Gérard de Nerval – Une allée du Luxembourg – Dessin de Constantin Guys


En savoir plus sur Constantin Guys sur le site du Musée d’Orsay : https://www.musee-orsay.fr/fr/ressources/repertoire-artistes-personnalites/constantin-guys-14353 https://www.musee-orsay.fr/fr/articles/charles-baudelaire-et-constantin-guys-le-peintre-de-la-vie-moderne-199572 Continuer de lire Gérard de Nerval – Une allée du Luxembourg – Dessin de Constantin Guys

René Char – Commune présence


illustration extraite du livre « Tourbillon » Tu es pressé d’écrirecomme si tu étais en retard sur la vies’il en est ainsi fais cortège à tes sourceshâte-toi,hâte-toi de transmettreta part de merveilleux de rébellion de bienfaisanceeffectivement tu es en retard sur la viela vie inexprimablela seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unircelle qui t’es refusée chaque jour par les êtres et par les … Continuer de lire René Char – Commune présence

Gaston Miron – la marche à l’amour ( extrait )


dessin : Grégoire Alexandre tu viendras tout ensoleillée d’existencela bouche envahie par la fraîcheur des herbesle corps mûri par les jardins oubliésoù tes seins sont devenus des envoûtementstu te lèves, tu es l’aube dans mes brasoù tu changes comme les saisons je te prendrai marcheur d’un pays d’haleineà bout de misères et à bout de démesuresje veux te faire aimer la vie notre viet’aimer fou … Continuer de lire Gaston Miron – la marche à l’amour ( extrait )

André Laude – En traversant le pays des morts


 dessin J Gilles Badaire pour « Hampaté Ba » En traversant le pays des mortsen route vers Aden les terres d’Arthur Rimbaud.Je suce mes doigts à cause de la soifde la malaria, du cancer des os. Je songe à la Bretagne,aux femmes aux hautes coiffes.Je songe aux piroguiers du fleuve Zaïre.Je songe aux oiseaux bariolés d’Amazonie. Je songe au sexe chaud de l’indienneà la tombée de la nuit.Je … Continuer de lire André Laude – En traversant le pays des morts

Florence Delay Jacques Roubaud – Guêtres de pollen (extrait de Poèmes et chants des Indiens d’Amérique du Nord )


Elle parcourait les champs en fleurs.C’est une chose qu’elle faisait.Parfois le pollen se répandait partout sur ses jambeset on aurait ditdes guêtres jaunes.DES GUÊTRES EN ETE !C’est ainsi que nous nous sommes mis à penser son nom. Quand elle revenait au villageUne vieille femme toujours lui demandait :« Les fleurs ont-elles encore du pollen ? »Cette fille s’asseyait alors sur une couverturepuis elle se levait, répandant le pollen de ses … Continuer de lire Florence Delay Jacques Roubaud – Guêtres de pollen (extrait de Poèmes et chants des Indiens d’Amérique du Nord )

William Carlos Williams – photo d’un nu dans un atelier d’usinage


et fonderie,       (c’est de l’art)     montage RC    une plume d’autruche rougedans ses cheveux :      Sueur et eau boueuse,tôles laminées enrouléesl’entourent assise en équilibre —(entre deux rideaux rouges entrouverts) la jambe droite           (portant un bas)levée !    à côté de la plaque —à l’aise. Légère comme un gant, légèrecomme ses gants noirs !modelée comme un soulier, untrès haut talon de femme ! -l’ Autre jambe étenduetrès    nue      (vers … Continuer de lire William Carlos Williams – photo d’un nu dans un atelier d’usinage

Jacques Roubaud – Son portrait moitié supérieure


14 De la ceinture en amont elle était nue, en aval également,mais nous ne nous occupons pas de ces régions pour lemoment. Je la priai de se tourner un peu vers la droite, etde tenir le bras gauche levé afin de profiter au maximumdu soleil de l’après-midi réfracté par les vitres de la grandepièce. M’étant levé pour préciser l’orientation nécessaireje me permis de donner un … Continuer de lire Jacques Roubaud – Son portrait moitié supérieure

