Miguel Angel Asturias – marimba chez les indiens

La marimba pond ses œufs dans les astres…
Oh la la, quel caquet
pour un œuf que tu ponds !
Eh, venez donc le pondre !
La marimba pond des œufs dans les astres…
Le soleil est son coq, il la coche, il la saigne.
La marimba pond des œufs dans les astres.
Oh la la, quel caquet
pour un œuf que tu ponds !
Eh, venez donc le pondre !
Dans les calebasses au trou noir de noix de coco
et aux membranes de tripes tendues il y a des
sanglots de mouches,
de poissons-mouches, d’oiseaux-mouches…
Et le charivari de la perruche verte
et le crépitement de l’oiseau jaune en flammes,
et le vol tournoyant du guêpier bleu de ciel,
et les quatre cents cris du moqueur d’Amérique.
Le moqueur a sifflé, le guêpier a volé
l’oiseau jaune a flambé, la perruche a crié.
Oh la la, quel caquet
pour un œuf que tu ponds !
Eh, venez donc le pondre !
Musique entre les dents et la peur endormie,
jetée par des hommes de pierre-foudre vêtus de blanc,
qui du haut du soleil tendent leur bras de feu
et leurs doigts armés de baguettes brûlées aux longs
cheveux de caoutchouc
qui frappent la face sonore du clavier à peine soutenue
par les fils de quatre couleurs
en bariolant les airs : vert, rouge, jaune, bleu….
Son-roulement de pluie des tissages célestes !
Son-roulement de pluie de la ruche du monde !
Son-roulement de pluie de la sueur des humains !
Son-roulement de pluie du pelage du tigre !
Son-roulement de pluie de la robe de plumes !
Son-roulement de pluie des robes de mais !
J’attendrai que la lune se lève au-dessus du pont rouge – ( RC )

Est-il vrai que les gouttes de rosée
tombent des yeux de la nuit ? *
Alors j’attendrai que la lune se lève
au-dessus du pont rouge
et qu’elle me sourie,
flottant dans le reflet de la rivière,
alors que les feuilles s’enfuient
pour emprunter ton âme aux nuages…
*(deux vers empruntés à Rabindranath Tagore )
variation sur texte de
Lambert Savigneux
Si tu me demandes où je veux être
Avec toi sous la Lune
Je t’attends sur le pont rouge
Une larme a coulé de la Lune
Le pont rouge est une bouche
Veut-il manger la Lune ?
Sous les arches il y a une barque
L’eau et les fleurs et ton sourire
La lumière de la Lune
Inonde sur la rivière
sur le vieux pont
Nous regardons les feuilles passer.
De poésie et d’eau fraiche – (Susanne Derève)

.
De poésie d’eau fraiche
et d’une tache sur le mur peinte
aux couleurs du jour
– de rouge automne –
on vivait
là où le soleil nous débusquait parfois
au coin d’une table de bois
oublieux des heures
mariant les rimes
soudain pressés de nous frotter
à la douce chaleur de midi,
à sa tiède torpeur sur la peau
et de les remettre à plus tard
de se faire chantre de la nuit
car le soleil griot du jour
se passait bien des mots
.
Poèmes du Gévaudan – IV (Susanne Derève)

Les feuilles du marronnier vibrent du rouge
d’une fin d’été lie de vin au soleil
effaçant les cuivres de l’ombre
Elles s’effritent sous le doigt
craquent et s’envolent au vent léger
Sur le tronc, coquille vide, un escargot
si lent que le temps l’a figé,
et le bois mort au pied de l’arbre
qu’on ne ramasse pas
qu’on ramassera peut-être
si les mots ne viennent pas
et pour peu qu’ils viennent
ils diront la douce langueur du sommeil
la sueur étoilée des paupières
le timbre d’argent de la lumière
entre les volets clos
son lent chemin jusqu’à l’éveil
et le café qu’on prend au lait au lit
ou bien dehors près de la treille
aux raisins verts et de l’amphore
abandonnée aux herbes folles
d’où naissent les mots incertains
le doux murmure des paroles
sur la joue tendre du matin
Couleur – Susanne Derève

Max Ernst – La naissance de Vénus
J’ai jeté une couleur sur la toile
puis une autre
rouge
bleue
en émerge un violet profond
et dans le soudain rayon qui l’éclaire
quelque chose de toi
un jaune ardent
un soleil pâle
un gris de faille au fond des yeux
comme un tendre passe-muraille
Robert Vigneau – la vigne
Au blé, accordez les plaines,
Il vous apporte le pain.
