
Le sourire
Qui n’a pas trouvé son chemin vers mes lèvres
Les jours de bonheur,
Tel un vent silencieux
Telle une pierre tombale
Fend mon visage
Dans mon chagrin
Bienvenue en typique parcours littératique
Le sourire
Qui n’a pas trouvé son chemin vers mes lèvres
Les jours de bonheur,
Tel un vent silencieux
Telle une pierre tombale
Fend mon visage
Dans mon chagrin
J’ai le corps lourd de la nuit
qui pèse à plat sur moi,
– ma doublure effacée par le sommeil-.
Un nuage m’entoure
me coupe le souffle.
Il est de plomb.
Entraîné par son poids
je décroche de mes rêves
pour chuter d’un coup
dans le présent,
éteignant
mes étoiles d’argent.
photo RC
Tout près si près
plus proche que le silence
plus pure que la fine dentelle
des cathédrales
plus chatoyante que le jade ,
l’aigue-marine,
palpite dans un souffle ,
juste au dessus de l’eau ,
une aile immense
de libellule…
.
Qu’advient-il à prendre les chemins dérobés
du poème ?
Un égarement sans doute, une fugue entre les mains
ardentes du pianiste – l’ivoire sous les doigts – ,
une eau qui se referme,
un pas foulant le sable des étés
Semelles d’or que révèle la fuite
je ne retiens de l’absence
qu’une empreinte à demi effacée , tienne ,
qu’arase le vent des dunes,
le vent qui me jette en pâture ses averses de sel,
ses grumeaux d’écume ,
et les mots du poème qu’effaceront les brumes
Au lever d’un jour incertain,
la vitre me renvoie une image figée
que noient les verts humides du matin,
la ligne bleue des toits sagement alignés,
un paysage urbain
On croirait entrevoir un tableau de Hopper :
silhouette oisive accotée au comptoir
d’un bar ou d’une chambre vide
un mannequin de cire aux prunelles livides
au regard orphelin …
Ce n’est que mon reflet traquant mes rêves
souterrains,
la table de cuisine et le pain
une tasse jaunie où tiédit le café :
le même néant sans objet.
À tasse vide coupe pleine,
trinquons aux instants qu’on égrène
… comme des pans d’éternité
Si c’est la chair abandonnée,
de peine, de joies, de rages,
l’éclairage cru, d’otage,
le sang égoutté
lentement dans la nuit,
cette grande baignoire
où la vie s’enfuit
d’un coup de rasoir.
Difficile ainsi de se représenter
en auto-portrait….
( Pour ceux qui aurait du mal à le croire
en léger différé – vous pourrez revoir
la vidéo prise ce soir là ) :
une fleur pourpre s’étend
lentement sur le drap ,
Bacon aurait pu peindre
cet évènement sur la toile:
une pièce presque vide
Un corps semblant inachevé
aux membres désordonnés
exhibés comme dans une arène
livré au regard obscène
alors que , pour tout décor
l’air brassé par un vieux ventilateur
tourne lentement encore
dans d’épaisses moiteurs
La peinture a de ces teintes sourdes
comme enfermée dans une cage
On n’y rencontre aucun visage
c’est une atmosphère lourde
de senteurs délétères,
dont elle demeure prisonnière.
Même exposée dans le musée,
elle sent le renfermé …
peinture : Nicolas de Staël
Henri Moret – Lande bretonne
Il me reste à brûler quelques roses flétries
et les hampes rouillées des acanthes
à tailler de grandes coupes dans les blés
pour rejoindre les prairies rases de Juillet
la lande rouge les bruyères
jusqu’à l’estran à l’heure où reflue la marée
Il me reste à sonder le ciel sans espérer
y distinguer rien d’autre qu’un fin brouillard d’été
– il tient lieu ici de beau temps –
Que le soleil darde enfin un rayon blanc
alors le voile se déchire
et la renverse du courant dessine des moires
tremblantes où chavirent les bois flottés
Il me reste la nuit tombée à suivre l’oblique
faisceau des phares dans le reflet laiteux
des vagues pour franchir la dune où zigzague
blafard un dernier rai de lune
et sonner le départ
dessin J Pierre Nadeau
–
RC – avr 2019
photo denvedarvro ( écomusée du musée de Rennes )
—
La pecora bruna
È la prima aggredita dal lampo e dal lupo,
lo scherzo di mala fortuna che guasta il colore uniforme
del bianco di gregge.
Il giorno la scaccia, la notte l’accoglie
nel buio d’acqua ragia che scioglie colore e contorno
e fa che assomigli alle altre.
La notte è più giusta del giorno.
In faccia al pericolo il grido più limpido è il suo,
sul ghiaccio dell’ alba la traccia è battuta da lei.
Dove corre il confine, lei sola rasenta la siepe di more,
e chi si è smarrito si tiene al di qua della pecora bruna,
che fa da frontiera alla vita veloce, feroce, che tregua non dà.
———-
traduction par Antonio Silvestrone : voir son site
il faut du temps
pour se conserver
réduire la distance
qui vous mène à vous-même
à travers ce qui disparaît .
Paul Edouard ROSSET-GRANGER « Une vague, étude »
–
Ile Eniger – Solaire – (à paraître)
–
–
John Singer SARGENT The black brook 1908
IL Y A LA TERRE, SOUVIENS-TOI de tel ciel tel été, une ombre discordante et pure. Il y a la terre et l’eau, ce tremblement à peine perceptible du corps et des lèvres, une pâle buée, l’empreinte visible du temps. Mais ce n’est déjà plus. Ce ne sont plus jamais ce cœur ni même cette voix. Notre vie est une part de ce que nous ne savons plus retrouver, non plus vers quoi nous ne savons nous retourner. Je n’imagine aujourd’hui rien de plus émouvant que cette rosée matinale sur tes joues, ces pétales de rose posés doucement sur tes lèvres, à l’orée de l’autre hiver. Le monde se referme, la lumière nous quitte et ne laisse rien. Nous demeurons. Devant. Immobiles, ouverts, vacants. Guettant l’alerte et le moment, le point du jour, la première aurore, si fragile, si proche, comme sous le coup d’une butée venue du fond des âges, la première déflagration dans la nuit humaine de la pensée.
Cézanne Le jardin des Lauves (1906)
peinture Emil Nolde :mer avec ciel rouge
–
Au clair soleil de la jeunesse,
Pauvre enfant d’été, moi, j’ai cru.
