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décrire l’impalpable – ( RC )


Volume de poussières et de cheveux par Lionel Sabatté –

Qui pourra me décrire l’impalpable ?
Tout ce qui règne sur l’absence,
brûle les après-midis
dans l’immobilité d’un sommeil,
les poussières occupant des rayons de soleil.

Elles pratiquent le jeu
de l’extinction des feux.
Si légères soient-elles, elles dansent
avec le moindre courant d’air,
captent une partie de la lumière

mais finissent toujours par recouvrir
de leurs cendres,
les surfaces qu’elles grisent
et mes membres
qui s’exercent à la patience.

Car jamais on ne pense
au centre du silence
où la poussière ira embellir
par son entremise, les objets
à défaut de neige blanche.

Personne ne pourra dire
qu’elle conspire ;
mais elle occulte tout l’éclat des reflets
de la demeure
et la transparence oubliée, des heures….

nota: l’artiste Lionel Sabatté et l’auteur de tableaux de poussière et de cheveux ( portraits ), dont un certain nombre sont visibles au musée du Gévaudan, à Mende-


Kenneth White – la porte de l’Ouest


L’échappée, ah – cette lueur bleu sombre
le long du fleuve puis
l’éclair d’ambre doré puis encore
la lueur bleu sombre tout le long du fleuve
( vieux rafiot noir là-bàs traînant
près d’un gros paquebot blanc )
et les nuages filant bas
au-dessus des vagues grises aux crêtes
écumantes ( ah cette courbe qui se brise ) et en haut
le vol noir des goélands

Puis les collines, fougères rousses entre-
mêlées et les ronces et les roses sauvages et
le houx rouge-sacré dans la neige
et les arbres dégoulinant de pluie –
marchant sur les chemins de glace bleue les
ruisseaux impétueux l’air mordant
et cette lumière d’une clarté folle
cette lumière abrupte angélique démentielle
qui fait surgir le monde dans sa nudité
réel toujours changeant clair-obscur perpétuel.


Pierre de Massot – Mirages


Ne quitte pas le bleu de l’aube
Avant que de mouiller tes doigts
Fragiles aux pieds du hasard
Et ta tunique invisible
« Le cœur trop lourd n’a plus ses cygnes
Pour étoiler vos rêves d’anges
Et nous buvons des fleurs si blanches
que la vertu sous neige signe ».

Le vaisseau noie ses ailes calmes
Dans le cristal où tu souris
Car les douleurs prennent de l’ombre
A la douceur des palmes moites.

(Paris-Journal, 1924)


KHÔNG LÔ – Douce oisiveté du vieux pêcheur – (Ngu nhàn)


Shitao, Peintre-Pêcheur


Sur mille lieues, le fleuve limpide, sur mille lieues, le
ciel d’azur,
Une fumée flotte sur les mûriers d’un hameau solitaire.
Le vieux pêcheur que nul ne trouble reste plongé dans le
sommeil
Quand il s’éveille, l’après-midi, sa barque est couverte
de neige*.

.

* la neige est inconnue dans cette région du Vietnam .
Mais les poètes employaient souvent ce mot pour désigner la brume
par temps de froid intense.

.

.

  • KHÔNG LÔ – ( ?-1119)

    Issu d’une famille de pêcheurs, les Duong du village de Hai
    Thanh ( ?) , il abandonne le métier familial pour se faire bonze à
    la pagode de Ha Trach (certains documents mentionnent la
    pagode de (Quan Dinh sur le mont Khong Lo). Son plus grand
    ami est le bonze Giac Hai, conseiller du roi Ly Nhan Tong.

in Mille ans de littérature vietnamienne
Picquier poche

  • sur le peintre SHITAO  (1642-1707) , lire :

  Libellus : François Cheng , Vide et Plein

beauxarts.com/grand-format/le pinceau libre du moine citrouille amere/


Flocons – (Susanne Derève) –


 

 

Parfois, les flocons de neige n’atteignent pas le sol,

le vent les entraîne  dans sa fougue

et je les imagine voguer éternellement entre ciel et terre

sans jamais se résoudre à mourir.