Offrez l’ombre des fontaines
Aux légumes des jardins.
À moi, la part indigente
Dont personne ne voudra :
Le gravier brûlé des pentes,
Le roc sec, le sable ingrat.
Je m’y nourrirai du ciel.
Mes vins garderont vivants
Le rouge, l’or des soleils
Et les ivresses du vent.
J’élèverai dans ma sève
L’alcool aveugle : il conduit
Les extases — et vos rêves
Vers enfer ou paradis.
Qu’ai-je besoin de la terre?
Racinée dans le divin,
Je fleuris par la prière
À la bouche du devin.
Noé s’endort en famille
Dans mes berceaux de sarments
Et Dionysos dans mes vrilles
S’enroule éternellement.
Mon raisin, Messie des anges,
Vous verse à boire les cieux
Par le jus de ma vendange
Devenu le sang de Dieu.
Jacques Prévert – le sang
peinture V V Gogh – les champs rouges
—
Complainte de Vincent ! A Paul Éluard
Arles où roule le Rhône
Dans l’atroce lumière de midi
Un homme de phosphore et de sang
Pousse une obsédante plainte
Comme une femme qui fait son enfant
Et le linge devient rouge
Et l’homme s’enfuit en hurlant
Pourchassé par le soleil
Un soleil d’un jaune strident
Au bordel tout près du Rhône
L’homme arrive comme un roi mage .
Avec son absurde présent
Il a le regard bleu et doux
Le vrai regard lucide et fou
De ceux qui donnent tout à la vie
De ceux qui ne sont pas jaloux
Et montre à la pauvre enfant
Son oreille couchée dans le linge
Et elle pleure sans rien comprendre
Songeant à de tristes présages
Et regarde sans oser le prendre
L’affreux et tendre coquillage
Où les plaintes de l’amour mort
Et les voix inhumaines de l’art
Se mêlent aux murmures de la mer
Et vont mourir sur le carrelage
Dans la chambre où l’édredon rouge
D’un rouge soudain éclatant
Mélange ce rouge si rouge
Au sang bien plus rouge encore
De Vincent à demi mort
Et sage comme l’image même
e la misère et de l’amour
L’enfant nue toute seule sans âge
Regarde le pauvre Vincent
Foudroyé par son propre orage
Qui s’écroule sur le carreau
Couché dans son plus beau tableau
Et l’orage s’en va calmé indifférent
En roulant devant lui ses grands tonneaux de sang
L’éblouissant orage du génie de Vincent
Et Vincent reste là dormant rêvant râlant
Et le soleil au-dessus du bordel
Comme une orange folle dans un désert sans nom
Le soleil sur Arles
En hurlant tourne en rond.
Jacques PRÉVERT « Paroles »
le mouvement,même, contre l’inertie des choses – ( RC )
photo: Andrew John
C’est comme une couleur intense
arrachée au mur.
Un mur brun de pierre,
posé à même le sol, rugueux,
et il y a cette forme rouge …
Souple, elle coule, légère…
elle ne s’accroche à rien,
soulevée par le vent ,
à la façon d’une flamme,
que seul le regard peut saisir … ( ! ) .
Elle se gorge d’une lumière,
que la rocaille refuse ,
et suit la silhouette d’une danseuse ;
le mouvement même ,
contre l’inertie lourde des choses…
–
RC – aout 2018
Herberto Helder – Maudit soit celui qui a jeté la pomme dans l’autre monde
peinture: Marc Chagall: N’importe ou hors du monde
S’il y avait des escaliers sur la terre et des anneaux dans le ciel
Je gravirais les escaliers et aux anneaux, je me pendrais
Dans le ciel je pourrais tisser un nuage noir
et qu’il neige, qu’il pleuve et qu’il y ait de la lumière sur les montagnes
et qu’à la porte de mon amour l’or s’accumule
J’ai embrassé une bouche rouge et ma bouche s’est teintée
J’ai porté un mouchoir à ma bouche et le mouchoir a rougi
Je suis allé le laver à la rivière et la rivière est devenue rouge
Et la frange de la mer, et le milieu de la mer
Et rouges les ailes de l’aigle
Descendu boire
Et la moitié du soleil et la lune entière sont devenues rouges
Maudit soit celui qui a jeté la pomme dans l’autre monde
Une pomme, une mantille d’or et une épée d’argent
Les garçons ont couru après l’épée d’argent
Et les filles ont couru après de la mantille d’or
Et les enfants ont couru, ont couru après la pomme.
