sculpture : Magdalena Abakanowisz « solitude » 2009
Je rêve que je tourne dans le vent,
que je me torde
et que de la branche de mes mains vertes
des pommes rouges tombent à terre.
Le vent m’attire,
je suis sa prisonnière et il a enveloppé mon corps.
Il chante : « La nudité de ton corps
ressemble au clair de lune.
Jusqu’à quand veux-tu rester ma prisonnière ? »
Ô vent, ô vagabond déshonoré !
Mes fruits se sont putréfiés
dans le conflit avec toi.
Es-tu une tornade ?
Es-tu un vent empoisonné ?
Tu déchires mon corps.
Ma branche se penche à gauche à droite.
Je crie :
Mes enfants, sans tombe et sans enterrement,
disparaissent à l’assaut de ce chariot sanglant.
Ô malheur ! Ô injustice !
Mes camarades fuient ta prison
laissant leurs racines derrière eux
et leurs corps aux mains empoisonnées de l’exil.
Leurs foyers sont fragiles et sans fondements.
Ô malheur ! Ô injustice !
Mes forêts vertes, ne te suffisaient-elles pas ?
Elles brûlent dans ton feu depuis des siècles :
mes branches, mes feuillages et mes fruits.
Tu es venu et la nuit a détrôné le jour en mon âme.
Le sang de mon aimé s’est asséché sur tes mains.
Le feu du temple à cause de ton hiver
rêve du soleil sous les cendres refroidies.
Mon âme se décompose du chagrin.
Ô vent, je pousse des cris de justice !
L’amour qui couve en moi
révèle un secret.
Mes racines
Mes racines sont enterrées ici dans ma patrie.
Ô vent laisse-nous !
Tu es le vent de la terre brûlée de sahrâ.
Tu es le vent des jours passés,
des jours sans lendemains.
La terre ensemencera de nouveau ma tige.
Les branches vertes de mes mains
donneront des fruits frais.
Je survivrai ton feu.
Même seule et abandonnée,
je résisterai ton assaut
et je ne te souhaite que ta déroute,
ton effondrement et ta disparition…
Je rêve que je danse dans le vent.
Je tourne en moi et le vent me fuit
et la nuit à sa suite.
Le soleil se met à chanter dans ma forêt.
Mes fruits sont souriants et fiers dans la danse de la pluie,
mes branches frôlent la terre
et embrassent mes racines.
Je rêve que je danse dans le vent…