Cécile Coulon – attendre qu’un soir enfin


art Olafur Eliasson Le soir est là : tu ne reviendras pas.C’est une chose simple à écrire :le poème est un tombeaupour ceux qui se sont aimés,pour ceux qui se sont gardésl’un contre l’autrepour un jour ou trente années. Chaque ligne est le barreau d’une échellequi monte vers le passé. D’en haut,je t’entends murmurer : ce n’est pas une erreur.Nous voilà pauvres de caresses,toutes nues … Continuer de lire Cécile Coulon – attendre qu’un soir enfin

Brume – ( Susanne Derève) –


. . Tu voulais voir la mer, mais la mer appartient tout entière à la brume. . Seul le ressac dévide les versets de l’ancienne mémoire, grise, étouffée, silencieuse, où le va-et-vient de la vague abandonne en chemin sa musique, son timbre, son langage, ses chants d’oiseaux, aux linges cotonneux du brouillard . comme un drapeau en berne quêtant en vain le vent , le … Continuer de lire Brume – ( Susanne Derève) –

La ville dans ses murs de silence – ( RC )


Dans le vide soudain des ruesqu’écrase le soleil :même pas un arbrepour donner quelque fraîcheurau bitume. Mais, cloués sur un fond de ciel blancimpitoyable,de grands oiseaux aux ailes brunestournent en silence,à l’affut. Furtivement leurs ombres passentsur les façades et sur les toits,hors de portéedans l’incandescence immobileoù s’accroche la ville isolée dans ses murs de silence. Continuer de lire La ville dans ses murs de silence – ( RC )

Levi Condinho -Afin que quelques-uns puissent m’aimer –


. . j’écris ces chosesafin que quelques-uns puissent m’aimertoutes gens modestes quis’habilleraient en clair avec simplicitémême tachés de vin de café ouavec des auréoles de poisson fritj’écris ces chosespour qui n’a jamais eu une maison au bord de la mermais qui sait bien que la mer est délicieusecomme le soleil . . La poésie du Portugal des origines au XXe siècle – Chandeigne 2021 Traduction … Continuer de lire Levi Condinho -Afin que quelques-uns puissent m’aimer –

Angèle Vannier – vent printemps


photo Sylvia d’Alessi Celles qu’on éteignait celles au blanc promisesCelles qu’on habillait de silence et de froidCelles qui ronronnaient des leçons bien apprisesCœur battant cils baissés mais qui n’y croyaient pas. Celles qu’on enfermait dans des chapelles grisesCelles qu’on emmurait dans les plus hautes toursCelles qui n’attendaient qu’un signe de la briseOnt cassé leurs carreaux pour passer dans l’amour. Nous t’embrasserons trois fois sur la … Continuer de lire Angèle Vannier – vent printemps

Mattia Filice – L’Homo Mechanicus extrait )


De rail en aiguille je découvrequ’on trouve de tout chez les Mécanosils s’irritent quand ils sont appelés chauffeursmoi-même au son j’ai des champignons qui poussentdes tire-fonds qui sortent de ma peauest-ce un signe de mon intégration ? De nouvelles appellations émergentagent de conduite et conducteurmenacent son existenceIl y a peu encore le terme mécanicien figuraitdans le référentielDu temps de la vapeur nous avions celui qui … Continuer de lire Mattia Filice – L’Homo Mechanicus extrait )

Une moitié d’existence reste dans la nuit – ( RC )


illustration – dessin issu du site abstractcomics sur des musiques de Brian Eno Toute une moitié de l’existencereste dans la nuitquand on y pense:la moitié du temps s’ensommeillesur le damier noirqui fuit les cases en blanc. en déplaçant ses foussur la diagonale de la vie.Ne reste alors pour elleque l’oblique obscure des annéesqui n’a même pas besoin d’ailes, car les rêves nous emportentau-delà de l’échiquier.Jamais … Continuer de lire Une moitié d’existence reste dans la nuit – ( RC )

Pierre Cressant – Comme une pluie de Chine


Robert Hainard, «Couple de sarcelles d’été dans les roseaux», 1966, bois gravé. comme une pluie de Chine qui laverait la lumière, qui éclaircirait les arbres et les fleurs, qui redessinerait les lignes des couleurs ; je voyais des signes s’évanouir en cercle sur l’eau douce et calme d’un bassin clair ; et le jardin frémissait derrière le paravent ajouré de ma paix grandiose ; le recueil qui renouvelait … Continuer de lire Pierre Cressant – Comme une pluie de Chine

