Roland Reutenauer – Ratissant tous les soirs son intime lopin


photo Philippe Jacquot Un jour on voyagera dans l’herbeautour de chapelles totalement historiquesécoutant des chorals de Bach des chosesvivifiantesindéchiffré le monde sera il aura plu acidementdans les philosophies théologies cosmogoniesles poètes auront sucé la pulpe des motssavouré les pépins amerson aura dit je reviens à la surfaceet j’y reste On peut s’asseoir sur l’idée qu’on se fait de soi-mêmeet s’y trouver mieux que sur un … Continuer de lire Roland Reutenauer – Ratissant tous les soirs son intime lopin

Chair de bitume – ( RC )


La pâte ,chair de bitume,lave solidifiée, la routesous le feu de l’été liquéfiée.Toi tu étales, moi je racle,mais rien ne s’en vasinon quelques graviersrebelles.Pieds englués. La pâte toujours,chair de peinture,poussée par la brosse,sera peut-être un jourlumière,un visage, un regard. Elle maintient le nôtreprisonnier,avec des caprices de geste,figés.Quelques poils de pinceaucollés, rebelles.Ils pourraient être nôtresces poils, sitôt enlisésdans le silence. Monochrome.Noir de bitume.Racles plus fort !et … Continuer de lire Chair de bitume – ( RC )

Journal d’un voyage, quand je tourne les pages – ( RC )


photo Virginie Gautier Journal d’un voyage,des deux pieds dans le sable – ,( mais le soleil n’est pas le même quand je tourne la page ):je ne suis plus capabled’en faire un poème, parce que je ne suis plus làpour te raconter le vent tièdeprécédant l’orage : deux mois ont passé déjà …….Non, ce n’est pas de Suèdeque je rapporte les images… imagine plutôt la … Continuer de lire Journal d’un voyage, quand je tourne les pages – ( RC )

As-tu amarré ta folie aux petits matins du monde – (Susanne Derève) –


As-tu amarré ta folie aux petits matins du monde, nommant dans ta fièvre fredaines, égarements ta muse émue, et cette sourde musique de l’hiver loin très loin sous terre où se danse la ronde, sous la longe enfouie des prairies enneigées, les prairies basses, la vie d’avant naissance. Fouille, fouine, sourde est la vie, le long repos des spores un membre inerte, enchaîné au gel … Continuer de lire As-tu amarré ta folie aux petits matins du monde – (Susanne Derève) –

Dominique Le Buhan – l’histoire continue des saisons


peinture Arkhip Kuindzhi Le gris du jour, de la nuit le clair-obscurs’unissent en l’histoire continue des saisons :au revers de l’action, c’est être patienceque d’éprouver des heures durant leur cours :c’est attendre de l’objet l’ombre au soleil,savoir qu’à ce moment la chair aura l’éclat —c’est espérer de la flamme la crue des couleursliées à des textures perçues sans les toucher. Ce feu sécrète en nous … Continuer de lire Dominique Le Buhan – l’histoire continue des saisons

Tableau d’anatomie comparée – ( RC )


collage Frederick Sommer Férus d’anatomie,complétez votre tableau,en disposant comme icides éléments fleuristout à votre avantage :on découpera le cerveaupour faire plus joli,quelques glandes accessoiresà l’aspect mat. Epinglées avec habiletédans votre collage,pouvant s’exposersur un fond noir :couleurs délicatesavec dominante nacrée :d’autres paraîtront bien plus bellesque les morceauxencore tout chaudset les autres organesdont on ne détectera pas la panne. Ces éléments non identifiés –sont maintenant à l’état … Continuer de lire Tableau d’anatomie comparée – ( RC )

Louis Guillaume – Causse noir


photo RC causse lozérien J’erre dans un pays dont j’ai perdu la carteJe ne sais plus l’endroit des puits.Des ravins me font signe où la source est tarieOù sont morts les feux, des bergers. Quand je trouve un sentier mon pas soudaintrébucheEt le roc sous moi s’amollit.De nouveau c’est la plaine à l’horizon colléeL’étendue morne et sans mirages.Pousserai-je le cri qui refera surgirDes logis, des … Continuer de lire Louis Guillaume – Causse noir

