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Jean-Pierre Voidies – feu d’artifice


Oh ! la belle bleue Ah ! comme elle éclate

Du grand oiseau bleu, c’est la grande patte
Grattant le ciel noir — Gare à nos cheveux !

Le bout de chaque ongle est pointe de feu
L’oiseau merveilleux, de sa patte gratte
Tombant de là-haut, cherchant dans l’espace
Peut-être un perchoir, mais alors s’efface

La patte dorée du grand oiseau bleu.

in « Le Pavillon » (éd. R. Maria)


Armand Dupuy – Un avant-goût de ne rien dire


image-collage Jane Cornwell

Un avant-goût de ne rien dire, ce temps friable autour.
Les images n’apaisent plus, les aplats stagnent.
On repousse les bords, aussi fort que possible, on s’entasse sur ses pieds.
On cherche un espace où loger son charabia, loger l’écume, mais pas d’issue — chut!
Flot ferme, fermé – on écoute ce peu, petit ciel sale et bas, son air déjà lu, même usé.
La brume s’est levée dans la forme, dis-tu, soudain moins étroite.
Alors on cherche ce fantôme, immobile et loin – les restes d’une courbe en tête.
Avec le tissu rayé du sommier, son odeur de paille et de ferraille.
Il reste cette lumière sur les pages et les tempes plus claires.

texte extrait de « Chut! » – recueil « sans franchir » éditions Faï Fioc 2014


Jacques Borel – la trace


photo: Izis

À qui veux-tu parler ?

Les trottoirs sont déserts,

Un petit soleil mort

Ou le crachat d’hier

Se sèche sur le mur.

O veine de mica,

Tesson, mucus, paupière,

Trace d’une lueur

Absorbée par la pierre,

Ne t’éteins pas encore,

Reste d’un geste humain

Ou souvenir du jour,

Illumine ce peu

D’espace consolable

Où ma vie comme un poing

Serre ses derniers rêves.

extrait de  » sur les murs du temps »


Jean-Luc Parant – le chant du vide


C.M. – Mais la musique n est-ce pas le chant du vide ?

J.-L.P. – Oui, car si être aveugle c’est avoir perdu le soleil, être sourd ce serait avoir perdu le vide. Un texte qui ne laisserait rien entendre ne se laisserait pas lire.

La lumière sans l’espace ne pourrait pas l’éclairer, la nuit le recouvrirait aussi vite.
Si les oreilles sont placées de chaque côté de la tête et non ailleurs c’est parce que de chaque côté de nous il y a le vide sans fin.


À gauche et à droit nuit, devant nous le jour.

(extrait d’un dialogue avec Claude Margat )- CIPM editions


Fernando Pessoa – Accalmie –


Uehara Konen – Vague –

.

.

Les vagues content quel rivage

Qui ne peut être trouvé

Si nombreux que soient les bateaux en mer ?

Qu’est-ce donc que trouvent les vagues

Et qu’on ne voit jamais surgir ?

Ce bruit de mer se faisant plage

Où est-ce qu’il peut subsister ?

.

L’île si proche et si lointaine,

Qui dans l’oreille persiste,

Pour le regard point n’existe.

Quelle nef, flotte ou armada,

Peut finir par ouvrir la voie

Vers la plage où la mer insiste,

Si à perte de vue la mer est seule ?

.

Est-il des déchirures dans l’espace

Qui donnent sur l’autre côté,

Et grâce à quoi, l’une trouvée,

Ici où ne sont que sargasses,

Surgirait une île voilée,

.

Le pays fortuné

Préservant le Roy déporté

Dans sa vie enchantée ?

.

.

Fernando Pessoa est mort le 30 Novembre 1935

Message

traduction de Patrick Quillier

Ed. Chandeigne


Pierre Seghers – entre les mailles des buissons


photographe non identifié

Entre les mailles des buissons
Pris à la nasse d’eau des sources
Il vécut dans la fosse aux ours.

O le temps des maisons du vent
Il a campé sur l’océan
Il a mangé le pain des vagues,
Il but l’hiver avec l’été

Le chien de peur à son côté
Le ciel a rongé son visage.
Tous les paluds ont la vérole

Il eût fallu tant de parole
Pour proclamer ce qu’il savait
Que dans le vent, la boue, la colle
Il traînait des semelles folles
De silence et de vérité.

