Jean-Gilles Badaire – la poussière de ma mère


peinture J-Gilles Badaire Le ciel de la lucarne ne pouvait descendre l’escalier,pas plus que ma mère, le bras cancéreux engoncédans un manteau de fourrure.Deux hommes, dont mon père la portaientsur une chaise de bois improvisée,mes yeux encore tendres fixaient cette procession.Le silence des hommes exagérait la douleur contre les murs.Entre torpeur et maladresse, le cortège balançait derrière moi,j’étais l’enfant de choeur qui ouvrait ce voyage … Continuer de lire Jean-Gilles Badaire – la poussière de ma mère

Valeriù Stancu – Notre baume est la sève de ciguë


Le gant du Saint EmpireNous frappe à sa périphérie Nos bottes apatridesrésonnent dans le Dôme aux invalides « Et il sera un homme meilleur »Elle vit toujours, La Grande Armée vaincue dans les batailles de charsOn dirait la mort, la nuit Un cortège des peintres tristest’apprend que tu n’existes même pas Mais nous nous rassemblons avec zèleaux greniers de la Tour Eiffel. Même la Madone visite le … Continuer de lire Valeriù Stancu – Notre baume est la sève de ciguë

Tadeusz Borowski – nuit sur Birkenau


Seule photo connue du fourgon à gaz mobile « nazi » De nouveau la nuit. De nouveau le ciel effrayanttourbillonne comme un vautour, comme une bête de proie.Il s’accroupit sur le campement, sur le silence mort.pâle comme un cadavre, la lune se couche au loin. Et comme un bouclier jeté à terre dans la bataille,au milieu des étoiles, Orion, dans l’azur gît.Dans l’obscurité, les moteurs des camions … Continuer de lire Tadeusz Borowski – nuit sur Birkenau

Bohuslav Reynek – Feuilleter


Il est doux de feuilleterle psautier des nuits sans sommeil,de chercher à découvrir, dansl’ombre, une lumineuse lettrine de paix. ​Est-ce la lune avec les étoiles,un oméga, le liseré brûlant d’un nuage,au-dessus de nous une branche enneigée,le brouillard au-dessus d’un champ ​où s’éveille par vagues, sans bruitl’alpha des sentiers,lettrine épanouie,souvenirs des gels d’hier. ​ Continuer de lire Bohuslav Reynek – Feuilleter

Edouard J Maunick … dire à voix nue


4 photo Matt Dwyer … dire à voix nue / nous aimerons aupéril de nous seuls / je tente de te tuer par où tu viens surgir / en ce lieu de mon âge sommé de se montrer / peur d’être nul et vain / la rumeur du passé / fruit de fougueux travaux / inverse le voyage / irrigue la mémoire / j’ose encore … Continuer de lire Edouard J Maunick … dire à voix nue

Le silence à travers les âges – ( RC )


peinture: Max Ernst  » le silence à travers les âges » – 1968 Le silence à travers les âgesne tourne pas sur lui mêmeà la manière d’une roue dentée:personne ne l’enferme dans une cage. On ne sait pas ce qu’il cache :des oublis, les âmes des damnés,des soleils éteintsau cœur même de la terre… Le sol inconscientrecèle dans le charbon noirdes fragments de mémoirequi parfois s’y … Continuer de lire Le silence à travers les âges – ( RC )

décrire l’impalpable – ( RC )


Volume de poussières et de cheveux par Lionel Sabatté – Qui pourra me décrire l’impalpable ?Tout ce qui règne sur l’absence,brûle les après-midisdans l’immobilité d’un sommeil,les poussières occupant des rayons de soleil. Elles pratiquent le jeude l’extinction des feux.Si légères soient-elles, elles dansentavec le moindre courant d’air,captent une partie de la lumière mais finissent toujours par recouvrirde leurs cendres,les surfaces qu’elles grisentet mes membresqui s’exercent … Continuer de lire décrire l’impalpable – ( RC )