Pour nourrir un été sec et brûlant – ( RC )


photo perso 2018 causse lozerien Ondes d’or dans les champs verts,d’une fin de printemps.qui saura saisirl’âme même du vent ?Celui qui passesans s’arrêterpense à notre place, pour nourrir un étésec et brûlant,où les nuages resterontfigés, en suspens dans l’air,comme dans une photographiesans se décider à s’ouvrir,ni à donner un peu de pluie . Les épis seront desséchéssur les pentes,l’âme du vent absente,piétinant les blés. Continuer de lire Pour nourrir un été sec et brûlant – ( RC )

Odile Crespy -le feu, le silence, l’absence


Le feu le silence l’absencecette table devant le feucercueil que j’entrouvre tous les soirsnaissent les images sur l’écran de ce que nous sommeslumières qui vont s’éteindreregarde le feu de tourbeécoute le silence du tumulte passé des enfanceslointainespalpe l’absencepalpe en avançant les mains vers la tasse de thépalpe l’absence ton absenceécoute le silenceregarde le feufais de ta bouche la grimaceregarde le feuécoute le silencepalpe l’absencefais de … Continuer de lire Odile Crespy -le feu, le silence, l’absence

Jean-Claude di Ruocco – l’homme seul


L’homme seul ( merci Léo ) – Le Père Noël est allongé sous l’ombre bleue des hauts fourneaux, il a laissé tous ses jouets s’éparpiller dans le caniveau. Je ne le vois plus, je le devine, en pointillés sur les pavés. J’ai presque envie  de lui faire signe, comme si encore  j’y croyais. Je me souviens à la télé de toutes ces images que l’on … Continuer de lire Jean-Claude di Ruocco – l’homme seul

Christian Dotremont – ensevelis sous quelle neige


collaboration Ch Dotremont & Pierre Alechinsky  » Fable abrupte » 1976 Est-ce qu’il neigeait ? – Lorsqu’elle m’a glissé ce petit peu de neige,le soleil s’était caché pour que rien ne fonde de notre rencontre,pour que le feu entre nous s’allume sans secours,à seule raison de notre chaleur, à seul défaut de notre silence,et d’ailleurs… – Et d’ailleurs ?– Et d’ici je vois que nous étions … Continuer de lire Christian Dotremont – ensevelis sous quelle neige

Ludovic Degroote – des corps tombent


dessin Ernest-Pignon Ernest puisque dans la lourde chute de son corpsqui passe son temps à tomberlourdementdes corps tombentd’une façon si légère qu’ils n’entendent pasce qui tombe d’eux n’entendent pasqu’ils tombent imperceptiblescomme si quelque chosequ’on croirait encoreplus hautmet tant de poids à tomberet consacre si peu d’effortsà se faire plus légersi peu d’effort de visagesa tête précède son corpsil fait le mortcomme on fait des contrefaçonsalors … Continuer de lire Ludovic Degroote – des corps tombent

Un charme rompu – ( RC )


image « traitée » RC (pal ais Fonte da Pipa (Portugal ) C’est sans doute avec la musiqueflottant dans un des recoins du palais,que m’est revenu ton portrait,les rires démultipliés par les couloirs,à peine éclairés par les chandeliers. Tu étais cette jeune fille pâle,entrevue au fond d’une salle,avant que je m’endormedans un fauteuilqui avait la profondeur de mes rêves. Des notes échappées d’un clavecinont mis fin à … Continuer de lire Un charme rompu – ( RC )

Philippe Delaveau – le Nil


Après avoir déployé ses anneaux dans les sables,connu le secret  des Grands Lacs –l’Afrique y pousse vers l’autre viela barque de ses morts –, le fleuve atteint l’encrier du delta,peuplé de roseaux frêles,face à l’indigo de la mer. Je suis le fleuve, non le désordre.La progression du temps et la placidité,non pas rien.Non pas chose inutile et vaine.Comment traduire l’appel qui me traverse ? L’eau toujours … Continuer de lire Philippe Delaveau – le Nil

