Julian Tuwin – pensif dans une ville étrangère

Dans ce petit café du coin,
Contre le mur frais et intime,
Très étranger, très anonyme,
Je fredonne des airs anciens.
Privé de paroles, de sons,
Du seul regard, dans le jour gris,
Un homme solitaire prie
Pour d’éternelles questions.
J’ignore demain et hier,
Là tout finit, là tout commence,
Ici et partout, tremble et danse
Une miette de l’univers.
Sortons. il n’y a pas de voie
A mon silence et à mon chant.
Pour vous, pierres, et pour toi, vent,
Je chante, homme aux abois !
Ne compte pas ce qu’il reste d’étés (Susanne Derève)

Ne compte pas ce qu’il reste d’étés
N’en resterait qu’un seul, nous saurions l’épuiser
comme le condamné convoite l’aube recluse,
l’égaré la première étoile
N’en reste qu’une trace furtive au creux des blés
un pépiement d’oiseau
la lueur du couchant sur les pierres
un ricochet sur l’eau
et pour peu que le vent le ramène au rivage
le sillage blanc d’un bateau
regagnant lentement le port ,
blanc et sonore du vol agglutiné des mouettes
Le croirait-il, celui qui tient la barre,
qu’il croise pour la dernière fois le phare
et la bouée du dernier corps-mort
Il pense juste à demain
et demain est plein de l’ombre du vent
sur la mer
et de la fraicheur des risées
du parfum d’iode
et des soubresauts de la pêche
brillante en ses filets
Demain est dans ses rets ,
et dans nos mains peut-être le dernier été
Matin (Susanne Derève)
CHUTA KIMURA, Landscape
Se réveiller heureux un matin blanc
Il y a si peu de vent
Les arbres se diluent
dans un semblant de brume
comme une estampe japonaise
un vert grisé
où vacille un halo de lumière incertaine
Un brouillard qui s’étend jusqu’aux franges
de l’être
un demain dont on ne saisirait pas le contour
dont on se dit que l’amour peut s’y glisser
peut-être ou bien s’en évader
aux premières vendanges
par la fenêtre
L’oiseau qui se pose, replie ses ailes et s’ébroue,
le sait-il, où le mèneront les transhumances
En perd-il pour autant l’insouciance
du jour
Se rendormir heureux un matin blanc
Attendre que le rideau se lève
Faire semblant
L’aube est pour demain – ( RC )
peinture: Paul Nash – We Are Making a New World, 1918
Dans un paysage lunaire,
il se trouve encore,
dans le jour qui s’éteint,
des troncs solitaires :
c’est ce qu’il reste d’arbres,
dont le tronc a été brisé,
les branches calcinées,
noires sur un fond gris,
au milieu
du désastre de la terre .
Ces troncs sont des témoins,
brisés mais restant debout,
à la façon de temples dévastés ,
aux colonnes solitaires ,
ne portant rien qu’elles-mêmes ,
absurdement dressées vers le ciel.
C’est une forêt après la tempête,
empêtrée dans l’hiver.
Mais celui-ci répond
au cycle des saisons,
et on peut distinguer,
si on s’en donne la peine ,
quelques silhouettes d’animaux ,
qui dénichent déjà
des jeunes pousses
qui prendront bientôt leur essor :
l’aube est pour demain .
–
RC – dec 2017
Viktor Kagan – je réapprendrai à parler
peinture: David Bates – Anhinga 1986
Je réapprendrai à parler .
Mais pour l’instant je commence ma vie à zéro,
ne me permettant pas encore de savoir
que je vais marcher, parler, rire
comme je le faisais hier et le jour d’avant
et toujours, mais sachant seulement que demain sera différent.
Laisse moi être…
Mais si vous pouvez simplement
vous asseoir à côté de moi et m’écouter
re germant de moi-même,
à une larme roulant sur ma joue,
à mon ombre mesurant le temps
comme si je ressortais de moi-même –
simplement ne rien dire et écouter –
alors s’il vous plaît restez.
–
I shall learn to talk again.
But for now I begin my life from scratch,
not yet allowing myself to know
that I will walk, talk, laugh
as yesterday and the day before
and always, but knowing only that tomorrow will be different.
Leave me be…
But if you can simply sit next to me and listen
to me sprouting from myself,
to a tear rolling down my cheek,
to my shadow measuring time as I grow out of myself —
simply saying nothing and listening —
then please stay.
Penthi Holappa – La prochaine fois que je viendrai au monde
La prochaine fois que je viendrai au monde
ici je transcrirai chaque minute dès le début.
Je n’en consommerai pas une seule sans réfléchir d’abord,
et le cas échéant j’arrêterai le temps
afin qu’il attende ma décision.
Je choisirai les jours de calme, le travail,
les nuits ardentes,
les proches les plus sages,
mes amours les plus belles et les plus fidèles.
Avant la scène de l’amour, pendant et après,
ni mon partenaire ni moi-même ne devrons nous sentir
étrangers.
Jamais, si la vie dépérit et avec elle toutes les choses,
je ne me dirai que demain il sera trop tard.