– Est-il sûr qu’un jour tout renaisse,
Après que tout a disparu ?
Pauvre enfant d’été, moi, j’ai cru !
Et tout manque où ma main s’appuie.
– Après que tout a disparu
Je regarde tomber la pluie.
Et tout manque où ma main s’appuie
Hélas! les beaux jours ne sont plus.
– Je regarde tomber la pluie…
Vraiment, j’ai vingt ans révolus.
Louisa SIEFERT « Les rayons perdus »
(Albin Michel)
on avait dit au revoir aux arbres
à chaque feuille
et de tomber avec elles
nos mains s’enflammaient
puis murmuraient des choses lentes
apprises dans l’humus
le manteau de leur torse
était trop vaste
pour contenir le souffle des oiseaux
et tous ces souvenirs
délestés de bruissements
ces troncs buvaient nos bouches
adoubement de sèves
de part et d’autre
d’un baiser de tanin
on avait confié à leur chair
le soin de graver
l’étendue d’une vie
Amants perdus
Ils vont
marchant contre leur cœur
cherchant l’épaule
qui reprendra leur main
Ils veulent
serrer contre leur corps
la paume d’une étoile
le rouge de la nuit
Mais il faut
écraser nos regards
sous l’ongle de la lune
sous l’ombre de leur lit
Marcel Olscamp, Les grands dimanches
Montage: RC
RC- septembre 2016
–
D’après « pas vu ça ».. de R Desnos
Maisons improvisées dans l’étendue vide
pas encore achevées
et vides encore
d’ habitants.
Mais elles sont, depuis le commencement, habitées par le personnage
des souvenirs.
( Comme s’il n’y avait pas de mur et qu’avec cela, malgré cela,
on y ouvrait une porte. Comme s’il n’y avait pas de père, de
mère, d’enfants, et qu’avec cela, malgré cela, il y avait des
lits, des vases, des livres et une table. Comme s’il n’y avait pas
de salle de séjour et qu’avec cela, malgré cela, il y avait des
canapés, une table basse, une lampe, une télévision, des tiroirs
pour le papier à lettres, les journaux intimes,
les numéros de téléphone, les adresses postales, la note de l’épicier, la facture d’électricité, la boîte d’aspirine, les stylos à encre, les crayons à papier, le livret de famille, le vieux passeport, la boîte de dragées et la vieille montre, la boucle d’oreille qui reste en
attendant de retrouver l’autre, le carnet, beaucoup de clés,
dispersées ou reliées par un anneau et personne ne se souvient
maintenant si elles ouvraient des portes et où sont ces
portes…)
–
extrait de « Tu me survivras – «
Quelle est cette lumière étrange
Qui ici, soudain, règne ?
Est-ce la parole de l’ange,
qui , tout – à – coup, saigne,
Dans cette pièce austère
Où rien ne bouge,
Au fond du verre
aux reflets rouges ?
J’y vois un mur transpercé,
L’éclair fendant les nuages ;
Ton image inversée,
Celle de ton visage.
L’arrondi des sourcils…
Le reste se fond dans l’obscur,
Une vision, du reste , bien fragile,
Qui se dissout lentement dans le mur.
C’est peut-être un vestige de la pensée,
Certains y verraient un mirage,
Un fantôme tentant la traversée
des apparences, – comme en furtif passage…
–
RC – oct 2015
photo Françoise Hughier
–
Aucune poussière suivant la marche de l’animal.
Un long fleuve prolonge ses rives,
Paresse dans la plaine écrasée de soleil;
Une pirogue en silence se dirige vers l’aval.
L’eau n’a pas de rides, lourde,
semblant coller aux mouvements
lents de la pagaie.
Un homme à la peau très sombre est à bord,
Contraste marqué au gris figeant le ciel,
celui, légèrement différent des sables et de l’eau,
répercutent ces teintes monotones.
Le temps est stoppé, écrasé par la chaleur,
au bord du fleuve Niger.
Le chameau n’a pas progressé.
Sa tête est baissée.
Le reflet immobile boit son image.
Soif impossible à désaltérer:
Qui s’attendrait à voir en cet endroit,
Une statue de bronze ?
–
RC – juin 2015
peinture: Mark ROTHKO : 1957
Dans l’image a surgi
Le grain, la palpitation
L’émotion rougie
Presque la déflagration
D’ une barre courbe
Un signe du sombre
De puissance encombre
C’est ce rouge fourbe
Il n’est ni sang ni cerise
Se détache lumière
En donnant à sa guise
Forme à la matière
Un éclair de couleur
Traverse ma page
Un éclair de douleur
De la photo, l’otage.
Aux accents de lave
Des blancs et bleutés
Opposés, ameutés
Les autres sont esclaves
dec 2011 RC
photo: Chris Jones
Et avec les « commentaires »…
–
RC- 23 août 2013
–
peinture Petite Lap de Cat Painting
METS UNE GIRAFE DANS UN BOL,
UN POISSON DANS UN JARDIN
Habitons-nous dans le nuage bleu
que Marwa dessine à côté de mon nom ?
Quand le fracas se rapproche de la fenêtre
quand les meubles s’accroupissent dans les coins
ou que les rideaux prennent peur,
ni le nuage ne pleut,
ni mon nom n’embellit le monde.
Alors toi ma fille, dors,
et quand je somnolerai un peu
Je te promets de rêver de toi
de vider mon crâne de sa lourde quincaillerie
et de penser au nuage bleu
a la maison
au seuil
aux fruits qui ressemblent aux papillons
aux papillons qui ressemblent aux fruits
Uniquement quand tu les dessines.
Je te demande alors :
pourquoi ne dessines-tu pas le monde entier
pour qu’il lui soit donné de ressembler à quelque chose ?
Mets une girafe dans un bol
un poisson dans un jardin
mets un oiseau et un rhinocéros dans la même cage
et crois qu’ils vont s’aimer
parce que tu le veux ainsi
avec l’entêtement qui te fait considérer le sommeil
comme de fausses vacances.
Mets, quand tu dessines mon visage,
un peu de fatigue sur mes traits
une seule ligne sur mon front
pour que je considère que je suis au milieu de la vie
et non à la fin.
Mets une lueur de la couleur de ton choix
pour que la sécheresse ne s’attarde pas dans mes yeux
mets de l’eau en quantité
pour qu’il me reste deux mains énergiques
des moustaches
et un coeur rabougri, tant le vide fait siffler ma poitrine.