Mémoire ,

ainsi je te voudrais légère, inlassable vigie

pour conjurer l’absence.

 

 

 


Voyage d’hiver – (Susanne Derève) –


Empreintes de corbeaux dans la neige (photo web)
Un lent voyage d’hiver enfoui dans la grisaille,
au fil des routes, quelques enseignes : 
gites, miel, potier, 
le lourd panache des fumées, 
un givre d’ombres sur les branches 
basses des sapins.
Dans les clairières, poudrant les coupes claires 
du bois,                                                
le fin linceul du gel marqué d’empreintes, 
pas, ornières - les roues profondes des engins - 
et la griffe étoilée d’un merle  
silencieux
traçant son chemin sur la neige, 
calligraphie légère d’un fugitif adieu.




A l’ombre du chais silencieux – ( RC )


( réponse à Ivresse de Susanne Derève )

Faut-il se laisser emporter
par le drap du grand hiver,
et répondre à l’appel
du vin dans les caves
– qui tiendrait lieu de promesses – ?

Un peu de chaleur
tournant au fond des verres,
où se reflète le ciel.

A défaut des terres blondes de l’été
nous goûterons l’ivresse
à l’ombre du chais silencieux
quand le vin mûrit
sans se soucier des jours pluvieux :

offrande à l’oubli
des jours de l’automne
qui vient juste de trépasser.

Jamais le temps ne s’emprisonne
dans les fûts ombreux.
Nous sortirons chancelants

après avoir bu
le sang du soleil
resté quelque part
dans le vin vermeil :
que je goûterai dans tes mains

accoudé au bar,
chercherai le chemin
pour retrouver
l’or paresseux des jours

( car jamais l’amour
ne se laisse enfermer
dans une bouteille ),

ni les rêves épars,
que l’on imagine de neige,
ne seront pris au piège
de la fortune et du hasard,

en buvant à la santé
de ta nouvelle année…


As-tu amarré ta folie aux petits matins du monde – (Susanne Derève) –


George Nick – Au dessus de Pemigewasset river 1986
As-tu amarré ta folie aux petits matins du monde,                        
nommant dans ta fièvre  fredaines, égarements  ta muse émue, 
et cette sourde musique de l’hiver
loin très  loin sous  terre  où se danse la ronde,
sous la longe enfouie des prairies enneigées, les prairies basses,
la vie d’avant naissance.

Fouille, fouine,   
sourde est la vie, le long repos des spores 
un membre inerte, enchaîné au gel par l’entrelacs des glaces, 
la divine toile de l’hiver-araignée, 
et toi, 
pèlerin transi, tu fais fausse route encore :
tout, de ce qui a péri, renaît. 



