Modillon qui pleures – (Susanne Derève)


      Modillon qui pleures sous les  lauzes, Pleure sur moi qui n’ai entre les mains que les sarments usés de mon rêve,     criblé comme la pierre de tuf de mille interstices de larmes, et  des matins d’eau triste gris de givre et de gel   Modillon qui te ries  Le   jeune soleil de Mars,  cligne un œil clair    sur le vert tendre des … Continuer de lire Modillon qui pleures – (Susanne Derève)

Alain Paire – images d’un fleuve


Lignes rompues par rien que poussière, captives sans rêve, les voix. Pareilles à des corps de mendiants (la nuit, on les voit sur les quais, ils cherchent le sommeil). Derrière les vitres jaunies de l’atelier le peintre reste silencieux. Courbées leurs silhouettes de voyageurs font le geste de boire. (Les dieux gardent muettes leurs images, des écritures se défont dans les prières de l’aube.) Tandis … Continuer de lire Alain Paire – images d’un fleuve

Bohuslav Reynek – Papillons d’automne


      Papillons d’automne Derrière les murs et les clôtures, papillons d’automne, ensemble, nous étions blottis et nous vivions de nostalgie.   Derrière les murs et les clôtures, derniers papillons, nous étions à l’abri du vent, bercés d’espoirs de solitude.   Sur les paumes de l’automne, mystérieux papillons, vous aviez dans le silence des éclats d’or et rougeoyants   Volez une dernière fois, papillons … Continuer de lire Bohuslav Reynek – Papillons d’automne

Walter Helmut FRITZ – Donne aux choses la parole


    Robert Ryman – Capitol       Donne aux choses la parole   A l’eau qui chevauche, aux rocs avec leurs rêves,   au chemin qui est le but, à la neige qui cache   lentement le paysage et le rend visible autrement,   à la lumière qui attend les yeux —   donne-leur la parole.         Gib den Dingen … Continuer de lire Walter Helmut FRITZ – Donne aux choses la parole

Jacques Prévert – « La grasse matinée ».


      Il est terrible le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain il est terrible ce bruit quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim elle est terrible aussi la tête de l’homme la tête de l’homme qui a faim quand il se regarde à six heures du matin dans la glace du grand magasin une tête … Continuer de lire Jacques Prévert – « La grasse matinée ».

Vanités – (Susanne Derève)


      Grinçantes  vanités Rose Klein  ciel d’Orange Vert été   Le vert mousseux  d’un petit val où s’éveille un étrange dormeur étourdi  de ce monde à genoux penché sur son sommeil                      La mort    ce n’est plus deux trous rouges au côté mais une fleur vermeille   étoilant sa chemise un vénéneux baiser                   Cet autre tendre pastel parcheminé passe muraille de printemps … Continuer de lire Vanités – (Susanne Derève)

Basho -La pièce perdue


– La pièce perdue dans la rivière se trouve dans la rivière Le soleil et la lune sont des voyageurs dans l’éternité. Même les années sont errantes. Pour ceux dont la vie est sur les eaux ou qui conduisent un cheval au fil des ans chaque jour est un voyage et le voyage lui-même est la maison . – Basho ( tentative  de traduction RC … Continuer de lire Basho -La pièce perdue

Lire vingt poèmes d’amour – Susanne Derève


 Lire vingt poèmes d’amour de Nerudaen gardant le doigt sur la pageFermer les yeux    sentirque se taire est plus sage  Lire  les vergers de Rilke, les fenêtres,les roses,  fol est celui qui osese commettre ensuiteà  rimer Fol est celui pourtant qui range son crayonavant qu’aux vergers les automnesaient fait rougir toutes les pommeset l’hiver, se morfond Continuer de lire Lire vingt poèmes d’amour – Susanne Derève