N’oublie pas les lits pour dormir
les bouches pour sourire
et un peu de larmes
seulement
pour nous rappeler de temps en temps
avant de l’oublier
comment un homme pleure comme une femme
comment une femme pleure comme une femme
comment ils pleurent, tant les pleurs les rassemblent.
Habitons-nous dans la petite boîte
que tu meubles avec des bouts de papier
des allumettes et des cuillers ?
Et puis arrive ta fille, jolie comme une poupée,
pour nous apprendre comment les poupées sont heureuses
sans parler
délicates, sans que personne ne leur manque.
Puis tu fermes la porte,
tandis que l’homme se souvient qu’il est un homme
et la femme qu’elle est une femme,
ils se souviennent qu’ils s’éloignent ensemble
chacun tout seul,
vers une obscurité redoutable.
Mets une étagère pour la lampe
une patère pour mon manteau ou mon chapeau
mets une nuit tiède après chaque jour
et des voyageurs
qui ne manquent pas leurs rendez-vous
ni de frapper à la porte
et de t’entendre courir
et jubiler derrière la porte.
–
(Paris, fin décembre 1986)
–
extrait de « tu me survivras » Actes/sud
( extrait de « le Regard d’Orion », beaux posts que je continue à parcourir et découvrir )
–
Il n y a personne ici,
et ici
on n’appelle pas les tombeaux même
habités par les morts ceux
que les voyageurs laissent derrière eux tombeaux
mais points de repère
pour des voyageurs qui passeront par là
après eux
et laisseront à côté
une gourde, des vivres, des couvertures, et des traces de pas.
les Processions vers eux ne s’appellent pas funérailles
mais voyages,
les tombeaux au bord de la route
-mêmes inhabités ne s’
appellent pas tombeaux
mais mausolées.
(Comme si se présentait l’étranger, le passant, et laissait a
côté d’eux un foulard, un châle, un mégot, ou un caillou qu’il
choisit soigneusement comme souvenir, et puis qu’il jette sur
le tas de graviers et de pierres non pour laisser une trace mais
pour l’effacer car ni le mausolée n’est un point de repère, ni le
caillou ni l’étranger.)
Maisons improvisées dans l’étendue vide
pas encore achevées
et vides encore
d’ habitants.
Mais elles sont, depuis le commencement, habitées par le personnage
des souvenirs.
(Comme s’il n’y avait pas de mur et qu’avec cela, malgré cela,
on y ouvrait une porte. Comme s’il n’y avait pas de père, de
mère, d’enfants, et qu’avec cela, malgré cela, il y avait des
lits, des vases, des livres et une table. Comme s’il n’y avait pas
de salle de séjour et qu’avec cela, malgré cela, il y avait des
canapés, une table basse, une lampe, une télévision, des tiroirs
pour le papier à lettres, les journaux intimes, les numéros de téléphone,
les adresses postales, la note de l’épicier, la facture
d’électricité, la boîte d’aspirine, les stylos à encre, les crayons
à papier, le livret de famille, le vieux passeport, la boîte de
dragées et la vieille montre, la boucle d’oreille qui reste en
attendant de retrouver l’autre, le carnet, beaucoup de clés,
dispersées ou reliées par un anneau et personne ne se souvient
maintenant si elles ouvraient des portes et où sont ces
portes…)
ils ne s’appellent pas des tombeaux car personne n’y repose
de simples signes
celui qui passe, rapide dans sa voiture, tourne la tête vers eux
ou bien celui qui marche à côté d’eux,
distrait,
pas d’arbres hauts et plaintifs pour les entourer et les ombrager
pas de pierres debout
pas de noms
pas de murailles •
pas d’insignes
pas de sentiers.
Edifice d’un passage fugace ..
lorsque tu passes à côté de lui en t’éloignant
il s’amenuise doucement avant que le carrefour ne le dérobe
à tes yeux
avant que ne te dérobe à ses yeux
le carrefour.
Tu n’es rien
et ta parole est passagère, comme toi,
parmi des gens de passage
c’est pourquoi
je parle de moi,
moi,
qui ne passe pas souvent
dans ton horizon.
–
extrait final de « tu me survivras » ed Actes/sud 2011
–
photo: H Cartier-Bresson, 1934 – Mexique
Derrière la grille ouverte entre les murs,
la terre noire sans arbres, sans une herbe,
les bancs de bois où vers le soir
s’assoient quelques vieillards silencieux.
Autour sont les maisons, pas loin quelques boutiques,
des rues où jouent les enfants, et les trains
passent tout près des tombes. C’est un quartier pauvre.
Comme des raccommodages aux façades grises,
le linge humide de pluie pend aux fenêtres.
Les inscriptions sont déjà effacées
sur les dalles aux morts d’il y a deux siècles,
sans amis pour les oublier, aux morts
clandestins. Mais quand le soleil paraît,
car le soleil brille quelques jours vers le mois de juin,
dans leur trou les vieux os le sentent, peut-être.
Pas une feuille, pas un oiseau. La pierre seulement. La terre.
L’enfer est-il ainsi. La douleur y est sans oubli,
dans le bruit, la misère, le froid interminable et sans espoir.
Ici n’existe pas le sommeil silencieux
de la mort, car la vie encore
poursuit son commerce sous la nuit immobile.
Quand l’ombre descend du ciel nuageux
et que la fumée des usines s’apaise
en poussière grise, du bistrot sortent des voix,
puis un train qui passe
agite de longs échos tel un bronze en colère.
Ce n’est pas encore le jugement, morts anonymes.
Dormez en paix, dormez si vous le pouvez.
Peut-être Dieu lui-même vous a-t-il oubliés.
Tras la reja abierta entre los muros,
La tierra negra sin árboles ni hierba,
Con bancos de madera donde allá a la tarde
Se sientan silenciosos unos viejos.
En torno están las casas, cerca hay tiendas,
Calles por las que juegan niños, y los trenes
Pasan al lado de las tumbas. Es un barrio pobre.
Tal remiendosde las fachadas grises,
Cuelgan en las ventanas trapos húmedos de lluvia.
Borradas están ya las inscripciones
De las losas con muertos de dos siglos,
Sin amigos que les olviden, muertos
Clandestinos. Mas cuando el sol despierta,
Porque el sol brilla algunos dias hacia junio,
En lo hondo algo deben sentir los huesos viejos.
Ni una hoja ni un pájaro. La piedra nada más. La tierra.