Quand les marais perdaient sa trace
Il était l’hôte de l’espace
Il mâchait l’herbe et le roseau.

Et sur les routes de Décembre
Il brûlait de gel et d’attendre
Le dernier des quatre chevaux


Quelle méthode ? – ( RC )


Y a-t-il une méthode
que l’on doive suivre
pour écrire un poème,
courber les mots,
les faire danser,
sur le fil tendu
de la pensée ?

Personne ne m’a chuchoté
la réponse
et le rythme
de la musique
qui l’accompagne,

  • alors je le laisse fleurir
    comme bon lui semble…

Quelques images
lui sont attachées,
au gré de ma fantaisie
houle argentée
accompagnée du vent de l’inquiétude,
d’un soleil radieux
ou bien tragique…

le poème – si on le qualifie ainsi –
prend son envol ,
sans que je mesure l’espace
entre ses pieds,
Il ne paraît pas
entravé de normes rigides :
il s’échappe, sans que je le retienne.


Marcello Comitini – la fenêtre



photo RC – Brest Penfeld

Regarde. Dans l’immeuble d’en face
plusieurs fenêtres sombres
grande ouvertes sur le vide des pièces.
Une seule reflète le ciel
traversé par la fuite des nuages blancs
et des vols d’oiseaux qui remplissent le bleu
comme des cerfs-volants échappés de main:
le vent les pousse vers l’espace infini.


Elle seule résiste
au vide qui envahit ces pièces désertes,
où avant ils coulaient
la vie des hommes
les cris des enfants, les éclats de rire des mères.
Elle convertit la fuite des nuages en danse
rend immobile l’heure qui fuit
la fait revenir avec un nouveau visage
même quand elle s’enflamme
du soleil couchant.
Et à l’aube, elle s’allume de tendresse.
Regarde la. Ressens-tu
grandir cette grâce autour de toi
venir te rencontrer, donner un sens
au vide de nos pièces ?

Guarda. Nel palazzo di fronte
tante finestre buie
spalancate sul vuoto delle stanze.
Una soltanto riflette il cielo
attraversato dalla fuga di nuvole bianche
e voli d’uccelli che riempiono l’azzurro
come aquiloni sfuggiti di mano:
il vento li sospinge verso lo spazio infinito.
Lei da sola resiste
al vuoto che invade queste stanze deserte,
dove prima scorrevano
la vita degli uomini
i gridi dei fanciulli, le risate delle madri.
Converte in danza la fuga delle nuvole
rende immobile l’ora che fugge
la fa ritornare con un volto nuovo
anche quando s’infiamma
del sole al tramonto.
E nell’alba s’accende di tenerezza.
Guardala. Senti
crescere intorno a te questa sua grazia
venirti incontro dare un senso
al vuoto delle nostre stanze?

du site de Marcello Comitini


Le ruban noir – ( RC )


J’ai vu cette main en gros plan,

posée sur un membre,

ou un corps  souple .

Peut-être  était-ce celui d’un autre

plutôt que celui de  la personne  

à qui appartient la main.

Rien ne l’indique .

Ou peut-être  une  petite  différence 

de pigmentation de la peau  :

Les doigts sont face à nous .

La main repose, légère,

abandonnée.

Lassitude,  tendresse ?

Elle s’enfonce apparemment 

dans la peau, souple, accueillante.

Mais les ombres sont  pourtant assez marquées :

elles tirent sur le mauve.

Ce qui surprend , 

c’est  aussi l’ombre portée du bras

sur l’arrière plan,

placé précisément sur l’axe diagonal du tableau ;

comme si  celui-ci était plaqué

sur la surface  d’un mur, 

donc n’ayant pas l’espace nécessaire

pour qu’il puisse se poser

sans faire une  contorsion.

C’est une main féminine, 

et le torse,  horizontal,

si ç’en est un, 

montre un petit grain de beauté  

au niveau du pouce :

cela fait un ensemble empreint de douceur, 

mais l’arrangement de l’ensemble

ne semble pas tout à fait naturel :

la position rappelle un peu

celle de la main de l’Olympia,   de Manet.

Le titre attire notre attention

sur un ruban noir étroit,

noué au niveau du poignet.

C’est un détail, 

qui réhausse le côté un peu blafard de la chair;

et on se demande s’il y a un sens particulier,

donné par sa présence:

s’il était placé plus haut, 

ou ailleurs, 

plus  épais, d’une teinte différente.

