voir l'art autrement – en relation avec les textes

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Ce qu’il reste derrière l’image – ( RC )


photographie Cato Lein

C’est en progressant dans une pente grise,
où les ombres se confondent,
que l’on devine une présence invisible,
image subliminale derrière l’image.
Nos pas soulèvent la cendre :
elle s’accroche aux rochers,
et aux troncs d’arbres que l’on distingue à peine.
C’est un brouillard aux formes diffuses ,
tel un buvard de poussières,
qui recouvre inexorablement toute surface.
C’est une chose étrange, ….on la suppose liée à la photographie.
Tout ce qui entoure le lieu semble appelé à disparaître.
Il sera inutile de gratter la surface.
L’Eden originel ne se situe pas dessous,
le regretter ne sert qu’à éveiller l’inquiétude :
un rapace aux ailes grises,
qui ne secoue que l’ombre.


Sur la surface du dos – ( RC )


photo Perle Valens – voir son site

Ce corps n’a pas d’identité feinte,
il n’a comme images
que celles de légers creux
laissés par l’empreinte
des cailloux sur la plage
qui parsèment les lieux.

Peut-être préfères tu pour confort
les objets métalliques
laissant leur marque de fer:
les sommiers à ressorts
sont particulièrement artistiques
et devraient te plaire.

C’est dû à la position horizontale
d’une sieste immobile
pendant cette après-midi d’été
où chaque sinuosité de métal
laisse son creux fossile

– comme tu pouvais t’en douter -.

C’est à même la peau
que c’est inscrit
comme une signature
sur la surface du dos
qui provoque l’envie
d’en évoquer l’écriture…

Car la chair est tendre
et soumise aux lois physiques
quel que soit notre âge :
il fallait s’attendre
à ce que cela soit la réplique
d’un éphémère tatouage…


Paul Celan – un œil ouvert


Heures, couleur mai, fraîches.
Ce qui n’est plus à nommer, brûlant,
audible dans la bouche.

Voix de personne, à nouveau.

Profondeur douloureuse de la prunelle :
la paupière
ne barre pas la route, le cil
ne compte pas ce qui entre.

Une larme, à demi,
lentille plus aiguë, mobile,
capte pour toi les images.

Paul Celan in Grille de parole (Sprachgitter, 1959)


Pluie passagère au fort de Bertheaume – ( RC )


photo RC nord de Bertheaume ( 29 )

Tiens, nous voilà transportés
dans l’horizon différé
des reflets au passé composé,
comme l’arc-en ciel
jailli d’une pluie passagère
près du fort de Bertheaume :
un arc de couleurs irréelles
prenant source dans mon souvenir,
où se bousculent atomes de lumière
et nuages fantômes
d’une image en devenir
faisant corps à corps avec la grève :
la piste sableuse de mes rêves….


Pierre Cressant – Incendies


la mémoire a incendié le passé ; table rase de ses terres sans lendemain ;

à découvert, sous les cendres, un présent pur et clair, horizon sans fin où brillent une à une mille et une joies anciennes ;

l’image de notre amour qui tremble encore.

voir d’autres textes de Pierre Cressant sur tumblr 


Armand Silvestre – Nénuphars


Pipercreations Lotus Flower Butterflies Water Nature Seasons Summer Warm GIF

Sur l’eau morte et pareille aux espaces arides
Où le palmier surgit dans les sables brûlants,
Le nénuphar emplit de parfums somnolents
L’air pesant où s’endort le vol des cantharides.

Sur l’eau morte à l’aspect uni comme les flancs
D’une vierge qui montre aux cieux son corps sans rides,
Le nénuphar, nombril des chastes néréides,
Creuse la lèvre en fleur de ses calices blancs.

Sur l’eau morte entr’ouvrant sa corolle mystique,
Le nénuphar apporte un souvenir antique :
— Vénus marmoréenne, éternelle Beauté,

Ton image me vient de l’immobilité,
Et sous ton front poli je vois tes yeux de pierre,
Comme les nénuphars profonds et sans paupière.


