dans le noir
sans qu’on les voie.
Hugues Labrusse – L’indésirable
( – à Gaston Puel )
sculptures – Aulnay de Saintonge
Jour indivisé
Des pierres arrondissaient les angles.
Le soleil s’en allait.
Deux poutres reliées par une traverse.
Un chien hagard plonge dans les broussailles.
On n’arrache pas un sourire à l’écorce.
Lendemain
Dans la continuité de la masse, en guise de visage.
Le feu âpre transit le cône de marbre.
Tard, dans l’été, la figure roule dans ta paume.
Son oubli fut le dernier souvenir qu’elle te laissa.
Surlendemain
Notre sœur à tête d’animal, notre peur encore muette et ses fleurs de terre
ses onguents de serpents, la saveur de sa lumière et de sa fatigue.
Ses mains ne remuaient pas encore.
Toujours plus tard
L’atrocité rêve à son écuelle en bois.
Du sommet de la montagne dévalent des étoiles épineuses.
Ton œil est de glace. Tu crains l’aiguille de métal qui te sert à coudre le ciel.
Laisse battre les volets.
le livre est trop pesant – ( RC )
–
Si le livre est trop pesant,
et la lumière faible,
alors, je ferme les yeux
sur le défilé des pages.
Ce qui se passe dedans ?
j’ignore encore
ce que réservent
les détours de l’histoire.
Elle se déroule sans moi.
Ce sont des récits secrets
auxquels d’autres
pourront accéder.
En attendant me voila reparti
derrière le rempart du sommeil,
avec l’âme qui s’invente
tout un parcours.
C’est comme un insecte
prisonnier dans une boîte
dont les elytres
heurtent les bords.
Il en cherche la sortie,
et le rêve, de même
voudrait repousser les remparts,
en écarter les limites
pour vivre sa vie aventureuse,
détachée du corps,
et des cieux intérieurs
pour s’élancer au-dehors
hors de la conscience,
avec beaucoup de choses
encore inconnues ici :
de la musique, des odeurs
et une couleur de l’arc-en-ciel
qu’il faudrait inventer,
car on ne peut pas la saisir :
elle s’échappe comme le temps
elle est toujours en fuite,
traversant le noir
avec ses propres images
que l’on retrouve en désordre
quand par quelque hasard
on en trouve des traces,
éparpillées au petit bonheur
lorsque le réveil sonne.
Le livre est fermé,
tout à côté,
et on pourrait penser
que des idées ont filtré
dans l’espace nocturne,
comme un joute silencieuse,
une sarabande où les astres
se combattent
et rusent avec l’esprit :
la logique est abolie,
tout est alors possible,
et juste quelques bribes
se retrouvent au matin.
Il faut faire attention
car ces traces fragiles
disparaissent rapidement
– ainsi des bulles éphémères,
lorsque la lumière
commence à filtrer
à travers les volets .
–
RC – oct 2016
Bras obscurs et songes flottants – ( RC )

Le mystère a des bras obscurs,
qui confisquent les formes,
les mélangent ,sans qu’on sache bien comment,
dès que le soir grignote l’espace connu…
Alors l’humidité sourd des plantes,
qui se détendent du jour,
et laisse place aux créatures nocturnes.
Celles que l’on entend, et celles
que l’on imagine, abrités derrière
les paupières fermées des volets de bois,
la lune essayant de se faufiler par les fentes.
On essaie d’oublier ce qui se trame
de l’autre côté des murs,
en allumant l’électricité, dont la fixité rassure.
Mais il suffit d’une panne
pour que le quotidien bascule,
on ressort les chandelles, que l’on dispose ,
pointillés lumineux dans la pièce,
tremblotantes flammes, elles , éphémères,
sans doute effrayées, elles-aussi,
que le mystère de la nuit
envahisse l’intérieur, réagissant
au plus petit mouvement d’air,
– un pressentiment –
comme si celui-ci,
profitant de la plus petite brèche,
s’apprêtait à bondir
de l’autre côté des murs,
une protection si mince,
qu’on pourrait penser qu’ils puissent
se dissoudre aussi,tel un sucre
plongé dans un verre d’eau…
la porte ouverte à tous les possibles,
de ceux dont on n’a d’autre idée
que celle des songes flottants prenant soudain consistance .
