peinture: Filippo de Pisis – nat morte avec bouteille et sac
Toutes les modifications, même minimes :
un bouquet de fleurs sur la table, un nouveau
livre qui traîne, un cadre qui a changé de mur.
L’état des lieux, du ménage – ta maison.
Chaque détail me touche, m’agrippe et
dévoile le fait que je suis pas là depuis un bout.
Ça agrandit la vérité que je sais déjà :
je ne fais plus partie du décor. Tout fait
de moi quelqu’un qui passe.
À présent ma marque s’efface : boucles
d’oreilles près du miroir, chandail accroché
derrière la porte, élastique à cheveux à terre,
un de mes tupperwares dans l’armoire à tupperwares.
Toute la précarité de notre relation me fait chérir ce que je vois et sur lequel ma présence n’a pas eu d’effet :
les vêtements dans la malle à linge, les courges déposées sur le rebord de la fenêtre,
un nouveau dessin d’enfant à côté du téléphone,
un rendez-vous qui m’est complètement inconnu sur le calendrier.
Tout ça me pince, cette douleur d’être exclue des petites choses, de pas m’inscrire dans l’ordinaire de chaque jour.