Salah Stétié – Se fit une neige
Puis se fit une neige.
La lampe qui l’habille est une étrange pierre.
Et qui lui est tombe définitive.
Le feu comme l’épée flambera dans les arbres.
Cette épée, nous la portons entre nos cils.
Elle tranche dans le vif.
La lumière enfantera par la bouche : cela, personne ne l’avait dit.
… Et seulement les retombées de la neige,
habillée de miroirs et de volutes.
Désir de ce très pur moment quand la main grandira
comme un enfant aveugle
pour cueillir à même le ciel un fruit miré,
et qui n’est rien.
C’est alors que la lumière retournera au sol pour s’endormir,
immense, dans ses linges.
Pour apaiser sa fièvre, et pour,
dans la cascade torsadée, éteindre,
avec la rosée, sa crinière.
Sommeil de la déraison – ( RC )
–
Du sommeil de la déraison,
des rêves chavirent ,
fruits de la passion …
Faut-il s’appesantir ,
sur l’aube du réveil
ou laisser le miroir décider à sa place ?
Prolonge indéfiniment le sommeil ,
si ton image s’extrait de la glace ,
sans que tu t’en rendes compte ,
et qu’avec ton corps ,
tu affrontes
d’autres volutes, et un décor ,
qui partage celui de mes rêves .
Ils sont toujours en partance ,
et parfois la brume se soulève
assez pour qu’ils s’élancent
à travers le miroir,
( il suffit, pour cela, d’y croire )
–
RC – sept 2018
Les yeux des tournesols – ( RC )
montage perso à partir de mise en scène de théâtre ou d’opéra
—
Je ne sais plus ce qu’il faut penser des plantes .
Elles semblent être dans l’attente,
pourtant elles grandissent trop vite,
sans qu’on les y invite.
Vois-tu ce champ de céréales
sous le soleil vertical ?
Il semble secouer des têtes heureuses,
mais peut-être sont-elles vénéneuses…
C’est sans doute par leur couleur,
que se distille le malheur,
qui se glisse en traître,
à travers la palette.
Van Gogh ne nous en dira rien,
au partage des chemins ,
sous un ciel de tempête ,
qui résonna dans sa tête….
Quand je traverse un champ de tournesols,
d’autres oiseaux prennent leur envol :
on en voit plein à la ronde ,
et les fleurs m’observent de leur pupille ronde.
Toute une foule sur plus d’un hectare,
tourne vers moi son regard :
elle se concerte et m’espionne
chaque oeil dans sa corolle jaune .
Ils ont un langage que je ne peux comprendre :
j’imagine déjà leurs murmures se répandre
entre leurs têtes lourdes
comme une musique sourde :
Je vois bien qu’ils se sont détournés de l’horizon,
du soleil et des nuages de coton
pour se pencher de façon perfide
vers moi, ( me croyant stupide ) .
Ils ont dressé un mur végétal,
une sorte d’espace carcéral ,
leurs feuilles rugueuses, des volutes,
s’étalant de minute en minute
resserrant leur étreinte
en formant un labyrinthe
d’où il sera difficile de m’extraire
tant j’ai perdu mes repères…
Je ne vois plus que la poussière et le sol,
– j’aurais dû emporter une boussole,
puisqu’à l’aube d’un désastre
il ne faut plus compter sur les astres
et que l’horizon est bouché – .
Trop de plantes que je ne peux arracher,
trop de racines qui dépassent
et envahissent l’espace.
La foule de ces yeux qui rient
provient de la tapisserie :
et de ce cauchemar , en noir
se détache l’ombre du placard .
Mes rêves se sont enfuis
au plus profond de la nuit :
les tournesols devenus sages en dessins
( répétés à intervalles réguliers sur le papier peint ) .
–
RC – juin 2018
Christian Hubin – Personne
Montant vers l’absence aspirée,
qu’est-ce qui retourne
— les cimes comme des impacts de chutes,
ellipses acérées à gravir.
Silhouettes en file que la lumière pointillé
— le vent, le soir.
Surgit un lieu qu’on n’a jamais vu, et
connaît.