Les bandits de la fraise – ( RC )
Si tu vois une bande de voleurs
traverser la nuit,
avec des masques de Zorro,
et leurs sourires sournois,
tu les verras ramper
sous les clôtures,
à travers les buissons,
certains se traînant,
rampant jusqu’à leurs victimes,
mordant dans les baies mûres
et la couleur rouge.
On verra le jus dégoulinant du menton,
si la lumière met leur crime à jour,
des fruits encore plein la bouche,
avant de les voir s’enfuir , satisfaits,
une fois le carnage accompli.
–
libre transcription d’un écrit de Nicholas Enloe
Sur le sommeil du Gange – ( RC )
photo Ellie Edelhoff
Le regard glissé sur l’horizon jaune
suit l’étale liquide
froncée de vaguelettes.
Des marches s’enfoncent dans l’eau.
Elles mênent peut-être
à un temple submergé
où les couleurs safran
se diluent
comme dans un soleil.
On a quitté la terre.
Les berges déjà loin .
Et dans le contre-jour
une femme ruisselante
au sari rouge,
hypnotise le crépuscule
sur le sommeil du Gange .
–
RC – mai 2016
Jean Creuze – écorces (1 )
Écorces
Lier les mots qui se fabriquent dans la forge de notre
tête.
En faire vivre certains
commettre le meurtre d’autres.
Chauffer, taper, tordre au rouge le fer.
Chuchoter enfin ce qui nous habite
pour l’ultime tentative de la parole.
Des paroles données.
Silencieusement pointe la respiration.
Pulsation qui donne la vie.
Le soufflet active le feu
le mot juste jaillit
transforme nos corps et nos âmes
comme le travail acharné du forgeron
sur l’enclume transforme le métal.
Allongé sur le sol
sous le ciel bleu azur
beauté de l’oiseau dans les airs,
herbes folles dans le vent,
souveraineté des arbres.
Danse de l’univers présent
dans les vibrations lentes du jour qui passe.
Vols d’insectes éphémères,
parfums de fleurs,
odeurs d’humus,
chants de grillons,
craquements d’écorces.
Des forces de l’intérieur s’énervent.
Chasser les ombres du visage
pour s’enluminer-
Nouvelle peau.
La vague passe, se calme, s’anéantit.
Temps suspendu,
le corps flotte.
Soleil rouge,
sensation d’inachèvement
et caresse des ombres :
sa majesté la nuit approche.
Cortège d’étoiles,
respiration douce,
j’affronte l’inconnu,
clignements de cils,
goutte d’éther.
La figue éclate a force de mûrissement au soleil de l’été.
La terre grasse s »enfonce
sous les pas .l’automne est là, avec son humeur faite de rosée
de rafales de vent, de pluie froide.
Des hommes harassés, avinés, burinés, dépités, rendus sont là au coin de la rue,
attendent, rejetés du monde, comme de vieilles eaux usées auxquelles on aurait retiré toutes forces.
Dans ma tête un grand silence.
Tombés par terre, abandonnés,
résignés, abattus, esclaves.
Quels bourreaux? Comment faire?
L’alcool comme seul compagnon.
Idées vagues, brouillées,
délire, obsession, mensonges,
mal de tête,
perte de mémoire.
Oublier son histoire,
nier sa vie,
sacrifier son être.
Que faire avant l’hiver,
avant que le froid ne vous emporte?
Compagnon misère.
Le ciel est clair aujourd’hui, un vent frais se lève et fait
Frissonner les feuilles dans les arbres.
Quelques pensées me tapent le front, et s’évanouissent aussitôt.
Pour laisser le vide.
Le trou noir.
Ce noir si plein que l’on n’attend jamais.
Et pourtant, c’est le rien que l’on redoutait tant.
Il est là, accompagné de son malaise.
On ferme les yeux pour regarder à l’intérieur.
Dans un ultime effort encore.
Le noir toujours.
ça se dissipe.
Le rouge apparaît,
puis le jaune lumière
des éclats de blanc dans le rouge,
du bleu chartreuse,
du vert émeraude. qui coule de mes yeux ?
Serait-ce de la peinture
Les feuilles se remettent à tinter dans le vent et cette
musique douce emporte mes pensées.
Nuit rouge – ( RC )
Image: Jakez Daniel
Quand j’appuie sur mes paupières,
je te vois dans une nuit rouge,
floue, comme un souvenir
prêt à se dissoudre ….
mais c’est bien ta cambrure,
une posture familière,
qui danse
dans un désert brûlant
Ce désert est en moi :
> une incandescence,
qui surgit de l’intérieur,
occupe toute la place …
Et ton regard,
a la phosphorescence
la pose altière,
d’un oiseau de proie….