Un chat, un oiseau, sur la photo – ( RC )


Balloon Juice | Respite Open Thread: Meet Max

Le chat ignore l’oiseau,
qui figure sur la photo,
juste à côté de lui.
C’est que l’image
ne le rencontre pas.
Cela sent l’encre
et non le duvet .

Le côté plat ne fait pas illusion:
le monde n’est pas amputé
d’une partie de sa réalité,
c’est juste la lumière
qui s’est posée sur l’oiseau,
et dont on a prélevé
une trace fugace,
mais aucune plume,
aucune chaleur.
Le chat ne s’y est pas trompé.

( sur les  rapports  entre l’image  et la  réalité, se rapporter  à l’essai de Jean-Christophe Bailly   » l’imagement » ( que  l’on pourrait décomposer  en deux  mots:  l’image – ment)..

et  dont voila  un extrait:


Bartomeu Rosselló-Pòrcel – Sonet


peinture  Salvador Dali – Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme-grenade une seconde avant l’éveil

 

Quand elle dort dans le plaisir somnolent
du vieux jardin vibrant de fleurs et de nuit,
passant par la fenêtre je suis le vent,
et tout est comme un souffle fleuri.

Quand elle dort, et sans y prendre garde
s’abime dans les grands fonds de l’oubli,
je suis l’abeille qui enfonce l’ardente
aiguille — feu et furie — dans son sein.

Elle qui était image, charme, élégance
et mouvement ambigu, la voici pleur et cri.
Et moi, cause du mal, de la douceur,

j’en fais de lasses délices du péché,
et Amour, qui voit, les yeux clos, le combat,
s’endort en souriant de ravissement.

Bartomeu Rosselló-Pòrcel (1913-1938)
extrait de Nou poemes (1933).

 

Quan ella dorm el gaudi somnolent
del vell jardí vibrant de flors i nit,
passant per la finestra sóc el vent,
i tot és com un alenar florit.

Quan ella dorm i sense fer-hi esment
tomba a les grans fondàries de l’oblit,
l’abella só que clava la roent
agulla – fúria i foc – en el seu pit.
La que era estampa, encís i galanor
i moviment ambigu, és plor i crit.
I jo, causa del dol, de la dolçor

en faig lasses delícies del pecat,
i Amor, que veu, ulls closos, el combat,
s’adorm amb un somriure embadalit.

 

on peut  trouver –  comme celui-ci, beaucoup de textes et chansons en portugais, sur le site de « je pleure sans raison »


Le cheminement du poème – (Susanne Derève)


 

 

ombres toscanes 07 2007

   Photographie :  Philippe Pache

 

 

 

On ne maîtrise pas plus le mot que le soleil

 

Sans doute peut-on imprimer au vers

un long balancement

comme on doserait l’avancée de l’ombre sur la toile

en la dissimulant d’un linge  ou d’un feuillage

– un arbre clair  celant l’ombre –

 

La naissance du mot  échappe :

comme  le suivant échappera  et l’image

qu’il fera naître dans l’image,    

celle où chemine obscurément

le poème

 

Ce  n’est pas lui  que j’invente

mais lui qui me révèle dans le temps

que j’écris,

sonnant la litanie des heures,

épousant la marche  des nuits

 

lui qui mûrit puis  se détache

–  comme on dirait d’un fruit  –

un jour parmi  les autres 

où il  pose   sa marque   

                       …   et  me trahit

 

 

 

 

 


Alain Paire – Soif inquiète


reflets  stries  rochers  &  roses.jpg

La terre serait soif inquiète. Il n’y aurait plus
que la nuit de l’oubli, des formes sombres
à peine terrestres, le silence de la lumière.
Et parmi les fruits de la veille, comme une ressemblance,
le sourd battement d’une âme, tout au moins le pardon de l’image,
la détresse d’une main qui se blesse ou bien qui aime.
(Un rossignol accueillait chaque nuit l’eau bue par la lumière.)