Si le nœud  n’était pas si  apparent…,

et s’il n’y avait rien du tout,

seulement  son empreinte  ?

Comme un ruban du même type 

est aussi présent dans l’Olympia,

mais autour du cou, et noir également

c’est une similitude,

comme l’oblique  du bras,

qui n’est peut-être pas  fortuite ,

et on s’attendrait sur d’autres  toiles,

à des rapprochements similaires…


Ryan Adams – ténèbres


darkness isn’t anything but the space in between the light

Les ténèbres ne sont pas autre chose que de l’espace entre la lumière

Ryan Adams


Causses – (Susanne Derève)-


photo RC – Causses

.

Ondulant à perte de vue dans la lumière,

les courbes blondes des prairies 

griffées de la pierre grise du calcaire,

le sillon brun des labours

et les vertes dolines

.

où le vent frais balaie la chaleur de midi,

berce dans les sous-bois les strates accumulées     

d’anciens automnes. 

.

Résonne de loin en loin  

l’écho d’un pas,

le craquement assourdi du bois mort …

.

Soleil.

Le long dimanche de fiançailles

d’une fin d’été   

avant les noces blanches d’hiver.

.

On se prend  à rêver de chemins effacés,

de villages engloutis sous la neige,

du tintement des pelles sur les seuils,

de ciels de cire ponctués de fumées grises,

.

comme si l’oubli n’était en toute saison

le cœur de ce pays, son âme claire

sa  terre promise

.


Aude Courtiel – des jours des semaines entre un sourire et l’esquive


photo Kathia Chausheva

J’ai guetté les plis sur ta peau.
Des jours des semaines entre un sourire et l’esquive.
Des centimètres de nuages à boire.
Et la peur d’échouer.
Parce que rien ne remplace l’absent.
Que tout pourrait s’arrêter au silence.
Que tu pourrais contourner le vent.
Fermer les fenêtres.
Tapisser l’être.
Pourquoi ne pas enfiler la tombe.
La mort n’est pas le silence.
Tu pourrais aussi passer par les trous dans la porte.
Remettre à plat les plis.
Nommer l’espace.
Du dehors du dedans.
Tamiser le temps.
Avant, maintenant.
J’ai plongé un papier entre tes doutes.
Qui sait si tu l’enveloppes comme un rêve.
Femme à la mer
Combien de temps elle flotte ?
Combien de peaux ?
Des couches
Des plus ou moins vraies
Des plus ou moins fausses
Des promesses
Des effluves
De fauve
Des chiens des chiennes et du velours
À un poil près pointait le bruit du vent
Silence
Encore du temps
À la surface de la lune
Pour soutenir le foutre
Pour dilater la blessure
Prendre le large
À l’horizon qui sait, le chant des sirènes
Combien de temps flotte avant les sirènes ?
Femme marine à deux queues
Envie d’être en soi
En vie d’un toi
Bruit de peaux entre les flammes
Pas de larmes consumées
De cris à l’aveugle
Mais le murmure d’un ruisseau qui fume
Jusque dans la bouche Jusque dans l’iris
Chance
Incandescence
Le désir dilatait le rêve
Est-il encore chaud ?
Bruit de peaux entre les flammes
Pas de larmes consumées
De cris à l’aveugle
Hais le murmure d’un ruisseau qui fume
Jusque dans la bouche
Jusque dans l’Iris
Chance
Incandescence
Le désir dilatait le rêve
Est-il encore chaud ?
Bruit de peaux entre les flammes
Pas de larmes consumées
De cris à l’aveugle

Mais le murmure d’un ruisseau qui fume
Jusque dans la bouche Jusque dans l’iris

Chance
Incandescence

Le désir dilatait le rêve
Est-il encore chaud ?


Gustave Roud – campagne perdue


peinture: Maurice Brianchon

Sépare-toi de ton double endormi, quitte la chambre du Temps,
le seuil débouche dans une perle!

Nacre et nuit, l’espace gris et rose s’irise et tremble au seul battement de ton désir.

L’espace devient couleur de ta pensée. Tu peux choisir.
L’aube? Le ciel miroite aussitôt comme un ventre de truite.
La nuit d’août? Ce grésillement d’étoiles tout à coup sur le lac d’odeurs
où fermente le vin des roses mortes.
Décembre, si tu veux… La fontaine, sa voix d’été perdue,
coule sans mot dire sous les glaçons,
louche rappel des grelottants réveils d’adolescence.