Natasha Kanapé Fontaine – Réserve II


peinture: T C Cannon   Ecoutez le monde s’effondrer ponts de béton routes d’asphalte Aho pour la joie Aho pour l’amour Surgit la femme poings serrés vers la lumière Voici que migrent les peuples sans terres nous récrirons la guerre fable unique Qui peut gagner sur le mensonge construire un empire de vainqueurs et le croire sans limites Ce qui empoisonne ne méritera pas de vivre ce … Continuer de lire Natasha Kanapé Fontaine – Réserve II

Robert Vigneau – L’Olive


L’OLIVE La petite olive noire A fait gicler sous mes dents Son huile amère en mémoire De mes grands antécédents : Hubert, Maurel, Cancedda, Amilliastre, Délébroute, Ardolade, etc. : Cette olive pour absoute! Ma bouche se peuple d’ancêtres Par la saveur de ce fruit Qu’ils plantaient pour me transmettre L’amour du fond de leur nuit. Oui, la nuit qu’ils ont trimée Sur l’amer labour d’Histoire … Continuer de lire Robert Vigneau – L’Olive

Patrick Süskind – Comme du lait au miel


  Là, il s’arrêta, reprit ses esprits et flaira. Il l’avait. Il le tenait. Comme un ruban, le parfum s’étirait le long de la rue de Seine, net et impossible à confondre, mais toujours aussi délicat et aussi subtil. Grenouille sentit son cœur cogner dans sa poitrine et il sut que ce n’était pas l’effort d’avoir couru, mais l’excitation et le désarroi que lui causait … Continuer de lire Patrick Süskind – Comme du lait au miel

Transporter une partie du monde – ( RC )


– Un filet d’encre te relie à ta terre même au fin fond des mers. Ce dessin inscrit à même la peau, tu ne vas pas le cacher : Tu transportes une partie du monde: un tatouage de Bretagne, un angelot en haut du bras ( landes et rochers te suivent partout où tu vas ): c’est aussi bien qu’une mappemonde . Pour ceux qui … Continuer de lire Transporter une partie du monde – ( RC )

les yeux démesurément ouverts sur la nuit – ( RC )


peinture: Léon Bonnat – le lac de Gérardmer-  1893 – C’est cette nuit, quelque part,  le don du sang en héritage, qu’au-dessus du lac    aux profondeurs noires,          je vois cliqueter  la mécanique  des étoiles.   C’est un grand  appel silencieux, aussi étrange  qu’un rire  de chauve-souris, qui m’effraie autant qu’il m’attire.   Il n’a de calme    que l’apparence,   … Continuer de lire les yeux démesurément ouverts sur la nuit – ( RC )

Thierry Metz – Je ne sais pas si ma place est ici


peinture: Eric Fischl – portrait of the artist as an old man –  1984 Je ne sais pas si ma place est ici. Ni ailleurs. Avec parfois quelque chose d’autre qui m’entraîne à écrire. Les gens ont souvent les yeux et les oreilles inversées ou sans existence. Ce que je vois n’est jamais complet. Silence et mots sont nos bûchers.     texte  extrait  de  … Continuer de lire Thierry Metz – Je ne sais pas si ma place est ici

Ingeborg Bachmann – La Bohème est au bord de la mer –


          La Bohême est au bord de la mer     Si les maisons par ici sont vertes, je peux encore y entrer. Si les ponts ici sont intacts, j’y marche de pied ferme. Si peine d’amour est à jamais perdue, je la perds ici de bon gré.   Si ce n’est pas moi, c’est quelqu’ un qui vaut autant que … Continuer de lire Ingeborg Bachmann – La Bohème est au bord de la mer –

Lautréamont – syllogismes démoralisateurs


peinture: Erró   Les perturbations, les anxiétés, les dépravations, la mort, les exceptions dans l’ordre physique ou moral, l’esprit de négation, les abrutissements, les hallucinations servies par la volonté, les tourments, la destruction, les renversements, les larmes, les insatiabilités, les asservissements, les imaginations creusantes, les romans, ce qui est inattendu, ce qu’il ne faut pas faire, les singularités chimiques de vautour mystérieux qui guette la … Continuer de lire Lautréamont – syllogismes démoralisateurs