 

extrait de  « la maison silencieuse »


Sommeil de la déraison – ( RC )


cesar-biojo---alejandra_1.jpg

Du sommeil de la déraison,
des rêves chavirent ,
fruits de la passion …

                           Faut-il s’appesantir ,
                           sur l’aube du réveil
ou laisser le miroir décider à sa place ?

Prolonge indéfiniment le sommeil      ,
si ton image s’extrait de la glace ,
sans que tu t’en rendes compte ,
et qu’avec ton corps ,
                                       tu affrontes
         d’autres volutes, et un décor ,
        qui partage celui de mes rêves .

Ils sont toujours en partance ,
et parfois la brume se soulève
assez pour qu’ils s’élancent
                             à travers le miroir,
        ( il suffit, pour cela, d’y croire )

RC – sept  2018


Ciseler l’image du souvenir – (Susanne Derève)


 

imogen Cunningham fleurs

 Imogen Cunningham – Hands and Aloe Plicatilis

 

 

Blanche colombe entre les mains

de l’oiseleur

vent tiède à la cime des trembles

les doigts du matin sur ma peau

 

Soleil      sang noir jeté sur l’eau

 

N’effacera pas le souvenir des doigts

de la nuit

n’effacera rien des souvenirs

ne fera rien

que marteler le bruit du sang à mes tempes

encore et encore

jusqu’à me fondre dans le souvenir

 

Regarde-moi ciseler l’image

de  mon   souvenir

avec le poinçon du graveur

 

– est-ce   pour toi    la même

oiseleur qui soupire –

 

 

 


une forme douce et un sourire – ( RC )


peinture: Jeremy Annear

 

 

J’ai commencé
par une forme douce et indéfinie,
un peu ovale, mais sans bords,
que j’ai remplie d’un sourire
que je ne peux décrire.

Un sourire,
dont tu es l’ombre portée ,
qui s’étend lentement,
sans avoir de centre.

La couleur est apparue,
lente et dense
mais semblant sourdre de l’intérieur.

Il est difficile de l’expliquer
et encore d’en transmettre une image,
que l’oeil pourrait saisir.

Il suffit de se laisser envahir par sa présence,
s’en laisser traverser,
( enfin s’éprendre de ce désir,
qu’on ne peut même pas qualifier ) .


Pas d’épaisseur, de celle des pierres – ( RC )


peop care  10-.jpg

image  – montage perso

 

Je te verrai,
Image présente,
A travers les murs,
Tournant mon regard
Vers où je te sais.

Il n’y a pas d’épaisseur,
De celles des pierres,
A jouer la distance
Avaler les espaces,
Les collines et les villes,

Redessinant tes gestes,
Comme si la barque des songes,
Ouvrait aux portes du jour,
Ta silhouette indécise
Se découpant dans la brume.

RC – juin 2014


Esther Tellermann – Terre exacte


photo: la faille de Djobouti

 

Lieu là
tenu à la lèvre
suffoque
dans l’image
non franchie
dans l’appel

écorcé

Qui t’éprouve à l’arête
d’un point de l’incendie ?
Pour nous ne reste
dans le milieu du rayon
ou du plus léger
sur l’autre rive où
se ramifia
la suture ?

Qui déchire
qui rejoint qui
clôt la prunelle qui
engage le cercle non
rien
n’assemble
en surplomb
des chocs de la lumière
rien ni
clavier
mais précipite
le point douloureux
près des tempes

ce que nous sommes.


Mouvements figés – ( RC )


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photographe non identifié

 

Mouvements de la main
tendue,  vers toi
       contre la surface
que je ne peux franchir.

Mouvements de la lumière,
s’accrochant à moi,
        c’est ainsi
que tu me vois

Mouvements du jour,
plaqués sur l’image   :
        un mur sans fissure
s’emparant de l’espace .

Mouvement figé,
immobilisé de même ,
     ne pouvant dépasser,
le rectangle de la photo.

Mouvement du regard :
il va vers toi,    et toi vers moi,
mais il y a le mur,
infranchissable des pixels .


RC – oct 2017


Robert Creeley – Distance


protect our children....jpg

photo: Tamsin

 

Distance

 

1

Comme j’avais
mal, de toi,
voyant la

lumière là, cette
forme qu’elle
fait.