–
RC- sept 2015
Villages morts – figures d’un exode rural – ( RC )
Un hameau abandonné entre Alés et Saint Ambroix (Vallée de la Cèze)
–
En traversant, l’espace d’une déchirure,
Certains diraient « cauchemar »,
Des villages désertés,
Où la vie s’est repliée,
Desséchée. –
–
Certains,
Où se multiplient les vents,
Et battent portes et volets ,
Sur les façades des maisons vides.
–
Et risquant mes pas,
Sur l’absence,
Le cataclysme passé,
Dont on ignore les vraies causes…
–
Le foudroiement lent,
Du défilé des années,
L’impossibilité de continuer,
A subir les assauts de l’hiver,
Où il est juste question de survivre,
–
Alors que l’avenir n’est est plus un,
Que les sources se tarissent…
Et aussi, l’exode vers les villes,
Font, que, petit à petit,
La vie se déplace,
–
Et qu’ici, seuls restent,
Accrochés à leur passé,
Les arbres,
Qui font le lien,
Entre le ciel et la terre,
Si , plus personne ne vit ici.
–
Seuls reviennent,
Le temps de quelques mois,
Les vacanciers,
Epris de paysages champêtres,
–
Fuyant le bruit et la fureur,
Des banlieues grises,
Des appartements étroits,
Et des parkings payants.
–
Mais ce sont des temps d’illusion,
Dont on revient vite,
En faisant la queue, sur les autoroutes.
Car le pays réclame son dû,
Et reprend ses droits
–
Il ne peut pas être regardé,
Comme une simple carte postale,
En couleurs, et seulement en été,
Quand les saisons, sont là,
Comme ailleurs,
–
Et le gel et la boue,.
Et que les ronces prolifèrent,
Dans les maisons abandonnées,,
Aux toits effondrés…
Et sans bétail, les champs aux herbes folles.
–
RC – 20 novembre 2013
–
note: ces « villages morts » sont aujourd’hui une réalité, dans les zones « reculées », où l’accès y est difficile…
… d’autres sont restaurés mais sont sous « perfusion », d’une vie artificielle, quelques semaines dans l’année, et fermés le reste du temps, en particulier dans les zones touristiques, où seul le « loisir en boîte », fait recette,.
C’est bien là que s’exprime de façon évidente , un paradoxe, entre l’apparence, et la vie authentique, symbolisée par l’existence même de ces villages .
–
Ton visage inconnu ( RC )
Il faut aller de porte à porte
Laisser les courants d’air
Agiter les volets
Et claquer autant de gifles d’eau,
brutales
Entr’ouvrir les yeux sur la peine
La douleur, et le sang qui perle
A l’orée de tes paupières
Pour retrouver les sourires
Derrière les fonds de fard
Qui me laissent ton visage
Inconnu.
RC 13 mars 2013
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Flottements – (ombrecontrevents)
Adeline, dans son blog , nous fait partager ses publications et écrits, que je découvre de façon très récente, et qui m’autorise à republier qq uns de ses posts, en voila un..
Flottements
Tu t’insistes
Décalques pour rester ne pas t’oublier
tu aimes tes assuétudes tes désuétudes tes solitudes
papillonnes à travers des paysages toujours les mêmes
tu as si peur de t’égarer
Tes berceaux flottent en souvenirs d’inconsistance
je crois que tu aimais ces barreaux bleus en rais de ciel
Tu t’envolais
cachais sous ton oreiller des fleurs de rêve
pour assurance
Tu t’éveillais
te grisais de la lumière en traits rayés
qui dansait à travers le vert des volets
Parfois encore tu te berces de droite à gauche
te perds un peu
Tu t’es rapprochée des soleils des vents d’été
tu le sais enfin ce pays où tu es bien
Il s’est fixé sous tes paupières
Alors pourquoi flotter encore…
Sans doute parce que tu as lu la dernière page
Depuis si longtemps
Tu sais…
Roland Dauxois: vous ne supportez pas cette ombre dans vos jours
vous ne supportez pas cette ombre dans vos jours
Vous ne supportez pas l’ombre
vous ne supportez pas
cette ombre dans vos jours,
vous n’avez plus de jour en vous,
vos nuits se prolongent
étendent leurs territoires glacés,
votre tête est devenue fenêtre
mais les volets restent obstinéments clos
et peu à peu
tout votre être s’est mis à détester cette fenêtre
qui ne mérite plus son nom,
cette issue qui n’en est plus une.