Alain Balussou – nouvelles de mars ( 3 )


Il subsiste, au fond du jardin,un arbre de peu. Par dédain,si mal branchu, moche, en survie,je l’ignorai.               Là, je l’envie,ce bancal, laid d’architecture.Parce que race, la naturel’a consolé par un feuillageexubérant ? Pas d’avantageque d’un vert extraordinaire.Ni nombreux ni spectaculairesses maigres fruits, dans leur époque,déplaisent et sans équivoqueà qui les recherche éclatants,tissus végétaux blêmes tantautour du noyau qu’extérieurs. Changez vos mises, parieurs :sur nos lèvres, leur … Continuer de lire Alain Balussou – nouvelles de mars ( 3 )

Virginie Gautier – A l’approche 01


Si je laisse seulement courir mon regarden transparence sur ce versantce qui commence d’apparaître ce sontdes éperons rocheuxdes gorgesdes travailleurs armés de piochesla consistance nouvelle de la lumièrel’ouverture d’un chemin plein oueston est tout le temps occupés à dégager le passageà traverser plusieurs espaces(l’œil ailleursle cœur diviséle tchakachak dans l’oreille)en regardant les choses défiler on vavers un lieu pour nous trèshabité.Couvant l’étendue du regardattendant qu’ailleurs … Continuer de lire Virginie Gautier – A l’approche 01

Se contenter de voir l’herbe pousser – ( RC )


( écho à un écrit de Clément Bollenot , – qui suit ) photo – le Figaro On recherche toujoursl’origine du monde .La cicatrice du tempsa beaucoup plus de cheveux d’argentqu’un modèle de Courbet,on peut la compareren quelques vers,à la courbure de l’univers,et le sillon éphémèreque la terre a tracé dans la nuiten décrivant des ellipsesautour de l’astre aimablequi l’apprivoise.L’origine du mondeest bien au-delà.Même les … Continuer de lire Se contenter de voir l’herbe pousser – ( RC )

Nazim Hikmet – je ne l’ai pas encore dit


installation exposition « intuition » Palais Fortuny Venise 2017 La plus belle des mersEst celle où l’on n’est pas encore allé.Le plus beau des enfantsN’a pas encore grandi.Les plus beaux joursLes plus beaux de nos joursOn ne les a encore vécus.Et ce que moi je voudrais te dire de plus beauJe ne l’ai pas encore dit. Continuer de lire Nazim Hikmet – je ne l’ai pas encore dit

Le géant aux grandes dents – ( RC )


dessin Brad Holland – Connais-tu le géant qui a de grandes dents ?Il porte des défenses, comme un éléphant:bien sûr, le rencontrer à l’époque des semaillesn’a rien d’un évènement banal…:c’est comme s’il sortait d’un conte pour enfants.On a dû lui jeter un sort :c’est la faute de l’auteurqui l’a transformé par erreurl’entourant d’un cercle sur le grimoire. Voilà justement des enfants qui portent avec effortune … Continuer de lire Le géant aux grandes dents – ( RC )

Pierre Lieutaghi – dans les moments du monde


photo steppe de l’Ouzbekistan Avant les mots,j’étais ce blanc effilochéincapable de rien à cause des alphabets d’oiseauxet la nuit claire à bords perdus où tranquille on apprendles règles bleutées du silence. Dire ce qui n’appelle pas les mots tente souvent le plombl’innocence. —Toute pierre console de l’impatienceet plus encore celle qui s’est fait un frontcontre cinq cent mille ans de pluie. J’appuie mon front sur … Continuer de lire Pierre Lieutaghi – dans les moments du monde

José le Moigne – et ces torrents


                  Et ces torrentsqui creusent et creusent encore      dans le gras de l’argile              Et ces prairies profondesqui cherchent dans l’âme des nuages           l’ivresse des reflets                Et ces forêtsdrapées comme des robes d’indienne       sur les falaises décharnées … Continuer de lire José le Moigne – et ces torrents

Pentti Holappa – Oui ou non


sculpture esquisse de plâtre exposition Palais Fortuny Venise Pour l’essentiel, chaque phénomène a une forme simple ;le bois brûle, l’eau gèle, toute matière se dissout,soit tu m’aimes soit tu ne m’aimes pas. Tes torches de résine brillent même à travers la pierre, je me réfugie dans le rêve, pourtant j’entends ta voixquand je sais que tu n’es que songe, chimère. Je souffre comme tout homme … Continuer de lire Pentti Holappa – Oui ou non