Les corps
tombent, sont
tombés, ouverts.

Cette forme, n’est-ce pas,
est celle que
tu veux, chaleur

comme soleil
sur toi.
Mais quoi

est-ce toi, où,
se demandait-on, je
je me demandais

 

toujours. La
pensée même,
poussée, de forme

à peine naissante,
rien
sinon

en hésitant
d’un regard
après une image

de clarté
dans la poussière sur
une distance imprécise,

qui projette
un radiateur en
arêtes, brille,

la longueur longue
de la femme, le mouvement
de l’

enfant, sur elle,
leurs jambes
perçues derrière.

 

 

2

Les yeux,
les jours et
la photographie des formes,

les yeux
vides, mains
chères. Nous

marchons,
j’ai
le visage couvert

de poils
et d’âge, des
cheveux gris

puis blancs
de chaque côté
des joues. Descendre

de la
voiture au milieu
de tout ce monde,

où es
tu, suis-je heureux,
cette voiture est-elle

 

à moi. Une autre
vie vient à
la présence,

ici, tu
passes, à côté
de moi, abandonné, ma

propre chaleur
réprimée,
descendre

une voiture, les eaux
avançant, un
endroit comme

de grands
seins, le chaud et
l’humide qui progressent

s’éveillant
jusqu’au bord
du silence.

3
Se dégager de comme en amour, ou

amitié de
rencontre, « Heureux de vous

rencontrer — » Ces
rencontres, c’est
rencontrer

la rencontre (contre)
l’un et l’autre
le manque

de bien-être, le mal
aise du
cœur en

formes
particulières, s’éveille
contre un corps

comme une main enfoncée
entre les jambes
longues. Ce n’est

que la forme,
« Je ne connais pas
ton visage

mais ce qui pousse là,
les cheveux, malgré la fêlure,
la fente,

entre nous, je
connais,
c’est à moi — »

Qu’est-ce qu’ils m’ont fait,
qui sont-ils venant
vers moi

sur leurs pieds qui savent,
avec telle substance
de formes,

écartant la chair,
je rentre
chez moi,

avec mon rêve d’elle.

 

Robert Creeley

Traduit de l’américain par ]ean Daive


Herbes de givre – ( RC )


givre sur  végétaux  - .jpg

photo perso-  dec  2016

 

 

Les herbes sont unies,
sous leur manteau de givre,
et se confondent entre elles,
comme la mémoire     glacée,
des larmes    et du chagrin  ,

soudées entre elles,
raidies par le froid,
            cassantes.

Juste une image dentellée
un dessin sur le sol,
qui attend ,       pour se réveiller ,
bruire,             la caresse d’un soleil,
qui s’était absenté .


RC – janv 2017


Pépites, étoiles, boule de cristal – ( RC )


0002de DA.jpg
Montage: RC

Dis, t’as vu comme est petite
la terre, dans la boule de cristal  !
Tu la secoues, et des étoiles
comme autant de pépites.

Se posent sur tes paupières,
teintes d’un léger bleu :
et dessus,         tes yeux…
( je te vois ainsi à l’envers )….

Un peu de neige volète
mais  il ne fait pas aussi froid
qu’on le croit :
elle retombe sur ta tête .

Puis se repose
éparpillée sur ton image.
C’est ton visage
sous des pétales de rose .

Ceux-ci sont blancs .
Mais ce n’est pas l’hiver,
dans la boule de verre :
il y fait toujours printemps.

Et même si les saisons changent .
Il ne peut pas mourir
avec ton sourire .
Lui,  a quelque chose de celui d’un ange …

RC- septembre  2016

D’après  « pas vu ça ».. de R Desnos


Eugenio de Andrade – Avec la mer


 neuf rectangles de mouvements   d'eau.jpg

J’apporte la mer entière dans ma tête
De cette façon
Qu’ont les jeunes femmes
D’allaiter leurs enfants;
Ce ne qui ne me laisse pas dormir,
Ce n’est pas le bouillonnement de ses vagues
Ce sont ces voix
Qui, sanglantes, se lèvent de la rue
Pour tomber à nouveau,
Et en se trainant
Viennent mourir à ma porte..