Alda Merini – dans les ombres du sommeil


gravure Gustave Doré ( de l’enfer de Dante ) Tu es entrée dans les ombres du sommeilun jouret tu y as reconnu mon visage exsanguealigné aux autres sur l’aire du sacrifice.avec la torche de ton savoir. Tu as éclairé les ombres de l’enfer.toi, mère immaculée et tristepour qui les jours ont étécomme autant de fils. Continuer de lire Alda Merini – dans les ombres du sommeil

Rabindranath Tagore – assoiffé d’infini


installation :Karina Smigla-Bobinski Je suis inquiet, assoiffé d’infini. Mon âme s’épuise en son désir d’atteindre aux sphères inconnues. Ô Grand Au-delà! le pénétrant appel de ta flûte! J’oublie, j’oublie toujours que je n’ai pas d’ailes pour voler, que je suis indissolublement rivé à ma place ici-bas. Anxieux, je ne puis trouver le sommeil. Je suis un étranger en un pays étrange. Ton souffle m’arrive, murmurant … Continuer de lire Rabindranath Tagore – assoiffé d’infini

KHÔNG LÔ – Douce oisiveté du vieux pêcheur – (Ngu nhàn)


Sur mille lieues, le fleuve limpide, sur mille lieues, le ciel d’azur, Une fumée flotte sur les mûriers d’un hameau solitaire.Le vieux pêcheur que nul ne trouble reste plongé dans le sommeilQuand il s’éveille, l’après-midi, sa barque est couverte de neige*. . * la neige est inconnue dans cette région du Vietnam . Mais les poètes employaient souvent ce mot pour désigner la brume par … Continuer de lire KHÔNG LÔ – Douce oisiveté du vieux pêcheur – (Ngu nhàn)

Pablo Neruda – Aujourd’hui –


Nous sommes aujourd’hui : hier, doucement, a chuentre des doigts de jour et des yeux de sommeil,demain arrivera de sa verte démarche,et nul n’arrêtera le fleuve de l’aurore. Et nul n’arrêtera le fleuve de tes mains,pas plus que de tes yeux le sommeil, bien-aimée,tu es le tremblement des heures qui s’écoulentde la lumière abrupte au soleil de ténèbres, et sur toi c’est le ciel qui … Continuer de lire Pablo Neruda – Aujourd’hui –

Michel Foissier – un pressentiment rongé par la fuite du temps


avaler un sandwich un demi pression un cafélaver les pieds des morts avant le petit jourse coucher enfin parmi les débris de vaisselle saleparmi les pétales de fleurs fanées comme si la torture n’était qu’un mauvaisà passerun pressentiment rongé par la fuite du tempsune promenade à petits pas de laine grisesous les ponts la richesse se consomme à la va-viteles doigts des amourettes construisent des … Continuer de lire Michel Foissier – un pressentiment rongé par la fuite du temps

Leliana Stancu – berçeuse


Petrov-Vodkin, Kuzma détail de la peinture « l’alarme » Mon enfant, mon ange,C’est un rêve étrange,Chaque soir quand je veilleTon profond sommeil,Quand le crépusculeEmporte tous les joursVers d’autres soleilsAttendant l’éveil,Signe que les DieuxAvec leurs aveuxEmbrassent d’autres mondes,Et l’amour inondeTour à tour, les terres,Même si celles d’hier,Vivant en caresse,Demain, ils les blessent… Mon enfant, mon rêve,Chaque jour qui s’achève,Je murmure un douxChant, sur tes chères joues,Comme une belle … Continuer de lire Leliana Stancu – berçeuse

Enfant-roi – (Susanne Derève)


. Non je  n’irai pas réveiller l’enfant-roi qui sommeille dans la vive clarté du matin, car le ciel est si  bleu, les pins si verts, les cimes si  brillantes qu’ils portent en eux leur propre fin annonciatrice d’orage. . . Je le laisserai dormir à poings fermés dans l’ombre mauve  des persiennes, livré  à la tiédeur  des draps, à la quiétude ailée  de ses rêves                                   et … Continuer de lire Enfant-roi – (Susanne Derève)