Pierre Moïse Célestin – lampes silencieuses


J’étreins le vide embrasse l’échoAu blanc de mon réveilL’absolu regard inondéDes lampes silencieusesDe travers me traverse le cœur Telle fuite lumineuseJ’épouse l’averseAux doigts de l’églantineEn relents de gestes bèguesOù le temps se déshabilleDevant mes oriflammes de lune. quelques informations sur l’auteur Continuer de lire Pierre Moïse Célestin – lampes silencieuses

l’éventail du regard – ( RC )


Les joues brûlées de vent et de soleilnous avons gravi les sentiers étroitspour atteindre, au-delà des bois parfumésle large éventail du regardembrassant les pentes. Le contour sinueux des rizièreslutte de leurs lignes souplespour offrir leurs couleurs printanièresau corps de lumière qui s’élance . La sueur accompagne l’effortde se hisser sur la ligne des crêtes,mais l’essentiel touche le ciel:c’est en quelque sorte notre récompensequel que soit … Continuer de lire l’éventail du regard – ( RC )

Claude Saguet – le lieu d’exil


à Paul Leberger peinture Douanier Rousseau Les portes se fermaient sur des ombres ;ivres et contradictoires des fleuvesse croisaient. Parvenu à ce lieu de l’exil,il fallait dire aussila plante rouge des langueset les jardins propices ; les bouquets de couteaux,les parfums qui chavirent,les forêts où les arbresont des feuillages d’yeux. Puis les mots perdaient leurs couleurs,nous parlaient d’astres morts,de royaumes perdus. Et nous cédions à … Continuer de lire Claude Saguet – le lieu d’exil

Pierre Bacchelli – Un à trois –


image : RC Soudain la nuit me parut courteEncombrée de gens qui dorment malGriffés brièvement par leurs rêves*Alors j’attends comme un vieux papierTue-mouches sec depuis longtempsEt d’un jaune noir cassant*L’aurore pluvieuse s’avanceEt crépite sur les chapeaux des fleursJ’ai pincé la flamme de la chandelleBlafarde sur le gisantIls ne viendront plus maintenantIl est trop tard*Nous avions prévu une belotteJ’avais déjà distribué les cartesAvec le paquet au … Continuer de lire Pierre Bacchelli – Un à trois –

Un rêve de toi que je rattrape – ( RC )


image C’est un rêve de toique je rattrapequand il est tempscar j’emprunte des ailesaux anges de passage,Ils les collent aux chevaux sauvages,leur échine se tendquand ils traversent les nuages:c’est juste avant que je ne me réveille,et que les pépins de pommene s’égayent,dans les ruines de la nuit.C’est la course contre le soleil,et grâce à ma monturej’attrape au passageun morceau de rêve,que je conserve sous l’oreilleroù … Continuer de lire Un rêve de toi que je rattrape – ( RC )

Jeanie Bogart – la chanson oubliée


peinture Manu Delibo Changer de monde, de peau, d’habitudes. Les changements se dessinent sous tes paupières rêveuses. Ta simplicité en sérénade sous ma fenêtre me répète une chanson longtemps oubliée au-delà des montagnes. Terre qui nous lie, nous délie la langue, terre de nos amours passées, présentes, marginalisées. Terre nègre. Pensées communes qui s’enracinent au plus profond d’une île à l’arôme de café, pensées rebelles … Continuer de lire Jeanie Bogart – la chanson oubliée

Max Jacob – la terre


peinture: Le Greco – vue de Tolède Envolez moi au-dessus des chandelles noires de la terreAu-dessus des cornes venimeuses de la terre.Il n’y a de paix qu’au-dessus des serpents de la terreLa terre est une grande bouche souillée :ses hoquets, ses rires à gorge déployéesa toux, son haleine, ses ronflements quand elle dortme triturent l’âme. Attirez moi dehors !Secouez moi, empoignez moi, et toi Terre … Continuer de lire Max Jacob – la terre

Jaune intense – ( RC )


peinture – Clyfford Still C’est fini…. la méditation sur d’hypothétiques surfaces lisses,champs de colza moirés, où aucun arbre ne dépasse.Ne parlons même pas des stries des champs de lavandesur le plateau de Valensole. Ils ne peuvent se retenir d’ondulerà chaque dénivellation, juste limités par des chênes rabougris,et les chemins de terre caillouteux. J’ai préféré me plonger dans le jaune intensed’une peinture non figurative,où le regard … Continuer de lire Jaune intense – ( RC )