Tu peux marcher dans l’herbe, dans la neige, cueillir une fleur,
une pomme au jeune pommier Lebel, mâcher le miel des premières violettes
en chassant d’un claquement de mains le corbeau d’octobre
noix au bec à travers l’essaim des feuilles jaunes.

Tu désires l’orage – et l’éclair fend d’un fil de feu la suie et l’argent des nues.
L’étendue n’est qu’un chatoiement du possible autour de tes mains et de tes lèvres.
Murmure pluie! et les molles flèches de l’averse ruisselleront à tes bras nus.

Ta main debout – le soleil flambe aux croupes fumantes des collines…
Tu es le maître de l’espace et le Temps n’est plus pour nous deux
qu’un présent inépuisé.

GR –Une solitude dans les saisons


Dans la république des oiseaux – ( RC )


Coltrane bye bye & blackbird

montage   RC

Il n’y a pas besoin de clé,
pour passer dans un autre monde:
Juste tourner la poignée de la fenêtre
pour marcher de plein pied dans l’espace.

Des traits se côtoient,
mais jamais ne s’enchevêtrent.
        Les pépiements que j’écoute, 
        aussi ,         se superposent.

Je suis rentré dans la république des oiseaux,
      ( en fait dans un monde sonore
         où se croisent les langages
             de la nature ).

Quels que soient les plumages,
de bois, de cuivre
ou de simple roseaux
que le souffle entraîne.

Je voisine en musique un merle rieur,
une bécasse, et d’autres espèces
aux couleurs changeantes,
comme dans le catalogue de  Messiaen.

Ces oiseaux sont de minuscules étoiles
qui animent le ciel tendu
à mes oreilles :
drap vivant de l’azur perpétué.

Il n’y a pas besoin de clé,
pour passer dans un autre monde:
il suffit , par exemple, d’écouter
Naïma , de Coltrane …

C’est comme une partition de liberté
où les notes filent à toute allure
comme ces hirondelles
dansant leur mélodie.

Qui la leur a apprise ?
Comment se fait-il qu’à chaque fois s’échappe
l’harmonie sans qu’on la rattrape,
quand le musicien improvise ?


Marchant dans le néant – ( RC )


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Avec l’apprivoisement du jour,
les étoiles s’enroulent
dans leur tissu lointain.
Tout est en suspension,
et je vois bien quelques figures,
qui clignotent encore :
la grande et petite ourse,
marchant dans le néant,
piétinant les anges,
avant qu’un bleu sans nuages,
envahisse le ciel,
et dilue le temps,
qui semble avoir
arrêté son mouvement,
sur la page
du manuscrit,
avec les dessins du zodiaque
étrangement liés avec les mois
de la terre,
pourtant , vu de l’espace,
une simple poussière…


RC- sept 2019

voir  aussi la représentation du zodiaque  tel que l’a dessiné  Albert Dürer:


Zbigniew Herbert – la pierre blanche


Eye idol Period: Middle Uruk Date: ca. 3700–3500 B.C.                                                                    Period:                                      Middle...
idole aux yeux – mésopotamie         3500 av JC

Il suffit de fermer les yeux –

mon pas s’éloigne de moi
comme une cloche sourde l’air va l’absorber
et ma voix ma propre voix qui crie de loin
gèle en une pelote de vapeur
mes mains retombent
encerclant la bouche qui crie

le toucher animal aveugle
se retirera au fond
de cavernes sombres et humides
subsistera l’odeur du corps
la cire qui se consume

alors grandit en moi
non la peur ou l’amour
mais une pierre blanche

c’est donc ainsi que s’accomplit
le destin qui nous dessine au miroir d’un bas-relief
je vois le visage concave la poitrine saillante et les coques sourdes des genoux
les pieds dressés une gerbe de doigts secs

plus profonde que la terre le sang
plus touffue que l’arbre
la pierre blanche
plénitude indifférente

mais les yeux crient à nouveau
la pierre recule
c’est à nouveau un grain de sable
noyé sous le cœur

nous absorbons des images nous remplissons le vide
notre voix se mesure avec l’espace
oreilles mains bouche tremblent sous les cascades
dans la coquille des narines vogue
un navire transportant les arômes des Indes
et des arcs-en-ciel fleurissent du ciel aux yeux

attends pierre blanche
il suffit de fermer les yeux


Quelques traits, quelques tiges – ( RC )


Installation Shiaru Shiota

 

J’ai lancé des traits,

comme on lance un appel dans l’espace.