Anna Milani – L’oiseau a fait son nid dans un chant


oiseau-collage – travail d’élève de 6è L’oiseau a fait son nid dans un chant. Il répète la mélodie sans cesse, jusqu’à n’être plus, lui-même, qu’une variation sur le thème. Une phrase immense, plus vaste que ses poumons, l’enveloppe et le disperse. Il est le seul gardien de cette liturgie de l’air, qui compose le silence avec les sons nécessaires: nécessaires pour remettre le ciel en … Continuer de lire Anna Milani – L’oiseau a fait son nid dans un chant

Pablo Neruda – Le potier –


Ton corps entier possède la coupe ou la douceur qui me sont destinées. Quand je lève la main je trouve en chaque endroit une colombe qui me cherchait, comme si, mon amour, d’argile on t’avait faite pour mes mains de potier. Tes genoux, tes seins et tes hanches me manquent comme au creux d une terre assoiffée d’où l’on a détaché une forme, et ensemble … Continuer de lire Pablo Neruda – Le potier –

Troncs d’arbres fossiles – ( RC )


Forêt pétrifiée de Varna Vieilles âmes habillées de bois,parcourir cette forêt morte,cette terre inondée,branches tombées, entremêléescorps agonisants dans la litièreépaisse des mousses,linceul de feuilles pourrissantes…troués par le tempsdebout encore , cependant. Les oiseaux ont déserté les cieuxpour des pays plus accueillants.Restent les rudiments de ces arbres,fantômes, fuseaux d’écaillestémoins immobiles d’antan,d’où a reflué la sève,aubier poisseux de sédiments, petit à petit asphyxiés,imperceptiblementtransmutés en pierre,désastre de colonnes … Continuer de lire Troncs d’arbres fossiles – ( RC )

Qui serais-tu ? – ( Susanne Derève) –


Qui serais-tu, si dans tes cheveux le vent tressait soudain des fils invisibles, si le vent taquin sous ta jupe effleurait le creux de tes cuisses de son souffle léger, à l’endroit où la chair tressaille du désir d’être aimée. Qui serais-tu si le soleil imprimait sur ta peau sa morsure brûlante en un baiser sensuel, si soudain délivrée de tes voiles tu abandonnais à … Continuer de lire Qui serais-tu ? – ( Susanne Derève) –

Francis Blanche – j’ai rêvé ma vie


photo Boris Wilensky J‘ai rêvé ma vieles yeux grands ouvertsme suis réveilléquand c’était l’hiver La neige était làle ciel était grisle vent était froidje n’ai pas compris Mes beaux soirs d’avrilque j’avais rêvésoù donc étaient ilsj’en aurais pleuré Faites-moi plaisircommence sans moilaissez-moi dormir …. j’étais fait pour ça… Continuer de lire Francis Blanche – j’ai rêvé ma vie

Hamid Skif – Mon escale, ma solitude –


Mon escale, ma solitude Tes yeux miroir de la mer Je suis seul sur la rive Vingt mille ans pour parcourir L’âge de ta joie Et les cheveux déjà blancs Pour n’avoir pu oublier Les premières gorgées de ton corps. Lueurs sur la jetée humide Le port renifle les étrangers Mal vêtus Chaque seconde tremble Dans mon cœur Ici les feuilles clapotent contre les quais … Continuer de lire Hamid Skif – Mon escale, ma solitude –

Ne cherche pas à m’appeler, je suis déjà ailleurs… – ( RC )


photo R Koudelka Dans les courbes de la nuit se cachent les penséesles plus secrètes, là où je ne peux avoir accès,car les lendemains ne connaissent pas de parole :celles ci ne sont pas nées et le discours reste bouche bée,n’émettant que des sons muets.Si j’écris le chant, chacun y lit sa propre histoire,les raisons de croire, et les chemins où ils s’égarent,alors que déjà les … Continuer de lire Ne cherche pas à m’appeler, je suis déjà ailleurs… – ( RC )

