Verts – ( Susanne Derève) –


Feuillées, Le vert y est-il vraiment vert -et la joie que je chante est-elle joie ?- J’y devine des gris d’ailes et de nuages, ceinturés de regrets, un bleu d’azur filé, des ocres, des terres brûlées, un miel dentelé de fougères,(de la géographie légère d’un rêve inachevé); j’y vois des pailles sèches tout près de s’embraser, des troncs cendrés, les bractées pâles des tilleuls vibrant … Continuer de lire Verts – ( Susanne Derève) –

Marcello Comitini – la fenêtre


Regarde. Dans l’immeuble d’en faceplusieurs fenêtres sombresgrande ouvertes sur le vide des pièces.Une seule reflète le cieltraversé par la fuite des nuages blancset des vols d’oiseaux qui remplissent le bleucomme des cerfs-volants échappés de main:le vent les pousse vers l’espace infini. Elle seule résisteau vide qui envahit ces pièces désertes,où avant ils coulaientla vie des hommesles cris des enfants, les éclats de rire des mères.Elle … Continuer de lire Marcello Comitini – la fenêtre

Octavio Paz – l’amphore brisée


Le regard intérieur se déploie, un monde de vertige et de flammenaît sous le front qui rêve : soleils bleus, tourbillons verts, pics de lumièrequi ouvrent des astres comme des grenades, solitaire tournesol, œil d’or tournoyantau centre d’une esplanade calcinée, forêts de cristal et de son, forêts d’échos et de réponses et d’ondes,dialogues de transparences, vent, galop d’eau entre les murs interminablesd’une gorge de jais, … Continuer de lire Octavio Paz – l’amphore brisée

La réparation de la photographie – ( RC )


L’atelier de réparationn’a rien pu pour l’image: c’est vers l’horizon que l’on va sans dommage.( J’ai juste repeint le fonden cherchant la couleur qu’il faut,sans tenir compte des nuages…)Il faut dire que la taille du pinceaune permettait pas de faire des ronds – même l’eau est restée griseen bordure de plage, comme si elle était prise par le gel des sels d’argent -. L’essentiel est … Continuer de lire La réparation de la photographie – ( RC )

Linda Maria Baros – Droit de libre pratique


Nous sommes montés dans les camions et avons ri, nous avons bu et craché.Nous roulions tous à grande vitesse ; la tête tranchée de la ville se cognait contre le pare-brise.Nos amis courraient toujours sur des toits huileux et le drapeau, le drapeau flottait parmi nous et nous cognait droit dans le visage, nous lacérait la joue, nous fendait le front. Mais nous avons hurlé, … Continuer de lire Linda Maria Baros – Droit de libre pratique

Sally Heliott – il neige toujours quelque part


Quand tu rencontreras le Soleil de Tabrizcomme ces deux mainscomme ces deux paumesdont les mots calcinés échappent aux brûlures… quand tu rencontreras le Soleil de Tabrizl’hiver alors nous mordra la bouchecomme…comme pour en vivre encore le feu avant la cendrela flamme et la lampe plaine à la longue pageencore imberbe de doutes et de peursquand remplie de silenceon entend sa parole Continuer de lire Sally Heliott – il neige toujours quelque part

un combat silencieux entre pierres et racines – ( RC )


C’est un combat silencieuxentre pierres et racines,étroitement enlacées :elles puisent dans le sol de quoi survivre aux légendes du passé. J’ai vu les débrisdes colonnes renversées,les temples envahis de lierre, les oiseaux de pierrequi ont perdu leurs ailes,gardiens d’anciennes stèles…Un sphinx vivantme fixe de ses yeux verts:l’éternité s’étendjusqu’à une princesse d’Egypte: ( une chatte veille sur une crypte à l’ombre des oliviers ),et à mon … Continuer de lire un combat silencieux entre pierres et racines – ( RC )

Fleur de sel – (Susanne Derève)-


Grèves du temps passé, qui demeurez blondes et légères, quand tout passe. Tant vous ai-je jeté mon filet pour y saisir le menu fretin du flot l’onde claire, les verts émeraude du soir, quand de ma brasse fendais l’eau, en brisais la surface d’ombre. Miroir sans tain,sous le reflet des pins les pierres engluées d’algues, la vase grise me renvoyaient déjà la nuit. Grèves, dans … Continuer de lire Fleur de sel – (Susanne Derève)-