L’appareil photo a gardé trace de ceux-ci,

mais je n’y suis pas :

trop flou à cause du mouvement,

et de mes habits sombres.

Les traits sont devenus des tiges

avec des fleurs

qui se sont épanouies,

avant de flétrir et de tomber.

Les plantes ont continué de grandir,

et ont traversé le plafond.

Maintenant ce sont des colonnes,
qu’on ne pourrait plus déplacer ;

et c’est déjà un prodige

de pouvoir encore circuler

dans ce rétrécissement de l’espace

où je suis prisonnier.


RC – aout 2018

 

cet écrit est inspiré au départ d’une installation de Jacques Vieille, vue il y a longtemps à Lyon, mais dont je n’ai pu retrouver la trace  en images… je propose celle-ci à la place…

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Et si le vent ne contenait aucune promesse (Susanne Derève)


Granville_Redmond_-_Morning_on_the_Pacific     

  Granville Redmond       Morning on the Pacific

 

 

Et si le vent ne contenait  aucune  promesse

S’il fallait rejoindre la mer

–  les rivières ne recèlent qu’un reflet trop pâle

 éphémère   du temps,     

de ce va et vient sur l’estran –

 

 

S’il fallait la rejoindre au-delà des estuaires

quand elle se déleste aux confins du rivage

de son trop-plein d’algues et de pierres

de  bois flottés   de coquillages 

 

 

Lorsqu’on atteint le large,  là est le vent

et sous le vent on largue à la mer 

les derniers repères il n’y a plus trace

de ce que l’esprit formait de rêves et

de chimères

Ou plutôt le rêve est là, il vit, il nous précède

Il bondit plus  bleu que le bleu des

pigments  d’outre-mer

 

 

Et si le ciel blanchit c’est simplement

que la lumière l’inonde

et c’est là que s’abrase la plus petite parcelle

de l’esprit rétif, comme à coup de canifs,

à petits coups de langue, un halètement

plaintif

 

 

Là, la fête commence,   les grandes épousailles

de la mer et du vent, on ne sait plus le dire,

ou peut-être les noces de l’espace et du temps  

pour embrasser le vide   

et d’y plonger on en est plus avide

d’immensité  alors on sait ce n’est pas un vain mot

que la promesse est là  de se couler dans le plus petit

interstice entre deux gouttes d’eau, deux esquilles

de vent sous la peau

comme la vague       toujours plus haut

 

 

 une vague etude PE ROSSET GRANGER

                 Paul Edouard ROSSET-GRANGER  « Une vague, étude »

 

 

 


André Henry – ce n’était pas assez


Résultat de recherche d'images pour "in prison  comics"

Ils vous ont enlevé vos couteaux, vos lacets,
Vos maisons, vos jardins.

Ce n’était pas assez.

Ils vous ont poursuivis, ils vous ont pourchassés,
Sur vos mains, sur vos pieds,
leurs yeux se sont posés
Pour guetter le non-sens.

Ce n’était pas assez.

Ils ont fermé sur vous
les portes successives.

Ce n’était pas assez.

Vous preniez trop d’espace,
Ils entendaient vos voix, ils entendaient vos pas.
Ils ont poussé sur vous l’ombre
Et les murs
Qu’ils vous avaient laissés.

Ce n’était pas assez.

Ils auraient bien voulu murer vos cris, vos yeux.
Ils auraient bien voulu que vous disparaissiez. 