Il y a comme un vent de sable
qui se lève, en moi et envahit tout – soudain
et tu disparais, comme tu es venue…
dans la nuit rouge, virant à l’indigo…
–
RC – mars 2016
( en écho avec un texte de Laetitia Lisa )
Guillevic – la pomme
Dans l’arbre privé de fruits et de feuilles
Qui déjà se lasse
Des rameaux jouant pour ne pas trop voir
Le soleil couchant
Une pomme est restée
Au milieu des branches.
Et rouge à crier
Crie au bord du temps.
Guillevic (« Carnac » – éditions Gallimard, 1961)
un furtif passage – ( RC )
Quelle est cette lumière étrange
Qui ici, soudain, règne ?
Est-ce la parole de l’ange,
qui , tout – à – coup, saigne,
Dans cette pièce austère
Où rien ne bouge,
Au fond du verre
aux reflets rouges ?
J’y vois un mur transpercé,
L’éclair fendant les nuages ;
Ton image inversée,
Celle de ton visage.
L’arrondi des sourcils…
Le reste se fond dans l’obscur,
Une vision, du reste , bien fragile,
Qui se dissout lentement dans le mur.
C’est peut-être un vestige de la pensée,
Certains y verraient un mirage,
Un fantôme tentant la traversée
des apparences, – comme en furtif passage…
–
RC – oct 2015
Miguel Hernandez – Même si tu n’es pas là
photo Francesco Borrelli
MÊME SI TU N’ES PAS LÀ Même si tu n’es pas là, mes yeux
|
AUNQUE TU NO ESTAS Aunque tú no estás, mis ojos |
Cancionero y romancero de ausencias (1938-1942)
–
Avec la citation de ce poète espagnol, dont on peut trouver d’autres textes et leur traduction sur le site « Fibrillations »...
je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec mon propre texte , qui a un titre, et un esprit très approchant. RC
Carolyn Carlson danse Rothko – ( RC )
photo :dialogue avec mark Rothko – Carolyn Carlson
–
Carolyn Carlson évolue dans l’espace.
Celui-ci est clos.
Il partage une série de grandes toiles peintes.
Ce n’est pas un décor,
où le noir lutte avec le rouge
et le rouge chavire d’orangés
« blottis dans les recoins enflammés de lumière ».
La couleur est habillée et se déplace .
Traversés de vermillon,
les habits noirs de Carolyn
Portés de gestes lents
Sont autant pinceaux que tableaux.
Des aplats écarlates s’y meuvent ;
le corps est graphie, la danse est solo
Le dialogue s’engage et répond,
Aux peintures de Rothko .
Il semble que la lumière sourd de la toile,
se met en mouvement
Confronté à elle, le corps , parfois se fond,
le déplacement est sa seule mesure.
Les ombres portées la précèdent sur la scène.
–
RC – juin 2015
* l’expression
« blottis dans les recoins enflammés de lumière« , est de C Carlson elle-même.
–
Fête au goût de sang et de poussière – ( RC )

peinture: Francis Bacon: triptyque » miroir de la tauromachie «
–
Passés les habits de lumière,
Les virevoltes et les faux semblants,
La cape rouge , et sa découpe,
Contre le sol d’ocre.
Les fanfares criardes,
Les éclairs du soleil ardent,
Sur la muleta,
La valse des banderilles…
La fête est finie,
Elle a le goût du sang,
Et de poussière …
Le taureau gît
Affaissé dans une flaque rouge,
Les spectateurs ont déserté l’arène .
–
RC – mars 2015
Marceline Desbordes- Valmore – Les Roses de Saadi
.
J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n’ont pu les contenir.
Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées,
Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée…
Respires-en sur moi l’odorant souvenir.
–
Camille Loty Malebranche – Le café

photo: Tom Arndt
Il boit, frissonne au fantasme fumant, matinier,
Sable la source d’aube en sa tasse-rosée
Voyage sur la vague d’un nectar
Et se fout du foutre des ivresses de sang de la terre violée, soleil scalpé où hiberne le ciel,
Se moque des hommes-fauves et chapeaux de fer !
Il vide sa tasse ! Le café est son coin, sa boisson !
Et il en offre à tout venant ; si vous avez le cœur dans la lumière du chant,
La grande tasse de café torréfié, liquéfié, est offerte à vos lèvres !