Es el infierno así ? Hay dolor sin olvido,
Con ruido y miseria, frío largo y sin esperanza.
Aquí no existe el sueño silencioso
De la muerte, que todavia la vida
Se agita entre estas tumbas, como una prostituta
Prosigue su negocio bajo la noche inmóvil.
Cuando la sombra cae desde el cielo nublado
Y del humo de las fábricas se aquieta,
En polvo gris, vienen de la taberna voces,
Y luego un tren que pasa
Agita largos ecos como un bronce iracundo.
No es el juicio aún, muertos anónimos.
Sosegaos, dormid ; dormid si es que podéis.
Acaso Dios también se olvida de vosotros.
Luis Cernuda, La Réalité et le Désir (La Realidad y el Deseo)
–
une image que vous ne verrez jamais ailleurs, avec le pont de Douvenant, vers St Brieuc ( 22 )
Si le chemin, au bord du rivage
S’allonge au gré de mes pas, c’est errer
Contourner les pentes, dominer les plages
Et emprunter celui des anciennes voies ferrées..
La lumière est mouvante et se déplace
Au gré des courants d’air, qui poussent
aussi les ombres, que des nuées lasses
Déposent en bouquets de couleurs douces
Au delà des sables, les ajoncs
Et le rivage qu’on situe par-delà la baie
Lorsqu’on passe le vieux pont,
Une distance qu’on franchirait d’un trait,
Si on avait les ailes d’une mouette
A voir les choses de haut
En luttant contre l’air qui fouette
le front, au dessus des eaux.
Mais je continue la voie étroite
Suivant les caprices de la côte, le contour
Ne connaissant pas la droite
En impose ses détours
A suivre obstinément le chemin,
Que je parcours sans hâte
Entouré de pins et romarins…
Mais voici que le temps se gâte ….
C’est un prélude à la nuit
Lorsque le ciel s’épaissit
Et qu’arrive aussi la pluie,
Sous un ciel obscurci
Que quelques lueurs parcourent…
Il est trop tard pour l’éviter
Et envisager le retour …
S’il le faut, j’irai m’abriter
Pour l’instant, je poursuis ma route;
Des éclairs lointains l’illuminent
Et tombent, éparses, quelques gouttes
Tandis que je chemine …
Lentement, le paysage défile :
La terre humide, à mon nez , se parfume
La baie s’est emplie de brume,
On distingue à peine les îles…
Une lumière intermittente traverse
Là-bas, la colonne d’un phare
Situé un peu à l’écart
Sous le rideau de l’averse
Dans ma poche, pour écrire, quelques papiers
En hâte, pliés
Mais qui sont déjà mouillés
Et d’un reste d’encre, souillés…
RC – 30 juillet 2012
–
Les sculptures romanes sont en patience
Et les fleurs se redressent
Au temps suspendu …
Gris-vert de marée montante
Aux saveurs d’Atlantique
Sentinelle de Gironde
Talmont peut l’attendre,
Ce vent venu du large
Essaims de moules
Recouverts d’écume
–
RC– 14 et 15 juillet 2012
–
–
S’il faut voir les poissons de plus près,
et s’immerger sous la surface des choses
j’endosse la combinaison de plongée
L’attirail du scaphandrier
Et je me laisse aller à des distances obscures
Et ne plus penser à l’air,qui d’habitude,
gonfle mes poumons…
Je suis un ludion suspendu en eaux
Frôlé par des bancs de poissons qui errent
Caressé par des méduses avides d’un pays,
Celui du dessus, qui ne leur est pas permis
Comme ne m’est plus permis la lumière du soleil
Si faible sous les tonnes de liquide en mouvement.
C’est, franchi la frontière agitée des vagues,
Un domaine réservé, que tâter du pied, ne peut suffire
Et qui m’englobe, et qui m’avale
Comme toutes les certitudes de plancher sec…
Et les seiches me prêtent leur encre marine
Pour que j’écrive la mémoire des abysses,
Le vrombissemnt silencieux du passage des orques
Les étranges lanternes des baudroies
Et le dédale de couleurs des coraux et anémones
Qui dansent avec les courants chauds
Avec à peine le souvenir de l’homme
Et une épave oblique, aux hublots sertis
De coquilles et de rouille, avec son échelle
Accrochée au bastingage de l’inutile.
RC – 17 juin 2012
–
If we have to see the fishes closer
and immerse ourselves under the surface of things
I put on the wetsuit
The diver’s paraphernalia
And I let myself go to obscure distances
And think no more at the air, which usually
fill my lungs …
I am a ludion suspended in waters
Tickled by shoals of fish that roam
Caressed by jellyfishes, eager for a country ,
One above, which they are not allowed
As I am no longer allowed for sunlight
So low, beneath tons of moving liquid.
That is, across the border turbulent waves,
A reserved area, where the feeling of feet wouldn’t be enough
And that includes me, and swallows me
Like all the certainties of dry floor …
And cuttlefish lend me their naval ink
Writing for the memory of the abyss,
The silent vrombissemnt of orcas passing
The strange lanterns of monkfishes
And the maze of colorful corals and anemones
Dancing with the warm currents
Barely the memory of man
And an oblique wreck, portholes with crimped
Shells and rust, with its scale
Hanging on the railing of useless.
–
–
papyrus egyptien.. pesée des âmes
–
Des aventures en mythologies, beaucoup les partagent
Ce sont des dits, des légendes ( et des commérages)
Qui se colportent, en générations, dans les mémoires
Et donnent en naissance, de belles histoires
La pesée des âmes ( d’un poids négligeable)
Devait être comme l’or ( assez rentable)
Bataille des chiffres et ——-marchandages
Et j’organise un p’tit voyage !!
Par convois entiers, ou bien fusées
Les âmes sont partantes pour aller au musée…
Mais y en a qui trichent, comme le Dr Faust
Préférant livraison lente plutot que « chrono-post »
Ayant vendu, comme on le sait, son âme au diable
Et afficher en retour, un sourire aimable,
Qui pourrait convenir à Marguerite – (elle lui fait la bise) …!
Et aux échanges, y a aussi le marchand de Venise
Qu’à sa p’tite affaire, et n’connaît pas la crise !
C’est encore elle ( la crise), qui étonne et défrise..