Francis Blanche – j’ai rêvé ma vie


photo Boris Wilensky

J‘ai rêvé ma vie
les yeux grands ouverts
me suis réveillé
quand c’était l’hiver

La neige était là
le ciel était gris
le vent était froid
je n’ai pas compris

Mes beaux soirs d’avril
que j’avais rêvés
où donc étaient ils
j’en aurais pleuré

Faites-moi plaisir
commence sans moi
laissez-moi dormir

…. j’étais fait pour ça…


Herberto Helder – Les menstrues –


Arkhip Kuindzhi – Coucher de soleil sur la neige (1885-1890)
Les menstrues quand sur la ville soufflait
cet air. Les jeunes filles respirant,
mangeant des figues - et les menstrues quand sur la ville
filait le temps à travers les airs.
C’étaient des œillets dans la neige. Les jeunes filles
riaient, criaient - et les figuiers insufflaient
les figues, de leurs poumons d’éponge
blanche. Et les jeunes filles
mangeaient des œillets dans l’air.
Et elles riaient dans la neige et criaient : c’était
le temps des menstrues.
Les pommes roulaient dans la maison.
Quelqu’un disait : la neige. La nuit venait
briser la tête des statues, et les pommes
roulaient sur le toit - quelqu’un
disait : le sang.
Dans la maison, elles riaient - et les menstrues
ruisselaient par les cavernes blanches des éponges,
et les têtes des statues se brisaient.
Des œillets - quelqu’un disait cela.
Et les jeunes filles qui respiraient, mangeaient
des figues dans la neige.
Quelqu’un disait : des pommes. Et le temps était venu…
Le sang ruisselait des cous de granit,
l’enfant plaquait sa bouche noire
sur la neige dans les figues - alors elles criaient
dans l’ombre de la maison.
Quelqu’un disait : le sang, le temps.
Les figuiers soufflaient dans l’air
qui courait, les machines aimaient. Tandis qu’un poisson,
parole ancienne
et sensible, parcourait la page de cet amour.
Et quelqu’un disait : c’est la neige.
Les jeunes filles riaient dans leurs menstrues,
mangeant de la neige. Les têtes des
statues étaient pleines d’œillets,
et les enfants plaquaient leur bouche noire sur
les cris. La nuit approchait dans les airs,
dans l’ombre roulaient les pommes.
Et le temps était venu.
Et elles riaient dans l’air, mangeant
la nuit,
se nourrissant de figues et de neige.
Alors quelqu’un disait : les enfants.
Et les menstrues ruisselaient en silence -
dans la nuit, dans la neige -
pressées par les éponges blanches, là-bas dans la nuit
des jeunes filles
qui riaient dans l’ombre de leur maison,
roulant, mangeant des œillets. Alors quelqu’un disait
c’est un poisson qui parcourt la page d’un amour
ancien. Et les jeunes filles
criaient…
…Les jeunes filles, chantant leurs enfants,
mangeaient des figues.
La nuit mangeait du sable.
Et c’étaient des œillets dans les cavernes blanches.
Les menstrues - disait quelqu’un. L’air passait -
et à travers nuit, en silence,
les menstrues ruisselaient dans la neige.

.

Le Poème continu, somme anthologique,

traduction Magali Montagné et Max de Carvalho,

éditions Chandeigne

voir également : Esprits nomades


Serge Marcel Roche – Variations neige


Et les années dansaient ce matin

avec les flocons gaiement derrière la vitre

villes visages heures ainsi tournoyant

dans l’air froid et ceux qui tambourinent

contre les carreaux selon le pouls

intermittent du souvenir toi

assis au bureau guettant le bruit

des pas fantômes sur la page neuve

l’approche au loin des voix profondes

avec une lenteur de neige


Jean Tardieu – au conditionnel


Si je savais écrire je saurais dessiner
Si j’avais un verre d’eau je le ferais geler
et je le conserverais sous verre
Si on me donnait une motte de beurre je
la ferais couler en bronze
Si j’avais trois mains je ne saurais où
donner de la tête
Si les plumes s’envolaient si la neige fondait
si les regards se perdaient, je
leur mettrais du plomb dans l’aile
Si je marchais toujours tout droit devant
moi, au lieu de faire le tour du
globe j’irais jusqu’à Sirius et
au-delà
Si je mangeais trop de pommes de terre je
les ferais germer sur mon cadavre
Si je sortais par la porte je rentrerais
par la fenêtre
Si j’avalais un sabre je demanderais
un grand bol de Rouge
Si j’avais une poignée de clous je les
enfoncerais dans ma main
gauche avec ma main
droite et vice versa.

Si je partais sans me retourner, je
me perdrais bientôt de vue.


Tristan Tzara – vide matelas


montage RC

Vide matelas
pour ne pas dormir
ni rire ni rêver
le froid aux entrailles
le fer dans la neige
brûlant dans la gorge

qu’avez-vous fait qu’avez-vous fait
des mains chaudes de tendresse
avez-vous perdu le ciel
dans la tête par le monde
dans la pierre dans le vent
l’amitié et le sourire
comme les chiens à l’abandon
comme des chiens


Charles Dobzynski- D’abord d’un arbre


René Chabrière – (base de fromager)
Je suis né juif 
en coup de vent.

Des broussailles s’écartaient 
pour me voir paraître.

Je ne laissais pas de traces 
sur la neige.

En ce temps-là
il n’y avait pas d’étoiles
le ciel était un ventre creux.

Je suis né en apnée 
dans le sommeil du monde.