Il boit et offre le pur café noir du percolateur,
Sirote l’amour, se désaltère d’amitié
Le café est son coin favori, sa boisson favorite !
Et avec ses amis, il se tonifie du café du matin qui réveille pour le jour et pour l’action,
Il vide, vide des tasses d’entrain, laissant aux sans cœur, le marc du superflu,
Mésalliances des vices et des vertus ! Car sur la chair vive, personne sans personnages,
De l’amitié rouge dans le vrai, belle à la vie, perçante dans la vigie, blanche en la pureté, emmétrope en ses diaprures d’Argos et d’âme
Il s’excite du philtre, au filtre du coeur en ses azurs, et par le pur café tonique qui garde éveillé le veilleur,
Puisqu’il aime le fort et le pur,
Il dédaigne les cafés crème !
La chaise rouge – ( RC )
peinture: Mark ROTHKO : 1957
Dans l’image a surgi
Le grain, la palpitation
L’émotion rougie
Presque la déflagration
D’ une barre courbe
Un signe du sombre
De puissance encombre
C’est ce rouge fourbe
Il n’est ni sang ni cerise
Se détache lumière
En donnant à sa guise
Forme à la matière
Un éclair de couleur
Traverse ma page
Un éclair de douleur
De la photo, l’otage.
Aux accents de lave
Des blancs et bleutés
Opposés, ameutés
Les autres sont esclaves
dec 2011 RC
photo: Chris Jones
Et avec les « commentaires »…
Daniel Varoujan – La terre rouge
( poésie arménienne )
Sur ma table de travail, dans ce vase,
repose une poignée de terre prise
aux champs de mon pays…
C’est un cadeau, — celui qui me l’offrit
crut y serrer son cœur, mais ne pensa jamais
qu’il me donnait aussi le cœur de ses ancêtres.
Je la contemple… Et que de longues heures passées
dans le silence et la tristesse
à laisser mes yeux se river sur elle, la fertile,
au point que mes regards y voudraient pousser des racines.
Et va le songe… Et je me dis
qu’il ne se peut que cette couleur rouge
soit enfantée des seules lois de la Nature,
mais comme un linge éponge des blessures,
de vie et de soleil qu’elle but les deux parts,
et qu’elle devint rouge, étant terre arménienne,
comme un élément pur que rien n’a préservé.
Peut-être en elle gronde encore le sourd frémissement
des vieilles gloires séculaires
et le feu des rudes sabots
dont le fracas couvrit un jour
des poudres chaudes des victoires
les dures armées d’Arménie?
Je dis: en elle brûle encore
la vive force originelle
qui souffle à souffle sut former
ma vie, la tienne, et sut donner
d’une main toute connaissante,
aux mêmes yeux noirs, avec la même âme,
une passion prise à l’Euphrate,
un cœur volontaire, bastion
de révolte et d’ardent amour.
En elle, en elle, une âme antique s’illumine,
une parcelle ailée de quelque vieux héros
si doucement mêlée aux pleurs naïves d’une vierge,
un atome de Haïg, une poussière d’Aram,
un regard profond d’Anania
tout scintillant encor d’un poudroiement d’étoiles.
Sur ma table revit encore une patrie,
— et de si loin venue cette patrie…—
qui, dans sa frémissante résurrection,
sous les espèces naturelles de la terre
me ressaisit l’âme aujourd’hui,
et comme à l’infini cette semence sidérale
au vaste de l’azur, toute gonflée de feu,
d’éclairs de douceurs me féconde.
Les cordes tremblent de mes nerfs…
Leur intense frisson fertilise bien plus
que le vent chaud de Mai le vif des terres.
Dans ma tête se fraient la route
d’autres souvenirs, des corps tout rougis
d’atroces blessures
comme de grandes lèvres de vengeance.
Ce peu de terre, cette poussière
gardée au cœur d’un amour si tendu
que mon âme un jour n’en pourrait,
si dans le vent elle trouvait
le reste de mon corps (devenu cendre,
cette poudre en exil d’Arménie, cette relique,
legs des aïeux qui savaient des victoires,
cette offrande rouge et ce talisman
serrée sur mon cœur de griffes secrètes,
vers le ciel, sur un livre,
quand vient cette heure précieuse
de l’amour et du sourire
à ce moment divin où se forme un poème,
cette terre me pousse aux larmes ou aux rugissements
sans que mon sang ne puisse s’en défendre,
et me pousse à armer mon poing
et de ce poing me tenir toute l’âme.
traduction : Luc-André Marcel
Sotìris Pastàkas- Moi qui n’ai pas chanté
MOI QUI N’AI PAS CHANTÉ, PAR SOTÌRIS PASTÀKAS.
texte visible, avec beaucoup d’autres sur le site « dormira jamais »
Moi qui n’ai pas chanté
le rouge profond de la rose,
qui n’ai pas chanté
le sanglot qui a
la profondeur d’un sourire
le profil de trois-quart,
le coin caché
dans mon esprit,
les taches rouges
sur le drap de la mer
quand un vent bref soulève
une à une les rides
de mon cerveau
une à une mes propres
pertes – rideau
qui rougit
juste avant de prendre feu.