J’ai donc reçu, y a pas si longtemps , une proposition
D’acheter l’esprit, l’âme et le talent – autorisation –
Pour une vie meilleure, un autre horizon
Ce qui, pour cette âme, était la meilleure solution…
M’étant jamais v’nu à l’idée de posséder deux âmes
Surtout quand l’autre est celle d’une femme…
———- mais tout compte fait, j’vais réfléchir…
Pas sûr qu’ça soit une bonne affaire – pour investir
Cela risque fort de perdre de la valeur
s’il me vient avec, douleurs et malheurs…!
A jouer malin, et passer par-dessus les lois
Même encore légères, les âmes seraient un poids…
Je dirai plus tard, les suites de l »aventure
Et leurs conséquences sur mon futur
Si je rends visite à la voyante, Mme Soleil
Qui a de petits seins, mais gros orteils …!
Elle connaît les comment et les pourquoi …
On verra donc, quel sera mon choix…
–
photo: Sculptures du tympan de Conques ( Aveyron) J Mossot
J’ai entendu récemment cette belle légende, à la radio, que j’essaie de transcrire aujourd’hui….
Il existe un pays où certaines personnes ne s’aventurent pas, car ces endroits un peu particuliers, peuplés de cailloux sont des lieux où son soupçonne qu’ils abritent des djinns, des petits génies malicieux, qui peuvent provoquer des surprises, le bonheur ou le malheur des hommes…
Un jour Ahmed, vit un endroit au détour d’un chemin, plat, mais encombré de pierres, qui lui semblait propice à la plantation d’un champ de blé… il commença à déplacer quelques unes, lorsqu’il entendit une voix sortir de derrière les roches..
– Que fais tu donc là, dans notre territoire?
– Je déplace des pierres, pour espérer faire de cet endroit merveilleusement placé, un champ de blé, et ainsi aider ma famille à sortir de la famine..
– C’est un beau projet, dit le djinn, qui apparut de derrière les pierres, nous allons t’aider…
Apparurent alors deux, trois dix, cent, mille djinns qui aidèrent Ahmed à déplacer toutes les pierres du champ, pour faire apparaître une belle surface cultivable, cernée de hauts murets…
Viens donc avec ta famille semer, et nous demanderons au ciel de t’envoyer l’eau nécessaire à une abondante récolte…
Ainsi fut ,fait, et au bout de quelques mois , une prairie verdoyante comportant de nombreux épis tendres était apparue au détour du chemin…
Mais les djinns goûtant les épis, les trouvèrent si bons et à leur gout , que des dizaines, des milliers de djinns vinrent chacun manger les beaux épis…
La famille venant pour la moisson, constatant le désastre, ne put retenir des flots de larmes devant ce spectacle, et c’est ainsi qu’aujourd’hui, dans l’espace qui avait été jadis porteur d’espoir, il y a à sa place un grand lac issu de toutes leurs larmes .
————————————————————————————————–
Sur le net je n’ai pas trouvé trace du récit que j’ai retranscrit, par contre des contes berbères qui semblent, dans l’esprit, s’en approcher;..
(Polvo, cadàver del tiempo)
Tu es esprit de la terre : poussière impalpable.
Omniprésente, impondérable, tu chevauches le vent,
tu franchis des milles marins, de terrestres distances
avec ta charge de visages effacés et de larves.
Oh des appartements visiteuse subtile !
Les armoires closes te connaissent.
Dépouille innombrable ou cadavre du temps
ta ruine s’écroule comme un chien.
Avare universelle, en des trous et des caves
sans répit tu entasses ton or léger et vain,
folle collectionneuse de vestiges et de formes,
tu prends des feuilles l’empreinte digitale.
Sur les meubles, les coins, les portes condamnées,
les pianos, les chapeaux vides et la vaisselle,
ton ombre ou vague mortelle
étend son morne drapeau de victoire.
Tu campes en maître sur la terre
avec les pâles légions de ton empire dispersé.
Oh rongeur, tes dents infimes dévorent la couleur,
la présence des choses.
La lumière elle-même se vêt de silence
en ton fourreau gris, tailleuse des miroirs,
Ultime héritière des choses défuntes,
tu gardes tout en ton tombeau errant.
extrait de l’anthologie J C Andrade coll Seghers poètes d’aujourd’hui
Désolé pour les rides
qui s’accumulent avec les années :
l’étendue de la consolation
ne tient pas compte du vide
qui se creuse sous nos pieds .
Nous buvons la lumière
à mesure que nous avançons.
Quand nous l’aurons toute épuisée,
nous ferons le chemin à l’envers
en remontant notre mémoire.
La lumière sera intérieure ;
— de l’incandescence,
il ne filtrera que peu de chose
personne ne pourra savoir –
que nous approchons la renaissance.
Derrière ces nuages blancs
Naît un soleil de fin du monde
Les hommes sont tristes ce matin
Serrés dans les doigts de la brume
On voit aux portes des maisons
Croître des arbres de pierre
Des visages penchés sur l’ombre
Écoutent bruire le jour
Une pendule sourde partage
Le sommeil noir des survivants
Les chats de soie suivent la trace
Des oiseaux perdus de la nuit
Une voiture aveugle perce
Le voile calme du silence
Nous ne savons plus si c’est l’aube
Ou l’ombre du dernier rideau.
–
extrait de « parcours immobile »
montage perso –
Parole de ruine
Je veux venir près de toi.
Je ne trouve vrais ni la pierre, ni le monde ni les distances.
Le coup d’aile d’un oiseau dans le ciel de grand gel dure
aussi longtemps que la ville aux murs coulés de béton
Il m’a fallu me briser avant de perdre mes illusions.
Aujourd’hui,
je suis certain que tes cellules m’entendent
quand je parle la langue aux mille sens des ruines
en moi-même,
mais rien que pour toi en vérité.
–
Parfum de fumée (1987)
Et qui, si je criais, m’entendrait donc depuis les ordres
des anges ? Et quand bien même l’un d’entre eux soudain
me prendrait sur son cœur : son surcroît de présence
me ferait mourir. Car le Beau n’est rien d’autre que
ce début de l’horrible qu’à peine nous pouvons encore
supporter,
Et nous le trouvons beau parce qu’impassible il se refuse
à nous détruire ; tout ange est terrifiant.
Et donc je me retiens et ravale l’appel d’obscurs sanglots.
Ah, de qui pouvons-nous donc avoir besoin ?
Ni d’anges, ni d’humains,
et les bêtes ingénieuses voient déjà bien
que nous ne sommes pas si confiants que cela
sous nos toits dans l’univers expliqué.