Ariel Spiegler – pour C


Pour C J’ai rêvé de sa noyade.Il disparaissait dans sa démence froide.Dans mes bras mourait ; je ne pouvais rien y faire.Je l’avais chéri.Son sommeil, petite barque, s’en est allée. Je suis restée avec le jour qui se levait pluvieux.Je voulais qu’il empêche ta poussière ;il s’est laissé regarder dans l’accouchement de lui-même,nu, parce qu’il fallait lui inventer des vêtementset se construira un orgueil. Ariel … Continuer de lire Ariel Spiegler – pour C

Le silence est sommeil – (Susanne Derève)


Le sommeil est silencerêve de chevaux fous nasse légèreentre deux eauxLe silence est sommeilparenthèse d’étésur les pierres chaudes où se coulerlézard furtifdans les interstices des rocheséclair fuite argentée rouge aveuglesous les paupières Au printemps les genêts y jettent des touchesde lumière les girofléesleur feu cuivré le sable des grèvesmiroite doucement sous l’eau un micaune étoile oubliée et les longs filaments mauvesdes méduses dansent dans le … Continuer de lire Le silence est sommeil – (Susanne Derève)

Insomnie – (Susanne Derève)


  Je me serrais tout contre toi tout contre ton sommeil et tes rêves me tenaient en éveil longtemps …   Je  me glissais furtivement hors du lit  pour leur faire place   et l’aube m’accueillait chargée de gris et d’ors épousant les rives basses du fleuve ,                    figée dans leur  reflet,   n’était-ce l’aile noire … Continuer de lire Insomnie – (Susanne Derève)

Jacques Borel – les images


  peinture: Arnold BÖcklin  avec la mort  violoniste   Je ne peux pas grand’chose lorsque s’abat sur moi La grande faulx noire et dorée de la mélancolie, Seulement ployer un peu plus bas l’échine, ou supplier De se taire dans la combe la plus obscure du cœur où ils se sont réfugiés Ce groupe d’aïeux qui se retournent et chuchotent Comme des soldats frissonnants sous … Continuer de lire Jacques Borel – les images

Clarice Lispector – Et alors ? J’adore voler !


Peinture:                Leopold Survage Il m’est arrivé de cacher un amour par peur de le perdre, Il m’est arrivé de perdre un amour pour l’avoir caché. Il m’est arrivé de serrer les mains de quelqu’un par peur Il m’est arrivé d’avoir peur au point de ne plus sentir mes mains Il m’est arrivé de faire sortir de ma vie … Continuer de lire Clarice Lispector – Et alors ? J’adore voler !

Je ne veux rien savoir de la pluie – (Susanne Derève)


                           Josef Sudek – Last Roses from the series ‘The Window of My Studio’     N’ouvre pas les volets laissons fuir les hivers  je ne veux  rien savoir de la pluie une pluie  ronde comme les lunes de plein été comme les dunes de Juillet une  pluie de sable au vent pluie … Continuer de lire Je ne veux rien savoir de la pluie – (Susanne Derève)

Répandre des étoiles – ( RC )


L’origine des temps se perd dans le lointain, et la nuit clignote de myriades d’étoiles, qui nourrissent les rêves. Tu as arpenté les terres nues, les chemins creux, en recueillant dans tes bras, comme tu le souhaitais, les moissons du ciel. As tu réussi à capter l’un d’entre ces astres lors de tes dérives buissonnières, qui t’emportent loin de la lourde glaise des jours ? La … Continuer de lire Répandre des étoiles – ( RC )

Chevalet triste – ( RC )


peinture: Alice Rotival – Chinghetti 2012   C’est cet endroit suspendu dans le temps qui semble se refermer dans le sommeil , où la poussière se dépose lentement et finit par tout recouvrir . L’atelier est désert depuis la mort du peintre. Il y a encore des tubes aux couleurs incertaines . Ils voisinent une palette éteinte, quelques pinceaux raides, et une ébauche qui attend … Continuer de lire Chevalet triste – ( RC )