Charles Coutarel -Chat de nuit, charly gris


 

 

 

Youpi chz Jacques  -.jpg

photo perso – Youpi en action

chat de nuit
charly-gris
comment J’écris
comment je souris
à cette image
passage
qui se reflète
en glaces
multi-faces
où je rigole
en multi-plans
noir et blanc
je m’envole
sur une aile
cœur-couleur
tête de piaf
ébouriffée
inspiration
profonde
mon chant
s’empli

charly-blanc
chat troublant


Carles Duarte – l’abîme


12243040_1079807232029377_8337780621013739607_n.jpgphoto la curiosphère

 

 

Au-delà de la mer
– je peux sentir son vertige -,
il y a un abîme.

J’abrite mes regards
derrière mes paupières fatiguées.

Tandis que j’observe les vagues,
j’écoute le corps,
sa routine incessante
chaque fois que je respire.

Je suis ressorti dans la rue.
Je tente en vain d’y retrouver des images.
Je n’y reconnais pas cet enfant blond,
ni la cour pleine de lumière.

Il me reste, pourtant, des miettes bleues
et les visages des mes parents que j’imagine.

Je m’assieds sur le sable
pour refaire les châteaux d’autrefois,
pour me rappeler.

Au-delà de la porte de l’air,
de la lumière primordiale de cet après-midi,
d’une joie que je regrette,
l’océan transparent de l’oubli
me détruit.

Traduit par François-Michel Durazzo
Le centre du temps, Fédérop, 2007

L’abisme

L’albada és de cristall
i una Lluna de marbre
s’allunya pel ponent.
Dins els teus ulls
viu un silenci dens,
un fred precís
que ens pren la mà
i ens duu molt lentament
fins al llindar,
sense passat,
sense futur,
on tot és fet d’abisme.
T’abraço fort,
m’abraces,
vençuts per aquesta set,
per aquest dolor
que es torna inextingible.
Aprenc a abandonar-me.
La mar i jo
ja som només
la llàgrima.

Extrait de: El centre del temps
Edicions 62, 2003

Une image, sur le papier glacé – ( RC )


montage Antonio Chiesa – photomosaïque faite à partir de couvertures du magazine Vanity Fair

Sur les affiches qui la miment,
Il y a de l’image, fabriquée :
La soif de la mondanité,

Ce qui fait la modernité :
une chevelure platine,
Un symbole, reflet de rayons d’or …

Elle se donne aux regards,
Comme on donne en pâture aux fauves,
Celle que l’on sacrifie, aux enjeux de pouvoir .

Colportant cet aspect ,
Larmes dissimulées
Derrière l’artifice,

Fard en avant,
Sous la cruauté ses sun-lights.
Ils font du modèle la proie,

Et ne la lâchent pas  :
Un statut qui se paie,
Avec la soumission  —  ;

Il faut souffrir pour être belle   – dit-on –
Et se conformer,
à ce qu’on attend d’elle :

La pose et le regard,
gomme, sur l’autel de la célébrité,
toute personnalité…

si on confond l’être,
avec l’image imprimée,
à plat, sur le papier glacé.

RC- avr 2015

( en liaison avec le texte  de PP Pasolini  » Marylin », qui m’a servi de point de départ )


Ni son double, ni le tien – ( RC )


 

peinture: S Dali:  les  métamorphoses  de Narcisse    1937

peinture: S Dali: les métamorphoses de Narcisse 1937

 

Ce que le visage doit au reflet,

Le champ ouvert de la lumière,

Répercuté    sur l’étrangeté du monde,

Le ciel découpé en lamelles,

Comme s’il se gonflait de l’ absence ;

                Un écartèlement .

 

Je le percevrai peut-être,

Au sein de la caresse de l’eau :

>            Narcisse se penchant,

Devine son image,

Aperçue,             ondulée au fil du courant ,

Mais qui délaisse brindilles ,  et feuilles.