Peut-être qu’il nous reste
quelque arbre sur la pente,
où nous pourrions chaque jour le revoir ;
il nous reste la route d’hier
et la fidélité mal élevée d’une habitude
qui s’est bien plu chez nous et n’est pas repartie.
Ô la nuit, et la nuit quand le vent emblavé d’univers
nous dévore le front —
traduction de Jean-Pierre Lefebvre
montage RC
J’en connais certaines
qui dépassent du tableau
et survivent aux vernis
comme si des couches de fards
parvenaient à gommer les rides
et les années.
Seraient-elles allongées
telles Olympias
sur le divan du psychiatre,
reproduites à l’infini
en carte postale,
parées de moustaches,
« les Mona » de Vinci
ont maintenant de la concurrence
avec les Marylin de Warhol,
qui finiront à leur tour
bien esseulées
dans un musée,
parées de robes de verre
à l’épreuve des balles.
– On ne sait jamais :
qu’on veuille s’en emparer
les cacher sous un lit –
( pour satisfaire son appétit
– …d’images)
Si peu
trois mots
deux silences
le soupir de la lune
l’eau claire d’une nuit d’été
la chanson douce des étoiles
du bout des doigts sur la corde d’une guitare
dans le jardin parfumé de jasmin
quelques notes en cascade
éclaboussent les passants
en riant
voir le site de l’auteure
extrait de « Chemin sans croix » ed Encres et lumières 2005
Je sais qu’il y a cette bête,
– je ne peux nommer -,
Je la maintiens prisonnière.
Je la porte en moi,
comme si je l’avais engendrée
( ainsi la pomme qu’une larve habite
et qui va lentement se développer).
Elle attend le moment favorable
pour me tuer,
serpent invisible
que j’ai nourri
et élevé.
J’espère qu’elle ne grandira pas trop vite
et me laissera le temps de la dénoncer.
Quant à vouloir déjouer
les signes du destin,
gravés dans ma main,
je ne suis pas capable
d’éviter le déclin inéluctable:
cette bête,
nul pourra l’extirper.
Pas la peine de lui tenir tête:
je peux toujours m’en moquer
faire comme si elle n’existait pas:
— rira bien qui rira le dernier.
Nous ne jouerons pas aux dés.
Quand elle aura triomphé
je ne serai plus là pour le constater:
Je n’aurai plus aucune chance:
il est couru d’avance
que je perde la partie:
je porte en moi ma mort :
de la branche se détachera le fruit
qui retournera à sa terre
indulgente et nourricière.
D’après un texte de Lucie Taïeb:
On porte en soi la mort comme un fruit qui mûrit, paraît-il, mais on ne veut pas, pour autant, qu’elle parvienne à maturité.
On préfère qu’elle ne grandisse pas, alors on ne bouge pas, de peur d’accélérer le processus.
Mais, il y a, dans cette immobilité, quelque chose qui ronge, véritablement : un épuisement prématuré des forces, un déclin impassible, une image qui vous fascine et vous empêche de fuir, comme la bête piégée par l’éclat des phares, stoppée net au milieu de la voie, et que le véhicule n’évitera pas
La maison s’est blottie
au creux des collines
à côté de l’étang.
L’ombre est rare
sous le soleil de midi.
Un arbre penche
vers son ombre douce.
De ses branches
s’épanchent des gouttes de résine.
L’été étend sa main
parmi les champs.
Je reprendrai le chemin
qui s’écarte des grandes voies
et j’irai vers toi
retrouver la maison accueillante
où tu m’attends
depuis bien longtemps,
là, où toujours le cœur chante….
Je vous parle de trop loin maintenant, d’un royaume où vous ne pouvez plus entrer avec vos rides, votre sagesse, votre ventre….
« Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur !
Avec votre vie qu’il faut aimer coûte que coûte.
On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu’ils trouvent.
Et cette petite chance pour tous les jours, si on n’est pas trop exigeant.
Moi, je veux tout, tout de suite, – et que ce soit entier –
ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d’un petit morceau si j’ai été bien sage.
Je veux être sûre de tout aujourd’hui et que cela soit aussi beau que quand j’étais petite – ou mourir. »
extrait de « Antigone »
Où s’est – elle en allée la jeune fille Manouche?
A-t-elle emporté les bourgeons de rêves qu’ elle avait cachés
entre les planches de son baraquement?
Elle a couru, je sais
dans l’haleine des forêts,
a voulu venger le temps arrêté, bousculer des pierres,
des agneaux dans les prés,
a jeté sa robe usée,
s’est lancée dans la rivière,
s’est roulée dans l’herbe,
plus nue qu’ à peine née .
Revenue au plus haut du jour
@paolapigani
Est-il vrai que les gouttes de rosée
tombent des yeux de la nuit ? *
Alors j’attendrai que la lune se lève
au-dessus du pont rouge
et qu’elle me sourie,
flottant dans le reflet de la rivière,
alors que les feuilles s’enfuient
pour emprunter ton âme aux nuages…
*(deux vers empruntés à Rabindranath Tagore )
variation sur texte de
Lambert Savigneux
Si tu me demandes où je veux être
Avec toi sous la Lune
Je t’attends sur le pont rouge
Une larme a coulé de la Lune
Le pont rouge est une bouche
Veut-il manger la Lune ?
Sous les arches il y a une barque
L’eau et les fleurs et ton sourire
La lumière de la Lune
Inonde sur la rivière
sur le vieux pont
Nous regardons les feuilles passer.
Montage RC
Je sais que le soleil tourne autour de la forêt
que la parole est nue
Je sais que la mort
brûle
Ni croix ni étoile sur le front des abeilles
Je sais les pieds déchaussés rythmant le sol
tendu en peau de scalp
et le totem des loups
et le feu des ancêtres dans le camp
immobile
Je sens la force
primitive des parfums boisés
Je sais qu’avant le rituel quand
le souffle s’éteint
les fumées se relèvent
pour se laver les mains
Qu’il faut un pas de danse en cercle
autour de l’arbre
Je connais les us de la lumière
Je sais que Dieu n’existe pas
La cérémonie
des vivants sous la terre Le bras
enterré de l’hommage
passe à travers la croûte de
boue pour attraper quoi ?
