Jean-Michel Espitallier – La chute –


. La chute, molle.Dans le volume du cylindre,La coulée des graisses s’étale sans plisser, régulièrement.Des mèches finissent de se consumer.Des bouts,Quelques fragmentations,Un voile d’essences volatiles,Et c’est tout. La chute.Une attente allongée, flottante.Une attente sans sonorité(Les résonances du volume sont si amples).Tout est arrondi. La chute.L’effondrement des pans,La violence des projectiles,La tendre épaisseur du vide sans vertige,Elle choit,Livrée à l’immédiat de sa détente,Dans le déferlement strident … Continuer de lire Jean-Michel Espitallier – La chute –

Strass – (Susanne Derève) –


. Ce ne sont que petits éclats de verre de strass  de mica * que recouvrent les pas que ternissent les ombres qu’engloutissent les nuits . Est-ce un rayon de lune un diamant désuni  ? Un soulier sonore   claque sur le bitume  … . Qu’a t il trahi  de rêves celui qui foule aux pieds et passe sans les voir  ces étoiles pâlies, ces perles … Continuer de lire Strass – (Susanne Derève) –

Derniers jours d’été sur la Rance – ( RC )


Tu as peint sur tes mots,comme sur des roses blanches.Certaines se fanentet leur tête penche… Sur les pentes des coteaux,les pêchers chargés de fruitsportent leur fatiguelas, des derniers jours d’été. Un nuage lourd d’humiditéa avalé les derniers rayons du soirLes voiliers s’effacent.On ne distingue plus les rives. C’est bientôt la nuit,les sons s’assoupissent ,le fleuve ne sait plusvers quel côté aller. Il attend de la … Continuer de lire Derniers jours d’été sur la Rance – ( RC )

Pierre Seghers – le phénix et les autres


L’oiseau qui chantait dans le feu, c’était le phénix,Depuis il patronne une lessive, une compagnie d’assurances.La bête qui vivait dans le feu, la salamandre,D’elle on ne sait plus rien, c’est un poêle d’appartement.Le char qui roulait dans le ciel, celui du soleil,Il est devenu épicerie à succursales, maison de primes.Et là-haut encore, l’astre des nuits et de l’amour,Vénus, quoi, c’est une marque de soutiens-gorge.Tout ceci, … Continuer de lire Pierre Seghers – le phénix et les autres

Marina Tsvetaieva – d’où me vient la tendresse ?


D’où me vient la tendresse ?J’ai caressé d’autres bouclesEt j’ai connu des lèvresPlus sombres que les tiennesLes étoiles s’allumaient et mouraient(D’où me vient la tendresse ?)Et les yeux s’allumaient et mouraientPlongés dans mon regardJ’ai entendu d’autre chantsDans la nuit sombre et noire(D’où me vient la tendresse ?)La tête sur le coeur du chanteur – autre version – D’où vient cette tendresse ? Ces vagues ne sont pas les … Continuer de lire Marina Tsvetaieva – d’où me vient la tendresse ?

Nicolas Jaen – l’ange frappera


Au teint de vieux noir et blanc.( Oui j’ai de la chapelle de l’hôpital des poussières d’hosties encore dans la gorge.)On lavera au sang. On ouvrira nos écorchures.On se baignera en nous.Et l’ange frappera. Par sa nervosité.Son œil boira les couleurs.À peine recommencées. Esquives.Et coups bas. Oui, la folie reprisée. D’avoir à consumer d’êtres l’urne, lente, fourragée, d’éternité.(Oui j’étais la pierre la dune le sable … Continuer de lire Nicolas Jaen – l’ange frappera

un poisson au-dessus des dunes – ( RC )


Je me roule dans les mains de lune glisse dans l’océan des rêvesje suis un poisson qui s’envole au-dessus des dunes. Ta poitrine de sirèneblanche et ta chevelure brunesont celles d’une reineau regard limpide. Je vais planer, planer encore, puis je retomberaidans l’étendue liquidel’instant d’une petite mort. Ton corps d’or, en devenirconnaît les sentiers secretsdes ressacs du désir. Tu sais que l’on se noiedans le … Continuer de lire un poisson au-dessus des dunes – ( RC )

Jean Jallerat – Promener au soleil une neuve passion


Montage photo RC Et tu vas parcourant les regards Tu appelles des chants et des départs Rêvés Rêvés Pour l’hiver Rêvés pour les nuits Pour l’herbe qui repart Devant le chien couchant qui guette des caresses Appelant les yeux fous gémissant sa tendresse Laissant l’effroi joyeux sous la main de la messe Et tu pars te figurant les foules Saisir au feu du jour une … Continuer de lire Jean Jallerat – Promener au soleil une neuve passion

Herta Müller – substances chimiques


L’anthracène sentait le camphre.Et parfois, malgré toutes les rues odorantes et les mots d’évasion, on sentait le bassin pek et son goudron de houille. Je le redoutais depuis mon intoxication, et j’étais content d’avoir le sous-sol.Mais au sous-sol il doit y avoir des substances invisibles, inodores et insipides. Ce sont les plus perfides. Ne les remarquant pas, je ne peux pas leur donner de nom … Continuer de lire Herta Müller – substances chimiques

Boris Vian – Triste Azor


Un chien vivait fort chichementDans une niche en bois de chêne.Retenu sans cesse à la chaîne,Il connaissait plus d’un tourment. Mais le pire désagrément,C’était la faim. Nourri de fainesDont les malfaisantes akènesLui laissaient le nez tout saignant, Il eût aimé jouir d’une tableSatisfaisante et confortable,Lécher des assiettes, le soir… Mais, pauvre, il mourut de la peste,Et l’on grava sur le sol noir :— Il est … Continuer de lire Boris Vian – Triste Azor