 

Ce n’est ni son double,

Ni le tien.

D’ailleurs                         quand il se retourne,

La vision ne s’accompagne    d’aucune présence.

( Ou bien juste la solitude ) .

Mais celle-ci  est transparente.

 

RC – mai  2015


Comme si l’humidité du monde transpirait dans un coeur d’argile .- ( RC )


peinture: Markino

 

 

On irait que le brouillard

s’étend jusque sur les yeux.

Est-ce un éblouissement,

Réparti entre les gouttelettes en suspension,

Qui ondule entre les  immeubles ?

Les arbres sont comme des fantômes,

Leurs bras sont dressés,

Le ciel est orange,

Il est palpable

La ville transpire

Sous les lampes à iode,

Et se diffuse, si bien,

Qu’on n’a plus idée des distances.

Les routes  quittent le sol,

Peut-être.

Les soleils artificiels se mêlent ,

C’est le lent cheminement des phares,

Rouges, jaunes,

Et les enseignes de néon,

Que l’on perçoit presque malgré soi,

On en a juste l’idée,

Comme si l’humidité du monde,

Transpirait dans un cœur d’argile,

Et peinait à s’imprimer,

Même sur la photo.

On en compterait les grains,

Un bruit dans l’image,

Le tremblotement des lueurs mobiles,

Qui peut-être ont froid,

Aussi.

 

 

RC – mai 2015

Glasgow


De l’image, son retour permanent – ( RC )


sculpture:          La Dame d’ Elche, Huerto del Cura, Elche, Espagne

 

Ce texte  est une variation  » réponse »,  sur celui de Jean Malrieu  ( qui suit )

 

D’avril à  novembre,
De Novembre à avril,
Je tisse à l’endroit, à l’envers,
Des mailles pour que je contourne l’hiver .

J’écris toujours, à la lumière de tes feux  :
Et ceux-ci sont un don.
Une présence  faisant s’ouvrir      mes yeux,
Même aveuglé    par la pluie  fine des jours .

Ceux ci passent et,       même changeants,
Sont un retour permanent  .
Et si les sillons  du temps,
Laissent leur empreinte sur ma peau…

Ton image  est        un miroir,
Suspendu quelque part,
Impalpable       et lisse,

Au delà du tain  .
Chaque  chose est nouvelle,
Et toi,       vivante,   au défilé des heures.


RC – nov  2014


.
Je suis devant toi comme un enfant,
plein de pluie et de ravage,
ai cour d’un automne de silence
comme au centre d’une place assiégée
par l’herbe brûlée.

Je t’écris pour alléger le temps.
Cette page que je griffonne est un miroir.
D’elle va surgir un destin inattendu.
Car ma lutte contre le temps est ancienne.
J’écris toujours la même chose :
elle est nouvelle.
Que je lise à l’envers, à l’endroit,
l’inquiétude est éclairée

Je n’y peux rien.
Les années passent, me révèlent.
Mon visage s’affirme sous la pluie fine des jours
qui vient vers nous sur ses milliers, de pas agiles.
J’écris pour être avec toi
dans la paille douce et chaude de la vie.

Jean Malrieu


Le poing crispé sur les cartes – ( RC )


 

 

Tu tiens dans tes mains
Les cartes des jours,
Et disposes des atouts,
Des as et des figures.

Je ne sais encore aujourd’hui,
Ce qui compose         ton jeu.
Nous n’avons pas voyagé ensemble

Assez longtemps pour que je devine,
Quelles étaient ces cartes.
Serrées dans tes mains  closes.

On y lisait peut-être mon destin.

Tu t’es endormie des années,
Et, mon bateau abordant d’autres rivages,
Tu t’es réveillée                     sans ton image,

Oubliée quelque part,
Par inadvertance.

C’est alors que ,         desserrant ton poing,
Toujours crispé sur les cartes,
Tu t’es aperçue

Qu’elles étaient                 blanches,
Et qu’elles ne parlaient plus d’avenir.


RC  – sept  2014

 

peinture: Lukas Van Leyden