Alberto Giacometti – facettes


Image associée
sculpture   –  Alberto Giacometti   –  crâne    1934
« On peut comparer le monde à un bloc de cristal aux facettes innombrables.
Selon sa structure et sa position, chacun de nous voit certaines facettes, certaines parties de facettes et son tableau poème objet etc. n’est qu’un témoignage de ce qu’il aperçoit.
C’est bien évident que toutes les facettes vues par un groupe de gens à une certaine époque doivent être très près l’une de l’autre, à peine des petites différences d’angle, d’inclinaison, et vue de loin elles ne forment qu’une seule masse claire par rapport à toutes les innombrables qui trempent dans le noir de l’espace.
La production de chacun de nous est le reflet exact de cette différence d’angle et de position. »

— Alberto Giacometti, Écrits,                                        Éditions Hermann, 2007


Catherine Pozzi – Nova


Dillon Samuelson             everithing Happens to Someone.jpg

Dillon Samuelson       –  everything Happens to Someone

 

Dans un monde au futur du temps où j’ai la vie
Qui ne s’est pas formé dans le ciel d’aujourd’hui,
Au plus nouvel espace où le vouloir dévie
Au plus nouveau moment de l’astre que je fuis
Tu vivras, ma splendeur, mon malheur, ma survie
Mon plus extrême cœur fait du sang que je suis,
Mon souffle, mon toucher, mon regard, mon envie,
Mon plus terrestre bien perdu pour l’infini.

Évite l’avenir, Image poursuivie !
Je suis morte de vous, ô mes actes chéris
Ne sois pas défais toi dissipe toi délie
Dénonce le désir que je n’ai pas choisi.

N’accomplis pas mon jour, âme de ma folie, —
Délaisse le destin que je n’ai pas fini .


Ouvert sur l’infini – ( RC )


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C’est ouvert sur l’infini,
d’une belle transparence ;
il y a le scintillement des étoiles,
une cascade d’astres  ( ils ne tombent pas ) .
Cela ruisselle comme une eau,
à travers un ciel qui n’a pas de limite.
Le regard porte loin, et s’il le faut
on s’aide d’engins perfectionnés.
Des télescopes qui nous font découvrir,
cachés, des mondes palpitant par leurs ondes,
des signaux imperceptibles,
qui font supposer que d’autres mondes
se cachent derrière .

Mais quelles que soient les inventions,
les artifices pour voir plus loin,
plus précisément,          dévoiler le secret des dieux,
on se heurte à des obstacles invisibles,
et qui pourtant n’obscurcissent pas la vue ….
car l’univers n’a pas de bornes,
et ce qui nous est donné à percevoir,
n’est qu’une infime partie ,
physiquement limité par l’étroitesse de la finitude,
qui se confronte à l’inversion des choses,
de la même façon que le concevable
s’oppose à l’inconcevable ,
à l’intérieur même de la pensée .

Et si on parle de vision,
malgré la transparence – que l’on pense acquise
l’image des astres       – que l’on croit immobiles,
et de la lumière            –  son parcours rectiligne,
le regard bute contre le ciel
quelles que soient les distances,
et de quelque façon qu’on les repousse,
qu’on les envisage,              encore :
celui-ci aspire l’âme,
et,    à défaut, devient métaphysique ,
se fondant dans le rêve de l’espace ,
que même la conscience
ne peut conquérir .

RC – août 2017

 

( une tentative  de réponse  au texte  d’ Anna Jouy )

 


Sculpteur de poème – ( RC )


Image associée

 

sculpture    Jaume Plensa      Yorkshire park

Tu t’imagines sculpteur
en travaillant le volume d’un poème….

Tu as à ta disposition,
comme celui du métier,
une matière malléable
qui serait comme la terre glaise
avec laquelle tu modèles tes idées.

Elles peuvent prendre toute forme
et le dire , en être rugueux
ou volontairement lisse,
selon le choix des verbes.

Tu travailles rapidement,
rajoutes, enlèves, soudes,
crées les espaces nécessaires,
associes les nuances,
se froissant même,
au parcours des sons.

Tourne donc autour de ta sculpture :
tu l’envisages sous un autre angle,
évidant les mots,
multipliant les arabesques.

Regarde l’ombre portée des phrases.
Creuse encore, où les sonorités s’affrontent ;
Imagine d’autres couleurs,
portées par d’autres voix.

Comment respire l’ensemble,
s’il se dilate avec le souffle,
s’il a la fluidité d’un marbre poli.

Il se nourrit de lumières et d’ombres
au foisonnement des images :
métaphores cristallisant l’imagination
avec la magie des vers:
le poème vibrant de son propre espace.


RC – mai 2017


Mouvements figés – ( RC )


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photographe non identifié

 

Mouvements de la main
tendue,  vers toi
       contre la surface
que je ne peux franchir.