Chimères – ( RC )


– Où cours-tu si vite ? Après ces rêves qui t’emmènent, légère, dans le roulement des nuages ? Es-tu l’oiseau qui s’y cache, l’avion qui les dédaigne ? Tu voudrais t’en approcher, les saisir, les modeler, être dans les bras de l’air et l’azur frileux, lui qui sait que la pluie ne t’en offrira aucun abri. Où cours-tu si vite ? Après ces chimères suspendues, … Continuer de lire Chimères – ( RC )

Marc Hatzfeld – la pensée


L’HORLOGE DE LA GALERIE DU CLARIDGE    horloge à eau , imaginée par Bernard Gitton, Une araignée mélancoliqueFile la toile mécaniqueDe la pensée automatiqueEt tocDu temps savantQue la clepsydre faméliqueDes gouttes crottesPorte au cadran symptomatiqueDes mots pesantsQui balancent leurs tacset leurs tiquesPour que s’enchaîne le rythme logiqueDu corps pourriDe la pensée cacophoniqueEt tocQui m’étouffe le cœur. Marc Hatzfeld est par ailleurs auteur de livres « reportages » et … Continuer de lire Marc Hatzfeld – la pensée

Raymond Queneau – mouches


Les mouches d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes que les mouches d’autrefois elles sont moins gaies plus lourdes, plus majestueuses, plus graves plus conscientes de leur rareté elles se savent menacées de génocide Dans mon enfance elles allaient se coller joyeusement par centaines, par milliers peut-être sur du papier fait pour les tuer elles allaient s’enfermer par centaines, par milliers peut-être dans des bouteilles de … Continuer de lire Raymond Queneau – mouches

La mer – ( Susanne Derève) –


. Tapie , retranchée dans la nuitje la devine à son long battementde métronome ,à la fulgurance de ses phares ,à leur éclat – deux rouges un vert –marquant l’entrée du port Je la devine mordant la plage où la vague prend son essortutoie le ciel ,dérobe un éclat de silence ,et se saborde sur le sable ,le sable froid des nuits d’été La mer …Je … Continuer de lire La mer – ( Susanne Derève) –

Miquel Marti I Pol – je me déclare vaincu


Je me déclare vaincu. Les années qu’il me resteJe les vivrai dans un sourd malaise. Chaque matinJ’effeuillerai une rose – la même –Et avec une encre évanescente, j’écrirai un versDécadent et nostalgique à chaque pétale.Je vous lègue mon ombre pour testament :C’est ce que j’ai de plus durable et solide,Et les quatre bouts de monde sans angoisseQue j’invente chaque jour avec le regard.Quand je mourrai, … Continuer de lire Miquel Marti I Pol – je me déclare vaincu

Gilles Vigneault – j’ai mis dans ma poche une vieille maison


Quand j’ai chaussé les bottesQui devaient m’amener à la ville j’ai mis dans ma pocheUne vieille maisonOù j’avais fait entrerUne jeune filleIl y avait déjà ma mère dans la cuisineEn train de servir le saumonQuatre pieds carrés de soleilSur le plancher lavéMon père était à travaillerMa sœur à cueillir des framboisesEt le voisin d’en face et celui d’en arrièreQui parlaient de beau tempsSur la clôture … Continuer de lire Gilles Vigneault – j’ai mis dans ma poche une vieille maison

Le regard des planches – ( RC )


C’est cet arbre qui pencheet se courbe de vieillesse:la pluie n’est plus une caressepour le poids de ses branches. Le vent le déshabillepuis le couche sur le flancau milieu des brindilles : il a fait son temps… D’une coupe franche,on a débité son troncpour du bois de construction,et des tas de planches. As-tu vu ce que je vois ?une empreinte indélébile:un regard immobileincrusté dans le … Continuer de lire Le regard des planches – ( RC )

Lancelot Hamelin – sur la route


montage Viki Olner Après avoir descendu Gran’MaGinger RedEtait parti avec WolffLa carabine sur la lunette arrièreEn route au-delà des frontièresOn en avait fini avec Gran’MaLe monde est à celle qui a buté Gran’MaLe monde est à celle qui s’est donnée au Wolff Je ne peux pas tout faire pendant que je tiens le volantIl faut que je change de vitesseSe marrait WolffGinger disait toujoursMa Gran’ … Continuer de lire Lancelot Hamelin – sur la route

Bruno Ruiz – pour la pensée qui cherche votre étoile


Je n’ai de grâce que pour la pensée qui cherche votre étoileEt mon métier n’énonce que le rêve perdu de vos raisonsQu’ils soient reconnus ceux qui se perdent en eux–mêmesQu’on les inonde de lumière à la ferveur de leur corpsPour qu’ils chantent le temps d’une vie enfouieCe temps joignant le geste à la paroleIls sont mes chers passants du silence restés dans le noir pour … Continuer de lire Bruno Ruiz – pour la pensée qui cherche votre étoile

Kamel Abdou – le linceul de la résignation


Ils t’ont habillé du linceulDe la Résignation Et tu t’es souvenu du BarbuEt tu as hurlé « que la joie demeureque la joie demeure »qui m’empêchera de chanter tes yeuxet qui me fera oublier la chaleurde tes mains rugueuses qui s’étreignent ?Où est-il celui qui signait d’un Soleil ? Mère j’ai égrené les pustules de la RévolteJ’ai craché dans les gueulesBéantes des cellulesJ’ai lu Hikmet … Continuer de lire Kamel Abdou – le linceul de la résignation