Philippe Jaccottet – A la lumière d’hiver (II)


Les larmes quelquefois montent aux yeuxcomme d’une source,elles sont de la brume sur des lacs,un trouble du jour intérieur,une eau que la peine a salée. La seule grâce à demander aux dieux lointains,aux dieux muets, aveugles, détournés,à ces fuyards,ne serait-elle pas que toute larme répanduesur le visage prochedans l’invisible terre fît germerun blé inépuisable?     . Philippe Jaccottet A la lumière d’hiver folioplus classiques Continuer de lire Philippe Jaccottet – A la lumière d’hiver (II)

Rainer Maria Rilke – il faut mourir parce qu’on les connaît


« Il faut mourir parce qu’on les connaît. » Mourirpar l’indicible fleur du sourire. Mourirde leurs mains légères. Mourirdes femmes. Que l’éphèbe aille chantant les mortellesquand hautes à travers l’espace de son cœurelles s’en vont errer. Dans son sein florissantqu’il les célèbre ainsi:inaccessibles. Comme elles sont étrangères…Aux cimes du sentir.elles surgissent et la douce nuit répandentqui change dans le val déserté de ses bras.Le vent … Continuer de lire Rainer Maria Rilke – il faut mourir parce qu’on les connaît

Gérard de Nerval – enfance


photo Sally Mann Qu’ils étaient doux ces jours de mon enfance Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin, je coulai ma douce existence, Sans songer au lendemain. Que me servait que tant de connaissances A mon esprit vinssent donner l’essor,On n’a pas besoin des sciences,Lorsque l’on vit dans l’âge d’or !Mon cœur encore tendre et novice, Ne connaissait pas la noirceur,De la vie en cueillant les fleurs,Je n’en sentais pas les … Continuer de lire Gérard de Nerval – enfance

Sylvia Plath – arbres en hiver


Les lavis bleus de l’aube se diluent doucement.Posé sur son buvard de brumeChaque arbre est un dessin d’herbier —Mémoire accroissant cercle à cercleUne série d’alliances. Purs de clabaudage et d’avortements,Plus vrais que des femmes,Ils sont de semaison si simple !Frôlant les souffles déliésMais plongeant profond dans l’histoire — Et longés d’ailes, ouverts à l’au-delà.En cela pareils à Léda.Ô mère des feuillages, mère de la douceurQui … Continuer de lire Sylvia Plath – arbres en hiver

Théophile Gautier – Fantaisie d’hiver


Les femmes passent sous les arbresEn martre, hermine et menu-vair,Et les déesses, frileux marbres,Ont pris aussi l’habit d’hiver.La Vénus AnadyomèneEst en pelisse à capuchon ;Flore, que la brise malmène,Plonge ses mains dans son manchon.Et pour la saison, les bergèresDe Coysevox et de Coustou.Trouvant leurs écharpes légères,Ont des boas autour du cou. Théophile GAUTIER « Emaux et Camées » (Flammarion) photo provenant du site de Suzanne … Continuer de lire Théophile Gautier – Fantaisie d’hiver

José Maria de Heredia – la flûte


peinture P Picasso – le flûtiste assis 1971 Voici le soir. Au ciel passe un vol de pigeons.Rien ne vaut pour charmer une amoureuse fièvre,ô chevrier, le son d’un pipeau sur la lèvreQu’accompagne un bruit frais de source entre les joncs. À l’ombre du platane où nous nous allongeonsL’herbe est plus molle. Laisse, ami, l’errante chèvre,Sourde aux chevrotements du chevreau qu’elle sèvre,Escalader la roche et … Continuer de lire José Maria de Heredia – la flûte

P P Pasolini – Ô mes enfances !


Ô mes enfances ! Je naisdans l’odeur que la pluieexhale des prairiesd’herbe vive … Je naisdans le miroir du canal. Dans ce miroir Casarsa– comme les prairies de rosée –de tout temps frissonne.C’est là que, de piété, je vislointain enfant du péché, dans un rire inconsolé.Ô mes enfances, le soircolore l’ombre sereinsur les vieux murs : au ciella lumière éblouit. extrait de « poèmes de jeunesse » … Continuer de lire P P Pasolini – Ô mes enfances !