Marie Murski – le matin jupe claire


peinture Marsden Hartley – ( Song of Winter Series), 1908 Le matin jupe clairedans la rondeur des chancesun raccourci pour prendre l’heurela relève des guetteurs. M’aime-t-on dans les sous-boisdans les rivièresau creux des bras perdusdérivant vers le lieu du berceauaccroché à l’étoile morte ? Obstacleroulis des murs sans joiele soir passeun couteau sur la hanche. Qui donc s’envole ainsiEmporte le bleu et le blancEt désole mon … Continuer de lire Marie Murski – le matin jupe claire

le jardin de mon poème – ( RC )


peinture Otto Müller Reconnaîtrais-tu ce jardin,maintenant abandonné, laissé à lui-mêmealors que débordent les branchesdu saule, que tu as connujeune encore, devant la maison? Les heures de l’hiverviendront tuer les fleurs, arracher les feuilles du chêne encore debout,mais tu reconnaîtras le jardin de mon poème,auquel subsistent quelques vers… Continuer de lire le jardin de mon poème – ( RC )

Clara Ness – La parade sauvage ( juin – nouveau carnet )


montage RC Aussitôt que je me remets à écrire, je pense à Luiz, j’ai quelque chose à régler avec lui par (écriture, une vengeance, un sentiment très vilain, très violent ) , je veux toujours me mesurer à sa médiocrité , mais aussi à son intuition, je sais que je le cherche Quelque part dans les mots, comme si j’espérais qu‘ainsi il réapparaisse. «Toujours tel … Continuer de lire Clara Ness – La parade sauvage ( juin – nouveau carnet )

Pour compléter la playlist – ( RC )


Tout commence en ouvrant les dossiers.Je cherche de la musique,pour compléter la playlist.Je trouve des trucs pour la soirée. Faut c’qui faut… Cocktails en tout genre,boules de lumièrefauteuils profonds, rideaux de veloursambiance soft, affiches de cinéma,cadres à l’ancienne sans photos d’ancêtres… ça commence bien,ça déménage et monte en puissance…batterie, solos de guitare, le chat rayé qui détale,une bouteille renversée, un verre cassé, la tache sur … Continuer de lire Pour compléter la playlist – ( RC )

Philippe Delerm – Quand on est dedans, elle est bonne !


photo RC – Bretagne – environs Meneham ( extrait final du texte de Ph Delerm ) Quand on est dedans, elle est bonne ! De louables intentions sont à l’origine de ce jugement qui ressemble beaucoup à une exhortation.Vous allez voir, c’est pour votre bien, juste un petit moment désagréable à traverser, et puis vous connaîtrez la même satisfaction que moi.C’est là peut-être que la … Continuer de lire Philippe Delerm – Quand on est dedans, elle est bonne !

Sandro Penna – Lune de Décembre –


Elle est si belle cette lune de décembre, Calme, elle regarde l’année s’éteindre. Pendant que dans la plaine les trains s’essoufflent, elle seule sourit à ces feux si étranges. Come è bella la luna di dicembre che garda calma tramontare l’anno. Mentre i treni si affanano si affanano a quei fuochi stranissimi ella soride. Poésie/Poèmes (1973) Traduit de l’italien par Pierre Lepori Editions d’en bas Continuer de lire Sandro Penna – Lune de Décembre –

Yehuda Amichai – ton corps a gardé sa chaleur pendant longtemps


Montage Viki Olner Les cheveux étaient les derniers à sécher.Quand nous étions déjà loin de la mer, quand les mots et le sel, qui s’étaient mêlés sur nous, se séparèrent les uns des autres avec un soupir,et que ton corps ne montraitplus les signes d’une terrible ancienneté.Et en vain nous avions oublié quelques choses sur la plage,afin d’avoir une excuse pour revenir. Nous ne sommes … Continuer de lire Yehuda Amichai – ton corps a gardé sa chaleur pendant longtemps

Colombes – (Susanne Derève) –


Laisse une porte entr’ouverte sur le passé là où ma voix se brise je veux encore chanter J’ai remisé au grenier les lits les draps les vêtements d’enfants les mols édredons de percale les colombes ont pris leur envol oiseaux des terres lointaines cygnes cigognes aigrettes blanches leurs plumes ont l’étincelante pâleur des avalanches et leur voyage l’aridité des terres brûlées extrait de : Suite … Continuer de lire Colombes – (Susanne Derève) –