Dominique Grandmont – le spectacle n’aura pas lieu IV


Quelque chose de tropvrai dans ton sourire j’essaiede rester de ne voirqu’un genou le coudele creux d’une veineou rien ceux qui restentsavent tout moi j’essaiede ne pas voir mais je ne peux pasnon plus partir quelque chosea lieu qui n’a pas de nom qui n’a pasbesoin de nom tout un corps là-bas commeles mots d’une chansonet qui se redressesans même écouter la musique continue toute … Continuer de lire Dominique Grandmont – le spectacle n’aura pas lieu IV

Pablo Neruda – Aujourd’hui –


Nous sommes aujourd’hui : hier, doucement, a chuentre des doigts de jour et des yeux de sommeil,demain arrivera de sa verte démarche,et nul n’arrêtera le fleuve de l’aurore. Et nul n’arrêtera le fleuve de tes mains,pas plus que de tes yeux le sommeil, bien-aimée,tu es le tremblement des heures qui s’écoulentde la lumière abrupte au soleil de ténèbres, et sur toi c’est le ciel qui … Continuer de lire Pablo Neruda – Aujourd’hui –

Fuir le son du clairon – ( RC )


Silence ouaté après la tempête…si tu t’imaginesque je vais ramasserles coquilles vides,aller réparerles bunkers renversés… Avec la pluie acideeffaçant les partitions,J’ai autre chose à faireque de tourner les pages à l’envers : qui pourra me poursuivre avec la fanfare et tous les cuivres,puisque tu n’as pas mis le son ? Tous au garde-à-vousdevant la place de la mairie,tu salueras de ma partle capitaine et l’adjudantqui … Continuer de lire Fuir le son du clairon – ( RC )

Rainer Maria Rilke – C’est presque l’invisible qui luit


C’est presque l’invisible qui luitau-dessus de la pente ailée ;il reste un peu d’une claire nuità ce jour en argent mêlée. Vois, la lumière ne pèse pointsur ces obéissants contourset, là-bas, ces hameaux, d’être loin,quelqu’un les console toujours. ( extrait des quatrains valaisans ) Continuer de lire Rainer Maria Rilke – C’est presque l’invisible qui luit

Fernando Pessoa – Le livre de l’intranquillité (extrait) 170


Depuis que les dernières pluies ont émigré vers le sud, et qu’il n’est resté que le vent qui les avait balayées, on a vu revenir sur les collines de la ville la gaieté d’un beau soleil, et surgir aux fenêtres des quantités de linge blanc qui dansait, suspendu à des cordes soutenues par des bâtons posés perpendiculairement, tout en haut des façades de toutes les … Continuer de lire Fernando Pessoa – Le livre de l’intranquillité (extrait) 170

Heinrich Böll – se dérober à tous les risques


Il y a des artistes, des maîtres qui sont devenus de simples routiniers mais, sans se l’avouer à eux-mêmes ni le confesser à autrui, ils ont cessé d’être des artistes. On ne cesse pas d’être un artiste en produisant quelque chose de mauvais mais à partir du moment où l’on commence à se dérober à tous les risques. extrait de la plaquette  » Je veux … Continuer de lire Heinrich Böll – se dérober à tous les risques

Solstice d’été -(Susanne Derève)-


La pierre : tiède sous le doigt, comme une chair reposeau sortir du sommeil, promise à la marche de l’aube. Au solstice d’été, la nuit peine à jeter son voile ; demain,les jours raccourciront, entameront leur course lente vers le déclinet leur douceur ne sera plus que la trêve illusoirequi précède leur mort. Mais ce soir, la lumière est reine. Dans le dernier sortilège du jour, le … Continuer de lire Solstice d’été -(Susanne Derève)-

Georges Jean – dans le désordre des choses


Les fruits sur la prairie pourrissentLes sentiers mènent aux étangsOù le ciel ouvre sa pulpeLes dernières roses construisentLe réseau profond de la mortLes maisons prennent dans leurs mainsLes personnages de la brumeNous sommes dans la chair du tempsLes arbres noirs de la nuitLes oiseaux gris dans le matinIl semble que le soleilVa déchirer ces voiles blancs Ainsi dans le matin du tempsLes paroles simples se … Continuer de lire Georges Jean – dans le désordre des choses

Hannah Arendt – Heureux celui qui n’a pas de patrie


La tristesse est comme une lumière dans le coeur allumée,L’obscurité est comme une lueur qui sonde notre nuit.Nous n’avons qu’à allumer la petite lumière du deuilPour, traversant la longue et vaste nuit, comme des ombres nous retrouver chez nous.La forêt est éclairée, la ville, la route et l’arbre. Heureux celui qui n’a pas de patrie ; il la voit encore dans ses rêves. Die Traurigkeit … Continuer de lire Hannah Arendt – Heureux celui qui n’a pas de patrie

