Silvina Ocampo – Chant


      Ah rien, rien n’est à moi ! ni le ton de ma voix, ni mes mains absentes, ni mes bras lointains. J’ai tout reçu. Ah, rien, rien n’est à moi. Je suis comme les reflets d’un lac ténébreux ou l’écho des voix dans le fond d’un puits bleu après la pluie. J’ai tout reçu, comme l’eau ou le cristal qui se transforment … Continuer de lire Silvina Ocampo – Chant

Ne pas froisser l’air avec des certitudes – (Susanne Derève)


      Ne pas froisser l’air avec des certitudes Se garder immobile Pour tenter de saisir la plus infime vibration de la lumière le plus léger flottement dans l’air le froissement imperceptible d’une aile de papillon dont l’onde  se répercute et fait vaciller un pétale une corolle tremblante poudrée d’un jaune cendre d’étamines   et pas de  certitude qu’il s’agisse d’une rose     … Continuer de lire Ne pas froisser l’air avec des certitudes – (Susanne Derève)

François Montmaneix -Visage de l’eau (extraits)


      Tes mains ont la douceur de l’eau passe-les lentement sur mes yeux ce sera un silence clair où choisir parmi les pensées celles qui rentrent de la mer en lâchant au-dessus du monde un envol d’oiseaux blancs que nul ne peut toucher s’il n’a les gestes d’un enfant                 * * *   L’eau a … Continuer de lire François Montmaneix -Visage de l’eau (extraits)

Je me souviens du vent dans mes feuilles – ( RC )


Je reprends quelques paroles, d’une chanson engloutie par des années d’oubli, mais moi je me souviens du vent dans mes feuilles, car l’arbre que je suis a davantage de mémoire que celle des hommes: celles arrachées par l’automne . même si elles sont ocrées, recroquevillées, desséchées puis tombées en poussière me rappellent les hiers. Mais il n’y a pas de deuil puisque malgré l’hiver le … Continuer de lire Je me souviens du vent dans mes feuilles – ( RC )

Bassam Hajjar – Après elle, il n’y avait que la mer


peinture: Josef Sima   Elle se tenait, distraite, sur le bord du haut belvédère, et après elle, il n’y avait que la mer. Un corps chétif, qu’elle tenait dans ses bras, et après elle, il n’y avait que la mer, et des passants qui continuaient des promenades solitaires comme doivent l’être les promenades avant le couchant quand la mer est dans toutes les directions.   … Continuer de lire Bassam Hajjar – Après elle, il n’y avait que la mer

Francis Carco – Six heures


  peinture:  J S Sargent  1907   Villa Torliona   Six heures, c’est la paix des grands jardins fleuris Que la pluie a mouillés de l’odeur des lavandes, Tandis que je m’accoude à la fenêtre grande Ouverte et que, distrait et rêveur, je souris. Des prêles vaguement luisent dans l’herbe humide Où rôde la senteur fraîche des foins coupés, Les premiers. C’est le grand silence et … Continuer de lire Francis Carco – Six heures

La journée du peintre – ( RC )


peinture:           P Cézanne  —  parc  du château noir       1904 Je ne sais quand les journées s’allongent : je suis pieds et poings liés à la chanson du pinceau, et j’en oublie les heures, jusqu’à ce que je plonge dans l’oubli des choses, ainsi mon ombre me devance sur la toile ébauchée. Et chante aussi la rivière sous le pont … Continuer de lire La journée du peintre – ( RC )

Alain Paire – Soif inquiète


La terre serait soif inquiète. Il n’y aurait plus que la nuit de l’oubli, des formes sombres à peine terrestres, le silence de la lumière. Et parmi les fruits de la veille, comme une ressemblance, le sourd battement d’une âme, tout au moins le pardon de l’image, la détresse d’une main qui se blesse ou bien qui aime. (Un rossignol accueillait chaque nuit l’eau bue … Continuer de lire Alain Paire – Soif inquiète

Marchant dans le néant – ( RC )


Avec l’apprivoisement du jour, les étoiles s’enroulent dans leur tissu lointain. Tout est en suspension, et je vois bien quelques figures, qui clignotent encore : la grande et petite ourse, marchant dans le néant, piétinant les anges, avant qu’un bleu sans nuages, envahisse le ciel, et dilue le temps, qui semble avoir arrêté son mouvement, sur la page du manuscrit, avec les dessins du zodiaque … Continuer de lire Marchant dans le néant – ( RC )

René NELLI – Vivre dans les feuilles rondes


      Vivre dans les feuilles rondes membranes du soleil ou voir le monde et le silence à travers des montagnes d’ombre.   sur la place tombe encore le vent des cascades dans le marbre rient les membres de la folie sous le couvert des nuits   si je bouge un nuage secoue les chouettes étouffe les heures et passe derrière le vent   … Continuer de lire René NELLI – Vivre dans les feuilles rondes

Les feuilles mortes – (Susanne Derève)


      Je les avais regardées choir  une à une suspendues à la lumière  du soir translucides, fardées de rouge et d’or   puis chuter par brassées en longs voiles, en strates parcheminées qui crissaient sous le pas   Je ne les ai pas ramassées Le vent du Nord y suffira qui laisse  la terre dépouillée gémir aux portes de l’hiver frileuse aux bras … Continuer de lire Les feuilles mortes – (Susanne Derève)