Des arbres me montraient leur paume 
déjà trouée par la foudre.

Je suis né d’un arbre 
puis d’une feuille 
puis d’une nervure.

De plus en plus minuscule 
j’avais tendance à m’éclipser
infirme dans l’infime.

Mon nom tintait déjà 
comme une clarine 
au cou des chèvres.

Je n’avais pas de langue 
je coulais de source 
j’ourlais ma clairière.



Je est un Juif, roman

nrf Poésie/Gallimard


Du lait sur la table – ( RC )


C’est un rectangle blanc,
qui demeure immobile,
répandu sur la table,
exactement comme neige ;
ainsi j’invente un paysage
où nulle trace ne s’imprime
à la surface du lait.
Le monde se console
de la laideur,
et mon dessin
restera inachevé.


Kenneth White – Labrador (2,3)-


Frits Thaulow – A mountain stream –
                         
            2 

J’ai moi aussi nommé un lieu
un lieu de grands rochers
luisant sous le soleil
un lieu où l'eau bruissait
tourbillonnait et glissait —
je l’ai nommé le Merveilleux Rivage

j’ai vécu là-bas tout un hiver
tout un temps de blanc silence
j’ai gravé sur la pierre un poème
à l’hiver et au blanc silence
les plus belles runes par moi tracées

des hommes aux yeux fins, aux pommettes hautes
sont venus me visiter
nous avons troqué
du drap contre des peaux
nous vivions en paix

et le printemps revint :
tous les ruisseaux ruisselaient de lumière
et la grande rivière reflétait le ciel
j'allai plus loin vers le sud
vers un pays de grandes forêts
où je vis des hommes rouges
parés de plumes d'oiseaux

je sentis sous mes pas une terre nouvelle
un monde nouveau
mais je me refusais à le nommer trop tôt
content de laisser mes sens
m’éveiller et me guider
pas après pas
à travers le réel

je n'étais déjà plus chrétien
sans être pourtant retourné à Thor
autre chose m'appelait
m'appelait au-dehors
autre chose qui peut-être
voulait qu’on l’appelle

une chose sensuelle
et abstraite à la fois
terrible et belle à la fois
une chose qui me dépassait
mais était à la fois
plus moi-même que moi

j’ai songé aux paroles de Norvège
aux paroles des penseurs et des poètes
aux paroles de haut vol des Hébrides
ici pas de place pour le Christ ou pour Thor
ici la terre a réalisé son destin
destin de pierres et d’arbres
d’ombre et de lumière
a réalisé son destin en silence
j’ai tenté d’apprendre
le langage de ce silence
plus rebelle que le latin
que j’étudiais à Bergen
ou que l’irlandais de Dublin.



	 3

Tout un champ nouveau
où travailler et penser
à chacun de mes pas
je sentais en moi une étrange vigueur
l’esprit chaque jour plus vif, plus clair


j'essayai encore quelques noms
(pesant avec soin chacun d'eux
les éprouvant dans ma tête
et sur ma langue):
la rivière de la Grande Baleine, le cap de l'Eskimo
le lac des Huttes sauvages, le col du Caribou

mais toujours pas de nom pour le tout
je voulais bien nommer les parties
mais pas le tout

l’homme a besoin d’arrimer son savoir
mais il lui faut un espace vide
dans lequel se mouvoir

je vivais et marchais
comme jamais encore
devenais un peu plus qu’humain
connaissais une plus large identité

les traces du caribou sur la neige
le vol des oies sauvages
l’érable rouge à l’automne
mordu par le gel
tout cela me devint plus réel
plus réellement moi
que mon nom même

je me surprenais disant parfois
«en accord avec l’esprit de la terre»
mais il n’y avait pas d’«esprit»
c'était la langue du passé
et ce monde était un nouveau monde
et ma pensée aussi était presque nouvelle
rien qui ressemblât à un «esprit»


seulement les traces bleues sur la neige
le vol des oies sauvages
et les feuilles rouges de gel

la religion et la philosophie
ce que j’avais appris dans les églises et les écoles
tout cela était trop lourd
pour cette vie de voyage
seule me restait la poésie
une poésie comme le vent et la feuille d’érable
que je me récitais
en parcourant le pays

je suis un vieil homme à présent
un vieil homme très vieux
j’ai griffonné ces runes sur un rocher
elles seront mon testament
personne ne les lira peut-être
elles resteront sur ce rocher
près des graffiti de la glace
balayées par la pluie et le vent.