Des cerises juteuses
comme des nuages au-dessus
du linceul de ciel
Je sais la coutume
des morts Je sais que
Dieu existe
Sous les paupières
Dans le poing du charnier
les pierres de Lissinitchi sacrent
la lune sauvage
à la frontière de la chair
Laissez les corps du chagrin
et de la grandeur
là où les cailloux
tendent leurs lèvres
sous l’eau de pluie Le rythme
des gouttes vient
peu à peu J’attends
Que le vent couronne
le brasier au-dessous des branchages
Là où tournesols dans
leurs fleurs Là
où légendes et marchands
de Lublin
là où vieille langue dans
son chemin de ronde
Dieu a dû choisir entre
la bonté et la puissance
Je crois
que le soleil tourne autour
de la forêt
Là-bas le soleil roule sur
un chariot sans bouquet
où s’entassent les peaux
en parchemins
Les roues de la carriole tracent leurs
encres sur la neige
Deux lignes aussi droites que
les flèches du chamane
Je sais le rituel de la parole
le rituel de l’étoile
le rituel de l’écorce
trois tours de ciel
à Lissinitchi
extrait de « je compte l’écorce de mes mots » Rougerie 2013
Au fil de l’eau, un bruit de baiser sur la roche, le rire léger de la marée étale, telle transparence qui arrache aux pierres plates sous la surface de doux reflets de perle la chanson lancinante de la vague va va va et revient avant que les courants ne refluent et t’emportent comme fétu de paille ou ne te laissent échouée sur l’estran de boue grise tremblante sous le vent
photo Roberto Ruberti « jeunesse » – Birmanie 2018
une passerelle sur les eaux,
quelques troncs mal équarris,
noirs par-dessus la rivière en furie
petits graphismes sur une portée,
quelques notes sans artifice
sur une partition beige,
appel du précipice
pas de bémol pour les dièses…
qui va pouvoir l’interpréter
sans qu’on le dirige
pour atteindre les berges
ni éprouver de vertige ?
sur une partition photographique de Roberto Ruberti « jeunesse » – Birmanie 2018
Le ciel mélancolique a bonne mine Une apsara dotée de tous les pouvoirs Vole sous la bruine et le vent Son regard obstiné perce la brume rouge Colombe grise sur le plateau du Golan Dans la frénésie de l’été Elle déploie ses ailes nues à sa guise Elle regarde fixement tes yeux Me voilà confus et triste Je cherche les ailes qui s’envolent Et c’est ma rose que j’aperçois
La poésie des couleurs chez Yang Ermin PDF
Marie Laureillard –
Les feuilles des sureaux, qui sur les canaux sortent de leurs tièdes et rondes branches, parmi les filets rouge sang, parmi les balcons jaunâtres et orangés que forment les joncs du Frioul, alignés en perspectives dépouillées sur le fond des crêtes dépouillées ou en douces courbes le long des joyeuses pentes des berges... Les feuilles des peupliers arachnéens, amassés sans un frisson en foules silencieuses au fond des champs déserts de luzerne; les feuilles des humbles aulnes, le long des mottes asséchées où le froment lève ses ardentes petites plantes avec des tremblements déjà de bonheur; les feuilles de la mâche qui couvre, tiède, ]a levée de terre sur les tapisseries d’or des vignobles.
Poésie
1943-1970
nrf Gallimard
Fille je suis fille
d’un homme d’une autre saison
feu je suis feu
de l’éclair et de l’univers
belle je suis belle
dans le don et le pardon
femme je suis femme
de pensées et d’évasion
flamme je suis flamme
de plaisirs et de passions
âme je suis âme
du présent et de l’horizon
âme je suis âme
âme je suis âme
mère je suis mère
de nos bases, nos fondations
fière je suis fière
de l’homme que tu peux devenir
cœur je suis cœur
du passé et de l’avenir
promesse je suis promise
sans ombre et sans trahison
forte je suis forte
de caresses et de tendresse
âme je suis âme
du présent et de l’horizon
âme je suis âme
âme je suis âme
sœur je suis sœur
de la terre et de la mer
racine je suis racine
de l’harmonie, de la vie
lumière je suis lumière
de nos clartés, nos voluptés
pleurs je suis pleurs
sur nos plaies, perles de rosée
amour je suis amour
le flux et reflux des marées
âme je suis âme
du présent et de l’horizon
âme je suis âme
âme je suis âme
femme je suis femme
debout, sans compromission
âme je suis âme
du présent et de l’horizon
âme je suis âme
du présent et de l’horizon
voir l’abondant site poétique de Christophe Condello où il met en lumière beaucoup de poètes connus ou moins connus ( en particulier celui de son pays, le Québec )
Entrelacs des sternes sur une eau de velours
écrivant dans l’air les chemins des poissons
traquant leurs victimes en cercles d’anxiété,
leurs cris nous réveillent en sursaut, leur hargne
contre un destin qui refuse subsistance.
Groupes de gens au coucher du soleil sur une plage
aux dimensions du rivage universel, et pâles
de l’attente des miracles – les oiseaux en contraste, noirs
de suie même au crépuscule, patrouilles en vol
avertissant l’assemblée que ce ne peut arriver.
Mais ce grand vaisseau de notre empire d’épouvante
chante dans le vent qui le porte contre ces gens,
toutes voiles déployées, prêt à partir
et aucun homme ayant un peu de cœur à bord
ne pourrait frapper en perçant cette obscurité,
officier ni capitaine – vaste, vaste entreprise,
vaste et vide, et terreur sur tous les océans,
sauvetage de capital en danger de perte.
La mer se ferme sur les yeux, les yeux devenus ciel :
du ciel descendent les poissons translucides,
adoucie par les lèvres de la mer, à l’eau si généreuse,
sa chaleur versant une huile d’hydromel,
les poissons commencent à l’instant nous entrons –
étant à peine visibles nous ne les voyons pas
jusqu’au moment où nous passons dans leurs bancs
les derniers de la création, l’eau-création,
et puis nous sommes au-dessus d’eux,
glissant à hauteur d’œil dans un sens
suivant notre rêve avant de revenir.
Deux corbeaux se posent,
sous la voûte gothique :
ce sont deux ombres, – esprit des cierges
entourant le catafalque -,
qui se nourrissent de cantiques .
Les saints représentés sur les statues
restent immobiles,
leur tête chevelue de poussière,
leurs vêtements de pierre
abritent quelque oiseau nocturne.
Les pinacles se dessinent en noir
contre un ciel d’orage.
Pas de prières en dehors des horaires
Le « son et lumière «
ne fonctionne plus à cette heure .