Mouvements de la lumière,
s’accrochant à moi,
        c’est ainsi
que tu me vois

Mouvements du jour,
plaqués sur l’image   :
        un mur sans fissure
s’emparant de l’espace .

Mouvement figé,
immobilisé de même ,
     ne pouvant dépasser,
le rectangle de la photo.

Mouvement du regard :
il va vers toi,    et toi vers moi,
mais il y a le mur,
infranchissable des pixels .


RC – oct 2017


Pierre Reverdy – Mémoire


00abstract_0015.jpg

Une minute à peine
Et je suis revenu
De tout ce qui passait je n’ai rien retenu
Un point
Le ciel grandi
Et au dernier moment
La lanterne qui passe
Le pas que l’on entend
Quelqu’un s’arrête entre tout ce qui marche
On laisse aller le monde
Et ce qu’il y a dedans
Les lumières qui dansent
Et l’ombre qui s’étend
Il y a plus d’espace
En regardant devant
Une cage où bondit un animal vivant
La poitrine et les bras faisaient le même geste
Une femme riait
En renversant la tête
Et celui qui venait nous avait confondus
Nous étions tous les trois sans nous connaître
Et nous formions déjà
Un monde plein d’espoir

Pierre Reverdy

 

Les ardoises du toit,
: La plupart du temps (coll. Poésie/Gallimard, 1989)


C’est pour celà que tu l’as reconnue – ( RC )


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Que se passe-t-il, une fois retraversé le temps ?
Ou plutôt que le temps nous ait retraversé.
Tu as enfoui dans ta mémoire un évènement
vécu dans ta jeunesse… oh, rien de spectaculaire :
une impression, un bruit, une odeur , une image.

Et tout cela s’est transformé en une petite boule invisible,
une graine, comme il doit y en avoir tant d’autres.
Puis un jour tu es revenu au même endroit,
et ces impressions, ces odeurs, identiques
sont venues te traverser, comme si tu étais passé
de l’autre côté d’une surface, qui serait venue
s’interposer, entre ce que tu étais
et ce que tu es aujourd’hui.

Tu saisis une limite mystérieuse,
qui n’a pas de consistance,
encore moins que celle du tain d’une glace
où tu sembles regarder un autre toi-même
avec lequel tu serais prêt à dialoguer.

Bien entendu, d’autres morceaux d’existence ,
d’autres graines seraient prêtes à éclore,
si les circonstances s’y prêtent…
en fait il suffirait de plonger au plus profond de soi,
que l’espace qui nous en sépare se dissolve .

Çà peut arriver. C’est une sorte de réminiscence,
qui franchit des limites mystérieuses.
Mais plus encore, quand ces impressions,
une fois exprimées, sont aussi partagées par d’autres .
comme si elles n’avaient plus d’hier ni demeure ,
comme si on passait en-dehors de notre enveloppe,
à travers soi, pour rejoindre l’autre personne :
elle a peut-être vécu sur un rythme aux phases identiques

quelque part, elle s’est égarée dans les mêmes labyrinthes.
C’est pour celà que tu l’as reconnue.


RC – avr 2017

 


Jackson Pollock – ( RC )


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Ce sera comme une ivresse,
la tête vidée, informe,
et l’univers à soi,
qui tourbillonne.

La toile est déroulée sur le sol,
tu peux te permettre de la fouler aux pieds,
d’y lancer des éclats,

qui finissent en nébuleuses,
le noir combattant le blanc
à la manière d’un furieux yin et yang..

La main a le prolongement de peinture,
celle-ci goutte, jaillit,
à mesure que tu danses.

Tu perds la notion d’équilibre :
le haut et le bas peuvent s’inverser .
L’espace est un univers
d’une douzaine de mètres carrés,

et tu flottes au milieu
les gestes te répondent à peine,
tout ce qui arrive,
t’échappe des doigts .

Un vide à l’intérieur , et personne
ne comprend pourquoi tu tombes,
sans pourtant chuter

pourquoi les figures se dissolvent ,
pourquoi les lignes se nouent et se recouvrent,
presque à ton insu.

Et si c’est un excès, une fatigue
elle dépasse le ciel par sa transe,
dans une myriade d’éclaboussures.
Une fois jetées, violemment extraites du pot,

elles s’éparpillent comme des étoiles, :
un big bang renouvelé ,
des éclats figés sur la toile,
que personne ne peut rattraper.


RC – nov 2016

 

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