Ed J Maunick – Port-Louis


6… Port-Louis ma capitale le Jardin des Salinesmes rêves devant la merles bateaux dans la rade mes adieux sans départaux tortues centenaires au Cimetière de l’Ouestaux oiseaux bateliers mes escales fantômes Batavia Liverpool 7… Port-Louis ma délirante ce délit du partir alors que je t’aimaistrottoir après trottoir qu’avec mes amis d’ornous frappions à ton ciel pour une mâne secrètesur nos vies secondaires réinventions le mondepour … Continuer de lire Ed J Maunick – Port-Louis

Louba Astoria – le la de mes étés


L’océan mouvant des épis s’est asséchéJuillet fauchéLa paille des blésA l’odeur sèche et drueDes hérissons jaunis qu’elle a dressés dans les champs Les soirs se laissent envoûterAu ciel, d’étoiles pailletéesIci-bas, d’une humidité serpentine, grimpanteEntre les vapeurs persistantes et dorées Séduite par cet entrelacs d’odeursLes grésillements des grillons et les grelots des jeunes grenouillesL’obscurité languissanteS’affaisse et enveloppe les derniers parfums de ces journées grouillantesRepues de soleil … Continuer de lire Louba Astoria – le la de mes étés

Viens boire dans ma main, l’oiseau – (Susanne Derève)


Viens boire dans ma main,l’oiseau. L’aile du vent s’est tue. On annonce aujourd’hui 50° à Rio et autant à Paris, et la voix qui claironne la mort lente des ombres, celle bleue du figuier, et la joue ronde du cormier, et le voile doré des trembles, qui égrène les villes,les fleuves, les pays, La voix dit: « à Rio,les mangroves ont séché; Paris n’entend plus … Continuer de lire Viens boire dans ma main, l’oiseau – (Susanne Derève)

les perles de lumières que ta main aura semées – ( RC )


Je ne sais plus où se sont égarées,les perles de lumièresque ta main aura semées.Personne ne parlera du gazon bleudes lucioles,et du frottement des élytresd’insectes invisiblesdans le bruissement de la nuit. Je les reverrai soudaindans l’heure de gloire du matin,flottant sur la rivièreentre les arbres immobiles :miettes scintillantes du cœurparcourant encorel’espace ouvert qui nous réunitdans le partage de nos songes…. Continuer de lire les perles de lumières que ta main aura semées – ( RC )

Pierre Seghers – le bon vin


Ah le bon vin ! de la bouteille rousseOn y buvait le repentir doréOn y buvait la ciguë des forêtsLe vent d’Avril et le diable à ses troussesAh le bon vin ! que sa chair était douceEnlevait-il ses habits de veloursQu’on l’embrassait comme soleil le jourIl vous glissait comme un que le vent pousse Ah le bon vin ! de-ci de-là chantantLe souvenir des amours … Continuer de lire Pierre Seghers – le bon vin

Béatrice Libert – les pierres et les mots


Les pierres et les mots remplissent notre vieLes unes pour la fermer les autres pour l’ouvrir Nous les semons devant nousSans pouvoir contre le chagrin et la nuit Parfois certains d’entre euxSoulèvent notre montagne intérieureRemuent notre pauvre syllabaire Où les mots défaits se recomposentOù les pierres affligées se changent en sable Où le vent malgré sa surditéRanime quelquefois un semblant de poésie Continuer de lire Béatrice Libert – les pierres et les mots

Le sable des étés – (Susanne Derève) –


Plage Sainte-Marguerite (Finistère) Serre-moi fort entre tes bras,j’oublierai les marques du temps :celles qu’il laisse au coin des lèvres, et puis celles invisibles qu’on cultive en secret.Est-ce ainsi qu’on devient, un très vieux sablierqui voit filer entre les doigts son rêve usé, fragile cerf-volant de papier qui s’abat sur la plage,et le ciel verse les images du passé. J’ai trop voulu étreindre,tenir entre mes mains le … Continuer de lire Le sable des étés – (Susanne Derève) –

Carl Norac – prière pour le soldat Kostrowitzky


la mort me suit parfois et je lui dispatienteje n’ai pas encore misde mots sous les caillouxj’écris « je suis vivant »tout en fermant les yeuxla mort me suit parfois et je lui dispatientetous les matins je suis vieux mais les soirsje m’enfante laisse-moi jouer un peudans la cour des grandes ombrespatiente ô sage mortécoute si ténule bruit de l’encre buesur cette pageet puis dors ( extrait … Continuer de lire Carl Norac – prière pour le soldat Kostrowitzky