Le parvis de la cathédrale est désert
et les gargouilles entament
une conversation muette,
leur gueule grande ouverte
aboyant sur les nuages .
Eoliennes sur champs de colza, jaune apparat pour fleurs d’acier, et de joyeux nuages en gardiens du troupeau céleste. J’imaginais des clairs-obscurs agrestes des ciels champêtres de tendres bosquets de printemps... Qu’une bourrasque les emporte ! Les fleurs distilleront la lumière du vent et les prairies engraisseront la toile de mes rêves pour les changer en or.
Si l’herbe casse sous le regard du vent
Et si le vent dérape sur le seuil de ce soir
Si le soir se dérobe et tâtonne
N’oublie pas de leur dire:
«Retournez aux pages blanches de vos cahiers perdus
Retournez au lit de feuilles sèches
Retrouvez le chemin d’une étoile.»
N’oublie pas de leur dire
De retrouver la bulle d’air égarée
Dans la bille de verre
Libellule à l’envers.
N’oublie pas.
Ces dures collines qui ont façonné mon corps
et qui ébranlent en lui autant de souvenirs,
m’ont fait entrevoir le prodige de cette femme
qui ne sait que je la vis sans réussir à la comprendre.
Un soir, je l’ai rencontrée : tache plus claire
sous les étoiles incertaines, dans la brume d’été.
Le parfum des collines flottait tout autour
plus profond que l’ombre et soudain une voix résonna
qu’on eût dit surgie de ces collines, voix plus nette
et plus âpre à la fois, une voix de saisons oubliées.
Quelquefois je la vois, elle vit devant mes yeux,
définie, immuable, tel un souvenir.
Jamais je n’ai pu la saisir : sa réalité
chaque fois m’échappe et m’emporte au loin.
Je ne sais si elle est belle. Elle est jeune entre les femmes :
lorsque je pense à elle, un lointain souvenir
d’une enfance vécue parmi ces collines, me surprend
tellement elle est jeune.
Elle ressemble au matin. Ses yeux me suggèrent
tous les ciels lointains de ces matins anciens.
Et son regard enferme un tenace dessein : la plus nette lumière
que sur ces collines l’aube ait jamais connue.
Je l’ai créée du fond de toutes les choses
qui me sont le plus chères sans réussir à la comprendre.
In Travailler fatigue, © Poésie/Gallimard, p.51
photo-montage RC
Nous planons comme des roches
nous n’avons aucune peine à redescendre
sur le tapis d’asphodèles et d’ordures
le jour ouvre un œil le gauche
toutes mes images s’y engouffrent
me restent les entortillées syntaxes
d’un bouquin pansu que j’ai mis en perce
pour affronter quoi
je demande à part le jour
qui se montre ?
extrait de « graminées au vent » ( Rougerie)
—
Un tracé dans le ciel;
un lien entre les étoiles;
des figures dans l’espace…
Si j’en crois les manuscrits,
rien n’est dit
de la géométrie aléatoire
qui se dessine dans le noir.
On voit jusque dans les sourates
des anges pendus par les pieds.
Eux n’ont pas de stigmates:
mais nous les reconnaissons :
( ils ont trahi leur mission
en se rendant visibles
aux yeux d’un dieu
irascible ).
Fallait-il qu’ils rangent leurs ailes,
restent discrets
dans l’espace immatériel ,
étant tenus au secret
derrière les aurores boréales ?
exemptant l’humanité du mal.
Car c’est ce que leur reproche:
l’assemblée des dignitaires,
et de leurs proches…
il fallait des boucs émissaires,
les condamner
à une peine à perpétuité.
Dans leurs puits,
ils iront rejoindre la nuit,
méditer sur le mal
( là où il n’y a pas d’étoiles )
La joie, envahie par l’herbe du temps comme tronc mangé de lierre, trèfle dans la prairie, à ajuster mon pas dans les pas d’autrefois, joie morcelée, ce chemin mille fois emprunté qui devient dépossession de soi, quête illusoire dans les lieux que portait l’enfance, des sons,des odeurs,des voix. Manque le bruit des voix, des frôlements,des rires,leur soudain éclat comme au fil du diamant. Manque le poids des corps et des étreintes et l’épaisseur des chairs, dense, leur ombre chaude dévoilant le soleil, cernant les peurs,les devenirs. Joies éphémères, tous les chemins de Rance portent mes souvenirs, seul les noie le chatoiement de l’eau dans la lumière,les mille et un fragments de son miroir brisé où la mémoire s’immerge, un instant pacifiée.
le rouge est la couleur de l’ensanglantement…
» debout il y a trop de bruit
à l’usine des dentelles…
Alors je m’asseois »
Là, sur la chaise rouge…
Des bises Ren
12/19/2011 à 12 h 55 min Modifier
On peut avoir cette interprétation, moi, je la vois distincte ds autres couleurs, justement parce qu’elle est chaude
oui, et le sang, c’est chaud…et c’est la vie…j’ai toujours été impressionnée de celui qui coule en chacun de nous, mais dans le bon sens, je dirai…je n’aime pas le voir couler, parcequ’en génèral c’est » mauvais » signe, mais j’aime imaginer chaque humain comme un arbre empli de cet ensanglantement qui pulse et pulse encore..c’est ça qui m’est passée dans la tête avec la chaise rouge…et m’asseoir sur une chaise rouge, ça équivaudrait à m’ésseoir dans la vie…
Sourires…
En réponse à ce que tu viens de poster, un sourire avec de la lumière à l’intérieur..oh; oui, je vois ça parfois autour de moi, c’est absolument cadeau des sourires pareils…
12/19/2011 à 14 h 42 min Modifier
En fait j’ai écrit ça l’autre jour en pensant à une photographie que j’ai faite ( une diapo) sur laquelle j’aimerais bien remettre la « main ».. j’avais mesuré l’intensité de la couleur avec une cellule faite pour çà, et effectivement le rouge était « criant » de vérité…
quant au sourire de E De Andrade, l’allusion sexuelle est criante aussi, j’avais même dans un de mes textes écrit quelque chose d’approchant avec un sourire « vertical »… il faudrait que je le retouve…. j’ai déjà idée où il peut être…
12/19/2011 à 15 h 09 min Modifier
2 choses:
« Le rouge est la lumière dans le temps. »
Rupprecht GEIGER
et http://corpsetame.over-blog.com/article-1112-ceux-qui-restent-43321780.html
pour un travail d’ Elke KRYSTUFEK