Gilles Vigneault – Paysage
photo DL Ennis
La lune a posé sur la plaine
L’argent d’un verglas sans pareil
À rappeler la porcelaine
D’une mer où dort le soleil.
Ah! Que la neige était plus belle
Aux saisons dont je cherche encor
La mystérieuse escabelle
Qui manque au coeur de ce décor
Pour que le jeu se recommence
Avec le splendide attirail
Du pays à la neige immense
Où la fenêtre était vitrail.
Ah! Que la neige était plus blanche
Et plus mélancolique aussi
Sa calme et paisible avalanche
D’un ciel au jour mal obscurci…
La lune a posé sur ma peine
L’éclat de son calme glacé.
Mon enfance ne fut pas vaine.
Voici déjà demain passé…
Gilles Vigneault
Puits de la mémoire – ( RC )
–
Voila que je me penche
Sur le bord de ce qui entaille
La mémoire.
Ici le soleil ne se reflète pas,
Car le miroir des eaux,
Est si loin de la surface,
Que même se perdent les traces,
De notre enfance, de nos premiers pas.
– L’envers de notre destin.
J’ai beau tester la distance,
En lançant quelque objet,
Le bruit de l’impact s’absente,
Comme si le temps même
Se perdait dans l’écart
Des défaites de la conscience.
Me penchant au-dessus
De ce puits de mémoire,
Que rien n’éclaire,
Et dont je ne peux percevoir que la nuit,
….. Aux rives de l’oubli,
Elle prend possession de tout .
– Il faut que j’invente le jour, et
La matière dont je serai fait, peut-être
Demain.
–
RC- 8 novembre 2013
–
avec une citation qui rejoint le sens du texte ci-dessus;
« Ce n’est pas tout de naître, il faut encore naître une seconde fois à soi-même et au monde »——— Le ravissement : in Le cantique des cantiques
–
Ciels amnésiques – ( RC )
photo nb provenance flickR auteur inconnu
–
–
–
Quel regard oubliera
les ciels amnésiques
oublieux des brillances
Et du partage de la lumière ?
Quel cœur ne regretterait pas l’émotion de la palette délaissée
D’ un peintre au baroque monochrome
Qui n’aurait de symphonie
Qu’un gris ayant éteint toutes les couleurs
En dehors des saisons,
En dehors d’un avenir de lumière et fulgurance
Si aujourd’hui est semblable à demain…?
Comment continuer, à clore les yeux et l’âme
Sans l’exhaltation des possibles
Qui portent ce pas et le suivant *
La nuit juste avant la clairière
Vers de meilleurs lendemains?
RC 8 juin 2012
* ( ce pas et le suivant, est la titre d’un ouvrage de Pierre Bergounioux).
– sur l’incitation du regard sur l’automne, de H Soris-
–
Marie Hurtrel, dont je viens de visiter les écrits, , nous communique un de ses textes, qui présente quelques affintés…
L’ivre livre
Il y avait trois mots qui voulaient se perdre
entre un ciel inutile
et la terre roulant ses étreintes
Comme revient une hirondelle
quand le vent se lève sur l’horizon
c’est parce que j’ai vu tes sommets sous les nuages
que son vol couche la saison
Et dans le lit des doutes se relie la route
près de là-bas
par ce sol qui m’enterre à m’attendre
la route au désert
et la source entre ses pages
c’est un livre qui attend
D’une terre un ancrage
il y a demain de là
une ode rouge entre les veines
et mon sang sans arrimage
au silence recompose la voie
–
© Marie Hurtrel
Une Réponse
Blanche ( revue petite )
–
J’ai vécu, Blanche, dans la fascination
des choses simples
(dans le transport
des nuages et des feuilles,
de. Peau repliée, sur l’amande de la
soif.)
J’ai mesuré le néant
dans l’absence
où l’ombre devient chair.
Tout ce temps dans mon dos
me pousse vers demain,
ma tête bleuie
sur l’épaule du jour.
–
—
Songe en tourbillons ( RC )

Sculptures – Marina Abakanowicz – Chicago
–
Songe en tourbillons,
Comment extirper de sa gorge
La brûlure du chagrin,
Et parcourir on le sait,
Seul encore,
La traversée du désert,
Où rien n’est dit de demain..
Il est une bouche béante
Qui boit la conscience
Et qui nous questionne
Nous dit
Que la joie s’est éteinte
Que le chemin n’est plus là
Et qu’on s’est perdu
Au milieu de nulle part.
On ne reconnait plus
Dans les humains
Que des statues debout
Sans regard, ombres
Marchant, courbées
Vers leur destin.
Ils semblent savoir
Où portent leur pas
Peut-être suivent,
Ou cherchent , leur étoile.
Moi je n’en ai pas,
Et je reste , immobile
Dans le temps arrêté.
–
RC – 18 janvier 2013
–
Quai – douleur- Je ( RC )
–
Je, ( lui ), n’attends rien
Sur le quai d’une gare
Une valise triste
Un voyage de peut-être.