Touchant la corde la plus grave,
le millième de seconde où la présence finit,
le son retranché hors
du son.
Ceux qui écoutent tombent d’âme en âme,
dans l’antérieur répercuté.
Sur l’herbe le pied nu des ombres,
les volutes de la petite éternité.
C’est ici qu’on venait prédire
— une autre voix, un autre temps.
Qui veut se recueillir se perd.
Sa face première est celle des fées,
de la lune blanche en plein jour.
C’était une mazurka – ( RC )

photo NF
–
Je me souviens de la musique
Et ta tête penchée sur le clavier.
Les mains ont déserté les touches d’ivoire,
Elles se sont ternies au voyage des ans.
Les cordes fatiguées, sont une harpe
Assourdie de toiles d’araignées.
Les mélodies que tu jouais,
Ne renvoient plus de reflet
Elles sont été mangées,
Par l’ombre du piano noir.
Juste, le concert des étoiles,
Me chante encore tout bas,
Leurs volutes et les arabesques,
Naissant sous tes doigts.
Je me souviens de la musique
Et ta tête, penchée , au-dessus de moi …
–
RC – sept 2014
Stabat Mater – ( RC )
C’est une voix intérieure,
Dont je peine à dessiner la forme,
Puisqu’elle est cachée dans l’âme,
Et le regard de celui
Qui la fait vibrer ,
Trempée dans celle de la musique,
Et ses couleurs en contre-jour,
Inscrite en dentelles d’encre,
Sur une ancienne partition,
… Notre oreille en ignore,
les passages soulignés de crayon.
Une parenthèse ardente,
Celle de la Passion,
Où l’invisible des sons,
Se transmet de nuit aux jours,
En plusieurs siècles au fil,
Quand se donne le chant,
Jusqu’aujourd’hui,
Et bien plus encore,
D’une émotion palpable,
Partagée en frissons,
Et portée par les accords…
Une colonne s’élève ,
Se sépare en volutes,
Peut-être vers un plafond à fresques,
Dessiné par les voix,
Se détachant des portées,
Emplissant tout l’espace,
Puis fuyant sous les voûtes,
Pour que renaisse le souffle,
S’appuyant sur le silence,
Remplacé bientôt par
le tapis dense d’instruments anciens.
—
( en hommage à la restitution des musiques du passé,
et ici particulièrement dédié à Gérard Lesne,
dans son interprétaton du « Stabat Mater » de Pergolèse)
—
RC – 10 novembre 2013
—
–
Yahia Lababidi – nuages
pastel Eugène Boudin, estuaire en Bretagne
–
nuages
pour trouver l’origine,
retrouve ses manifestations.
Tao
Entre être et non-être
il y a à peine
ces voiles de l’eau, de la glace, de l’air –
Indifférent dériveurs, errant
élevés sur la liberté
des sans-abri
glissant, agités
comme des fantômes, rampant à travers la matière
par bouffées et volutes
Prêtant un air enchanteur ou menaçant
ombres lumineuses ou coulantes,
filtres ambivalents de la réalité
Léguant des couronnes, ou des
voiles de modestie aux grandes beautés naturelles
comme aux sommets des montagnes.
Parfois simplement accrochés là
D’un air d’art abstrait
à l’air libre
Une animation suspendue
continuellement à se contorsionner:
Des grandes baleines du ciel, maintenant, calèches
Des formes de pensée qu’on ne peut punaiser,
ponctuant la phrase sans fin du ciel.
—-
Clouds
to find the origin,
trace back the manifestations.
Tao
Between being and non-being
barely there
these sails of water, ice, air —
Indifferent drifters, wandering
high on freedom
of the homeless
Restlessly swithering
like ghosts, slithering through substance
in puffs and wisps
Lending an enchanting or ominous air
luminous or casting shadows,
ambivalent filters of reality
Bequeathing wreaths, or
modesty veils to great natural beauties
like mountain peaks
Sometimes simply hanging there
airborne abstract art
in open air
Suspended animation
continually contorting:
great sky whales, now, horse drawn carriages
unpinpointable thought forms,
punctuating the endless sentence of the sky.