Un monde ouvert : Anthologie personnelle

nrf Poésie/Gallimard


Philippe Jaccottet – La voix –


Maxime Maufra – Paysage d’hiver –

 

          Qui chante là quand toute voix se tait ? Qui chante
          avec cette voix sourde et pure un si beau chant ?
          Serait-ce hors de la ville, à Robinson, dans un
          jardin couvert de neige ? Ou est-ce là tout près,
          quelqu’un qui ne se doutait pas qu’on l’écoutât ?
          Ne soyons pas impatient de le savoir
          puisque le jour n’est pas autrement précédé
          par l’invisible oiseau. Mais faisons seulement
          silence. Une voix monte, et comme un vent de mars
          aux bois vieillis porte leur force, elle nous vient
          sans larmes, souriant plutôt devant la mort.
          Qui chantait là quand notre lampe s’est éteinte ?
          Nul ne le sait. Mais seul peut entendre le cœur
          qui ne cherche la possession ni la victoire.

 

Poésie 1946-1967

nrf  Poésie / Gallimard

 


Langston Hughes – Accrochez-vous aux rêves


sculpture Ossip Zadkine : le poète et l’oiseau

Accrochez-vous
aux rêves
parce que si les rêves meurent,
la vie est un oiseau aux ailes brisées
qui ne peut plus voler.


Accrochez-vous
aux
rêves
car lorsque les rêves disparaissent,
la vie est un champ désolé gelé par la neige.


Violette Leduc – sur la neige


Le monde n’est pas étanche, et les regards peuvent se voiler.

Ce que nous voyons est fugace, et la pensée perce violemment l’inconscient conciliabule, sans tête à tête ni préambule, aussi rapide que vorace, ne s’embarrassant pas de volte face, traçant une figure au ciel bleu, qui s’efface.

Recule, je n’ai pas peur. Je vois le fil que tu empruntes.

Il est bien tendu, et il est solide.

Il s’enfonce dans cet espace que tu traces d’un doigt sur la neige.


C’est la nuit que je cherche – (Susanne Derève)


Photomontage RC sur Black Snowman (D Shrigley)

Un train traverse la nuit
C’est la nuit que je cherche
dans son manteau de neige
ses éclisses de gel ses quartiers d’ombre
et de lumière
à la lueur des réverbères tremblant
sous les assauts du vent

et toi bonhomme de neige
qui fanfaronne dans les jardins
blanchis de givre
bénis ma bonne fortune :
demain flottera ton chapeau
avec ton frac entre deux eaux

Je n’aurais plus qu’à les pêcher
dans une flaque
Coiffé de mon chapeau claque
j’attraperai le dernier train
pour rejoindre la nuit en habit de satin
et l’épouser sous la lune


La patience des pierres – (Susanne Derève)


Paul-Emile BORDUAS – Translucidité

S’il demeurait des cendres fertiles sous la glace

qui donc pouvait le dire 

nul ne savait ce qu’ourdissaient les pierres

dans le silence

 J’imaginais  des causses arides sous le manteau

des neiges,

 leurs sinuosités translucides et bleutées

leurs boues fossilisées 

et  côté ombre

réfractant le soleil en lisière des chemins

de blanches cheminées de gel

des éboulis de roches  et d’herbes sèches

gainés de givre

Ce qu’ourdissaient  les pierres dans le silence

qui le savait ?  

est-il un sens à l’éternel recommencement

des rêves et des saisons –

Sans doute attendaient-elles armées d’une infinie patience

qu’œuvre lentement le dégel  

pour éprouver enfin le vertige du vide

répondre à son appel


Gustave Roud – frontière du temps


Chaque nuit,
chaque jour
j’atteins vivant cette frontière du temps
que nul pourtant ne passe
avant son dernier battement de cœur,

nappe de neige trouée à chaque pas,
toujours plus mince,
sa frange extrême enfin fondue
à ce banc de brume ou d’absence
qui est Ailleurs.