Les clés – ( RC )


montage RC Tout ce que j’ai connus’est diluétout au long des années:ma maison n’est plus ;– j’ai pourtant le double des clés,mais qui ne servent plus à rentrer :de tout le trousseau, j’en ai fait un collieraux formes tourmentéesqui pèse sur mon coucomme une boîte de clous ,mais je les garde quand même :les jeter me ferait de la peine :on ne sait jamais, si … Continuer de lire Les clés – ( RC )

Alejandro Oliveros – cartes


Nous sommes des habitantssans rues ni places.Les frontières de cette terrene correspondent pasà nos cartes.Les montagnes sont plus froidesmais moins hautes ;les fleuves plus paisibles,sans boas ni piranhas ;il y a bien des plaines,mais sans sécheresses mortelles,et les mers sont bleues,mais sans raisins sur les rameaux.On ne nous trouvera passur ces cartes ;sur la rose des vents,aucune fenêtre.Nos rivagesse sont perdus, et avec euxnotre nordet … Continuer de lire Alejandro Oliveros – cartes

Dévêtue d’un temps trop lourd – ( RC )


peinture Gaston Bussière – ( l’anneau des Niebelungen)–la Révélation, Brünnhilde découvrant Siegmund et Sieglinde, 1894 En plongeant dans la rivièrepour aller chercher l’anneau d’orque tu avais perdu,j’ai trouvé la marque de tes mains.Elles avaient modelé les pierreslorsque tu t’es dévêtued’un temps trop lourd,avant de t’envolerlégèreau-dessus de la terrepour y rejoindre les constellationsdont même la scienceignorait l’existence…. Continuer de lire Dévêtue d’un temps trop lourd – ( RC )

Herberto Helder – Les menstrues –


Les menstrues quand sur la ville soufflait cet air. Les jeunes filles respirant, mangeant des figues – et les menstrues quand sur la ville filait le temps à travers les airs. C’étaient des œillets dans la neige. Les jeunes filles riaient, criaient – et les figuiers insufflaient les figues, de leurs poumons d’éponge blanche. Et les jeunes filles mangeaient des œillets dans l’air. Et elles … Continuer de lire Herberto Helder – Les menstrues –

Au-delà des fenêtres – ( RC )


Peinture Andrew Wyeth Personne ne convoite l’hiver.Lui se cantonne sous tes fenêtres,et ton royaume est étanche. Il y a de ces frontièresqui dépassent les saisons,amidonnées de givre et de silence. Il faudra bien cependant un joursortir de ta bullepour affronter l’avenir. L’enfance s’est rétrécie toute seule,et tu l’a perdue de vue,pourtant tu n’as pas froid Car insensiblement tout s’est transformé,et la vie, dans son royaume … Continuer de lire Au-delà des fenêtres – ( RC )

Aytekin Karaçoban – Pourquoi –


Pourquoi Pourquoi mon désir s’accroit-il, juste au moment de tailler la vigne, d’apprendre au temps de t’écrire, de déployer un chemin de rêves sous ses pieds pour qu’il apprenne aussi à ne pas se contenter seulement de sa science de traverser le réel ? Pourquoi pas, par exemple, juste au moment où je glisse ma voiture entre deux lignes dans le parking ou bien au moment où je saisis … Continuer de lire Aytekin Karaçoban – Pourquoi –

Antonio Gamoneda – Je parle avec ma mère


photo Jock ( flickr) Maman : tu es maintenant silencieusecomme l’habit de qui nous a quittés.Je fixe le bord blanc de tes paupièreset je ne peux penser. Maman : je veux tout oublierau fond d’une respiration qui chante.Passe-moi tes grandes mains sur la nuquetous les jours pour quene revienne pasla solitude. Je sais que sur chaque visageon voit le monde. Ne va plus chercher sur … Continuer de lire Antonio Gamoneda – Je parle avec ma mère