Le moine et le poisson – ( RC )


Nous allons suivre au long de ces versun jeune moine plein d’ambition,qui par jeu , ou simple convoitiseentreprit ( pour améliorer l’ordinaire)d’attraper un petit poisson,or – qu’on se le dise,rien dans les Saintes Écritures,n’interdit, personne, au monastèrede se transformer en pêcheur :les amateurs de fritureou de fruits de mersont , par nature,avant tout des hommes : Ceux qui seraient tentés( en dehors des pommes )peuvent … Continuer de lire Le moine et le poisson – ( RC )

T.S Eliott – le mois le plus cruel


April is the cruellest month, breeding Lilacs out of the dead land, mixing Memory and desire, stirring Dull roots with spring rain. Avril est le mois le plus cruel, Les lilas hors de la terre morte, mélangeant La mémoire et le désir, en remuant Les racines inertes avec la pluie de printemps. TS Elliot Continuer de lire T.S Eliott – le mois le plus cruel

De mon aiguille patiente – (Susanne Derève) –


De mon aiguille patiente je reprise les plaies du temps plaies vives plaies rebelles À la fenêtre le blanc troupeau de nuages d’une aube grise vient enserrer le jour J’attends l’instant d’après – celui de la belle ouvrage – où renaît ton sourire un lever d’hirondelles dans l’azur pantelant d’un ciel d’été Continuer de lire De mon aiguille patiente – (Susanne Derève) –

Izou, couleur de fumée – ( RC )


Où es tu maintenanttoi qui veillais sur mes nuits,poids doux de tes pattessur mon visage ? Pelage gris-brunl’ ange animalqui veillaitsur le château de la nuit… Toute proche encoreà la façon d’un enfantqui se pelotonnedans mes rêves. Petit cœur battantdans un corpscouleur de fumée,velours de l’ombre … Et soudain,la coupe des jourssonne par le creuxde ton existence. Ainsi la vie s’absente,la sonate s’est tue,la corde du … Continuer de lire Izou, couleur de fumée – ( RC )

Cathy Garcia – printemps païen – végétal


Graines de désir,Germées à l’ombre,Au cœur du cœur. Noyaux de vie,Toute concentréeAppelée à croître. Pousses victorieusesEt jaillissantesDans un premierÉblouissement! Feuilles enfantsDéployées,La tendresseDu fin duvet. Rencontre avec l’eau,Plaisir de la croissance,Élévation. Tige vivante,Souple et caressante,Tendue, dressée, Portant ses fruits,Sa fleurEn bouton secret. Sortilège de la lumièreConjuguée au ventEt à l’amour! Mystère éclos…La fraîche merveilleD’un rouge délicat. Robes de soie et de veloursAux teintes les plus pures,Parfums … Continuer de lire Cathy Garcia – printemps païen – végétal

Anna Jouy – Je n’oublie pas


Je n’oublie pas. Pourquoi le ferais-je. Le souvenir est le petit oratoire de la mélancolie.J’entasse le passé, les fanes d’hiers bien secs. Une odeur de soleil en fleurEt parfois glisse sur l’image du jour, ce voile qui tombe sur les berceaux.Je n’oublie pas comme on a bâti ma robe de mots, comme il a fallu y faire entrer le corps et l’âme engoncée.Je n’oublie pas … Continuer de lire Anna Jouy – Je n’oublie pas

Jeux du songe – ( RC )


( variation – réponse sur un texte d’Andrée Chédid ) Les jeux du songesont transparentsau flux du présent.Les remous du cœurme plongentdans la toile de la vieoù passe l’empreinte de l’angequand nos ombreslentement se mélangentcomme deux âmes sœurs. -RC- Je navigueSur les jeux du songeSur le flux du présentSur l’élan de l’âmeSur les remous du cœurD’instant en instantAu rythme du temps qui nous modèleNos ombres … Continuer de lire Jeux du songe – ( RC )

Orhan Veli – En mal de mer


Des bateaux traversent mes rêvesPar-dessus les toits, bateaux pavoisés ;Moi le malheureux,Moi en mal de mer depuis des années,Je regarde, regarde et pleure. Je me souviens de mon premier regard sur le mondeA travers la coquille d’une moule :Le vert de l’eau, le bleu du ciel,Le plus moucheté des éperlans…De la blessure ouverte sur une huîtreS’écoule mon sang encore salé.Nous étions partis comme des fous,Au large, vers … Continuer de lire Orhan Veli – En mal de mer