Tristan Tzara – Le temps laisse choir de petits poucets


        le temps laisse choir de petits  poucets derrière lui il fauche les fines molécules sur les prairies  d’eau il dompte les poches d’air  traverse leur jungle il coupe le ver de  la vague et de chaque moitié s’illumine un papillon dans le volcan il se faufile le long  d’une note de violon il boucle le cours filant du verre  dans les … Continuer de lire Tristan Tzara – Le temps laisse choir de petits poucets

Alfonsina Storni – Je vais dormir (Voy a dormir)


                        Dents de fleurs, coiffe de rosée, mains d’herbe, toi ma douce nourrice, prépare les draps de terre et l’édredon sarclé de mousse. Je vais dormir, ma nourrice, berce-moi. Pose une lampe à mon chevet; une constellation, celle qui te plaît; elles sont toutes belles : baisse-la un peu. Laisse-moi seule : écoute se … Continuer de lire Alfonsina Storni – Je vais dormir (Voy a dormir)

Ezra Pound – La rose éclose pendant mon sommeil


peinture: pêcheurs en barque    Codex Skylitzès Matritensis – Et la rose éclose pendant mon sommeil, Et les cordes vibrant de musique, Capripède, les brindilles folles sous le pied ; Nous ici sur la colline, avec les oliviers Où un homme pourrait dresser sa rame, Et le bateau là-bas dans l’embouchure ; Ainsi avons-nous reposé en automne Là sous les tentures, ou mur peint en … Continuer de lire Ezra Pound – La rose éclose pendant mon sommeil

Je ne sais exactement où mon corps penche – ( RC )


dessin:  Jitka Válová   Je ne sais pas exactement où mon corps penche : et c’est sur des rives aussi lointaines que je fréquente,        solitaire, que va ma préférence les pieds décollés de la terre . C’est un univers fantastique, où je doute fort qu’on me suive : il y a les démons qu’on dérange , des corps aux formes étranges , – … Continuer de lire Je ne sais exactement où mon corps penche – ( RC )

Pendant que tu dors – ( RC )


soleil et lune: tableau de fils Huitchol ( Mexique )   – Pendant que tu dors, le jour s’ouvre comme un éventail, les légendes se concrétisent, le vent remue l’or des feuilles, déplie les fleurs sortant de leur sommeil. Chacun s’affaire et traverse l’ordre du monde. L’herbe même, a troué l’asphalte; les abeilles se chargent de pollen, les voitures suivent une destination qui doit avoir … Continuer de lire Pendant que tu dors – ( RC )

Bassam Hajjar – Ils recouvrent de blanc ton absence


Lorsque tu la quittes ses murs se rapprochent la maison qui, délaissée, trouve son âme dans un coin et devine, depuis un instant seulement, la toile d’araignée qui pend dans le familier devenu vacant. S’éloigne-t-elle maintenant ? Ou bien la fais-tu basculer dans le vide de tes yeux mouillés dans tes mains dans le grand air des lieux éloignés comme si la fenêtre derrière toi … Continuer de lire Bassam Hajjar – Ils recouvrent de blanc ton absence

Une géométrie modifiée – ( RC )


  photo:  Rodney Smith     Tu peux tirer le rideau sur le théâtre du jour, >   cela coïncide avec la géométrie des lieux : chaque chose est à sa place, dans un repère orthogonal. La plage est silencieuse, la mer grise,           d’un calme sournois. Effectivement le plancher de la maison reste parallèle à l’horizon ,            comme si … Continuer de lire Une géométrie modifiée – ( RC )

Bassam Hajjar – des maisons ( fin )


aquarelle  :  Paul Klee  –  vue  de Saint-Germain     T’éloignes-tu à présent ? Et ceux qui sont debout là-bas recouvrent-ils de blanc ton absence ?   La poussière trouve-t-elle son chemin vers toi ? Le soleil de l’hiver abîme-t-il tes vêtements ?   Pleures-tu ?   Alors ne laisse pas les pleurs changer quoi que ce soit en toi   ni le rouge dans … Continuer de lire Bassam Hajjar – des maisons ( fin )