L’effleurement de ton épaule – ( RC )


photo V Ort Tout autrement est celledu corps de marbrequi reste froidsous la pression des doigts,pourtant je n’aurai de frissons,qu’à l’aube et au matin revenu: un jeu de nue sans satin blanc ,là où la lumière se pose,c’est l’effleurement de ton épaule,qui s’offre une dentellesur sa peau:c’est comme si la tapisserieavait pris fantaisiede rire sur son dos :simple métamorphosequi s’irise et glisse. Faut-il profiter d’un … Continuer de lire L’effleurement de ton épaule – ( RC )

Armand Dupuy – Un avant-goût de ne rien dire


image-collage Jane Cornwell Un avant-goût de ne rien dire, ce temps friable autour.Les images n’apaisent plus, les aplats stagnent.On repousse les bords, aussi fort que possible, on s’entasse sur ses pieds.On cherche un espace où loger son charabia, loger l’écume, mais pas d’issue — chut!Flot ferme, fermé – on écoute ce peu, petit ciel sale et bas, son air déjà lu, même usé.La brume s’est … Continuer de lire Armand Dupuy – Un avant-goût de ne rien dire

Vers l’îlot de silence – ( RC )


C’était comme une carte à peine visible, comme une espèce de dessin relié par des points, tel qu’on le voit sur les albums d’enfants. Des nymphes et des cygnes étaient les figures à relier ( d’une certaine manière, comme les étoiles d’une constellation ). Alors qu’il faisait presque noir, le plafond semblait s’être éloigné, les piliers effacés, presque engloutis par l’ombre. Je progressais à tâtons … Continuer de lire Vers l’îlot de silence – ( RC )

Rose Ausländer – Ni foyer ni tonneau –


En fuitepasser la nuitdans le camp des étoiles Ni foyerni tonneau A quaisont les bateaux Pays dans lapochemouches de cuivresur la peau L’orenterré dans la montagne Nous avonssteppes et océansvagues et grêleni foyerni tonneau . . Auf der Fluchtübernachtenim Sternenlager Kein Heimkeine Tonne Am Kaistehen Schiffe Lânder in derTascheKupferfliegenauf der Haut Das GoldBegraben im Berg Wir habenSteppen und OzeaneWellen und Hagelkein Heimkeine Tonne . ich … Continuer de lire Rose Ausländer – Ni foyer ni tonneau –

Jean-Aubert Loranger – Pulsion vitale


photo Pascal Bandelier Minuit. La mesure est pleine.L’horloge rend compteAu temps de toutes les heuresQu’on lui a confiées.L’horloge sonne et fait sa caisse.La nuit referme ses portes,Et tous les clochersRelèvent, au loin, les distances.J écoute mon cœurBattre au centre de ma chair. Jean-Aubert LORANGER « Les Atmosphères » Continuer de lire Jean-Aubert Loranger – Pulsion vitale

Car c’est ta voix que j’ai reconnue – ( RC )


Dessin Victor Brauner Le temps se dénouequand s’élancele chant de l’oiseau .Il m’est revenu,chante pour moiune mélodie neuvequi , pourtant ,ne m’est pas inconnue ;c’est par ta voixdans un arbre lointainque s’effacent les doutespour la clarté la plus sereine.Cet arbre est en moiil étire ses branchesjusqu’à peut-êtrete frôler.Alors point n’aurai chagrin,de ton corps disparu,car c’est ta voixque j’ai reconnue. ( variation » réponse  » sur le poème … Continuer de lire Car c’est ta voix que j’ai reconnue – ( RC )

Poème champêtre – Susanne Derève –


Porte qui grince,les gonds rouillés et le bois mort,le bois vert du printemps,cet onguent de la solitude. La nature n’aime rien moinsque les âmes esseulées. Au fil des ans dans la prairie,les fleurs rendues à la nature essaimenten légers troupeaux de corolles,en cavalcade agreste dans l’herbedu jardin – primevères, violetteset les clairons d’or des jonquilles – Telle opulence, est-ce fausse innocence ?Bonheur, l’instant où nous pénètre … Continuer de lire Poème champêtre – Susanne Derève –

Renaissance sans attendre à demain – ( RC )