Je , un ciel obscurci
posé sur les épaules
Le manteau offert aux assauts du vent
L’intime et l’étranger
Je, en pensées
Futur en douleurs
Se projette demain
Le train qui portera, loin
Je, le petit jour
L’estomac noué
Vers un inconnu,
aux routes d’exil.
–
RC – 20 septemre 2012
–
Un pied devant l’autre ( RC )
J’ai oublié les charlatans,
les acharnés, les magiciens, mécaniciens et les fortiches
Remisé les clefs.
Peut-être perdues, qui sait ?
Et fait qui , d’un grand voyage, sur un fil suspendu
Et sans assurance
En laissant sur place, les vieux objets et bateaux rouillés
Autres que ma confiance,
Si tout se déglingue et moisit,
Je mets un pied devant l’autre
Et c’est le vide dessous qui me sourit,
Je n’ai plus soif
L »amour rajeunit,
Tout va venir,
Et l’aube encore,
Et demain,
Sera dans mes bras.
RC – 18 juillet 2012
Poussières en gravité – (RC)
–
Peu de chose
Juste tourneboulé, sans gravité
Sens de la gravité,
Grave , et tes
Bras, tête, tout çà
Avoir la tête dans
En désordre, se retrouver
Reconstruire, et rire…
Laisser, coeur, poussière – s
En gravité, étoiles
Poussières d’étoiles
Etoiles poussives
Trajectoires en sac
En l’espace courbe
De l’espace
On se cherche-on se trouve
Centripète- centrifuge
Centrifugeuse
Tout comme – refuge
On est « tout chose »
Et ce quelque chose,
La petite étoile du matin
…. – c ‘est avec elle,
Que j’emmène demain…
–
RC Mars 2011, modifié 26 avril 2012
–
Si le bonheur et dans l’après (RC)
–
Si le bonheur et dans l’après
En médecine avec stéthoscope
Ce que nous dit l’horoscope
C’est toujours , de se tenir prêts
A sauter dans les étoiles
Choisir son thème astral
Pour jongler sur le banal
Et puis mettre les voiles
C’est ainsi, à mille lieues
Toujours aller voir là-bas
Et vivants dans l’au-delà
Pour parler au bon Dieu
D’une mort annoncée
L’extinction des feux
Ce qui n’est pas peu
Si l’heure est avancée
Faut pas rêver d’hier
Mais viser l’avenir
Pour toi qui veux en finir
A genoux et en prières
Les vitraux en couleurs
Sentence et grand décret
Bonheur promis dans l’après
Et finies, les douleurs !
D’angoisses et de sueurs
Et les peines de coeur !
Même sous le couperet
Si t’as ton chapelet…
Cà peut toujours servir
Tout en ordre , avant de partir
Après, … mais c’est demain
Nous irons cotoyer les saints.
–
RC 1er Avril 2012
–
Jean-Jacques Dorio LUNE À PARTIR
Jean-Jacques Dorio, publie sur son blog, quantité d’écrits, dont il m’a autorisé à faire écho ici, dans le mien
Voici une de ses nombreuses publications, datant de janvier 2008
LUNE À PARTIR
Je ne dis pas grand chose ce soir
Des paroles éparpillées
Je dis que j’ai oublié ce que j’avais à dire
Et que la lune à travers mon petit carreau
Me regarde
À l’ouest de ma mémoire
Je ne sais ce qu’elle me veut la lune
Elle doit savoir que je suis entrain de me demander
Pourquoi y a-t-il une lune?
N’empêche
Du pas-grand-chose à dire
On a fait cette maille de mots
À partir peut-être
Puisqu’il s’agit de partager…
le soir qui est déjà la nuit
la mémoire les paroles éparpillées le rien à dire
et cette lune qui reviendra demain
poursuivre ses mille et un récits
Arthémisia…… L’image

Tu marches lentement, poussant du pied le sable
En gerbes fleurissant des paillettes effaçables.
Je te revois encore, riant avec les mouettes,
En écartant les bras pour cueillir le vent,
Laissant sur ta peau nue courir imparfaite
La pensée d’un amour avec moi estivant.
Je te revois encore courbé vers la marre
Scrutant le coquillage, des marées, survivant,
Et cherchant à point d’heure, accroché sous le phare,
La lumière d’argent venue de mon levant.
Je te revois géant haranguant les dieux mêmes,
Tourné vers l’horizon, et vomissant tes flancs,
Hurlant au ciel, aux flots, les mots de ton poème,
Toujours lourd et tendu…époustouflant.
Je te revois ce soir, au seuil de mon rêve.
Où seras tu demain ? Peut être encore ici ?
Tu vis et tu dessines en mon ventre un lacis
Que la mer sans détours ramène sur ma grève.
Je te revois jamais et toujours et encore,
Construisant la demeure où j’habite à plein temps,
Je cours après les jours arrogants de la mort,
Et je cours après toi, l’image de mon néant.
Copyright © Arthémisia – Juin 2008
Avec : Nicolas de STAËL – Tempête
Très beau poème pour cette symphonie en gris .