Adrian Popescu – Paradis secret


Photo Elena Salah Oui, nous avions un paradis secret,s’illuminant, s’étirant autourun cercle envoûtant, la lumière de la lampe,concentrée sur une feuille de papier,qui émergeait au cœur de la nuit, lentement,un vers d’or, sa vapeur rare,…qui dissolvait tout ce qui était impur.Et d’avoir été, alors, parfois,…même heureux de tant de cadeaux..,quand nous nous sommes réveillés au soleilstatues chantantes,des demi-dieux.Jeunes naïfs, brûlant d’idéal,des collines, des rivières, des … Continuer de lire Adrian Popescu – Paradis secret

Barbara Auzou – chemins de traverse …


photo de film  » la fleur de l’âge » ( M Carné) Nous allions ensemble dans les bifurcations saisonnières qui se croisents’étreignent à peine au passage des angles de l’hiverpour s’enlacer pleinement au rond-point du printemps;sur des chemins, nous le savions, qui n’arrivent pas,de connivence, garants d’un secret qui ne s’ébruite pastellement sages d’ignorance.Parfois, au cours de la traversée, j’ai cru vous devancerAlors que c’était encore … Continuer de lire Barbara Auzou – chemins de traverse …

Paul Eluard – à Marc Chagall


Âne ou vache coque ou chevalJusqu’à la peau d’un violonHomme chanteur un seul oiseauDanseur agile avec sa femme Couple trempé dans son printemps L’or de l’herbe le plomb du cielSéparés par les flammes bleuesDe la santé de la roséeLe sang s’irise le cœur tinte Un couple le premier reflet Et dans un souterrain de neigeLa vigne opulente dessineUn visage aux lèvres de luneQui n’a jamais … Continuer de lire Paul Eluard – à Marc Chagall

Anthony Phelps – petit soldat


Connais-tu cette Citadellepetit soldat chargé de mortchargé de mort couleur d’acierConnais-tu cette Citadellela Citadelle du Roi Henri Petit soldat qui manges malla balle en or avec laquellele Roi Henry s’est suicidéla balle en or qui seule vitle fond du cœur du Roi Henrysi tu l’avais tu serais richepetit soldat qui manges mal Connais-tu cette Citadellepetit soldat chargé de mortchargé de mort couleur d’acierConnais-tu cette Citadellela … Continuer de lire Anthony Phelps – petit soldat

Un ciel inverse la couleur des sens – ( RC )


C’est un ciel qui inverseles couleurs des sens.L’eau ne renvoie de sa plaque grisequ’un regret sans fin,ourlé de sa lumière. Le sillage d’un bateau s’égaredans le dessin horizontalde l’onde qu’il soulève. Juste un instantavant que la merne se refermesur sa trace éphémère,cicatrice légèreque son corps tolère, juste un instant,où s’inscrit un mouvement -minuscule –sur son corps serein. Continuer de lire Un ciel inverse la couleur des sens – ( RC )

Samira Negrouche – t’oublier


Combien de fois ai-je voulu t’oublier ! J’ai pris ce jour-là la direction de l’ouest sur une route où j’ai traversé des villages aux allures de Far West, j’ai longuement pensé à toi me laissant conduire par mon associée des fuites organisées.Et puis j’ai entamé cette corniche au pied de la montagne où le dromadaire minéral couche à la mer de son corps imposant et … Continuer de lire Samira Negrouche – t’oublier

Huy Can – mes deux mains


photo perso – Vietnam 2023 Voici mes deux mains,fleurs au bout des branches,roses les boutons,les pétales ronds. La nuit, je m’endorsavec mes deux fleurs,l’une sur ma joue,l’autre sur mon cœur. Dans le matin clairmes deux mains fleurissentaux joues de ma mèrepenchée sur mon lit. L’une vers mes dents,jasmin éclatant,l’autre à mes cheveux,matin radieux. Aux heures d’école,ma main studieusesur la page tracedes lettres-corolles mes deux pauvres … Continuer de lire Huy Can – mes deux mains