La lumière visible.
Les sens, cinq.
Les cent-cinq
habitants d’Iraklia.
Les onze mètres de la coque.
Les bières non comptées.
Les campari comptés
dans leurs reflets.
Une valise, un chapeau
et un divorce.
Encore un campari, s’il vous plait.
Un divorce
et des milliers de parapluies.
Portez-moi d’autres campari.
Je veux voir croître
ma part de martyre
autant que croît votre
plaisir ordonné.
Donnez-moi une grosse orange rouge.
Ne chante plus, tu as chanté
autant qu’il t’a été donné. Chante
les enfants qui chantent encore
à dix heures du soir, on entend
seulement leur voix
dans la cour de l’église,
dans la Semaine Sainte et encore au-delà
des hurlements de chiens errants.
Ils n’ont pas encore fini
de jouer, moi si
j’ai fini, mais pourquoi eux ne jouent-ils pas avec moi.
Un à un j’appelle les enfants
par leur prénom,
Ilìas, Aléxis, Kostì, Éghli
et pas un seul qui réponde
à ce cri. Noms sans réponse
de quelqu’un qui n’est pas devenu père.
Je n’ai pas chanté la paternité
feu d’artifice qui ne fait pas exploser
le contenu de mes couilles
la nuit, je suis un raté
quelqu’un sans munitions nuit sans feu de bengale,
feu d’artifice qui n’a pas explosé,
qui n’a pas enflammé l’obscurité,
simple lanterne rouge.
Je n’ai pas chanté le guide
je n’ai guidé personne en aucun lieu:
psychiatre raté alcoolique,
j’ai seulement suivi les étincelles
de feu qu’émettaient par les yeux
amies et amis – obligation
suprême, même si je ne l’ai pas chantée,
la vie, de la respecter
de la suivre,
de la dépasser,
de la laisser courir derrière moi,
de la laisser courir devant moi.
Elle n’a pas de lanternes la vie
elles tombent dans le plus profond abime
ceux qui en suivent les pas.
Je n’ai pas chanté les feux,
de la lanterne au phare
j’ai changé mes lumières
et même ainsi je ne vois pas mes amis
je ne vois personne:
anorexie, alcool, et insomnie.
Je vois seulement des cauchemars
devant moi: je prévois
et je ne voudrais pas ce don,
j’ai eu peur et j’ai essayé de l’étouffer,
je devine chacune de mes futures
pertes personnelles,
aucune marche en arrière dans la vie.
Il ne m’a pas été donné de chanter
la peur, ni la sortie
de la crise, je n’ai jamais écrit
qu’il était rouge ce bref vent
qui sculptait les rides
sur le drap de la mer.
Je n’ai jamais dit qu’elle était rouge
ma bouche insatiable
quand elle se posait sur sa bouche rouge.
Je n’ai pas dit qu’elles étaient rouges
les mains qui enlaçaient
son corps – je ne les ai jamais chantées.
Je n’ai jamais chanté
ses mains rouges, ses lèvres
rouges, les menstruations
qui lui coulaient de la chatte,
les stop qui s’allumaient
ici et là sur son corps ,
je n’ai pas chanté
son herpès puerpéral.
Je n’ai jamais chanté les interdits.
Seulement ceux que j’ai encaissés.
J’ai chanté mon sanglot
qui avait la profondeur d’un sourire.
J’ai chanté la joie inattendue
qui cache profondément en elle
une couleur rouge et sauvage,
le sang que j’ai craché
le plus loin possible
pour voir d’où souffle
le vent pour définir
la direction
ma prochaine destination.
Je n’ai pas écrit sur la joie.
À la fin, on ne m’a pas donné
le rouge profond de la rose
parce que je voulais devenir rose
et je ne vous l’ai pas confessé,
j’ai seulement colorer de rouge les oeufs
pour me foutre de vous. J’émettais
des cris rouges. Je buvais
des flammes rouges. Je m’habillais
de l’habit rouge du clown
pour m’amuser, pour enflammer
ma vie blafarde, RH
incertain comme mon groupe:
zéro avec un signe négatif.