C’est maintenant … je n’attendrai pas demain,je compresse l’ombreet parcours les veines de la terre.Je convoque les complices du soleilpour voler derrière les flammes : – impatience de mes membresqui s’extraient soudain des cendres – , pour renaître, phénix au matin légerdu miracle de l’aubedont j’emprunte les voies : C’est aujourd’hui mon envol.Je n’attendrai pas demain. Continuer de lire Renaissance sans attendre à demain – ( RC )

Anna Akhmatova – ils ont abandonné leur terre


peinture Josef Sima Ils ont abandonné leur terreAux ennemis qui la déchirent,Je ne suis pas de leur côté.Leurs flatteries sont grossières,Je ne les écoute pas.Ils n’auront pas mes chansons.Mais j’ai pitié toujours de l’exilé,Du malade, du prisonnier. Errant, ton chemin est obscur,Amer, le pain de l’étranger.Ici, dans la sombre fuméeDe l’incendie, laissant périrCe qui restait de la jeunesse,Nous n’avons esquivé aucun coup.Plus tard, lors de … Continuer de lire Anna Akhmatova – ils ont abandonné leur terre

Alexandre Vialatte – Homard


Le homard est un animal paisible qui devient d un beau rouge à la cuisson. Il demande à être plongé vivant dans l’eau bouillante.Il l’exige même, d’après les livres de cuisine. La vérité est plus nuancée.Elle ressort parfaitement du charmant épisode qu’avait rimé l’un de nos confrères et qui montrait les démêlés d’un homard au soir de sa vie avec une Américaine hésitante :Une Américaine … Continuer de lire Alexandre Vialatte – Homard

Cees Nooteboom – Personnage –


. La fleur de l’hibiscus dure une journée,étoile de feu fugace dans la controversedu ciel et du jardin, l’homme y est un corpsqui se défend, comme toute fleur. Ce qu’il ignore : combien tout cela est vrai.Est-il bien là, ce personnagequi reste dehors dans l’ultime clarté des étoiles,ne voit pas la fleur, se brûleà la lumière froide et dans l’éphémèrematin ramasse des fleurs surune terre … Continuer de lire Cees Nooteboom – Personnage –

Sur la surface du dos – ( RC )


photo Perle Valens – voir son site Ce corps n’a pas d’identité feinte,il n’a comme imagesque celles de légers creuxlaissés par l’empreintedes cailloux sur la plagequi parsèment les lieux. Peut-être préfères tu pour confortles objets métalliqueslaissant leur marque de fer:les sommiers à ressortssont particulièrement artistiqueset devraient te plaire. C’est dû à la position horizontaled’une sieste immobilependant cette après-midi d’étéoù chaque sinuosité de métallaisse son creux … Continuer de lire Sur la surface du dos – ( RC )

L’obscur bruit des armes – (Susanne Derève) –


; Arc-en-ciel qu’estompe peu à peu le retour de l’averse,tel un visage enseveli. Le tien, pas un jour n’a terni sous la brisuredes tombes,attentif et paisible ,un paysage aimé dans sa livrée d’automne,sa douce peau de printemps, où chaque chose chèrement conquiseavait trouvé sa place :le mimosa d’hiver et les lilas de Mai,l’arche du pont enjambant la rivière,et la rivière dans ses méandresléchant le flanc … Continuer de lire L’obscur bruit des armes – (Susanne Derève) –

Des dessins à la conquête du monde – ( RC )


dessin Sophie C C’est sur cette pagequ’un enfant a comprisquel pouvoir il pouvait exercer,par le seul fait du geste,en train de poserquelques traits sur le papier. D’abord perdu dans la surface blanche,il a bien fallu commencer,d’abord, une trace hésitannte,et puis promener son pinceau,répandre des étoiles :des taches d’encre violettequ’il s’est mis à contourner,comme si c’étaientdes rochers dans le sable . On ne sait pas où … Continuer de lire Des dessins à la conquête du monde – ( RC )

Thomas Bernhard – avec moi avec mon pays


peinture Alvaro Castagnet:HarbourBridge Là ou je vivais, on ne peut échapperà ta voix lubrique,pas même le dispositif d’un seul jugementme débusquer dans ton ombre.. Le lien qui m’unit aux fleuvesse dresse entre toi et moi,je ne pense qu’à une chose :dilapiderce pays insensé,ces rivières irrémédiables avec tousles enfants et les enfants des enfants… Ma science je l’ai tiréedes fosses à pommes de terre,des ténèbres de … Continuer de lire Thomas Bernhard – avec moi avec mon pays