Théo Léger – les dieux


ESPACE VEDIQUE: CREATION ET FIN DU MONDE /SCIENCE VEDIQUE
Brahma créateur du monde


Les beaux, les nobles, ce sont eux sans nul doute
qui nous donnèrent le feu et la rapide roue au caisson du char.
Le globe qui traverse en volant la Neige et l’Avril,
à l’Homme et à l’Abeille ils l’ont donné.

Sur le rivage de la mer des Ténèbres où. la Terre se noie
ils édifièrent leur palais. La demeure, ils la bâtirent
dans la flamme et le sifflement des vipères
pour que dansent la danse des masques, les sauvages.

Ils donnent mesure au Temps aérien, ils font rouler les soleils
mais ils ne savent rien des puissants ateliers
enclos dans la goutte de rosée aux ramures de l’Arbre de Mai
qui forgent sans répit la création du Monde.

(Théo Léger- 1960)


Béatrice Douvre – Feu qui ose


Yves Klein, ‘Peinture de feu sans titre (F 80)’, 1961

 

peinture au feu : Yves Klein

Feu qui ose
Achève
Ce peu de bois mouillé
Par l’orage et délivre
Précède-moi, qui ose, précède-moi ,espère
Mars et les affections même sans souvenir
Vois c’est déjà la splendeur
Bleue des trèfles, des pensées
Demeure
Pour celle enfin dont les seuls auront tremblé les yeux
Une dernière fois le dernier passager
Ose
Flamme soudain la sueur
Debout qui saigne
Et la grande odeur du froid
La haute arche de neige
Est-ce enfin le vrai cœur au-delà d’âme et corps
L’ébauche d’un soleil beau d’hiver ascendant ?


Salah Stétié – Se fit une neige


 

Puis se fit une neige.
La lampe qui l’habille est une étrange pierre.
Et qui lui est tombe définitive.
Le feu comme l’épée flambera dans les arbres.
Cette épée, nous la portons entre nos cils.
Elle tranche dans le vif.
La lumière enfantera par la bouche : cela, personne ne l’avait dit.

… Et seulement les retombées de la neige,
habillée de miroirs et de volutes.
Désir de ce très pur moment quand la main grandira
comme un enfant aveugle
pour cueillir à même le ciel un fruit miré,
et qui n’est rien.

C’est alors que la lumière retournera au sol pour s’endormir,
immense, dans ses linges.
Pour apaiser sa fièvre, et pour,
dans la cascade torsadée, éteindre,
avec la rosée, sa crinière.


Quelque chose d’indéfinissable – ( RC )


3454613917_a9af31bbff Sorge il sole_L.jpg     

                   Il y a quelque chose d’indéfinissable,

lorsque ta voix s’empare des mots
et les projette,             haut dans le ciel,
un ciel
qui ne semble être fait    que pour toi.

Et les voilà qui redescendent doucement,
      – ainsi ces graines de pissenlit, légères,
               celles en forme de parachute –
qui s’allient avec le vent    pour se poser
                        comme des fleurs de neige.

Lorsque se forgent des lignes,
      chaque flocon trouve sa place,
      rejoignant leurs semblables
portés par une onde calme
naissant en toi.

        Il y a quelque chose d’indéfinissable,
une évidence qui s’offre
comme les notes dessinent le chant
         ravissant l’oreille de celui,
               prêt à les entendre .

       C’est un cadeau que l’on reçoit,
évident comme l’accord
entre le silence et la musique,
         émanation discrète
         du corps et de l’âme .

         Le poème est une constellation,
et les mots,  des étoiles
qu’un fil invisible relie :
     toi seule en maîtrise ces atomes,
                qui restent insaisissables .

 


RC – mai 2019


Shakespeare – chaque saison


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la neige nouvelle     Edward Munch   1906

 

A Noël,  je n’ai plus envie de rose

que je ne voudrais de neige

au printemps .

J’aime chaque saison pour ce qu’elle m’apporte .