Lignes blanches, lignes rouges
à la fin, pas même mon sang
vous ne pourrez m’offrir
en cas de besoin, sachez
que je serai expéditif pour vous souhaiter bonne nuit.
Les enfants n’ont pas fini
encore de jouer,
nuit rouge d’avril
qu’il finisse ici, pour moi
le poème.
Traduction Olivier Favier.
Poème extrait de Bafouiller la vie (2012), recueil inédit.
—
Auteur grec, —————–et le même texte, traduit en italien…
il profondo rosso della rosa,
che non ho cantato
il singhiozzo che ha
la profondità di un sorriso
il profilo di tre quarti,
l’angolo nascosto
nella mia mente,
le macchie rosse
sul lenzuolo del mare
quando un breve vento solleva
una a una le rughe
del mio cervello
una a una le mie proprie
perdite – tenda
che arrosisce
l’istante prima di prender fuoco.
La luce visibile.
I sensi, cinque.
I centocinque
abitanti di Iràklia.
Gli undici metri dello scafo.
Le birre non contate.
I campari contati
nei loro riflessi.
Una valigia, un cappello
e un divorzio.
Ancora un campari, per favore.
Un divorzio
e migliaia di ombrelli.
Portatemi altri campari.
Voglio veder crescere
la mia parte di martirio
tanto quanto cresce il vostro
ordinato piacere.
Datemi una grossa arancia rossa.
Non cantare più, hai cantato
quanto ti è stato dato. Canta
i bambini che ancora giocano
alle dieci di sera, si sente
solo la loro voce
nel cortile della chiesa,
nella Settimana Santa e ancora oltre
i latrati dei cani randagi.
Non hanno ancora finito
di giocare, io sì
ho finito, ma perché loro non giocano con me.
Uno a uno chiamo i bambini
per nome,
Ilìas, Aléxis, Kostì, Éghli
e nemmeno uno che risponda
al grido. Nomi senza risposta
di uno che non è diventato padre.
Non ho cantato la paternità
fuoco d’artificio che non fa scoppiare
il contenuto dei miei coglioni
di notte, sono un mancato
uno senza munizioni notte senza bengala,
fuoco d’artificio che non è scoppiato,
che non ha infiammato l’oscurità,
semplice fanalino rosso.
Non ho cantato la guida,
non ho guidato nessuno in nessun luogo:
psichiatra mancato alcolista,
ho solo seguito le scintille
di fuoco che emettevano dagli occhi
amiche e amici – obbligo
supremo, anche se non l’ho cantata,
la vita, di rispettarla
di seguirla,
di sorpassarla,
di lasciarla correre dietro a me,
di lasciarla correre davanti a me.
Non ne ha di fanali la vita
cadono nel più profondo abisso
quelli che ne seguono i passi.
Non ho cantato i fanali,
dal fanalino al faro
ho cambiato le mie luci
e anche così non vedo i miei amici
non vedo nessuno:
anoressia, alcol, e insonnia.
Vedo unicamente incubi
davanti a me: prevedo
e non vorrei questo dono,
ho avuto paura e ho provato a soffocarlo,
indovino di ogni mia personale
perdita futura,
nessuna marcia indietro nella vita.
Non mi è stato dato di cantare
la paura, né l’uscita
dalla crisi, non ho mai scritto
che era rosso quel breve vento
che scolpiva le rughe
sul lenzuolo del mare.
Non ho mai detto che era rossa
la mia bocca insaziabile
quando si posava sulla sua bocca rossa.
Non ho mai detto che erano rosse
le mani che abbracciavano
il suo corpo – non le ho mai cantate.
Non ho mai cantato
le sue mani rosse, le sue labbra
rosse, le mestruazioni
che le colavano dalla fica,
gli stop che s’accendevano
qua e là sul suo corpo,
non ho cantato
il suo herpes porpora.
Non ho mai cantato i divieti.
Solo quelli che ho incassato.
Ho cantato il mio singhiozzo
che aveva la profondità d’un sorriso.
Ho cantato la gioia inaspettata
che profondamente nasconde in lei
un colore rosso e selvaggio,
il sangue che ho sputato
più lontano che potevo
per vedere da dove soffia
il vento per definire
la direzione
la mia prossima destinazione.
Non ho scritto della gioia.
