C’est en progressant dans une pente grise, où les ombres se confondent, que l’on devine une présence invisible, image subliminale derrière l’image. Nos pas soulèvent la cendre : elle s’accroche aux rochers, et aux troncs d’arbres que l’on distingue à peine. C’est un brouillard aux formes diffuses , tel un buvard de poussières, qui recouvre inexorablement toute surface. C’est une chose étrange, ….on la suppose liée à la photographie. Tout ce qui entoure le lieu semble appelé à disparaître. Il sera inutile de gratter la surface. L’Eden originel ne se situe pas dessous, le regretter ne sert qu’à éveiller l’inquiétude : un rapace aux ailes grises, qui ne secoue que l’ombre.
Ce corps n’a pas d’identité feinte, il n’a comme images que celles de légers creux laissés par l’empreinte des cailloux sur la plage qui parsèment les lieux.
Peut-être préfères tu pour confort les objets métalliques laissant leur marque de fer: les sommiers à ressorts sont particulièrement artistiques et devraient te plaire.
C’est dû à la position horizontale d’une sieste immobile pendant cette après-midi d’été où chaque sinuosité de métal laisse son creux fossile
– comme tu pouvais t’en douter -.
C’est à même la peau que c’est inscrit comme une signature sur la surface du dos qui provoque l’envie d’en évoquer l’écriture…
Car la chair est tendre et soumise aux lois physiques quel que soit notre âge : il fallait s’attendre à ce que cela soit la réplique d’un éphémère tatouage…
Tiens, nous voilà transportés dans l’horizon différé des reflets au passé composé, comme l’arc-en ciel jailli d’une pluie passagère près du fort de Bertheaume : un arc de couleurs irréelles prenant source dans mon souvenir, où se bousculent atomes de lumière et nuages fantômes d’une image en devenir faisant corps à corps avec la grève : la piste sableuse de mes rêves….
Sur l’eau morte et pareille aux espaces arides Où le palmier surgit dans les sables brûlants, Le nénuphar emplit de parfums somnolents L’air pesant où s’endort le vol des cantharides.
Sur l’eau morte à l’aspect uni comme les flancs D’une vierge qui montre aux cieux son corps sans rides, Le nénuphar, nombril des chastes néréides, Creuse la lèvre en fleur de ses calices blancs.
Sur l’eau morte entr’ouvrant sa corolle mystique, Le nénuphar apporte un souvenir antique : — Vénus marmoréenne, éternelle Beauté,
Ton image me vient de l’immobilité, Et sous ton front poli je vois tes yeux de pierre, Comme les nénuphars profonds et sans paupière.
Le chat ignore l’oiseau, qui figure sur la photo, juste à côté de lui. C’est que l’image ne le rencontre pas. Cela sent l’encre et non le duvet .
Le côté plat ne fait pas illusion: le monde n’est pas amputé d’une partie de sa réalité, c’est juste la lumière qui s’est posée sur l’oiseau, et dont on a prélevé une trace fugace, mais aucune plume, aucune chaleur. Le chat ne s’y est pas trompé.
L’attente est l’espace d’apparition des images et celui de leur retenue / La rencontre avec l’image : percussion de notre propre attente avec cet espace / Un monde à part du monde / Un monde de la suppléance (Derrida) / Fait de copeaux qui auraient l’étrange pouvoir d’exister sans pour autant entamer le bloc d’où ils proviennent, de prélever sans laisser de traces du prélèvement. (Le travail du seuil in L’imagement / Jean-Christophe Bailly. – Editions du Seuil, 2020. – (Fiction & Cie))
peinture Salvador Dali – Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme-grenade une seconde avant l’éveil
Quand elle dort dans le plaisir somnolent
du vieux jardin vibrant de fleurs et de nuit,
passant par la fenêtre je suis le vent,
et tout est comme un souffle fleuri.
Quand elle dort, et sans y prendre garde
s’abime dans les grands fonds de l’oubli,
je suis l’abeille qui enfonce l’ardente
aiguille — feu et furie — dans son sein.
Elle qui était image, charme, élégance
et mouvement ambigu, la voici pleur et cri.
Et moi, cause du mal, de la douceur,
j’en fais de lasses délices du péché,
et Amour, qui voit, les yeux clos, le combat,
s’endort en souriant de ravissement.