Max Jacob – la terre


peinture: Le Greco – vue de Tolède Envolez moi au-dessus des chandelles noires de la terreAu-dessus des cornes venimeuses de la terre.Il n’y a de paix qu’au-dessus des serpents de la terreLa terre est une grande bouche souillée :ses hoquets, ses rires à gorge déployéesa toux, son haleine, ses ronflements quand elle dortme triturent l’âme. Attirez moi dehors !Secouez moi, empoignez moi, et toi Terre … Continuer de lire Max Jacob – la terre

Paul Eluard – à Marc Chagall


Âne ou vache coque ou chevalJusqu’à la peau d’un violonHomme chanteur un seul oiseauDanseur agile avec sa femme Couple trempé dans son printemps L’or de l’herbe le plomb du cielSéparés par les flammes bleuesDe la santé de la roséeLe sang s’irise le cœur tinte Un couple le premier reflet Et dans un souterrain de neigeLa vigne opulente dessineUn visage aux lèvres de luneQui n’a jamais … Continuer de lire Paul Eluard – à Marc Chagall

Guy Goffette – pourrais-tu dire : j’ai froid


volume : installation de verre – biennale de Venise Encore si le feu marchait mal, si la lampefilait un miel amer, pourrais-tu dire : j’ai froid,et voler le cœur du noyer chauve, celuidu cheval de labour qui n’a plus où aller. et qui va d’un bord à l’autre de la pluiecomme toi dans la maison, ouvrant un livre,des portes, les repoussant : terre brûlée, villeouverte … Continuer de lire Guy Goffette – pourrais-tu dire : j’ai froid

Francis Ponge – l’abricot


Si ce n’est donc jamais qu’une chose petite, ronde, sous la portée presque sans pédoncule, durant au tympanonToutefois, il s’agit d’une note insistante, majeure.Mais cette lune, dans son halo, ne s’entend qu’à mots couverts, à feu doux, et comme sous l’effet de la pédale de feutre.Ses rayons les plus vifs sont dardés vers son centre. Son rinforzando lui est intérieur.  Nulle autre division n’y est … Continuer de lire Francis Ponge – l’abricot

Luis Cernuda – quel nom lui donner dans mes rêves ?


photo Karol Yarrow Je ne sais quel nom lui donner dans mes rêves Je rencontrai cette forme devant la mienneÀ l’heure du crépuscule,Quand les disparitionsConfondent pour les yeux les couleurs,Quand le dernier amourCherche l’ultime corps.Une angoisse sans fond hurlait entre les pierres ; En route vers l’air, des hommes sourds,Tête oubliée,Passaient au loin, libres ou morts ;Honteux cortège de fantômesEt leurs chaînes brisées qui pendaient … Continuer de lire Luis Cernuda – quel nom lui donner dans mes rêves ?

Claude Esteban – les yeux ouverts


Derrière la palissade rouge on aimerait vivre et vieillir très longtemps, on serait un homme sans crainte, sans presque de désir et seulement les arbres parleraient de vous, diraient la sève et le surcroît, l’immobile mouvoir des heures et puis la mort comme une écorce mouillée, on serait là, les yeux ouverts, juste une vie, derrière une palissade rouge. Continuer de lire Claude Esteban – les yeux ouverts

Yannis Ritsos – choses disparates


Il prend dans sa main des choses disparates – une pierre,Une tuile brisée, deux allumettes brûlées,Le clou rouillé du mur d’en face,La feuille qui est entrée par la fenêtre, les gouttesQui tombent des pots de fleurs arrosés, les paillesQue le vent d’hiver a déposés sur tes cheveux – il les prendEt là-bas, dans la cour, il édifie presque un arbre.En ce presque réside la poésie.Tu … Continuer de lire Yannis Ritsos – choses disparates