Alla fine, non mi è stato dato
il profondo rosso della rosa
perché volevo diventare rosa
e non ve l’ho confessato,
ho solo colorato di rosso le uova
per sfottervi. Emettevo
grida rosse. Bevevo
fiamme rosse. Mi vestivo
col vestito rosso da clown
per divertirvi, per infiammare
la mia vita scialba, RH
incerto come il mio gruppo:
zero con un segno negativo.
Righe bianche, righe rosse
alla fine, neanche il mio sangue
mi potrete offrire
in caso di bisogno, sappiate
che sarò sbrigativo nel darvi la buonanotte.
I bambini non hanno finito
ancora di giocare,
notte rossa d’aprile
che finisca qui, per me
la poesia.
Traduzione di Massimiliano Damaggio.
Da Inciampare nella gioia (2012)
–
Soleil rouge ( RC )
–
Tulipe ou pavot,
C’est une robe,
Ouverte sans défense,
Aux regards, sans décence…
Variante déposée, prière osée,
Si je me mets à genoux.
–
Source du photographe,
Et, – – -toujours soif
Je bois aux couleurs, vives
De têtes végétales, sensitives
Etoiles d’étamines,
Points noirs sur manteau d’hermine
C’est de feu qu’ensanglante,
La chevelure pétale
Poussée contre le crépuscule
En un radieux soleil rouge.
–
RC- 27 août 2013
–
La silhouette d’un aujourd’hui qui n’est plus ( RC )
doc image: Paulina Otylie Surys – La Jeune Fille et La Mort – SIMONE magazine,
–
Dans l’ombre muette des arbres,
La silhouette d’un aujourd’hui qui n’est plus,
–
A la robe de soie rouge qui l’entoure
Cendrillon troque ses souliers , las
Contre des escarpins de cristal,
–
Pensant voler quelques éclats de lumière
Au prestige d’un soir,
–
Qu’on ne peut pas retenir,
> Pas plus que les rêves,
Dissous par le matin.
–
Les escarpins pris par les racines,
Aussi , soustraits par le chemin
–
Et la glaise fade, molle, sous le soir,
Dialogue avec un peuple d’épines,
Se parant , de lambeaux de soie,
–
Dont ne parle plus le rouge,
> Maintenant avalé par la nuit.
–
RC – 18 mai 2013
François Corvol – le cours
Le cours
Petite mort je te vois
dans ma cage thoracique
te mouvoir former des losanges
des bulles dans l’eau
et dans ta peau
ce manteau rouge
où naissent les oiseaux
l’essor de mes pages
je suis aveugle
pour ceux qui voient
et mort cent fois
à suivre les morts
Noté dans Poésies
–
le rouge est la couleur de l’ensanglantement…
» debout il y a trop de bruit
à l’usine des dentelles…
Alors je m’asseois »
Là, sur la chaise rouge…
Des bises Ren
12/19/2011 à 12 h 55 min Modifier
On peut avoir cette interprétation, moi, je la vois distincte ds autres couleurs, justement parce qu’elle est chaude
oui, et le sang, c’est chaud…et c’est la vie…j’ai toujours été impressionnée de celui qui coule en chacun de nous, mais dans le bon sens, je dirai…je n’aime pas le voir couler, parcequ’en génèral c’est » mauvais » signe, mais j’aime imaginer chaque humain comme un arbre empli de cet ensanglantement qui pulse et pulse encore..c’est ça qui m’est passée dans la tête avec la chaise rouge…et m’asseoir sur une chaise rouge, ça équivaudrait à m’ésseoir dans la vie…
Sourires…
En réponse à ce que tu viens de poster, un sourire avec de la lumière à l’intérieur..oh; oui, je vois ça parfois autour de moi, c’est absolument cadeau des sourires pareils…
12/19/2011 à 14 h 42 min Modifier
En fait j’ai écrit ça l’autre jour en pensant à une photographie que j’ai faite ( une diapo) sur laquelle j’aimerais bien remettre la « main ».. j’avais mesuré l’intensité de la couleur avec une cellule faite pour çà, et effectivement le rouge était « criant » de vérité…
quant au sourire de E De Andrade, l’allusion sexuelle est criante aussi, j’avais même dans un de mes textes écrit quelque chose d’approchant avec un sourire « vertical »… il faudrait que je le retouve…. j’ai déjà idée où il peut être…
12/19/2011 à 15 h 09 min Modifier
2 choses:
« Le rouge est la lumière dans le temps. »
Rupprecht GEIGER
et http://corpsetame.over-blog.com/article-1112-ceux-qui-restent-43321780.html
pour un travail d’ Elke KRYSTUFEK