Bartomeu Rosselló-Pòrcel (1913-1938)
extrait de Nou poemes (1933).
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Quan ella dorm el gaudi somnolent del vell jardí vibrant de flors i nit, passant per la finestra sóc el vent, i tot és com un alenar florit.
Quan ella dorm i sense fer-hi esment tomba a les grans fondàries de l’oblit, l’abella só que clava la roent agulla – fúria i foc – en el seu pit. La que era estampa, encís i galanor i moviment ambigu, és plor i crit. I jo, causa del dol, de la dolçor
en faig lasses delícies del pecat, i Amor, que veu, ulls closos, el combat, s’adorm amb un somriure embadalit.
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on peut trouver – comme celui-ci, beaucoup de textes et chansons en portugais, sur le site de « je pleure sans raison »
La terre serait soif inquiète. Il n’y aurait plus que la nuit de l’oubli, des formes sombres à peine terrestres, le silence de la lumière. Et parmi les fruits de la veille, comme une ressemblance, le sourd battement d’une âme, tout au moins le pardon de l’image, la détresse d’une main qui se blesse ou bien qui aime. (Un rossignol accueillait chaque nuit l’eau bue par la lumière.)
Du sommeil de la déraison, des rêves chavirent , fruits de la passion …
Faut-il s’appesantir , sur l’aube du réveil ou laisser le miroir décider à sa place ?
Prolonge indéfiniment le sommeil , si ton image s’extrait de la glace , sans que tu t’en rendes compte , et qu’avec ton corps , tu affrontes d’autres volutes, et un décor , qui partage celui de mes rêves .
Ils sont toujours en partance , et parfois la brume se soulève assez pour qu’ils s’élancent à travers le miroir, ( il suffit, pour cela, d’y croire )
Lieu là tenu à la lèvre suffoque dans l’image non franchie dans l’appel
écorcé
Qui t’éprouve à l’arête d’un point de l’incendie ? Pour nous ne reste dans le milieu du rayon ou du plus léger sur l’autre rive où se ramifia la suture ?
Qui déchire qui rejoint qui clôt la prunelle qui engage le cercle non rien n’assemble en surplomb des chocs de la lumière rien ni clavier mais précipite le point douloureux près des tempes
J’apporte la mer entière dans ma tête De cette façon Qu’ont les jeunes femmes D’allaiter leurs enfants; Ce ne qui ne me laisse pas dormir, Ce n’est pas le bouillonnement de ses vagues Ce sont ces voix Qui, sanglantes, se lèvent de la rue Pour tomber à nouveau, Et en se trainant Viennent mourir à ma porte..
chat de nuit charly-gris comment J’écris comment je souris à cette image passage qui se reflète en glaces multi-faces où je rigole en multi-plans noir et blanc je m’envole sur une aile cœur-couleur tête de piaf ébouriffée inspiration profonde mon chant s’empli
sculpture: La Dame d’ Elche, Huerto del Cura, Elche, Espagne
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Ce texte est une variation » réponse », sur celui de Jean Malrieu ( qui suit )
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D’avril à novembre, De Novembre à avril, Je tisse à l’endroit, à l’envers, Des mailles pour que je contourne l’hiver .
J’écris toujours, à la lumière de tes feux : Et ceux-ci sont un don. Une présence faisant s’ouvrir mes yeux, Même aveuglé par la pluie fine des jours .
Ceux ci passent et, même changeants, Sont un retour permanent . Et si les sillons du temps, Laissent leur empreinte sur ma peau…
Ton image est un miroir, Suspendu quelque part, Impalpable et lisse,
Au delà du tain . Chaque chose est nouvelle, Et toi, vivante, au défilé des heures.
– RC – nov 2014
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. Je suis devant toi comme un enfant, plein de pluie et de ravage, ai cour d’un automne de silence comme au centre d’une place assiégée par l’herbe brûlée.
Je t’écris pour alléger le temps. Cette page que je griffonne est un miroir. D’elle va surgir un destin inattendu. Car ma lutte contre le temps est ancienne. J’écris toujours la même chose : elle est nouvelle. Que je lise à l’envers, à l’endroit, l’inquiétude est éclairée
Je n’y peux rien. Les années passent, me révèlent. Mon visage s’affirme sous la pluie fine des jours qui vient vers nous sur ses milliers, de pas agiles. J’écris pour être avec toi dans la paille douce et chaude de la vie.