Robert Desnos – Inédits (extraits) –


. Seghers a publié en début d’année quatre-vingt-six textes inédits de Robert Desnos sous le titre Poèmes de minuit, inédits 1936-1940 . Il ont été écrits essentiellement en 1936 et 1937 et sont restés ignorés jusqu’à la vente aux enchères, à l’Hôtel Drouot, en octobre 2020, de la bibliothèque de Geneviève et Jean-Paul Kahn, un couple de collectionneurs. . Quatre poèmes : 03/1936 Je me lèverai demain … Continuer de lire Robert Desnos – Inédits (extraits) –

Gérard Titus-Carmel – Voici une échappée (De craie) –


. voici une échappée à ce jour dans l’horizon ne ressemblant à aucune autre     il est dit que je m’éloigne à présent        il est dit voilà l’étendue mongole . pourquoi faut-il que le récit de mon rêve s’enchasse à ce point dans le récit de ton rêve . à ce point si exactement qu’à la fin même le compte de nos os ne nous satisfait … Continuer de lire Gérard Titus-Carmel – Voici une échappée (De craie) –

René Maria Rilke – Le livre d’heures 1899-1903 (extrait)


. – Tu vas et viens. Les portes se refermentavec plus de douceur, et sans un souffle presque.Tu es de tous le plus silencieux,qui vont par les maisons silencieuses.On peut si bien s’habituer à toiqu’on ne relève plus les yeux du livrequand ses images s’embellissent,bleuissant sous ton ombre;car les objets te font écho sans trêve,mais tantôt en sourdine et tantôt à voix haute. Souvent quand … Continuer de lire René Maria Rilke – Le livre d’heures 1899-1903 (extrait)

Marceline Desbordes-Valmore – Le beau jour


J’eus en ma vie un si beau jour,Qu’il éclaire encore mon âme.Sur mes nuits il répand sa flamme ;Il était tout brillant d’amour,Ce jour plus beau qu’un autre jour ;Partout, je lui donne un sourire,Mêlé de joie et de langueur ;C’est encor lui que je respire,C’est l’air pur qui nourrit mon coeur. Ah ! que je vis dans ses rayons,Une image riante et claire ?Qu’elle … Continuer de lire Marceline Desbordes-Valmore – Le beau jour

Anna Akhmatova – ils ont abandonné leur terre


peinture Josef Sima Ils ont abandonné leur terreAux ennemis qui la déchirent,Je ne suis pas de leur côté.Leurs flatteries sont grossières,Je ne les écoute pas.Ils n’auront pas mes chansons.Mais j’ai pitié toujours de l’exilé,Du malade, du prisonnier. Errant, ton chemin est obscur,Amer, le pain de l’étranger.Ici, dans la sombre fuméeDe l’incendie, laissant périrCe qui restait de la jeunesse,Nous n’avons esquivé aucun coup.Plus tard, lors de … Continuer de lire Anna Akhmatova – ils ont abandonné leur terre

Alexandre Vialatte – Homard


Le homard est un animal paisible qui devient d un beau rouge à la cuisson. Il demande à être plongé vivant dans l’eau bouillante.Il l’exige même, d’après les livres de cuisine. La vérité est plus nuancée.Elle ressort parfaitement du charmant épisode qu’avait rimé l’un de nos confrères et qui montrait les démêlés d’un homard au soir de sa vie avec une Américaine hésitante :Une Américaine … Continuer de lire Alexandre Vialatte – Homard

Marina Tsvetaïeva – une fleur épinglée à la poitrine


Une fleur épinglée à la poitrine.Je ne sais déjà plus qui l’a épinglée.Inassouvie, ma soif de passion,De tristesse et de mort. Par le violoncelle et par les portesQui grincent, par les verres qui tintentEt le cliquetis des éperons, par le signalDes trains du soir, Par le coup de fusil de chasseEt par le grelot des troïkas –Vous m’appelez, vous m’appelez,Vous – que je n’aime pas … Continuer de lire Marina Tsvetaïeva – une fleur épinglée à la poitrine